Un nouveau traitement pour la neuromyelite optique

Neuro-ophtalmologie

La neuromyélite optique (NMO) ou maladie de Devic est une affection démyélinisante du système nerveux central dont l’atteinte se manifeste électivement au niveau médullaire et du nerf optique. Depuis l’observation en 2002 de dépôts de complément au niveau des lésions spinales, un des objectifs pharmacologiques était de développer une inhibition de ce dernier. Des anticorps très spécifiques des aquaporines-4 (AQP4) ont été mis en évidence en 2004 ce qui permit de mieux comprendre les interactions entre le complément sanguin et les IgG anti-AQP4 sur la barrière hémato-cérébrale. En 2013, une étude ouverte de phase 2 a permis de suggérer l’intérêt de l’eculizumab dans la prévention de rechute de NMO. Cet anticorps monoclonal inhibe l’activation du complément en bloquant le clivage de C5 en C5a, un médiateur paracrine proinflammatoire, et en C5b, qui sert à la formation du complexe d’attaque membranaire.

Ces résultats prometteurs ont permis de lancer une étude de phase 3 internationale, multicentrique randomisée en double aveugle contre placébo qui visait à tester l’eculizumab (Soliris, Alexion pharmaceuticals, USA) dans la prévention des poussées de NMO. Les résultats viennent d’être publiés dans le New England Journal of Medicine et le FDA a donné cet été son agrément pour l’usage de cet anticorps chez les patients souffrant de NMO.

Cet essai a inclus 143 patients, dont 91% de femmes, AQP4 positifs qui étaient randomisés selon un schéma 2:1 (2 patients dans le bras eculizumab pour un dans le bras placebo). Dans cet essai, les patients étaient tous sévèrement actifs, c’est-à-dire qu’ils avaient connu plus de deux poussées sur la dernière année, ou alors plus de trois sur les deux dernières années de suivi, dont une pendant l’année avant l’inclusion. Des patients déjà sous immunosuppresseurs pouvaient être inclus également. L’objectif principal de cet essai était de comparer le temps de survenue de la première nouvelle poussée dans les deux groupes.

Sur la population étudiée, 23 poussées ont été constatées dont 3 dans le bras des 96 patients sous eculizumab et 20 dans le bras des 47 patients contrôle (hazard ratio HR=0,06 ; p<0,001), soit une réduction relative de risque de 94%. A 3 ans de suivi, 96% des patients du bras eculizumab n’avaient pas présenté de poussées (temps médian de nouvelle poussée non calculable) contre 45% dans le bras placébo avec un temps médian de 103 semaines avant la première poussée. L’objectif secondaire, qui était l’étude de l’impact du traitement sur les scores de qualité de vie utilisés habituellement dans les affections démyélinisantes (score EDSS allant de 0=examen neurologique normal à 10=décès), ne donnait en revanche pas de résultat significatif à 3 ans (p=0,0597). 

Ce résultat, forcément décevant, pouvait s’expliquer de trois façons : i) la première poussée de NMO est sévère d’emblée avec en général une très mauvaise récupération neurologique, ce qui fait que le gain de sévérité relative des poussées suivantes s’exprime moins sur le score EDSS ; ii) le protocole du traitement par eculizumab est très contraignant avec une injection IV qui dure 35 minutes tous les 15 jours, et finalement limite le gain de qualité de vie ; iii) les effets indésirables du traitement pénalisent la vie des patients. Cette dernière explication est possible car si les données de sécurité montraient un taux d’événements indésirables de 745 pour 100 patients-années dans le groupe eculizumab contre 1127 dans le bras placebo, les patients sous eculizumab souffraient plus d’infections sévères respiratoires et de céphalées que les patients du groupe placebo. En outre, un patient est décédé dans le groupe eculizumab d’une infection pulmonaire tandis que deux patients étaient sortis du bras placebo en raison d’une pancytopénie fébrile et d’une infection pulmonaire.

Voici une avancée thérapeutique qui semble intéressante dans le cadre d’une maladie au pronostic naturel redoutable, mais il est fort probable que d’autres progrès soient rapidement rapportés dans ce domaine car d’autres essais cliniques sont actuellement en cours à propos d’anticorps modulant la réponse immunitaire sur d’autres voies (inhibition du CD19 des lymphocytes B et du récepteur à l’interleukine-6). Espérons tout particulièrement que ces autres traitements généreront moins d’effets indésirables graves et donc permettront d’observer une amélioration du score de qualité de vie qui est, in fine, le critère majeur de pertinence clinique d’un traitement.

Pittock SJ, Berthele A, Fujihara K, Kim HJ, Levy M, Palace J, Nakashima I, Terzi M, Totolyan N, Viswanathan S, Wang KC, Pace A, Fujita KP, Armstrong R, Wingerchuk DM. Eculizumab in aquaporin-4-positive neuromyelitis optica spectrum disorder. N Engl J Med. 2019 Aug 15;381(7):614-625. 

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland