Récepteurs des médicaments et autres cibles thérapeutiques
F. Behar-Cohen
L'essentiel
La plupart des médicaments agissent par liaison à des protéines qui sont
des récepteurs transmembranaires ou nucléaires. Les médicaments peuvent agir
comme agonistes ou antagonistes des récepteurs.
L'activation d'un récepteur peut faire intervenir un mécanisme de
transduction qui met en jeu un second messager.
On distingue quatre grandes classes de récepteurs : les récepteurs-canaux
activés par la liaison d'un ligand, les récepteurs couplés aux
protéines G, les récepteurs liés à l'activité d'une kinase et les
récepteurs nucléaires.
D'autres médicaments agissent en modifiant une activité enzymatique,
ou agissent en neutralisant un facteur de croissance, ou en interférant avec
l'expression d'une protéine endogène.
Introduction
La pharmacodynamie est l'étude des effets biologiques des médicaments sur
l'organisme. La traduction de la pharmacodynamie, sur le plan clinique, est centrée
sur l'intérêt de ces effets pour modifier ou corriger des altérations organiques ou
cellulaires de l'organisme (pharmacologie).
Les effets pharmacologiques des médicaments sont obtenus par des
interactions médicament/récepteur ou par des interactions entre des médicaments et
des composants tissulaires comme la matrice extracellulaire, ou un composant
spécifique de la cellule (par exemple des acides nucléiques ou des organites
cellulaires, des protéines solubles, etc.).
Dans ce chapitre, nous aborderons principalement les effets des
médicaments résultant de leur liaison à des récepteurs. Les autres types
d'interactions seront brièvement décrits.
Rappel général sur les récepteurs
Les récepteurs sont des protéines situées soit sur la membrane plasmique,
soit dans le cytoplasme, soit dans le noyau d'une cellule. La capacité d'un
médicament de se lier à un récepteur est régie par des forces physicochimiques et
des interactions allostériques. Les récepteurs sont classés en récepteurs kinases,
canaux ioniques, récepteurs couplés aux protéines G et récepteurs intracellulaires.
Les deux principaux termes utilisés pour décrire les propriétés des
médicaments sur les récepteurs sont la puissance et l'efficacité. La
puissance est liée au dosage et l' efficacité est la capacité du
médicament d'activer un récepteur. L'efficacité est une mesure de la réponse du
médicament et est déterminée par une courbe dose-réponse représentée dans la figure
4-1
Fig. 4-1Courbe dose-réponse de trois agonistes différents permettant de visualiser la puissance et l'efficacité des médicaments.
Les médicaments A et B ont la même efficacité mais sont plus efficace que le médicament C. Le médicament A est plus puissant que les médicaments B et C. DE : dose équivalente.
. Lorsque l'activité d'un médicament diminue, la courbe dose-réponse se déplace vers
la droite. Le médicament A et le médicament B ont la même efficacité, mais sont plus
efficaces que le médicament C. La DE 50 est la dose de médicament
nécessaire pour obtenir une réponse chez 50 % des animaux in vivo. La CE
50 est la concentration de médicament pour laquelle on observe une
réponse médiane entre la ligne de base et l'effet maximal après un certain temps
d'exposition au médicament in vitro. La constante de dissociation (Kd) reflète
l'affinité du ligand (le médicament) pour son récepteur, c'est-à-dire la
concentration de ligand qui occupe, à l'équilibre, 50 % des sites récepteurs.
Selon que les études sur les médicaments et les récepteurs sont réalisées
in vitro ou in vivo, les courbes sont appelées respectivement courbes
concentration-réponse ou courbes dose-réponse (fig.
4-2
Fig. 4-2Courbes dose-réponse.Le médicament A est un agoniste complet qui provoque une réponse maximale. Le médicament B est un agoniste partiel. Le médicament C est un antagoniste. Le médicament D produit une réponse opposée à celle du médicament A et est classé comme agoniste inverse.
).
Dans cette relation médicament-récepteur, il n'y a pas de corrélation
simple entre l'augmentation des doses et les effets pharmacologiques. En effet, à
l'état de base, les récepteurs sont disponibles pour la fixation des médicaments,
mais au fur et à mesure que les concentrations de médicaments augmentent, il y a
moins de récepteurs disponibles et la relation effet-dose peut atteindre un point de
saturation.
Les différents types de récepteurs
Nous détaillerons la description de quatre types de récepteurs
: les canaux ioniques sensibles à un ligand ou récepteurs ionotropes, les
récepteurs couplés aux protéines G, les récepteurs liés à une kinase et les
récepteurs nucléaires (fig.
4-3
Fig. 4-3Diagramme des quatre grandes familles de récepteurs, montrant leur mécanisme intracellulaire et la durée de leurs réponses.
Source : Cyrille Martinet.
).
Canaux ioniques sensibles à un ligand
Un récepteur ionotrope ou canal ionique sensible à un ligand
( ligand-gated ion channels [LGIC]) est une protéine membranaire qui
ouvre un canal ionique grâce à la liaison d'un messager chimique ou d'un
neurotransmetteur [1].
Ces récepteurs sont en général sélectifs à un type d'ions tels que Na
+ , K + , Ca ++ ou Cl − . Selon
la nomenclature, les LGIC regroupent :
des récepteurs excitateurs : les récepteurs-canaux (ou ionotropes)
du glutamate (iGluR), les récepteurs nicotiniques à l'acétylcholine
(nAChR), les récepteurs sérotoninergiques (5-HT3R) et les récepteurs
à l'ATP (P2XR);
des récepteurs inhibiteurs qui incluent les récepteurs au GABAA, ou
acide γ-aminobutyrique (GABAAR), et les récepteurs glycinergiques
(GlyR).
Les LGIC peuvent aussi être classés en :
récepteurs trimériques (P2XR), activés par l'ATP
extracellulaire et perméables aux cations. Ils appartiennent à la
famille plus large des récepteurs purinergiques;
récepteurs tétramériques (iGluR) formant une superfamille dont les
membres sont les récepteurs ionotropes du glutamate (iGluR),
répartis en quatre sous-familles : les récepteurs AMP A (acide
α-amino-3-hydroxy-5-méthyl-4-isoxazoleproprionique ou rAMP As), les
récepteurs à l'acide kaïnique (rKAs), les récepteurs au NMDA
(N-méthyl-D-aspartate) et les récepteurs delta (δR);
récepteurs pentamériques formant une superfamille dont les membres
sont des récepteurs excitateurs, perméables aux cations, les nAChR,
les récepteurs sérotoninergiques (5-HT3) et les récepteurs activés
par le zinc (ZAC), et des récepteurs inhibiteurs, perméables aux
anions, les récepteurs de l'acide γ-aminobutyrique (GABAA,
GABAC) et les récepteurs glycinergiques (GlyR).
On les nomme aussi récepteurs cys-loop en raison d'une boucle
conservée de 13 acides aminés du domaine extracellulaire de chaque
sous-unité, maintenue par un pont disulfure. Les récepteurs pentamériques
sont des cibles thérapeutiques majeures pour des anesthésiques, des
anxiolytiques, des sédatifs (comme les benzodiazépines) (fig.
4-4
Fig. 4-4Représentation schématique de la topologie membranaire et de la stœchiométrie d'assemblage des sous-unités des trois classes de récepteurs-canaux : récepteurs pentamériques, récepteurs tétramériques et récepteurs trimériques P2X.
Source : Cyrille Martinet.
). Les canaux ioniques sensibles à un ligand forment ainsi de larges
complexes composés de sous-unités homologues s'arrangeant autour d'un pore
central ou d'un canal ionique isolé de la membrane lipidique, permettant des
flux ioniques rapides et un accès direct au solvant. Le large domaine
extracellulaire éloigné de la membrane comporte les sites de liaison aux
neurotransmetteurs. Localisés au niveau des synapses, les canaux ioniques
sensibles à un ligand convertissent un message chimique véhiculé par un
neurotransmetteur présynaptique en un message postsynaptique électrique en
quelques millisecondes entre les neurones (fig.
4-5
Fig. 4-5Exemple de transmission synaptique par un canal ionique ligand-dépendant au niveau de la fente synaptique.
La fixation de Acétylcholine l'acétylcholine à son récepteur ouvre les canaux ioniques.
Source : Cyrille Martinet.
).
Récepteurs couplés aux protéines G
Les récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) représentent la
plus grande famille de protéines membranaires et la plus importante famille
de protéines codées par le génome humain [2].
Chez l'homme, environ 1000 gènes codent pour des RCPG. Ces récepteurs,
exprimés dans toutes les cellules, sont des transmetteurs essentiels de
signaux extracellulaires de toutes natures vers l'intérieur de la cellule.
Ils représentent donc des cibles thérapeutiques très intéressantes pour le
traitement des maladies cardiaques, des désordres inflammatoires ou des
altérations du système nerveux central. Plus de 35 % des médicaments
présents sur le marché ciblent des RCPG spécifiques. Quelques exemples de
pathologies et de médicaments illustrent aisément ce point : douleurs
(morphine), maladies mentales (antipsychotiques), hypertension
(anti-angiotensine, β-bloquants), ulcères digestifs (antihistaminiques H
2), migraines (inhibiteurs des récepteurs de la sérotonine
5-HT1D/1B, etc.). Le prix Nobel de chimie fut décerné en 2012 à Robert
Lefkowitz et Brian Kobilka pour leurs travaux sur les RCPG, soulignant
l'importance de ces récepteurs dans la physiopathologie et les découvertes
de molécules d'intérêt thérapeutique. Les RCPG ont de très nombreux ligands,
des hormones, des nucléotides, des protéines, des peptides, des cytokines et
chimiokines, des lipides, des ions, des neurotransmetteurs, mais aussi des
messages issus des fonctions sensibles (odeurs, stress mécaniques) ou des
photons. La liaison du récepteur par les ligands induit un changement de sa
conformation, puis l'activation des protéines G ou des arrestines, qui
induit la signalisation intracellulaire. En fonction de différentes
catégories de ligands, on observe divers types de modifications du
récepteur. Les agonistes activent le récepteur et le stabilisent dans sa
forme active; les antagonistes réduisent l'activité à l'état de base et les
agonistes inverses inactivent toute activité du récepteur. Tous les RCPG se
composent de trois régions : la partie extracellulaire N-terminale détecte
le ligand et s'y fixe; la région transmembranaire à sept domaines connectés
par trois boucles extracellulaires subit les changements conformationnels;
ces derniers activent l'extrémité C-terminale, déclenchant la protéine G ou
arrestine correspondante (fig.
4-6
Fig. 4-6Représentation schématique de la structure des récepteurs couplés aux protéines G.
Ce sont des récepteurs membranaires constitués de sept hélices transmembranaires connectées par trois boucles extracellulaires et trois boucles intracellulaires. La liaison aux domaines extracellulaires du récepteur induit l'activation de la protéines G (échange GDP/GTP) intracellulaire.
Source : Cyrille Martinet.
). À l'intérieur de la cellule, les protéines G ou les arrestines
déclenchent de multiples réponses par l'intermédiaire d'effecteurs et de
seconds messagers, comme l'adénosine 3,5-monophosphate cyclique (AMPc), ou
une mobilisation du calcium intracellulaire, une activation de la voie
Rho-Kinase ou une phosphorylation des protéines kinases 1/2 (pERK1/2) (fig.
4-7
Fig. 4-7Représentation schématique de l'activation des protéines G et leurs effecteurs.
À l'état inactif, la protéine G comprend les trois sous-unités Gα, Gβ et Gγ. La sous-unité Gα lie une molécule de guanosine diphosphate (GDP). La liaison du ligand aux récepteurs favorise le couplage du récepteur à la protéine G. Cela induit une dissociation de Gα au GDP. La guanosine triphosphate (GTP) peut alors se fixer sur la sous-unité Gα « vide». L'échange GDP/GTP induit une dissociation du complexe hétérotrimérique : Gα-GTP et le complexe Gβγ 20 (représenté par le rectangle bleu). Les sous-unités dissociées peuvent alors activer des effecteurs.
Source : Cyrille Martinet.
), ou encore par une internalisation et une désensibilisation des récepteurs
(fig.
4-8
Fig. 4-8Désensibilisation des RCPG. a. Activation d'un RCPG par un agoniste, ce qui induit l'activation d'une protéine G. b. Le domaine C-ter du récepteur est alors phosphorylé par une GRK (G protein-coupled receptor kinase) et la β-arrestine cytoplasmique est recrutée au niveau du récepteur, tandis que la protéine G est découplée. c. Les récepteurs peuvent être endocytosés par la voie des clathrines et être recyclés à la membrane plasmique ou dégradés via les lysosomes.
Source : Cyrille Martinet.
). L'endocytose de récepteurs fait intervenir des processus
d'ubiquitinisation. Les RCPG sont regroupés en quatre classes distinguées
par les séquences de leurs domaines transmembranaires :
la classe A, la plus abondante (environ 700 membres), est la
famille de type rhodopsine. Elle comprend aussi le récepteur de l'adrénaline
et de la sérotonine. Cette classe de récepteurs est la plus ciblée
sur le plan thérapeutique : plus de 500 médicaments qui fondent leur
activité sur une interaction avec un RCPG ciblent la classe A avec
des indications allant des douleurs aux allergies, maladies
cardiovasculaires, à l'hypertension artérielle, aux maladies
pulmonaires, à la dépression, la migraine, le glaucome, la maladie
de Parkinson, la schizophrénie, etc. Les récepteurs des chimiokines,
des prostanoïdes et de la mélanocortine sont des cibles actuellement
testées dans les essais cliniques [3];
la classe B comprend environ 50 membres, des récepteurs de grands
peptides tels que la calcitonine, la sous-famille des sécrétines :
le peptide intestinal vasoactif (VIP), le peptide activant l'adénylate
cyclase hypophysaire (PACAP), le facteur de libération de la
corticotropine (CRF), l'hormone parathyroïdienne (PTH), l'hormone
de libération de l'hormone de croissance (GHRH), le peptide lié
au gène de la calcitonine (CGRP), le glucagon et les peptides
semblables au glucagon (GLP) et la sous-classe des récepteurs d'adhésion.
À ce jour, de multiples agonistes du récepteur du GLP-1 (GLP-1R) ont
été développés pour le traitement du diabète [
4];
la classe C comprend, à ce jour, 22 récepteurs et inclut les
récepteurs du glutamate, du GABA, des glucides, les récepteurs
sensible au Ca 2+ ou le récepteur du calcium
extracellulaire (CaSR), et certains récepteurs des phéromones et du
goût. La classe C possède un large domaine extracellulaire formé par
deux lobes (appelé Venus Fly-Trap , nom de la plante
carnivore, dionée attrape-mouches) qui permet d'être activé
tout en restant ouvert pour être accessible par la fixation d'antagonistes.
Certains récepteurs de la classe C sont des hétérodimères
obligatoires;
la classe D contient les récepteurs frizzled et
smoothened impliqués au cours du développement et dans le
cerveau. La complexité de ces voies de signalisation a limité les
initiatives de découverte de médicaments. Mais certains essais
voient actuellement le jour.
Fig. 4-9Organisation d'un récepteur couplé aux protéines G (RCPG) de classe A (a) et organisation d'un RCPG de classe C (b).
Source : Cyrille Martinet.
illustre l'organisation d'un RCPG de classe A et de classe C [5].
La liaison d'un ligand au récepteur entraîne un changement de conformation
et les protéines G hétérotrimériques résidentes de la membrane plasmique
(Gα, Gβ, Gγ) sont alors recrutées sur le RCPG, favorisant le recrutement
d'une molécule de guanosine triphosphate (GTP) sur la sous-unité alpha, ce
qui entraîne la dissociation de la sous-unité Gα des sous-unités Gβγ. La
sous-unité α et la sous-unité Gβγ servent de médiateurs à d'autres protéines
en tant que seconds messagers des RCPG pour transduire la signalisation
cellulaire en aval. L'activité GTPase de la sous-unité Gα provoque
l'hydrolyse du GTP en guanosine diphosphate (GDP), ce qui entraîne le retour
de la sous-unité α à la sous-unité Gβγ. La signalisation cellulaire des RCPG
se déroule sur une échelle de temps de quelques secondes à quelques minutes.
Dans les tissus de l'œil, de nombreux types de peptides/agents
pharmacologiques peuvent se lier et agir comme ligands des RCPG. Dans le
domaine des photorécepteurs, des stratégies visant à améliorer la
signalisation des récepteurs à la rhodopsine dans des dystrophies
rétiniennes associées à une mutation dans ces récepteurs, en utilisant des
petites molécules, sont à l'étude [6].
Les récepteurs β 2 -adrénergiques stimulant l'adrénaline dans
l'épithélium ciliaire non pigmenté sont des RCPG [
7]. De nombreux médicaments utilisés par les ophtalmologistes
ciblent des RCPG, en particulier les bêta-bloquants, la ciclosporine
(récepteur FPR1), l'indométacine (PTGDR2) et les prostanglandines (PTGER2).
Récepteurs à activité enzymatique
intrinsèque
Les récepteurs associés à une kinase sont des récepteurs
transmembranaires, contenant un grand domaine aminoterminal de liaison au
ligand, un segment transmembranaire α-hélicoïdal et un domaine catalytique
carboxylique [
8]. Les effecteurs sont constitués d'une grande variété de ligands
tels que les facteurs de croissance, les cytokines, l'insuline et la
leptine. La liaison d'un ligand déclenche la dimérisation du récepteur,
suivie de l'autophosphorylation du domaine carboxyle catalytique, qui induit
le recrutement de protéines seconds messagers qui s'associent au domaine
catalytique du récepteur lié à une kinase pour être phosphorylé et induire
une cascade de signalisation amplifiée [
9]. L'activation des récepteurs à activité kinase déclenche par
exemple une signalisation induisant la transcription des gènes afin de
faciliter la synthèse des protéines nécessaires à la croissance, à la
prolifération, à la différenciation, à la survie, à l'adhésion et à la
migration des cellules en l'espace de quelques heures [
10]. Il existe quatre grandes classes de récepteurs liés à des
kinases, fondées sur leur fraction de phosphorylation. Il s'agit des
récepteurs tyrosine kinase (RTK), des sérine/thréonine-kinases (RSTK), des
tyrosine phosphatases et de la guanylate cyclase (GC). Les RTK contiennent
une partie tyrosine kinase, tandis que les RSTK constituent une classe plus
petite que les RTK avec une partie sérine/thréonine kinase. Le récepteur du
VEGF ( vascular endothelial growth factor ) est un exemple de RTK qui
peut être une cible pour la pharmacologie oculaire [11].
La surstimulation du récepteur est impliquée dans la croissance des
néovaisseaux choroïdiens ou de néovaisseaux rétiniens au cours de la
rétinopathie diabétique. Les récepteurs des cytokines n'ont pas d'activité
de kinase en soi et utilisent donc des enzymes tyrosine kinases
intracellulaires telles que les JAK [
12]. La GC fait partie de la cascade de signalisation de la protéine
G où elle synthétise la guanosine monophosphate cyclique (GMPc) à partir de
la GTP [13].
Des mutations dans les gènes codant pour cette enzyme induisent une
dystrophie rétinienne héréditaire. En raison de la dérégulation de
l'activité des protéines kinases dans de nombreuses maladies, y compris les
cancers, la famille des protéines kinases est devenue l'une des cibles
médicamenteuses les plus importantes du XXI e siècle. Il existe,
en 2022, plus de 60 agents thérapeutiques approuvés par la Food and Drug
Administration (FDA) qui ciblent environ deux douzaines de protéines kinases
différentes et huit d'entre eux ont été approuvés en 2020. Tous les
médicaments approuvés par la FDA sont efficaces par voie orale, à
l'exception du nétarsudil (un antagoniste de la protéine ROCK1/2, administré
sous forme de collyre pour le traitement du glaucome) et du temsirolimus (un
inhibiteur indirect de mTOR administré par voie intraveineuse pour le
traitement du carcinome à cellules rénales). Parmi les médicaments
approuvés, dix d'entre eux ciblent les protéines-sérine/thréonine kinases,
quatre sont dirigés contre les protéines kinases à double spécificité
(MEK1/2), 13 bloquent les protéines-tyrosine kinases non réceptrices, et 35
ciblent les protéines-tyrosine kinases réceptrices. Les données indiquent
que 55 de ces médicaments sont prescrits pour le traitement d'affections
cancéreuses ou d'hémopathies. Trois médicaments (baricitinib, tofacitinib,
upadacitinib) sont utilisés pour le traitement des maladies inflammatoires,
notamment la polyarthrite rhumatoïde. Sept des médicaments approuvés forment
des liaisons covalentes avec leurs enzymes cibles et sont classés comme
inhibiteurs covalents ciblés. Sur les 62 médicaments approuvés, 18 sont
utilisés dans le traitement de plusieurs domaines cliniques. L'imatinib
(Glivec®), par exemple, est approuvé pour le traitement de la leucémie
myéloïde chronique, la leucémie lymphoïde chronique, les syndromes
myélodysplasiques/myéloprolifératifs, le syndrome hyperéosinophilique, les
tumeurs stromales gastro-intestinales, le dermatofibrosarcome protuberans.
Les cibles médicamenteuses les plus courantes des médicaments approuvés sont
B-Raf, les récepteurs du VEGF et de l'EGF ( epidermal growth factor )
[14].
Les effets secondaires rétiniens des inhibiteurs de MEK (tels que la
cobimétinib et le vémurafenib) démontrent le rôle majeur des récepteurs à
tyrosine kinase dans la physiologie rétinienne (voir chapitre 6 ).
Récepteurs nucléaires
Les récepteurs nucléaires (RN) sont constitués de six
domaines (A-F) (fig.
4-10
Fig. 4-10Structure de la superfamille des récepteurs nucléaires.
Les récepteurs nucléaires sont des protéines de 40 à 100 kilodaltons (kDa). Ils ont été subdivisés arbitrairement en domaines (A, B, C, D, E, F). A/B : longueur variable, facteur de régulation; C : domaine en doigt de zinc, domaine de fixation, sur la séquence HRE (hormone responsive element), de l'ADN. D : charnière, permet le changement de conformation du récepteur et sa dimérisation. E : domaine de fixation au ligand qui signe l'identité du récepteur. F : signalisation de localisation nucléaire (SLN). On trouve, au niveau des domaines B et E, des surfaces d'interaction avec des régulateurs transcriptionnels que l'on appelle fonctions de transactivation.
Source : Cyrille Martinet.
). Ils comportent tous une partie centrale qui est le domaine de liaison à
l'ADN ( DNA-binding domaine [DBD]), formé par des domaines en doigt
de zinc. La partie C-terminale contient le domaine de liaison au ligand (
ligand-binding domaine [LBD]) et le domaine AF-2 de transactivation
liée au ligand. La partie N-terminale contient le domaine AF-1 de
transactivation indépendante du ligand. Le rôle de la région C-terminale
variable est peu compris. Les RN sont des facteurs de transcription activés
par des ligands qui se lient à des molécules de signalisation lipophiles et
régulent l'activation du gène cible. Le génome humain compte 48 gènes qui
codent pour la superfamille des RN [15].
Il existe des récepteurs pour des ligands hormonaux tels que les stéroïdes,
les rétinoïdes, l'hormone thyroïdienne et la vitamine D qui partagent une
structure commune et agissent par un mécanisme commun. La structure
modulaire commune d'un RN comprend un domaine de liaison à l'ADN N-terminal
conservé (DBD) et un domaine de liaison au ligand C-terminal (LBD). En plus
de déterminer la spécificité du ligand, le domaine de liaison au ligand
contient un domaine de transactivation 2 (AF-2) inductible par le ligand.
Certains RN contiennent également un domaine aminoterminal de la fonction
d'activation 1 (AF-1) indépendante du ligand régulé par la signalisation des
facteurs de croissance. Le LBD est responsable de la reconnaissance du
ligand et de l'interaction avec le cofacteur (co-activateur et
co-répresseur). Un concept général pour la signalisation des RN est qu'en
l'absence d'un ligand, le RN est souvent associé à un complexe de
co-répresseur, ce qui entraîne une inhibition de l'activité basale de
transcription. La liaison d'un ligand induit des changements de conformation
qui conduisent à la libération du complexe co-répresseur et au recrutement
d'un complexe co-activateur, au remodelage de la chromatine et à
l'activation transcriptionnelle via un élément de réponse hormonal (
hormone response element [HRE]) spécifique. Les mécanismes exacts
de liaison et de régulation de la liaison des RN à l'ADN et les mécanismes
impliqués dans la régulation des gènes sont imparfaitement connus; les
recherches sur cette thématique sont foisonnantes. Ces récepteurs peuvent
réguler de nombreux gènes à la fois; par exemple, le récepteur des
glucocorticoïdes possède plus de 1000 sites de liaison génomique régulant la
transcription de nombreux gènes (voir chapitre
16.2 ). L'échelle de temps pour la transcription des gènes et la
synthèse des protéines médiée par les RN varie de quelques heures à quelques
jours. Les RN représentent une famille importante de cibles médicamenteuses.
Comme il s'agit de facteurs de transcription qui régulent l'expression d'une
grande variété de gènes importants, les efforts de recherche et de
développement de médicaments se sont concentrés sur l'amélioration de
l'efficacité thérapeutique et la réduction des effets indésirables. De
nombreux cofacteurs, dont plus de 100 co-activateurs, ont été découverts.
Ces cofacteurs sont très répandus dans tous les RN. Bien que le RN lui-même
puisse être commun à différents types de tissus, les cofacteurs qu'ils
recrutent peuvent être spécifiques aux tissus. Il est donc possible de
développer des composés différents qui possèdent des propriétés spécifiques
aux tissus, distinctes de celles des ligands apparentés. Au cours des deux
dernières décennies, de très nombreuses études précliniques ont démontré des
effets bénéfiques de molécules régulant les facteurs de transcription dans
des modèles animaux de maladies neurodégénératives. Mais, à ce jour, aucun
traitement n'a été approuvé chez l'homme dans ces indications [15].
Une meilleure compréhension de l'activité et de la régulation des RN est
indispensable pour découvrir de nouveaux traitements [16].
Récepteurs ciblés en thérapie oculaire
Récepteurs cholinergiques
Rappel sur l'innervation
cholinergique oculaire
Innervation autonome
L'innervation autonome efférente du segment antérieur de
l'œil est assurée par les systèmes nerveux sympathique et
parasympathique, composés de fibres nerveuses préganglionnaires et
postganglionnaires. Les fibres nerveuses préganglionnaires des divisions
sympathiques et parasympathiques, ainsi que les fibres parasympathiques
postganglionnaires sécrètent de l'acétylcholine et sont appelées
neurones cholinergiques . Les fibres sympathiques
postganglionnaires sécrètent de la noradrénaline et sont appelées
neurones adrénergiques . Les fibres sympathiques
préganglionnaires prennent naissance dans les segments thoraciques
supérieurs de la moelle épinière et entrent dans la chaîne sympathique,
où elles remontent jusqu'au ganglion cervical supérieur. Les fibres
adrénergiques postganglionnaires quittent le ganglion cervical supérieur
et innervent le segment antérieur et les structures extraoculaires de
l'œil. Les fibres parasympathiques préganglionnaires qui prennent
naissance dans le noyau d'Edinger-Westphal font partie du nerf
oculomoteur (nerf crânien III) et se terminent dans le ganglion
ciliaire. À partir du ganglion ciliaire, les fibres parasympathiques
forment les nerfs ciliaires courts qui innervent le corps ciliaire et le
muscle sphincter de l'iris. La plupart de ces neurones (97 %) innervent
le muscle ciliaire et le sphincter de l'iris. La glande lacrymale est
innervée par des fibres parasympathiques postganglionnaires qui prennent
naissance dans le ganglion ptérygopalatin, lequel reçoit des influx
préganglionnaires du noyau lacrymatoire.
Innervation somatomotrice
Les motoneurones innervent les muscles extraoculaires et
les paupières. Comme les fibres parasympathiques, ces nerfs sécrètent de
l'acétylcholine et sont donc considérés comme des neurones
cholinergiques. Les muscles extraoculaires sont innervés par des fibres
provenant du nerf oculomoteur (nerf crânien III), du nerf trochléaire
(nerf crânien IV) et du nerf abducens (nerf crânien VI). Les muscles
orbiculaire et élévateur des paupières sont innervés par des fibres
provenant respectivement du nerf facial et du nerf oculomoteur. Lorsque
les fibres autonomes se terminent au niveau de leur organe cible, elles
se ramifient et les neurotransmetteurs excitateurs sont libérés de
manière régionale. En revanche, les motoneurones forment un complexe
jonctionnel avec les fibres musculaires squelettiques au niveau des
plaques motrices terminales musculaires. Le complexe jonctionnel formé
par les neurones cholinergiques est le site de la neurotransmission
chimique. Pour les neurones cholinergiques, ce processus implique la
synthèse, le stockage, la libération, l'activation des récepteurs et le
métabolisme de l'acétylcholine. Diverses toxines et divers venins
agissent en provoquant la libération d'acétylcholine. Le venin
d'araignée noire induit la libération d'acétylcholine, tandis que la
toxine botulique bloque la libération d'acétylcholine. La fin de la
neurotransmission est accomplie par le métabolisme de l'acétylcholine en
acétate et choline par l'enzyme acétylcholinestérase. L'acétylcholine
active deux types de récepteurs différents : muscariniques et
nicotiniques.
Antagonistes des récepteurs
muscariniques
Les récepteurs muscariniques font partie de la superfamille
des récepteurs métabotropiques couplés aux protéine G. Les antagonistes de
ces récepteurs sont dits « parasympatholytiques». Les alcaloïdes atropine et
scopolamine, isolés de la belladone, sont les antagonistes muscariniques non
sélectifs les plus connus. Ce sont des anticholinergiques. La
méthylatropine, la méthylscopolamine et la méthylhomatropine appartiennent
également à cette famille. L'atropine est utilisée pour inhiber la
contraction du sphincter de l'iris et du muscle ciliaire, entraînant une
augmentation du diamètre de la pupille (mydriase) et une relaxation du
muscle ciliaire (cycloplégie). La durée d'action après l'administration
topique de ces agents peut être de plusieurs jours. Les antagonistes
muscariniques synthétiques, tels que le tropicamide (Mydriaticum® 0,5 %) et
le cyclopentolate (chlorhydrate de cyclopentolate, Skiacol® 0,5 %),
présentent des durées d'action beaucoup plus courtes, de l'ordre de 6 à 24
heures après l'administration topique. Ils sont utilisés en per- et
postopératoire pour l'examen de la rétine pour le tropicamide, et pour la
réfraction chez les enfants pour le cyclopentolate. Les effets secondaires
associés à l'utilisation topique des agents antimuscariniques comprennent la
dilatation des vaisseaux sanguins périphériques, la sécheresse de la bouche,
la tachycardie et l'agitation.
Agonistes muscariniques
Les agonistes muscariniques comprennent les esters de choline
et les alcaloïdes naturels. Ces molécules agissent principalement sur les
organes effecteurs innervés par des fibres parasympathiques
postganglionnaires. Ils sont appelés agents « parasympathomimétiques».
L'acétylcholine est peu utilisée en clinique car rapidement dégradée. La
méthacholine, le carbachol et le béthanéchol diffèrent de l'acétylcholine
par leur résistance à la cholinestérase. Le carbachol (Miostat®), agoniste
muscarinique, stimule également les récepteurs nicotiniques; il est utilisé
comme agent miotique peropératoire et pour le traitement du glaucome aigu à
angle fermé. Il stimule la contraction du muscle sphincter de l'iris, ce qui
entraîne un myosis. Un abaissement de la pression intraoculaire est associé
à une augmentation de la facilité d'écoulement. Le deuxième groupe de
parasympathomimétiques est constitué des alcaloïdes naturels qui comprennent
la pilocarpine, la muscarine et l'arécoline. La pilocarpine est utilisée
pour le traitement du glaucome à angle fermé en resserrant l'iris, en
l'éloignant du réseau trabéculaire et en permettant l'écoulement de l'humeur
aqueuse (chlorhydrate de pilocarpine 1 ou 2 %). Les effets secondaires
systémiques comprennent la bronchoconstriction, la salivation, des crampes
abdominales et de la diarrhée.
Récepteurs adrénergiques
La noradrénaline (ou norépinéphrine) et l'adrénaline (ou
épinéphrine) exercent leurs effets via quatre récepteurs couplés à des
protéines G : le récepteur α-1, le récepteur α-2, le récepteur β-1, le
récepteur β-2, et le récepteur β-3. Ces récepteurs sont à la fois pré- et
postsynaptiques. Les récepteurs α 1 -adrénergiques sont couplés à
une protéine Gq et régulent la phospholipase C. Les récepteurs α-2 couplés à
une protéine Gi inhibent l'adénylate cyclase. Les récepteurs β-adrénergiques
couplés à une protéine Gs sont associés à une stimulation de
l'adénylate-cyclase qui convertit l'ATP en AMPc, laquelle active la protéine
kinase A (PKA). La PKA phosphoryle différentes protéines impliquées dans la
production d'humeur aqueuse. Le chlorhydrate de phényléphrine (néosynéphrine
2,5 %) est utilisé pour dilater la pupille au cours des examens
ophtalmologiques. Les récepteurs présynaptiques exercent, une fois stimulés,
un rétrocontrôle négatif sur la libération de noradrénaline.
Dans les cellules épithéliales non pigmentées du corps
ciliaire, l'activation de la PKA conduit à une augmentation de l'activité de
l'enzyme Na + /K + -ATPase et une phosphorylation de
l'aquaporine 1, ce qui entraîne une excrétion du sodium et de l'eau par
effet osmotique dans la chambre postérieure.
Récepteurs alpha-adrénergiques
La stimulation du récepteur α 1 -adrénergique
induit une mydriase par contraction du muscle de l'iris. L'activation des
récepteurs α 2 -adrénergiques entraîne une diminution de la
sécrétion d'humeur aqueuse par des mécanismes médiés par l'AMPc, comme la
brimonidine (collyre à 0,2 %).
Récepteurs bêta-adrénergiques
Les récepteurs β-adrénergiques sont divisés en trois
sous-types β1-, β2-, et β3-adrénergiques. Les récepteurs β-adrénergiques ont
été localisés dans l'épithélium du procès ciliaire, les cellules
épithéliales isolées du procès ciliaire, les parois des vaisseaux sanguins
dans les procès ciliaires, l'épisclère au niveau du limbe, l'iris dans la
région du muscle sphincter, le maillage trabéculaire, les muscles ciliaires
et les terminaisons nerveuses sympathiques. La stimulation sympathique et
l'application topique d'un agoniste β-adrénergique, l'adrénaline, diminuent
la pression intraoculaire. Les collyres bêta-bloquants comme le timolol
agissent en diminuant la sécrétion active de l'humeur aqueuse de 35 à 45 %,
en s'opposant à l'activation des récepteurs β 2 -adrénergiques,
majoritaires dans l'épithélium ciliaire non pigmenté, par leurs ligands. Des
exemples d'antagonistes bêta-adrénergiques (β-bloquants) sont le bétaxolol
(un antagoniste β sélectif) et le timolol (antagoniste non sélectif des
récepteurs β-1 et β-2 adrénergiques), le cartéolol, le métipranolol et le
lévobétaxolol. Certains bêta-bloquants, agonistes partiels, conservent une
activité sympathomimétique intrinsèque (cartéolol, béfunolol, pindolol).
Récepteurs aux prostaglandines
Le rôle des prostaglandines dans la régulation de la pression
intraoculaire a été étudié plusieurs années avant l'identification des
récepteurs des prostaglandines dans l'œil.
Cinq classes différentes de prostaglandines (PGD2, PGE2, PGF2,
PGI2 et thromboxane-A) se lient à neuf récepteurs prostanoïdes couplés à des
protéines G : DP1, DP2, EP1, EP2, EP3, EP4, FP, IP et TP.
Les prostaglandines naturelles (PGF 2α , PGE2, PGD2,
PGI2) et synthétiques (par exemple travoprost) régulent la pression
intraoculaire. En fonction des seconds messagers qui leur sont associés, les
sous-types de récepteurs sont divisés en trois catégories : les récepteurs
EP1, FP et TP favorisent la contraction des muscles lisses en mobilisant le
calcium intracellulaire; les récepteurs DP1, EP2, EP4 et IP induisent la
relaxation des muscles lisses par une augmentation de la production d'AMPc;
et les récepteurs EP3 et DP2 inhibent la formation d'AMPc. Parmi ces
récepteurs, les récepteurs FP, DP1-2 et les quatre récepteurs EP
1-4 ont été identifiés dans le réseau trabéculaire, les cellules
endothéliales et musculaires lisses des vaisseaux sanguins de l'iris, du
corps ciliaire et de la choroïde, le muscle ciliaire et le canal de Schlemm.
Les récepteurs FP, abondants dans l'uvée, le muscle ciliaire et la sclère,
influent sur la voie uvéosclérale d'élimination de l'humeur aqueuse. Les
récepteurs EP1-4 sont aussi largement exprimés dans la plupart des
compartiments oculaires, notamment la cornée, la conjonctive, la sclère, le
trabéculum, le cristallin, l'iris, le corps ciliaire, la choroïde et la
rétine. Les analogues de la PGF 2α se lient aux récepteurs FP et
EP des cellules du muscle ciliaire du réseau trabéculaire et du canal de
Schlemm.
La réduction de la pression intraoculaire résulte d'une cascade
de transduction moléculaire qui conduit à une synthèse accrue des
métalloprotéinases. Le remodelage de la matrice extracellulaire améliore
l'écoulement uvéoscléral et trabéculaire. D'autres hypothèses incluent la
relaxation du muscle ciliaire, la vasodilatation du muscle ciliaire ou la
réorganisation du cytosquelette par des mécanismes impliquant la voie
Rho-kinase.
Récepteurs histaminergiques
Actuellement, quatre sous-types de récepteurs de l'histamine
ont été identifiés : les récepteurs H 1 , H 2 , H
3 , et H 4 . Parmi les quatre récepteurs, les
récepteurs H 1 et H 2 sont des cibles médicamenteuses
importantes avec des agents thérapeutiques cliniques conçus pour bloquer les
effets médiés par ces récepteurs. Les bloqueurs des récepteurs H
1 (kétotifène, chlorphéniramine fexofénadine et desloratadine)
sont utilisés comme antihistaminiques pour traiter les réactions allergiques
médiées par l'histamine, et les bloqueurs des récepteurs H 2
(ranitidine et cimétidine) pour traiter les ulcères gastriques. Un
antagoniste/agoniste inverse puissant du récepteur H 3 de
l'histamine, le pitolisant, est utilisé pour le traitement de la narcolepsie
avec ou sans cataplexie.
Dans l'œil, l'histamine se lie au récepteur H 1 au
niveau des mastocytes très nombreux dans la conjonctive, le corps ciliaire
et la choroïde, et produit ses effets par l'activation de Gq et
l'augmentation du phosphate d'inositol et/ou la mobilisation du calcium.
Le fumarate de kétotifène est un antagoniste non compétitif des
récepteurs H 1 . Les antihistaminiques bloquent la libération
d'histamine par les mastocytes producteurs d'histamine et bloquent également
la liaison de l'histamine à ses récepteurs.
Récepteurs nucléaires
Les principaux médicaments qui ciblent les récepteurs
nucléaires et sont largement utilisés en ophtalmologie sont les
glucocorticoïdes. En effet, tous les glucocorticoïdes sont des ligands du
récepteur glucocorticoïde (GR), avec une affinité variable selon la
structure chimique des molécules et le type cellulaire. Il n'existe pas
d'étude évaluant spécifiquement les affinités des glucocorticoïdes pour les
différents types cellulaires des tissus oculaires. Ces affinités relatives
sont donc déduites d'études réalisées sur d'autres types cellulaires avec en
ordre décroissant : triamcinolone, prednisolone, béclométasone,
dexaméthasone et bétaméthasone [17].
Les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes agissent
comme compétiteurs des ligands naturels du récepteur minéralocorticoïde
(MR), l'aldostérone et le cortisol. L'affinité de la spironolactone pour le
MR est supérieure à celle de l'éplérénone, mais sa spécificité est plus
faible. Ces deux molécules ont été proposées dans le traitement au long
cours des choriorétinites séreuses centrales [18].
Les glucocorticoïdes activent aussi le MR avec des affinités variables et
par ordre décroissant : prednisolone et dexaméthasone, puis triamcinolone
[ 17].
Le fénofibrate qui active les récepteurs PPARα ( peroxisome
proliferator activating receptors alpha ) régule la transcription des
gènes impliqués dans le métabolisme des lipoprotéines riches en
triglycérides (chylomicrons et VLDL) et des HDL. Le fénofibrate a été
proposé dans la prévention de la rétinopathie diabétique [19].
D'autres molécules qui ciblent les récepteurs nucléaires sont
en développement pour le traitement de diverses maladies oculaires [
20 , 21].
Autres cibles thérapeutiques
Modulateurs des activités enzymatiques
De nombreux médicaments agissent en interférant avec l'activité
d'enzymes, le plus souvent en inhibant leurs activités catalytiques. Cette
inhibition peut intervenir par plusieurs mécanismes, tels que l'inhibition
compétitive, l'interférence avec le substrat, une action sur les cofacteurs
enzymatiques ou une inhibition irréversible.
En ophtalmologie, cinq types de médicaments agissent sur
l'activité d'enzyme : les inhibiteurs de l'anhydrase carbonique, les
inhibiteurs de la cholinestérase, les inhibiteurs de la cyclo-oxygénase, les
inhibiteurs des Rho-kinases et les inhibiteurs des collagénases.
Inhibiteurs de l'anhydrase
carbonique
L'anhydrase carbonique est une métallo-enzyme contenant du
zinc qui catalyse l'hydratation réversible du dioxyde de carbone : Cette
enzyme est la cible de médicaments, tels que l'acétazolamide, le
méthazolamide, le brinzolamide (Azopt®) et le dorzolamide (Trusopt®),
destinés au traitement du glaucome. Les inhibiteurs se fixent au centre
métallique ou à proximité, guidés par un système de liaisons hydrogène [22].
Les inhibiteurs de l'anhydrase carbonique agissent dans les cellules du
corps ciliaire, où l'enzyme régule la sécrétion de l'humeur aqueuse, et dans
les cellules de l'épithélium pigmentaire de la rétine, où elle régule les
flux sortants d'ions et d'eau par effet osmotique [23
, 24].
Inhibiteurs de la cholinestérase
Leur utilisation est restreinte au test au traitement de la
myasthénie et de l'atonie intestinale.
Inhibiteurs de la cyclo-oxygénase (COX)
Les COX catalysent la conversion complexe de l'acide
arachidonique en prostaglandines et en thromboxanes, qui déclenchent de
nombreuses réponses physiologiques et physiopathologiques. Différents types
de molécules sont des inhibiteurs de COX-2 tels que des benzohétérocycles
(par exemple benzopyranes, benzopyranones, indoles et quinolines), des
quinones, des chalcones et des produits naturels. Les inhibiteurs les plus
sélectifs de la COX-2 par rapport à la COX-1 limitent la toxicité digestive
(voir chapitre 16 ).
Inhibiteurs des Rho-kinases (ROCK)
La voie des Rho-kinases contrôle la phosphorylation d'enzymes
qui maintiennent les constituants du cytosquelette, la prolifération et la
mort cellulaires, ainsi que la contraction des fibres musculaires lisses.
Les inhibiteurs de ROCK ( Rho-associated protein kinase ) ont été
largement étudiés pour traiter les accidents vasculaires cérébraux et les
pathologies cardiovasculaires. En ophtalmologie, les inhibiteurs de ROCK ont
trouvé des développements pour le traitement du glaucome, les pathologies de
l'endothélium cornéen, l'œdème maculaire diabétique et la rétinopathie
ischémique [
25]. Le fasudil, le ripasudil et le nétarsudil ont été évalués par
voie orale. Le nétarsudil vient d'obtenir une autorisation de mise sur le
marché (AMM) pour le traitement du glaucome en collyre, et le fasudil a été
injecté hors AMM en intravitréen. Sur l'endothélium cornéen, les inhibiteurs
de ROCK favorisent l'entrée en mitose et limitent l'apoptose des cellules
[26].
Ils induisent une relaxation du trabéculum et bloquent le transport de
noradrénaline, induisant une baisse de la pression intraoculaire [27].
Sur la rétine, les inhibiteurs de ROCK augmentent la perfusion des
capillaires rétiniens et réduisent l'œdème maculaire en agissant sur les
cellules de Müller, les cellules de l'épithélium pigmentaire et les
vaisseaux [
28 , 29].
Inhibiteurs des collagénases
La cystéine et l'acétylcystéine ont été proposé en collyre
pour le traitement des ulcères cornéens, mais ne sont plus utilisés. Les
collyres d'EDTA sont encore préparés et agissent en partie en chélatant le
calcium requis pour l'activité des collagénases.
Protéines thérapeutiques
À ce jour, les protéines recombinantes approuvées ou utilisées
hors AMM dans le traitement des maladies oculaires sont des anticorps ou des
fragments d'anticorps neutralisants le VEGF (bévacizumab et ranibizumab),
des molécules chimériques associant des récepteurs du VEGF à des fragments
d'anticorps (aflibercept) ou des petits anticorps neutralisant le VEGF
(brolucizumab). Ces molécules sont injectées en intravitréen. Toutes ces
molécules agissent en inhibant la signalisation des membres de la famille du
VEGF (VEGF et PGF) à leurs récepteurs (VEGF-R1 et VEGF-R2) en s'associant à
une forte affinité au VEGF et/ou au PGF [
30] (voir chapitre 19 ).
Cenegermin® est une formulation topique de NGF ( nerve
growth factor ) recombinant humain, approuvée en 2021 pour le traitement
des kératites neurotrophiques modérées à sévère ( European Medicines
Agency , 2021) [31
, 32].
L'adalimumab (Humira®) est un anticorps humanisé, neutralisant
le TNF-α, approuvé en administration systémique pour le traitement des
uvéites non infectieuses du segment postérieur [33
, 34].
D'autres anticorps sont utilisés par voie systémique dans le traitement de
certains lymphomes oculaires.
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