Décrire un cas de toxocarose oculaire chez une patiente de 49 ans consultant pour baisse d'acuité visuelle brutale de l'oeil gauche
Name
Un animal de compagnie qui en met plein les yeux
But
Observation
Une patiente de 49 ans, présentant pour antécédent principal une sclérose en plaques secondairement progressive traitée par Mycophénolate Mofétil, consulte en urgence dans notre service, adressée par son ophtalmologiste pour baisse d'acuité visuelle brutale de l'oeil gauche. La patiente est traitée depuis 10 jours par anti-inflammatoires stérodiens à fortes doses et traitement mydriatique topique maximal. L'acuité visuelle, conservée à droite, est effondrée à gauche à compte les doigts. La pression intra-oculaire est normale. En lampe à fente, on retrouve à gauche des précipités rétro-descémétiques fins, un tyndall à 2 croix, des synéchies rompues avec au fond d'oeil une hyalite à 3 croix, rendant la rétine difficilement accesible. L'examen de l'oeil droit est sans particularité.
Cas clinique
La prise en charge initiale consiste à proposer un bilan diagnostique avec bilan sanguin d'uvéites comprenant notamment les sérologies de la toxoplasmose et des virus du groupe herpès, puis prescription d'un traitement anti-toxoplasmose et anti-herpétique per os par argument de fréquence avec arrêt du traitement de fond de la sclérose en plaques, après avis auprès de son neurologue. Les sérologies immunitaires et infectieuses standards ne retrouvent pas d'étiologie, et le tableau clinique reste sans amélioration. On décide d'entreprendre une vitrectomie diagnostique avec dosage des interleukines 6 et 10 et réalisation de sérologies infectieuses exhaustives. En per-opératoire, l'accès au fond d'oeil nous permet de mettre en évidence un foyer jaunâtre maculaire et temporal inférieur surélévé attenant à la papille. Les résultats des prélèvements écartent le diagnostic de lymphome intra-oculaire primitif. La présence de bandes spécifiques au Western Blot avec un taux d'igG spécifiques supérieurs au seuil de positivité nous permet de poser le diagnostic de Toxocarose oculaire, malgré l'absence d'hyperéosinophilie au bilan initial, qui aurait pu nous orienter. Un traitement efficace par anti-parasitaire (Albendazole) et Predinosolone est instauré. L'accès au fond d'oeil facilité par la vitrectomie, a permis de réaliser une angiographie qui a mis en évidence une diffusion au temps tardifs du foyer avec en tomographie par cohérence optique mise en exergue d'une membrane épi-rétinienne tractionnelle avec attache papillaire. La reprise de l'interrogatoire a souligné l'existence d'un chien insuffisamment vermifugé. On observe au cours du suivi diminution progressive de la diffusion du foyer à l'angiographie. Malgré un traitement approprié, l'acuité visuelle remonte timidement à 0.06 P28 du fait de la présence d'une cicatrice maculaire.
Discussion
La toxocarose est une anthropozoonose dûe à l'infestation de l'Homme par des larves d'un nématode parasite des canidés ou des félidés. L'Homme se contamine en absorbant des oeufs présents dans le sol souillé par l'animal. Outre les lésions digestives, la toxocarose se manifeste sur un plan oculaire par ordre de fréquence par des lésions à type de granulomes rétiniens postérieurs, de pseudo-gliomes ou de granulomes rétiniens périphériques. Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence de larves dans le tissu lors d'une énucléation (ou d'une autopsie) ou par mise en évidence d'anticorps spécifiques dans les prélèvements de liquides oculaires.
Conclusion
La toxocarose oculaire est un diagnostic qu'il faut évoquer devant une panuvéïte rebelle au traitement médical, a fortiori si l'entourage direct est composé de chiens ou de chats.