Un nouveau principe de thérapie génique rétinienne : l’optogénétique

Revue de la presse de mai 2021

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées :
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.


Un nouveau principe de thérapie génique rétinienne : l’optogénétique

Les rétinites pigmentaires (RP) correspondent à un ensemble de maladies génétiques cécitantes qui touchent les photorécepteurs et l’épithélium pigmenté rétinien. Depuis 2017, une première thérapie génique est disponible dans le traitement des RP de formes débutantes secondaires à une mutation bi-allélique du gène RPE65 (Luxturna, Novartis). Ce traitement est d’ailleurs désormais commercialisé et remboursé en France, mais l’indication de prescription est encadrée en raison du prix du traitement qui est de plusieurs centaines de milliers d’euros.

 

Une équipe internationale coordonnée par le Pr José-Alain Sahel vient de publier dans la revue Nature Medicine une nouvelle forme de thérapie génétique rétinienne qui fait appel à l’optogénétique, un terme qui désigne des outils génétiques sensibles à la lumière afin de contrôler l’activité neuronale. Le promoteur est la startup biomédicale française GenSight Biologics. Ainsi, ce traitement dont le nom de développement est GS030 consiste en l’association d’une thérapie optogénétique (nommée GS030-DP) et d’un masque (nommé GS030-MD). Schématiquement, la thérapie génique consiste en la transfection des cellules rétiniennes ganglionnaires rétiniennes par injection intravitréenne d’un vecteur adénoviral codant pour une protéine transmembranaire, la protéine ChrimsonR. Cette protéine qui est une protéine mutée issue de Chrimson, un canal cationique identifié chez les algues du genre Chlamydomonas noctigama, a pour propriété d’être photoactivable, car elle comporte une rhodopsine qui est rendue sensible à une longueur d’onde de 590 nm dans le cas de ChrimsonR. La deuxième partie du traitement est un masque qui capte la lumière du monde extérieur grâce à une camera neuromorphique et en assure le transcodage en lumière monochromatique de 595nm afin de stimuler la protéine ChrimsonR, qui s’exprime dans la rétine du patient préalablement traité. Cette longueur d’onde s’éloigne volontairement du bleu afin de limiter le myosis secondaire à l’activation de la voie des cellules ganglionnaires rétiniennes sensibles à la lumière bleue.

 

Après des essais encourageant chez le primate non-humain, une étude de Phase 1/2a dénommée PIONEER est actuellement en cours. Celle-ci, qui devrait inclure une quinzaine de patients à terme, a pour but d’estimer l’efficacité de la procédure chez l’homme, en espérant ainsi redonner un certain niveau de vision à des patients porteurs d’une RP très évoluée, avec des acuités visuelles inférieures à « compte les doigts ».

 

La publication du Pr Sahel rapporte la première amélioration de fonction visuelle chez un des patients inclus dans cet essai. Cet homme âgé de 58 ans et pour lequel le diagnostic de RP a été posé il y a 40 ans avait une vision limitée à la perception lumineuse dans les deux yeux. Le moins fonctionnel des deux a été traité par une injection intravitréenne de 5x1010 copies du vecteur optogénétique. Le suivi n’a pas mis en évidence d’effet indésirable systémique ou dans l’œil, en particulier pas d’inflammation.

 

Quatre mois et demi après l’injection du vecteur, l’entrainement à l'utilisation du dispositif GS030-MD a pu commencer, et c’est au bout de sept mois que le patient a commencé à signaler des signes d'amélioration visuelle, c’est-à-dire 11 mois après l’injection intravitréenne. Les tests visuels ont montré qu'il avait acquis la capacité de percevoir, de localiser, de compter et de toucher des objets lorsque son œil traité était stimulé par les lunettes GS030-MD. Sans les lunettes, ou avec mais avec l’œil non traité, il ne pouvait pas effectuer ces tâches. Un monitorage de l’activité électroencéphalographique en EEG suggérait également que la réalisation des tests de perception visuelle s'accompagnait d'une activité électrique dans le cortex visuel. Le patient a également fait état d'améliorations significatives de sa capacité à mener des activités quotidiennes telles que la navigation dans des environnements extérieurs et intérieurs et la détection d'objets et de meubles domestiques.

 

Ce résultat spectaculaire ouvre ainsi la voie à d’autres applications de l’optogénétique dans un avenir proche. Certes pour l’instant le gain visuel est limité, mais il s’agit d’un premier pas majeur, qui confirme des travaux qui se sont inscrits dans la durée avant d’obtenir ce résultat encourageant. Un des énormes espoirs de ce nouveau type de thérapie est qu’il pourrait potentiellement aider un grand nombre de patients qui présentent des atteintes des couches externes de la rétine ou de l’épithélium pigmenté rétinien. En effet, la reprogrammation se fait directement au niveau des cellules ganglionnaires rétiniennes, c’est-à-dire dans les couches internes qui sont conservées dans la RP mais également dans les DMLAs atrophiques très évoluées, ce qui élargit considérablement le nombre de candidats potentiels à ces nouveaux types de traitements, dès qu’ils seront validés dans ces indications….

 

Sahel JA, Boulanger-Scemama E, Pagot C, Arleo A, Galluppi F, Martel JN, Esposti SD, Delaux A, de Saint Aubert JB, de Montleau C, Gutman E, Audo I, Duebel J, Picaud S, Dalkara D, Blouin L, Taiel M, Roska B. Partial recovery of visual function in a blind patient after optogenetic therapy. Nat Med. 2021 May 24.

 

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland, thématique : rétine médicale / thérapie génique