Un réservoir d’anti-VEGF pour une délivrance sur 6 mois

Les résultats de l’étude Archway publié dans la revue Ophthamology laissent peut-être entrevoir une nouvelle façon de traiter les patients par anti-VEGF grâce à un allongement de la durée d’action du traitement. C’est une véritable problématique actuellement puisque les anti-VEGF, en intravitréen, ont une demi vie courte ce qui nécessite un suivi régulier et de fréquentes réinjections.

La solution innovante proposée dans cette publication ne provient pas d’une nouvelle molécule aux propriétés de rémanence augmentée mais grâce à l’usage d’un dispositif implantable dénommé PDS pour « Port Delivery System » (Genentech, USA) qui correspond à un mini réservoir implantable chirurgicalement au niveau de la pars plana, et qui permet de délivrer de façon continue un anti-VEGF pour une durée de 6 mois, du ranibizumab dans le cas de cette étude.

Ainsi l’étude de phase 3 Archway était randomisée, multicentrique et ouverte. Elle visait à évaluer d’une part la non infériorité du PDS contre des injections mensuelles de ranibizumab (Lucentis, Novartis) et bien sûr d’en évaluer la sécurité sur une durée d’observation de 9 mois. Notons que la durée initialement prévue par le laboratoire Genentech était de 6 mois, mais que les autorités de santé américaines ont souhaité la porter à 40 semaines afin probablement que la procédure de remplissage puisse être comprise dans la durée de l’observation de l’étude.

Les patients recrutés devaient avoir un diagnostic de DMLA exsudative depuis moins de 9 mois et avoir été traités pendant au moins 3 mois consécutivement par un anti-VEGF disponible (ranibizumab, aflibercept ou bevacizumab) avec une bonne réponse clinique et anatomique. Un total de 418 patients d’âge moyen de 75 ans ont pu être inclus dans cette étude et assignés selon un ratio 3:2 dans le groupe PDS (n=251) ou dans le groupe IVT (n=167). Dans le groupe PDS, le réservoir était implanté à la pars plana au bloc opératoire et rempli avec une solution de ranibizumab à une concentration de 100mg/ml pour une durée de traitement de 6 mois, tandis que dans le groupe IVT, le schéma était d’une injection mensuelle de ranibizumab 0,5 mg pour la durée de l’étude. Une visite post opératoire était prévue à J+2 et J+7 de l’implantation du PDS, et une injection intravitréenne de ranibizumab 0,5 mg était possible à M+4 et M+5 de l’implantation en cas de baisse de l’efficacité du PDS.

Au niveau des résultats, le traitement par PDS était non inférieur aux IVT mensuelles avec des résultats anatomique et fonctionnel semblables à 9 mois : l’AV était stable avec une variation de +0,2 lettre EDTDRS dans le groupe PDS contre +0,5 lettre ETDRS dans le groupe ranibizumab. Il y avait toutefois une baisse d’une ligne d’acuité visuelle ETDRS aux visites des premiers et deuxièmes mois, baisse d’acuité secondaire à l’implantation du dispositif. Du point de vue anatomique, il y avait une variation de l’épaisseur maculaire centrale de +5,4 µm dans le groupe PDS contre +2,6 µm dans le groupe IVT, différence non significative. Enfin notons que seulement 4 patients du groupe PDS (1,6%) devaient être réinjectés à partir de 4 mois de l’implantation du dispositif PDS. Ainsi, sur la durée de l’étude, les patients avaient en moyenne 2,0±0,3 injections, en incluant la pose et la recharge à 6 mois du PDS contre 10,7±1,3 IVT dans le groupe anti-VEGF.

Concernant les données de sécurité, il y avait 4 hémorragies intravitréenne déclarées dans le groupe ranibizumab en IVT mensuelles qui rétrocédaient sans nécessité d’une vitrectomie. Dans le groupe PDS, il y avait beaucoup plus d’événements indésirables parfois graves en rapport avec la procédure chirurgicale et qui se manifestaient en général au cours du premier mois. Ainsi, les auteurs rapportaient 16 épaississements de la conjonctive avec parfois formation d’une bulle séreuse qui pouvait fuir en regard du dispositif PDS, ces événements n’étaient pas qualifiés de graves. Une hémorragie vitréenne était constatée pour 13 yeux (5,2% des patients) dont une était qualifiée de grave car nécessitant une hospitalisation pour surveillance. Aucune hémorragie intra vitréenne ne nécessitait de vitrectomie et elles étaient résolutives à deux mois de l’implantation du PDS. Il n’y avait pas plus d’aggravation de cataracte dans le groupe PDS que dans le groupe IVT. Des phénomènes d’érosions conjonctivales étaient retrouvés chez 6 patients (2,4%) avec même parfois des rétractions conjonctivales chez 5 patients (2,0%) dont 9 devaient être traités chirurgicalement. Il y avait malheureusement des complications infectieuses avec 4 endophtalmies (1,6%) dont une causait une baisse irréversible d’acuité visuelle. Les complications vitréo-rétiniennes se manifestaient également par des décollements de rétine chez 2 patients, dont une était secondaire à la luxation du PDS dans le vitré au cours du remplissage du dispositif. Ainsi au bout des 40 semaines de suivi, 14 patients du groupe PDS, soit 5,6%, avaient présenté 20 effets indésirables graves en rapport avec le dispositif contre 2 patients dans le groupe IVT mensuelle qui présentaient un total de 2 événements indésirables graves, une hémorragie intravitréenne en rapport avec le traitement et une fracture de la face sans rapport avec le traitement.

Au total, la non infériorité du PDS contre des injections de ranibizumab mensuelles était atteinte dans cette étude, avec cependant des données de sécurité qui étaient défavorables à ce nouveau dispositif. Dès lors, il semble peu plausible, dans l’état actuel des choses de pouvoir généraliser ce type de réservoir à l’ensemble de la population souffrant d’une DMLA, cependant, cette innovation semble particulièrement importante car d’une part, il s’agit d’une délivrance continue pendant 6 mois qui devraient apporter un bénéfice non négligeable aux patients qui nécessitent des injections à un rythme soutenu, et d’autre part, pour certains patients difficiles à mobiliser, ou pour ceux qui vivent dans des zones sous dotées en ophtalmologiste, il sera enfin possible de pouvoir optimiser la prise en charge, en espaçant les rendez-vous de consultation, et pas seulement dans le cadre de la DMLA, puisque des essais sont en cours chez les diabétiques et pour le traitement des occlusions veineuse. Enfin, une inconnue notable reste le prix du dispositif et de la dose de remplissage en ranibizumab qui pourraient constituer un frein à la diffusion de cette innovation.

Holekamp NM, Campochiaro PA, Chang MA, Miller D, Pieramici D, Adamis AP, Brittain C, Evans E, Kaufman D, Maass KF, Patel S, Ranade S, Singh N, Barteselli G, Regillo C; all Archway Investigators. Archway Rndomized Phase 3 Trial of the Port Delivery System with Ranibizumab for Neovascular Age-Related Macular Degeneration. Ophthalmology. 2021 Sep 29:S0161-6420(21)00734-X. doi: 10.1016/j.ophtha.2021.09.016. Epub ahead of print.

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland, thématique : DMLA, rétine médicale.