Trachome : vers un meilleur contrôle dans les zones toujours endémiques ?

Trachome : vers un meilleur contrôle dans les zones toujours endémiques ?

Le trachome était encore la première cause de cécité d’origine infectieuse dans le monde dans les années 1990. Véritable maladie de la pauvreté, le contrôle du trachome a été considéré comme une priorité pour l’OMS qui avait donc mis en place un plan à horizon 2020 avec une stratégie dont l’acronyme CHANCE en résumait les moyens : 1/ CHirurgie palpébrale précoce, 2/ Antibiothérapie (azythromycine monodose per os), 3/ Nettoyage du visage, 4/ CE pour Changement de l’Environnement : approvisionnement en eau et usage de latrines.
Cette stratégie a porté ses fruits car en 2017, de nombreux pays ont déclaré l’éradication du trachome (Cambodge, Chine, Ghana, Maroc, Mexique, Myanmar, Oman, République d'Iran, Laos et Viet Nam). Il reste toutefois dans certaines zones du monde une incidence de la maladie toujours élevée en dépit d’une stratégie d’antibiothérapie annuelle relativement bien suivie : ce sont les zones dites hyperendémiques. Lietman et al publie une étude réalisée dans le nord de l’Éthiopie (région du lac Tana), afin d’évaluer l’impact de différents schémas d’administration de l’antibiothérapie afin de viser un meilleur contrôle de l’infection, c’est-à-dire une prévalence de moins de 5% chez les enfants de moins de 10 ans, en accord avec les critères de l’OMS.
La zone géographique étudiée a été divisée en 72 régions qui étaient couvertes par 335 équipes de l’état. Ainsi chaque équipe était dédiée à une population de 1400 à 1500 individus répartis dans différentes parties du nord de l’Éthiopie. L’étude a duré un an et la distribution d’azithromycine était soit reportée ou alors assurée à un rythme annuel, semestriel ou trimestriel (mais dans ce dernier groupe seuls les enfants étaient traités). L’objectif était l’évaluation à 12 mois de la stratégie chez les enfants et les adultes en réalisant un écouvillonnage de la conjonctive tarsale de la paupière supérieure afin d’estimer, sur la base des résultats de la PCR, la prévalence de l’infection à C. trachomatis.
A 12 mois, la prévalence sans traitement était de plus de 45% chez les enfants et la baisse était significative pour tous les modes de distribution, avec une réduction de 30,6% (traitement annuel), 36,5% (traitement semestriel), et 42% (traitement trimestriel). Il n’y avait pas de différence significative entre le traitement annuel et semestriel, par contre le traitement le plus intensif était significativement plus efficace que le traitement annuel (p=0,007). Chez les adultes, la prévalence oculaire de C. Trachomatis était à 14% dans le groupe non traité et diminuait de façon significative avec l’intensification du traitement (p<0,0001). La distribution annuelle permettait une diminution de prévalence de 6,6% et la distribution semestrielle de 11,1%, soit un gain supplémentaire significatif entre ces deux régimes (-4,5% ; p=0,02).

 

Au total, l’intensification du traitement apparaissait comme une solution efficace pour  contrôler au mieux le trachome dans les régions dites hyperendémiques et toujours résistantes à une distribution annuelle d’azithromycine. Il est à noter que dans cette étude, plus de 90% de la population étudiée avait suivi le protocole de distribution de façon stricte, ce qui n’est peut-être pas le cas dans la vraie vie. D’autre part, il ne faut pas oublier que l’augmentation du traitement monodose systémique est également corrélée avec une augmentation des résistances aux macrolides pour le reste de la flore oculaire et aussi bucco-pharyngée, voire intestinale, ce que cette étude n’a malheureusement pas analysé.
Cette étude apporte donc des arguments forts sur la faisabilité de l’éradication du trachome dans les quelques poches hyperendémiques qui persistent encore, mais au prix d’une consommation antibiotique par voie systémique et répétée, ce qui pourrait avoir aussi des effets délétères sur l’émergence de résistance dans ces régions. Une alternative intéressante pourrait être de privilégier la forme topique de l’azithromycine, utilisée en France depuis plus de 10 ans, entre autres dans l’indication des conjonctivites chlamydiennes. La difficulté, en dehors du coût, reposerait toutefois sur les modalités du traitement, réparti sur 3 jours, ce qui pose un problème de délivrance et d’observance dans les régions les plus déshéritées de notre planète.

Lietman TM, Ayele B, Gebre T, et al. Frequency of Mass Azithromycin Distribution for Ocular Chlamydia in a Trachoma Endemic Region of Ethiopia: A Cluster Randomized Trial. Am J Ophthalmol. 2020;214:143-150. doi:10.1016/j.ajo.2020.02.019


Reviewer : Jean Rémi Fénolland, thématique : Infection, surface oculaire, trachome