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Phosphènes chez les patients irradiés par protonthérapie pour tumeur oculaire

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Orateurs :
Dr Thibaud MATHIS
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Résumé

Introduction

Les phosphènes ont été étudiés depuis des décennies dans les voyages spatiaux et en médecine. Plusieurs approches multidisciplinaires ont tenté de déterminer les mécanismes responsables de tels perceptions. L’effet Cherenkov, ainsi que d’autres interactions biochimiques, physiologiques et physiques ont été étudiés. Les patients subissant une protonthérapie dans le cadre du traitement d’une tumeur oculaire rapportent fréquemment l’apparition de phosphènes pendant au moins l’une des séances de traitement. Le but de ce travail est de discuter les différents mécanismes possibles expliquant l’apparition de phosphènes lors d’une protonthérapie à partir d’une cohorte traitée pour une tumeur oculaire.

Patients et Methodes

Une étude prospective a été menée au centre de radiothérapie Antoine Lacassagne à Nice pendant l’année 2015. Les patients nécessitant un traitement par protonthérapie ont été inclus. Ce traitement consistait en au moins 4 séances d’irradiations sur l’œil atteint. Une évaluation par questionnaire était réalisée quelques minutes après la fin de chaque séance. La présence, la forme et la couleur de ces phénomènes lumineux ont été recueillies.

Résultats

229 patients ont été inclus dans l’analyse. L’âge moyen était de 65 ans (40-66). 86%, 7.9%, 3.9%, 1.3% et 0.8% des patients avaient respectivement un mélanome uvéal, un mélanome/carcinome conjonctival, un mélanome de l’iris, un hémangiome ou une métastase choroïdienne. L’épaisseur moyenne de la tumeur était 7.8mm (5.0-11.0) pour un diamètre de 16mm (4-24). La dose moyenne totale d’irradiation était de 60 Gy (17-60). Parmi tous les patients, 63.8% ont rapportés des phosphènes dont 86% dans la population des mélanomes uvéaux. Les phosphènes bleus/violets représentaient 80.7% des cas. Les formes étaient très variables (traits, halos, flashs, points, …).  Il n’y avait pas de corrélations entre la dose délivrée et la perception de phosphènes mais il en existait une avec l’âge (61% de phosphènes chez les patients >65 ans versus 93% chez les patients <40 ans, p=0,002).

Discussion

Nous avons retrouvé une forte prévalence des phosphènes lors des irradiations par protonthérapie des tumeurs oculaires. Ceux-ci, préférentiellement de couleur bleu ont été pendant longtemps assimilés aux phosphènes ressentis par les astronautes, dont le mécanisme physique semble être dû à l’effet Cherenkov. Pour des raisons énergétiques, ce mécanisme n’est probablement pas responsable des phosphènes dans les yeux irradiés par protonthérapie. En effet, la trop faible énergie des particules utilisées dans le traitement des pathologies tumorales oculaires est en dehors du spectre d’application de l’effet Cherenkov. La stimulation des cellules ganglionnaires à mélanopsine, la stimulation directe des cônes ou l’émission de biophotons semblent être des mécanismes plus réalistes de production de phosphènes.

Conclusion

Les phosphènes sont très fréquents lors d’un traitement par protonthérapie, et ne doivent pas être sous estimés. Leur signification clinique mérite d’être appréciée et d’autres études sont nécessaires afin d’évaluer leur intérêt pratique. En effet, la stimulation directe de la rétine par le faisceau d’irradiation et la production de phosphènes pourrait être un facteur prédictif de l’atteinte rétinienne post-traitement.