Un essai défavorable aux collyres hyperosmolaires ?

Revue de la presse d’octobre 2021

 

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau

Coordination : Marc Labetoulle

 

Revues sélectionnées :                                                                        

Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.

 


Un essai défavorable aux collyres hyperosmolaires ?

 

L’essai EDEMAS publié ce mois-ci dans la revue Ophthalmology visait à tester de façon rigoureuse l’effet des collyres hyperosmolaires (ODM5, Horus Pharma) contre un placebo, en l’occurrence de l’acide hyaluronique 0,15% (BLUpan Soft UD, Penta Arzneimittel GmbH). Cet essai allemand, indépendant de l’industrie, était unicentrique en double aveugle, randomisé et contrôlé et il a inclus 68 patients souffrant d’une dystrophie endothéliale de Fuchs avancée et nécessitant une greffe endothéliale par DMEK. Un œil était traité par ODM5 (osmolarité de 1793 mosm/kg) et l’autre par acide hyaluronique à 0,15% (osmolarité de 317 mosm/kg), ce traitement servant de contrôle en tant que véhicule, car l’ODM5 est une association de NaCl  à 5% et d’acide hyaluronique à 0,15%.

 

La veille de la chirurgie par DMEK, les patients étaient hospitalisés dans la matinée et la pachymétrie minimale était évaluée à l’aide d’un Pentacam 4h après le réveil, ce qui constituait la mesure de référence qui était de 598 µm dans le groupe ODM5 et de 594 µm dans le groupe véhicule. Le lendemain matin, avant la chirurgie et dès le réveil du patient, l’épaisseur cornéenne était majorée à 626 µm dans le groupe ODM5 et à 622 µm dans le groupe témoin. Une heure après instillation de deux gouttes du traitement, la variation d’épaisseur était de -10,5 µm dans le groupe ODM5 et de -11,2 µm dans le groupe témoin, soit une différence non significative (p=0,59). Le gain d’acuité visuelle était de 1,4 lettres dans le groupe ODM5 et de 2,2 lettres dans le groupe contrôle, tandis que la sensation d’amélioration visuelle (sur une échelle analogique de 0 à 10) était inférieure pour le groupe traité par ODM5 que par acide hyaluronique seul. Les patients rapportaient de façon significativement plus élevée des effets indésirables dans le groupe ODM5 en rapport avec des sensations de picotement ou de brûlure.

 

Voici donc une étude simple qui n’est pas apparemment en faveur des collyres hyperosmolaires pour la prise en charge des patients relevant d’une greffe de cornée de type DMEK, mais il s’agit en réalité d’une information attendue puisque, par définition, ces cornées sont justement à un stade au-delà des ressources médicales conventionnelles.

 

Les auteurs concluent dans le résumé de l’article que les collyres hyperosmolaires ne doivent pas être utilisés en routine dans les œdèmes de cornée avec déverrouillage matinal, alors que cet essai clinique concerne des patients à un stade chirurgical, que le traitement ne semble pas avoir été donné à sa dose optimale et qu’il n’y a aucun suivi dans le temps de son efficacité. Cette publication est donc également une excellente occasion de rappeler que les résumés des articles ne doivent pas être la source d’information, et qu’ils doivent à l’inverse être pris en compte avec un esprit critique éclairé par la lecture intégrale des articles…

 

Zander DB, Böhringer D, Fritz M, et al. Hyperosmolar eye drops for diurnal corneal edema in Fuchs' endothelial dystrophy: A double-masked, randomized controlled trial. Ophthalmology. 2021 Nov;128(11):1527-1533.

 

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland, thématique : cornée