Les virus, particules microscopiques infectieuses, sont responsables d’un très grand nombre de maladies infectieuses émergentes pour lesquelles l’œil n’est pas épargné. La recrudescence d’uvéites associées à des infections systémiques secondaires à des virus tels que EBOLA, ZIKA ou SARS-CoV2, épidémies historiquement notables par leur ampleur et leur sévérité, a suscité un regain d’intérêt pour l’implication de virus plus commun tel que le cytomégalovirus (CMV) dans ces uvéites pour beaucoup encore étiquetées idiopathiques.
Malgré son privilège immunitaire qui a pour but de préserver la fonction visuelle, l’œil peut donc être la cible du CMV. Ce virus semble infecter et se réactiver au sein des tissus oculaires. Si les tableaux cliniques apparaissent plus évidents chez les patients immunodéprimés, les facteurs favorisant la réactivation et son caractère symptomatique ne sont pas connus chez les patients immunocompétents. Les processus inflammatoires et infectieux secondaires au CMV peuvent être extrêmement délétères pour les tissus oculaires et entrainer dans certains cas une déficience visuelle sévère. Une connaissance plus approfondie de ces mécanismes apparait comme indispensable pour adapter les prises en charge de ces uvéites. La spécificité d’espèce stricte du CMV humain rend difficile l’utilisation de modèles animaux pour étudier sa pathogénicité. Nous avons donc créé des modèles d’explants d’iris et de corps ciliaires humains et testé leur viabilité. Par la suite, nous les avons infectés avec une souche de CMV dans le but de montrer l’infection de ces tissus oculaires.
Du 12 janvier au 12 Juillet 2020, après autorisation de l’Agence de la Biomédecine, nous avons prélevé les tissus oculaires de patients donneurs de cornée au CHU de Limoges. Un modèle par « trempage » et un modèle « éponge » ont été créés avec des iris et corps ciliaires. La viabilité de ces explants a été évaluée par spectrophotométrie après leur incubation avec un sel de tétrazolium, le WST-1, et par analyses histologiques après coloration HES. Une cinétique d’infection de ces fragments tissulaires par la souche de laboratoire de CMV humain TB40/E a été déterminée par qPCR multiplex de J0 à J8.
Le modèle ex vivo d’iris et de corps ciliaire par trempage a été retenu pour sa viabilité en comparaison au modèle « éponge ». Après infection, le nombre de copies de CMV/mL estimé dans les surnageants de culture s’effondrait de J0 à J2 pour ensuite augmenter à partir de J5. Une augmentation du nombre de copies d’ADN viral/million de cellules de J0 à J8 a également été observée dans les explants tissulaires du modèle.
Ce modèle nous a permis de montrer par qPCR l’infectiosité du virus du CMV humain dans nos explants tissulaires d’iris et de corps ciliaires. En effet, le virus semble rentrer dans ces cellules, s’y répliquer pour ensuite être relargué dans le milieu de culture. L’immunomarquarge ne nous a pas permis, quant à lui, de déterminer la localisation du virus au sein de ces tissus dans les conditions testées.
Le développement d’un tel modèle d’explant tissulaire pourrait permettre de mieux comprendre l’infection à CMV dans l’oeil. Des approches histologiques et moléculaires devront compléter ces premières explorations pour tenter de comprendre les mécanismes de l’infection à l’échelle des barrières hémato-oculaires. L’étude de molécules anti-virales pourrait également utilisée ces modèles.