Conjonctivites et kératites du nouveau-né et de l'enfant
D. Brémond-Gignac
Introduction
Les conjonctivites infectieuses de l'enfant sont des pathologies très fréquentes. Elles touchent 1 enfant sur 8 par année d'âge et 51 % de tous les antibiotiques topiques à visée oculaire (collyre, pommades) prescrits en France le sont pour des enfants de 0 à 9 ans [1]. Les conjonctivites représentent d'ailleurs une cause très fréquente des consultations chez le généraliste, sans compter les nombreux patients sollicitant les pharmaciens d'officine pour des premiers soins de proximité. La complication à redouter reste la kératite infectieuse dont l'évolution peut être très péjorative sur le plan visuel.
Présentation clinique
Le diagnostic d'infection conjonctivale ne pose généralement pas de difficultés chez un enfant qui présente un œil rouge et des sécrétions , a fortiori s'il est accompagné de larmoiement, de photophobie (voire avec pseudo-blépharospasme). Mais une baisse d'acuité visuelle même faible, des lésions cornéennes (infiltrat , œdème), une inflammation de chambre antérieure évoquent une forme compliquée d'emblée et/ou une autre étiologie à cette rougeur.
Signes fonctionnels et physiques
Le diagnostic de conjonctivite infectieuse est facilement posé devant un tableau classique d'hyperhémie conjonctivale (œil rouge) bilatérale (d'emblée ou pas) avec sécrétions plus ou moins épaisses et purulentes, et sensation de corps étrangers (de type grains de sable) (fig. 28-1
Fig. 28-1Conjonctivite infectieuse avec sécrétions.
) [1]. D'autres symptômes peuvent être observés comme un larmoiement , un prurit oculaire, un œdème palpébral, des hémorragies conjonctivales ponctuées (parfois accompagnée de larmoiement hémorragique). Le patient (ou sa famille) rapporte fréquemment une histoire des paupières collées le matin. L'abondance et le degré de purulence des sécrétions sont d'ailleurs deux points importants pour évaluer la gravité de la conjonctivite.
Toutefois, la symptomatologie associant œil rouge et larmoiement n'est pas spécifique, et les divers diagnostics associés ou différentiels sont résumés dans la figure 28-2
Fig. 28-2Orientations diagnostiques devant une conjonctivite de l'enfant.
. Devant un tableau clinique pouvant faire évoquer une conjonctive infectieuse, certains signes doivent alerter et faire rechercher ces diagnostics différentiels ou associés, comme en présence d'une photophobie avec blépharospasme, d'une baisse d'acuité visuelle, d'un chémosis, d'un cercle périkératique ou encore d'une cellulite orbitaire préseptale . Ces signes cliniques sont alors fortement évocateurs d'une kératite à traiter rapidement pour éviter des complications cornéennes plus sévères.
Contexte
Le contexte orientant le diagnostic de conjonctivite infectieuse est celui :
du contage dans l'environnement, particulièrement en collectivité; l'enfant en crèche est particulièrement exposé aux contaminations et la notion de conjonctivite virale dans l'entourage permettra un diagnostic plus précis selon l'évolution observée chez les autres enfants et un traitement adapté;
du délai d'incubation qui est à calculer par rapport au probable contage rencontré par l'enfant;
de la rapidité d'installation;
de l'âge du patient; les plus jeunes présentent le plus fréquemment (près des deux tiers des cas) des infections à bactérie à Gram positif, notamment le staphylocoque [2]. Concernant l'adolescent porteur de lentilles de contact, l'orientation se fera vers une contamination par bactéries à Gram négatif [3];
de l'association avec une otite ou une sinusite paranasale, faisant fortement évoquer une conjonctivite à Haemophilus influenzae à traiter en même temps que l'atteinte ORL [ 4];
de l'unilatéralité ou de la bilatéralité de l'atteinte, les infections virales étant plus volontiers unilatérales asymétriques;
des antécédents de pathologie ophtalmologique ou générale; le contexte immunologique peut nécessiter un traitement urgent pour éviter les complications;
du port de lentilles de contact, en particulier l'adolescent négligeant l'hygiène chez qui l'évolution d'un herpès peut être fulgurante jusqu'à la perforation cornéenne;
de séjour en zone endémique ou épidémique, certains régions comme le Maghreb ou le Moyen-Orient présentant des risques d'infections à Chlamydia trachomatis qui peuvent passer inaperçues hors contexte.
Les facteurs favorisants principaux sont :
la proximité contagieuse;
la virulence du germe;
le volume de contamination;
la rupture des barrières épithéliales conjonctivales (toxicité, plaie, inflammation chronique, etc.);
le port de lentilles de contact avec non-respect des bonnes pratiques (mauvaise hygiène d'entretien, port prolongé ou nocturne, port à la piscine, etc.).
Un contexte d'atteinte systémique (fièvre, atteinte cutanée et/ou un rash, raideur nuchale, etc.) constitue un facteur de risque de gravité. Devant une conjonctivite avec fièvre, céphalées et raideur méningée , il faut suspecter une conjonctivite à méningocoque . L'orientation devant la conjonctivite est fonction de la symptomatologie, de l'âge du patient et du type de germe suspecté. Le contexte épidémique ou la provenance de zone d'endémie particulière peut être évocateur d'étiologies rares, spécifiques et redoutables comme le virus du Covid-19 [5], les virus Zika , entérovirus ou Ebola .
Examen clinique
L'examen général recherche une atteinte extra-ophtalmologique associée, en particulier une adénopathie prétragienne (ganglion de drainage de la surface oculaire), signant le plus souvent une atteinte virale à adénovirus, des signes d'infection ORL ou systémique orientant vers un Haemophilus (en particulier les arguments en faveur d'une des infections infantiles classiques).
L'examen à la lampe à fente recherche les signes physiques des conjonctivites (voir ci-dessus) et élimine ceux des diagnostiques différentiels (voir fig. 28-2
Fig. 28-2Orientations diagnostiques devant une conjonctivite de l'enfant.
). Quelques signes négatifs particuliers sont à rechercher en priorité. L'absence de prurit notable rend peu probable une allergie oculaire, ou l'absence de baisse d'acuité visuelle nette rend peu vraisemblable une kératite. À l'inverse, leur présence fait évoquer un autre diagnostic et/ou récuse le diagnostic de conjonctivite isolée.
De façon non exhaustive, il faut rechercher des complications, une baisse d'acuité visuelle permanente, un blépharospasme, une kératite , un effet Tyndall (uvéite), un corps étranger superficiel, une anomalie palpébrale. De même, un ulcère, un infiltrat ou un abcès renvoient aux pathologies correspondantes. Des anomalies cutanées font suspecter une cellulite orbitaire débutante. Des follicules conjonctivaux, un chémosis, la présence d'hémorragies et un larmoiement clair orientent en principe vers une conjonctivite virale.
Fig. 28-3Conjonctivite infectieuse avec sécrétions et œdème palpébral.
), des papilles, des fausses membranes , une hyperhémie dense, un œdème palpébral, une bilatéralité et une progression plus longue ont été évoqués comme arguments orientant vers une étiologie bactérienne, sans que cela soit clairement étayé dans la littérature scientifique. À l'inverse, les sécrétions claires , profuses et non collantes sont classiquement considérées comme orientant vers une origine virale, ou des germes intracellulaires (type Chlamydiae ), sans oublier toutefois d'évoquer les diagnostics différentiels dans ce cas (allergie par exemple).
Les formes cliniques de conjonctivites à fausse membrane ou pseudomembraneuses (couche sécrétée à la surface de la conjonctive tarsale et du cul-de-sac, qui se détache en fins lambeaux) orientent vers des formes sévères.
Il faut apprécier la distribution de la conjonctivite, uni-/bilatérale, sectorielle, avec ou sans cercle périkératique, répartition asymétrique, et l'œdème conjonctival ou palpébral associés. Le test de coloration à la fluorescéine au biomicroscope peut objectiver une atteinte de la conjonctive isolée en identifiant un marquage conjonctival sans marquage cornéen. Les tests au vert de lissamine et au rose bengale sont plus sensibles, mais très peu utilisés en pratique.
Les symptômes et les signes associés de conjonctivites chez les enfants comprennent une pharyngite concomitante, un ganglion préauriculaire élargi et un contact avec une autre personne ayant les yeux rouges. Par ailleurs, la présence d'un écoulement mucopurulent et une otite moyenne sont des signes à forte probabilité de conjonctivite bactérienne, voire à Haemophilus , mais aucun symptôme ou signe unique ne différencie de façon formelle les deux affections bactériennes ou virales.
Les manifestations oculaires des conjonctivites à adénovirus sont très variables et peuvent se présenter comme une conjonctivite folliculaire aiguë, une fièvre pharyngo-conjonctivale et une kératoconjonctivite épidémique (voir chapitres 20 et 23).
Formes cliniques
Le degré d'urgence d'une conjonctivite dépend essentiellement de l'âge du patient et du type de germe de la conjonctivite infectieuse. Devant une conjonctivite hémorragique, il faut suspecter en priorité un entérovirus (ou un adénovirus), avec le fort potentiel contagieux qui le caractérise et le risque d'ulcère. Les conjonctivites fongiques ou amibiennes ( Acanthamoeba ) chez l'enfant sont très rares, excepté en cas d'immunodépression.
Conjonctivite néonatale
La conjonctivite du nouveau-né survient dans les 28 premiers jours de vie. Si une conjonctivite survient au cours de la première année de vie chez environ 10 % des nourrissons dans l'étude de Bothun et al. [ 6], plus de la moitié sont bilatérales et un quart ont été identifiées au cours des 30 premiers jours de vie. Les agents infectieux potentiellement cécitants étaient rares dans cette cohorte. L'étiologie la plus fréquente est une obstruction du conduit lacrymonasal, dite conjonctivite lacrymale [ 7]. Elle est en général due à des germes classiques. Cependant, toute conjonctivite néonatale doit être considérée comme potentiellement sévère.
Trois germes doivent être suspectés en priorité, essentiellement dus à une contamination du nouveau-né lors du passage dans la filière génitale de la mère (fig. 28-4,
Fig. 28-5Orientations diagnostiques et prise en charge des conjonctivites néonatales (avant 28 jours de vie). AB : antibiotique; PO : per os.
).
Conjonctivite à gonocoque
D'après une récente méta-analyse [ 8], la conjonctivite néonatale à gonocoque reste d'actualité, car un nombre important de femmes enceintes sont infectées dans le monde, parfois de façon paucisymptomatique, et des mesures de santé publique sont nécessaires pour réduire le risque potentiel d'infection. Selon l'étude de Butler et al., les signes observés les plus fréquents sont un écoulement purulent, une conjonctivite hémorragique et une cellulite préseptale très caractéristique (fig. 28-6
Fig. 28-6Conjonctivite à gonocoque très purulente avec cellulite préseptale.
) [7 , 9]. La conjonctivite à gonocoque néonatale présente un risque majeur d'atteinte cornéenne avec risque de perforation, et doit être traitée localement au plus vite après le prélèvement [ 10].
Devant une conjonctivite à gonocoque avec prélèvement positif, une enquête médico-sociale doit être instruite pour mettre l'enfant à l'abri d'une potentielle maltraitance de l'entourage. Les risques de maltraitance sont néanmoins essentiellement observés chez l'enfant prépubère et l'adolescent, mais il existe des cas décrits de conjonctivites à gonocoque sans maltraitance dans des milieux sociaux avec promiscuité et à hygiène réduite [7 , 11].
Conjonctivite à Chlamydia
Une atteinte conjonctivale à Chlamydia est aussi une urgence, car elle présente un risque majeur d'atteinte pulmonaire concomitante [6]. Cette pneumopathie constitue un risque vital et nécessite donc un traitement préventif antibiotique par voie systémique, adapté spécifiquement. La contamination se situe le plus souvent lors du passage dans la filière génitale.
Conjonctivite à virus herpes simplex et virus de la varicelle et du zona
La kératite néonatale due au virus herpes simplex (HSV), bien que relativement rare, est associée à une morbidité importante. Pour l'HSV aussi, la contamination se situe le plus souvent lors du passage dans la filière génitale. Un retard diagnostique peut entraîner des complications cécitantes [ 12]. Un prélèvement doit être réalisé devant des antécédents maternels positifs, une opacité cornéenne, une hyperhémie conjonctivale ou un œdème palpébral associé à des sécrétions oculaires. Après le prélèvement conjonctival, le traitement antiviral doit être instauré par voie topique et systémique. Les nouveau-nés ont un système immunitaire immature et doivent être traités de la même manière que les patients immunodéprimés. Il existe une nette tendance de progression de la conjonctivite vers une maladie disséminée avec une morbidité et une mortalité plus élevées.
Les formes néonatales au virus de la varicelle et du zona (VZV) sont aussi importantes à reconnaître (fig. 28-7
Fig. 28-7Conjonctivite à VZV avec atteinte cutanée faciale vésiculeuse.
), de façon à en contrôler l'extension.
Conjonctivite de l'adolescent
Les règles d'hygiène oculaire sont souvent restreintes chez l'adolescent. Chez les porteurs de lentille de contact, la prise en charge doit être rapide avec arrêt du port des lentilles et prélèvements qui retrouvent souvent une bactérie à Gram négatif, type entérobactérie . L'atteinte cornéenne avec kératite doit être recherchée. La perforation cornéenne constitue un risque majeur à potentiel cécitant.
Kératite infectieuse
La kératite infectieuse est une complication de la conjonctivite infectieuse avec des germes responsables similaires, mais avec une répartition différente. L'étude de Di Zazzo et al. sur 215 enfants retrouve près de 60 % de kératites bactériennes , mais plus de 31 % de kératites mycotiques et 2,3 % de kératites à Acanthamoeba [12]. Les complications cornéennes des kératites sont potentiellement cécitantes. Elles se manifestent par un ulcère de cornée qui peut progresser jusqu'à la perforation de cornée, voire une endophtalmie [13-14-15]. Ces possibles complications justifient un traitement antibiotique précoce et ciblé.
Diagnostic étiologique
Diagnostic de l'agent infectieux
Parmi les conjonctivites infectieuses (bactériennes, virales, fongiques), l'âge oriente vers plusieurs types de germes. Dans une méta-analyse de Johnson de 2022 [16], sur cinq études portant sur 881 enfants, les conjonctivites infectieuses de l'enfant sont plus fréquemment dues à une infection bactérienne qu'à une infection virale (71 % versus 16 %), ce qui est l'inverse chez l'adulte (78 % versus 16 %). Parmi les conjonctivites bactériennes de l'enfant avec signes cliniques de la sphère ORL, Haemophilus influenzae est le germe le plus retrouvé en Europe [17 , 18]. Parmi les conjonctivites virales, les adénovirus sont aussi très fréquents chez l'enfant et surviennent de façon épidémique. Dans ces cas de haute contagiosité, une éviction scolaire peut être nécessaire. La conjonctivite adénovirale est avant tout un diagnostic clinique [19].
Examen microbiologique et autres explorations
Un examen microbiologique et d'autres explorations sont habituellement non pratiqués vu la fréquence de la conjonctivite de l'enfant. Ponctuellement, ils confortent et précisent le diagnostic. À l'inverse, chez le petit enfant ou lorsque la conjonctivite est associée à des signes généraux, ils peuvent s'imposer avec recherche de germes particuliers. Dans ce cas, l'exploration microbiologique (examen bactériologique direct, cultures, sérologies, polymerase chain reaction [PCR], parasitologie) s'effectue par un frottis conjonctival voire un grattage des cellules conjonctivales si l'on recherche un germe intracellulaire ( Chlamydia ). La PCR est surtout employée dans les conjonctivites virales pour valider le diagnostic nécessitant un traitement spécifique (HSV, VZV, cytomégalovirus [CMV], virus d'Epstein-Barr [EBV]).
Exceptionnellement, devant une fièvre et un rash en contexte évocateur (patient venant d'une zone endémique), un bilan sérologique ou une PCR ciblés sur une atteinte par le virus Zika ou Ebola, ou encore de la Covid-19 [5] peut s'avérer nécessaire. Devant des céphalées et une raideur méningée associées, une conjonctivite à méningocoque doit être évoquée et une ponction lombaire est indiquée. Une imagerie du thorax peut s'avérer utile dans le cas d'une conjonctivite néonatale avec suspicion d'infection à Chlamydiae par contamination lors du passage dans la filière génitale. Devant une conjonctivite infectieuse à fausse membrane, hormis le caractère de sévérité, l'orientation microbiologique se fera vers Haemophilus influenzae , un streptocoque ou un adénovirus. Il faut de plus éliminer les étiologies de conjonctivites inflammatoires spécifiques.
Une fois l'agent pathogène identifié, il est possible d'orienter vers un traitement antibiotique ou antiviral, et de mettre en place des mesures hygiéniques collectives. Une éviction des collectivités (garderies, écoles, hôpital, etc.) peut être nécessaire.
Pronostic
Le pronostic des conjonctivites infectieuses isolées de l'enfant est le plus souvent excellent. Certaines étiologies sont à identifier ainsi que l'association avec un facteur de gravité qui peut conférer un pronostic plus réservé. Elles nécessitent donc un examen clinique complet pour éliminer une atteinte cornéenne associée, une autre pathologie oculaire associée ou des signes généraux. Un quart des enfants présentant une conjonctivite à Haemophilus influenzae développent une otite. Un cinquième des patients ayant une conjonctivite à Neisseria meningococcus développent une méningite bactérienne. Le diagnostic précoce de ces conjonctivites inaugurales d'une situation infectieuse plus sévère est donc crucial pour mettre en place le traitement au plus tôt.
Principes du traitement
Les mesures hygiéniques préventives de l'auto- ou de l'hétéro-contagion (isolement de l'enfant et éviction socio-professionnelle des parents, le cas échéant) doivent être mises en place dès le diagnostic porté.
Le nettoyage oculaire au sérum physiologique permet une diminution de la charge infectieuse. Une prescription d'un lubrifiant de surface oculaire peut aider pour soulager le patient. La prescription de collyres anti-infectieux est mal standardisée, habituellement prévue pour une semaine. Elle semble à l'évidence sous-tendue par des habitudes et des contraintes socio-démographiques plus que par la preuve scientifique [1]. La place des collyres antiseptiques est mal déterminée, bien qu'ils soient aussi largement prescrits (20 % des prescriptions de médecins généralistes).
L'Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS, devenue Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé [ANSM]) a recommandé en 2004 que la prescription d'antibiotiques topiques en cas de conjonctivite soit réservée aux cas avec critères de gravité (sécrétions purulentes importantes, chémosis, baisse de vision). Aussi, en l'absence de critère de gravité ou de facteur de risque, le recours à un antibiotique ne doit pas être systématique. Le traitement des conjonctivites bactériennes doit comprendre avant tout un lavage oculaire au sérum physiologique associé à un antiseptique, le traitement antibiotique étant réservé aux formes graves. Chez l'enfant, une orientation bactérienne incite à administrer localement en cure courte un agent antibactérien de type collyre antibiotique à large spectre [ 20] (fig. 28-8
Fig. 28-8Orientations thérapeutique des conjonctivites bactériennes de l'enfant. R : résistant; S : sensible.
). Cette pratique est discutée, car son bénéfice reste modeste. Cela ne semble pas réduire le taux des rares complications. La plupart des épisodes aigus de conjonctivites virales cèdent spontanément et sans traitement. Une orientation adénovirale autorise l'administration conjointe d'anti-inflammatoires locaux. L'utilisation de corticoïdes reste controversée, de même que celle des antiviraux locaux. En revanche, le traitement des kératites herpétiques passe par un débridement et un antiviral local (à type d'aciclovir pommade) et/ou associé à l'aciclovir ou au valaciclovir par voie générale. Selon la gravité, l'aciclovir peut être est administré chez le petit enfant par voie intraveineuse ou par voie orale à une posologie élevée.
Parmi les étiologies à risque de complications systémiques, il convient de rappeler la place spéciale de la conjonctivite à méningocoque , pour laquelle l'hospitalisation avec isolement est nécessaire pour mettre en place le plus rapidement possible une antibiothérapie locale et par voie générale intraveineuse. Dans le cas d'une conjonctivite néonatale à Chlamydia , un traitement préventif antibiotique anti-chlamydien par voie systémique est mis en place pour éviter les complications à type de pneumopathies. Dans le cas d'une conjonctivite à gonocoque , un traitement topique antibiotique adapté (et systémique si nécessaire) est institué avec surveillance rapprochée pour recherche d'une atteinte cornéenne. Concernant les conjonctivites néonatales, l'AFSSAPS a rédigé en 2010 des recommandations sur la prophylaxie des infections conjonctivales du nouveau-né et a conclu que la prévention ne doit pas être systématique.
Conclusion
Le diagnostic d'œil rouge est souvent associé à une conjonctivite. Il est important d'éliminer les complications oculaires potentielles (kératite, ulcère, perforation, etc.). La grande majorité des conjonctivites infectieuses guérissent sans aucune séquelle. La conjonctivite bactérienne est la plus fréquente chez l'enfant. La conjonctivite du nouveau-né présente des risques particuliers de gravité. S'il existe des manifestations systémiques associées, elles doivent être reconnues, et elles imposent un traitement rapide et adapté. À réception des résultats microbiologiques confirmant un germe à risque, un traitement ciblé doit être mis en place précocement.
Points à retenir
Les conjonctivites infectieuses de l'enfant touchent 1 enfant sur 8 par année d'âge et 51 % des antibiotiques topiques sont prescrits chez des enfants de 0 à 9 ans.
Les conjonctivites aiguës sont fréquentes chez l'enfant et elles sont le plus souvent bactériennes.
Devant une conjonctivite infectieuse de l'enfant, il faut rechercher des potentielles complications, en particulier une kératite qui peut s'ulcérer et entraîner une perforation de la cornée.
Cette pathologie, le plus souvent sans gravité, présente cependant quelques situations précises à identifier qui requièrent une prise en charge urgente.
Chez le nouveau-né, certaines étiologies nécessitent une identification urgente, car elles sont potentiellement cécitantes et de plus certaines engagent le pronostic vital.
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