Un marquage du rhexis au femtoseconde pour améliorer la précision des implants toriques

Fenolland Jean-Rémi
Rousseau Antoine

Revue de la presse de février 2021

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées :
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.

 


Un marquage du rhexis au femtoseconde pour améliorer la précision des implants toriques

Les implants toriques ont largement contribué à améliorer les résultats réfractifs de la chirurgie de la cataracte. Pour placer avec précision l’implant dans l’axe calculé en préopératoire (condition sine qua none d’un bon résultat réfractif), la technique la plus commune est le marquage de l’axe horizontal au limbe à l’aide d’un stylo dermographique et d’un pendule ou d’un niveau à bulle. Cette étape est le plus souvent réalisée en salle d’opération sur un patient assis qui regarde devant lui pour éviter les erreurs liées au phénomène de cyclotorsion lors du passage en décubitus. Pendant l’opération, un anneau de Mendez gradué permet de marquer l’axe (toujours au limbe) dans lequel l’implant doit être positionné. Cette technique manuelle a ses avantages : elle est rapide et peu coûteuse mais elle peut manquer de précision. Tout d’abord parce que le marquage de l’axe horizontal est parfois délicat : le patient peut bouger, le feutre peut « baver » ou s’effacer. Ensuite parce que les marques limbiques (de l’axe horizontal comme de l’axe de positionnement) sont assez distantes de l’implant en termes de profondeur, ce qui rend possible un décalage. Une autre technique est le repérage per-opératoire de l’axe d’implantation par un système informatisé de reconnaissance irienne (image préalablement enregistrée en consultation, avec le patient en position assise).
Des collègues chinois proposent, dans le numéro de février de l’American Journal of Ophthalmology une technique de repérage de l’axe de l’implant sophistiquée et élégante qui améliore sensiblement les résultats réfractifs des implants toriques.
La procédure comporte 2 étapes spécifiques. D’abord, l’iris est photographié en préopératoire après dilatation en position assise (à l’aide du topographe OPD scan III, Nidek). La photographie est ensuite transférée dans une plateforme femtoseconde de chirurgie de la cataracte (Lensar) dans laquelle est rentrée l’axe de positionnement de l’implant. Lors de la chirurgie, le laser femtoseconde est utilisé pour découper le rhexis, sur lequel deux marques diamétralement opposées (en fait, 2 petites languettes dirigées vers le centre) sont réalisées pour indiquer l’axe de positionnement de l’implant, étalonné sur la photographie irienne.
Les auteurs ont comparé 2 groupes de patients opérés de la cataracte avec un astigmatisme cornéen supérieur à 1 D : les yeux des patients du premier groupe (31 yeux de 31 patients) étaient opérés avec un marquage manuel (décrit en introduction), les yeux du second (26 yeux de 26 patients) avec la technique impliquant le transfert de la photo irienne et la découpe du rhexis au femtoseconde. A noter que dans le second groupe, seul le rhexis était réalisé à l’aide du laser femtoseconde (l’incision et la fragmentation du noyau étaient réalisées manuellement, pour limiter les biais de comparaison entre les groupes). Les deux groupes étaient comparables en termes d’astigmatisme et de réfraction préopératoire. En revanche, à 3 mois, l’astigmatisme résiduel était significativement moindre dans le groupe femtoseconde (0,64±0,26 versus 0,30±0,18 LogMAR, p<0,05), avec pour corollaire une meilleure acuité visuelle non corrigée (0,15±0,09 versus 0,23±0,11 LogMAR, p<0,05). De même, il y avait significativement plus d’yeux avec un astigmatisme <0,5D dans le groupe femtoseconde (12 vs 23). Les auteurs confirmaient par ailleurs que l’acuité visuelle non corrigée post-opératoire était négativement corrélée à l’astigmatisme résiduel et à l’écart entre l’axe de positionnement de l’implant (déterminé sur des photos postopératoires grâce à un logiciel d’analyse d’image) et l’axe prévu.
Cette étude propose donc une nouvelle voie prometteuse (mais réservée aux utilisateurs de laser femtoseconde) pour encore améliorer la précision et la reproductibilité de la chirurgie de la cataracte. Toutefois, si le laser femtoseconde apporte clairement un avantage pratique dans cette innovation (l’alignement des repères de l’ICP sur les deux languettes du rhexis est très intuitif), il aurait été idéal de comparer cette technique avec un positionnement de l’implant assisté par système de navigation / réalité augmentée, également basée sur la reconnaissance irienne, mais moins couteux en termes de consommable (pas d’utilisation d’un laser femtoseconde, adaptation facile du système de navigation sur la plupart des microscopes opératoires), et moins complexe à mettre en œuvre (pas besoin du laser, temps gagné et meilleur confort pout le patient car pas de recours à un anneau de succion). Enfin, il faudra aussi évaluer si la spectaculaire précision réfractive obtenue grâce à ces systèmes est stable dans la durée, ce qui reste encore à déterminer.

Chen Q, Zhang G. Iris registration capsulotomy marking versus manual marking for toric intraocular lens alignment in cataract surgery. Am J Ophthalmol. 2021 Jan;221:97-104.>/p>

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : cataracte