Lorsque l'on suspecte une neuropathie optique (NO) devant une baisse d'acuité
visuelle (BAV) avec altération de la vision des couleurs et contrastes, un déficit
pupillaire afférent relatif (DPAR) en cas de trouble unilatéral ou asymétrique, et
des modifications de l'aspect de la papille optique, l'interrogatoire et l'examen
ophtalmologique complétés par des examens paracliniques de première orientation
(fonctionnels et OCT) vont guider la démarche diagnostique, ces signes cliniques
n'étant ni constants ni spécifiques. La synthèse des données recueillies pendant le
bilan neuro-ophtalmologique permet le plus souvent d'évoquer un ou plusieurs
mécanismes pathologiques : inflammatoire, vasculaire, tumoral, héréditaire,
etc. (tableau 4-1
). L'ophtalmologiste peut alors demander le ou les examens paracliniques appropriés
nécessaires pour poser le diagnostic étiologique et initier la prise en charge
thérapeutique.
Démarche clinique d'orientation diagnostique
Orientation étiologique par l'interrogatoire méthodique
Lors de l'interrogatoire, il faut recueillir précisément les
caractéristiques des différents symptômes (latéralité, mode de survenue,
circonstances déclenchantes, intensité, durée), les facteurs de risque et
les symptômes associés généraux ainsi que les antécédents personnels et
familiaux.
Antécédents, âge et genre du patient
Ces éléments sont évocateurs de certaines pathologies mais ne sont en
aucun cas exclusifs. D'autres cas de malvoyances dans la famille sont
recherchés au mieux par la réalisation de l'arbre généalogique afin
d'évoquer une cause héréditaire et son mode de transmission.
Les antécédents familiaux de NO héréditaire ou la notion d'une pathologie
périnatale doivent être documentés (récupérer les comptes rendus et
photographies) et comparés au tableau clinique. La génétique doit être
confirmée et, au moindre doute, un bilan neurologique est nécessaire.
Chez un sujet de plus de 50 ans, une maladie de Horton doit toujours
être évoquée et éliminée en urgence.
Chez les plus jeunes, les causes les plus fréquentes de NO sont :
chez la femme jeune de 20 à 40 ans, d'origine caucasienne,
une névrite optique ;
chez l'homme de la cinquantaine, une origine vasculaire ;
chez l'homme jeune de 20 à 40 ans, une neuropathie optique
héréditaire de Leber (NOHL) ;
chez l'enfant, la souffrance périnatale et les causes tumorales
à l'âge préverbal et les maladies héréditaires, les tumeurs et
les traumatismes à l'âge verbal.
Contexte général et traitements en cours
Une cécité brutale totale à fond d'œil (FO) normal constatée au
décours d'un bas débit cardiaque en unité de réanimation ou au
réveil d'une chirurgie est due à une NO ischémique
postérieure .
Si la NO survient chez un patient qui a une maladie générale
connue (comme la sclérose en plaques [SEP]) ou un traitement
potentiellement neurotoxique, la cause de la NO paraît évidente,
mais cela ne dispense pas d'un bilan ophtalmologique méthodique
amenant parfois, en cas d'atypies, à reprendre le bilan
étiologique.
Côté (uni- ou bilatéral), mode de survenue et évolution de la baisse
d'acuité visuelle
Ces éléments sont importants dans l'orientation du mécanisme
pathologique de NO. Ils sont évoqués dans le tableau 4-2
Tableau 4-2
Éléments d'orientation devant une neuropathie
optique en fonction du mode de survenue.
Mode de survenue
Atteinte unilatérale
Atteinte bilatérale
Aigu, brutal, horaire
NOIA(le plus souvent):
artéritique ou non artéritique
NOIP (rare: maladie de
Horton, hypovolémie)
NO traumatique
Complication aiguë de
compression
NOIA artéritique
NOIA non artéritique
(contexte chirurgical/hypovolémie ou
séquentielle lente)
NOIP (rare: maladie de
Horton, hypovolémie)
NO traumatique
Complication aiguë de
compression
Subaiguë, moins de 15 jours
Névrite typique (SEP)
NOHL
Compression/infiltration
Névrite de l'enfant <10ans
Névrite optique atypique
NOHL: bilatérale d'emblée ou
séquentielle
Compression/infiltration
Lentement progressive:
vers la cécité en l'absence
de traitement
très peu évolutive ou
stable
Compression/infiltration
Névrite optique «atypique »
Tumeur des deux nerfs
optiques
Cause toxique ou
carentielle
Atrophie optique héréditaire
dominante ou récessive
La douleur est le symptôme d'accompagnement dont l'analyse est
essentielle pour orienter la stratégie diagnostique et définir le degré
d'urgence. Elle peut être au premier plan ou précéder la BAV.
Une douleur qui augmente à la mobilisation du globe est caractéristique
d'une névrite optique. Elle est présente dans 92 % des névrites
optiques typiques (SEP) et disparaît en 7 à 10 jours. Lorsqu'elle est
absente ou dure plus de 15 jours, il faut évoquer une névrite optique
atypique.
Des douleurs périorbitaires ou des céphalées sont aussi possibles dans
une compression du nerf optique par un méningiome du sphénoïde ou par un
volumineux anévrisme non rompu (carotido-ophtalmique) ; une sclérite
postérieure associée (cause de cette douleur) à une névrite optique ;
une neuropathie optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA) artéritique
(maladie de Horton).
Une douleur « explosive » et des nausées ou vomissements
accompagnant une BAV brutale sont le signe d'une urgence vitale (rupture
d'anévrisme ou apoplexie hypophysaire) qui impose une prise en charge
immédiate dans un centre d'urgence neurovasculaire.
Signes cliniques extra-oculaires
Une altération de l'état général avec asthénie doit faire
rechercher un cancer– cause exceptionnelle de NO par métastase
orbitaire ou syndrome paranéoplasique–, une maladie de Horton et une
origine carentielle. Des facteurs de risque cardiovasculaire –hypertension
artérielle, troubles du métabolisme lipidique, apnée du sommeil et
diabète– sont propices à la survenue de neuropathies optiques
ischémiques antérieures (NOIA), surtout en cas de petite papille pleine
à risque. Chez l'enfant ou l'adulte jeune , des signes généraux (
surdité , diabète, cardiopathie, par exemple) associés à une
atrophie optique bilatérale orientent le diagnostic vers une cause
héréditaire.
Orientation étiologique par l'examen clinique
Inspection du patient et palpation du crâne
Une exophtalmie évoque une neuropathie compressive (tumeur
du nerf optique ou orbitaire, neuropathie basedowienne). Le comblement,
voire la voussure du creux temporal, signe un méningiome de la petite
aile du sphénoïde. Chez l'enfant, une pseudo-exophtalmie (exorbitisme)
doit faire penser à une craniosténose (oxycéphalie), cause
d'hypertension intracrânienne (HIC) chronique ; le diagnostic sera étayé
par la mesure du périmètre crânien et confirmé par le scanner
tridimensionnel.
Mesure d'acuité visuelle et examen pupillaire
La BAV et la mise en évidence d'un DPAR sont essentielles au diagnostic
positif mais n'orientent pas le diagnostic étiologique. A contrario, une
NO avec BAV massive sans DPAR est en faveur d'une NOHL (les cellules
ganglionnaires à la mélanopsine étant épargnées). Une hypermétropie
acquise évoque une compression postérieure du globe.
Examen oculomoteur
Une limitation des mouvements oculaires oriente vers une NO compressive
(tumeurs orbitaires ou myopathie basedowienne) ou inflammatoire (myosite
associée).
Examen du segment antérieur
Cet examen peut retrouver des nodules de Lisch en faveur d'un gliome du
nerf optique dans le cadre d'une neurofibromatose de type 1 (NF1),
des signes d'orbitopathie thyroïdienne chez un patient exophtalme, une
uvéite en faveur d'une névrite optique.
Examen du fond d'œil
L'étude comparative des deux papilles est l'étape essentielle de
l'examen clinique. La papille est par définition normale à la
phase aiguë des atteintes postérieures inflammatoires et ischémiques.
Elle peut être normale à la phase précoce de la NOHL et des NO
compressives ou toxiques.
L'œdème papillaire (OP) sectoriel, modéré, pâle est en faveur d'une
NO ischémique ; global, il est évocateur d'une NO tumorale ou
d'une NO inflammatoire . Une névrite optique avec OP important,
exsudats, hémorragies n'est pas en faveur d'une SEP mais doit faire
rechercher une autre cause (neuromyélite optique, sarcoïdose, névrites
infectieuses). À noter que les neuropathies œdémateuses sont toujours
associées à une BAV ou à un déficit plus ou moins marqué du champ visuel
à l'inverse de l'OP de stase.
La pâleur papillaire ou l' atrophie optique n'ont pas de
valeur étiologique. En effet, elles sont retrouvées au stade séquellaire
de nombreuses NO et même des rétinopathies diffuses.
Une excavation oriente vers une NO glaucomateuse mais lorsqu'elle
s'associe à une pâleur ou atrophie papillaires, il faut éliminer une
autre cause de NO (compression tumorale ancienne ou syndrome de Wolfram
en particulier).
Les autres anomalies associées au FO sont :
une étoile maculaire, une uvéite, une vascularite rétinienne qui
évoqueront des NO inflammatoires ou vasculaires ;
des plis rétiniens dans le cadre d'une tumeur orbitaire.
Examens complémentaires
Les examens fonctionnels de la vision et l'imagerie par tomographie par
cohérence optique ( optical coherence tomography [OCT]) sont nécessaires
au diagnostic différentiel et au suivi d'une NO. Associés à la clinique, ils ont
une grande valeur d'orientation, particulièrement dans les formes
paucisymptomatiques ou frustes.
Étude de la vision des couleurs
La vision des couleurs est altérée de façon constante et précoce dans toutes
les NO non glaucomateuses. Une dyschromatopsie d' axe bleu-jaune est
un argument notable en faveur d'une atrophie optique héréditaire
dominante ou d'un glaucome avancé . Une dyschromatopsie d'axe rouge-vert
est un signe précoce de NO toxique chez un sujet qui se plaint de troubles
visuels sans signes cliniques francs de NO.
Champ visuel
Certains déficits campimétriques orientent d'emblée vers un mécanisme
particulier de NO après exclusion d'une lésion rétinienne. Le scotome
centrocæcal évoque une NO héréditaire ou toxique lorsqu'il est bilatéral
et une cause inflammatoire ou une NOHL lorsqu'il est unilatéral. Le
déficit altitudinal n'est pas spécifique mais évocateur d'une cause
vasculaire. Les déficits centraux diffus sont en faveur d'une NO
inflammatoire lorsqu'ils sont unilatéraux et d'une cause toxique débutante
ou en voie de récupération lorsqu'ils sont bilatéraux. L'association d'une
NO à un déficit hémianopsique ou quadranopsique controlatéral signe
une lésion de la jonction chiasmatique (gliome, adénome, craniopharyngiome,
anévrisme).
Potentiels évoqués visuels
Les potentiels évoqués visuels (PEV) ont une latence et une amplitude
altérées dans tous les types de NO à la phase aiguë. Une altération du
PEV à la phase précoce , lorsque l'acuité visuelle est subnormale,
évoque une NO toxique ou carentielle. Une augmentation de la latence constatée
au niveau de l'œil « sain » ou persistant après récupération
fonctionnelle du côté de la NO est signe de NO démyélinisante .
Une diminution d'amplitude sans augmentation de latence à la phase
aiguë d'une NO évoque une cause compressive ou vasculaire.
OCT et angiographie
À la phase initiale, l'OCT est intéressant pour le diagnostic différentiel
avec les rétinopathies (occultes surtout) et pour confirmer une atteinte du
nerf optique en cas de doute sur une pâleur papillaire, mais n'a pas ou peu
d'intérêt pour le diagnostic étiologique d'une NO. L'angiographie
fluorescéinique ou l'angio-OCT peuvent mettre en évidence une ischémie
choroïdienne associée à la NO, signe de maladie de Horton.
Conclusion
Le bilan neuro-ophtalmologique complet permet de formuler des hypothèses sur le
mécanisme de la NO et ainsi d'orienter la demande d'examens – neurologiques,
cardiologiques, biologiques, radiologiques– nécessaires pour affirmer le
diagnostic étiologique. La demande d'imagerie, le plus souvent une imagerie par
résonance magnétique (IRM), est ainsi étayée par les données de ce bilan.
L'examen clinique peut parfois suffire, par exemple pour diagnostiquer une
névrite optique typique (SEP). À l'inverse, le diagnostic de certaines NO de
mécanisme mitochondrial (toxique, métabolique ou génétique) peut requérir de
nombreuses investigations. Celui de NO vasculaire, infectieuse ou héréditaire
reste parfois un diagnostic de probabilité si le cas est sporadique, quand le
patient est vu au stade d'atrophie optique et lorsque la pathologie n'est ni
évolutive ni récidivante.
4.2.
Neuropathies optiques inflammatoires et infectieuses
V. Touitou,
D. Saadoun,
J. de Sèze
Points importants
Un bilan étiologique doit être réalisé devant toute névrite
optique.
L'étiologie la plus courante des névrites optiques est la SEP,
avec une présentation typique de la neuropathie optique
inflammatoire (NOInfl).
L'association à une myélite ou une atteinte du tronc cérébral
peut faire rentrer la NOInfl dans le cadre des maladies du
spectre de la neuromyélite optique (NMO), souvent associées à
des anticorps anti-AQP-4 ou anti-MOG où les récidives sont
fréquentes.
Dans de rares cas, une maladie systémique (lupus, sarcoïdose,
syndrome de Sjögren, maladie de Behçet) est retrouvée. Dans ces
affections, les névrites ont souvent un pronostic visuel sévère
et sont volontiers cortico-résistantes.
Quand l'IRM et l'analyse du liquide cérébrospinal (LCS) sont
normales, la NOInfl est habituellement considérée comme
idiopathique et le patient devra être surveillé.
En cas d'atypies (cliniques, biologiques, radiologiques) faisant
suspecter une névrite optique infectieuse, la ponction lombaire
est indispensable, voire urgente.
La fréquence des manifestations oculaires de la syphilis,
incluant la névrite optique, est en constante augmentation.
En cas de suspicion de névrite optique virale, le traitement est
initié dès l'imagerie et la ponction lombaire est réalisée sans
attendre les résultats de la polymerase chain reaction (PCR).
La névrite optique peut être la manifestation initiale d'une
méningoencéphalite herpétique ou zostérienne et engager le
pronostic vital du patient.
Le traitement des névrites optiques infectieuses (bactériennes,
virales ou fongiques) est toujours parentéral et prolongé.
Quoi de neuf ?
Le diagnostic de SEP peut être posé dès la première poussée
(critères de McDonald 2017).
Les traitements de fond de la SEP sont proposés de plus en plus
tôt, idéalement dès la première poussée.
Des traitements de fond de la SEP par voie orale sont maintenant
disponibles : fingolimod, tériflunomide, diméthyl fumarate.
De nouveaux anticorps monoclonaux sont venus compléter le
traitement (natalizumab, alemtuzumab, ocrelizumab).
Le diagnostic de NMO peut être posé dès la première poussée si
la sérologie AQP-4 est positive (critères de Wingerchuk de
2015).
La découverte des anticorps anti-MOG a permis d'invalider le
concept de névrite optique récidivante. Cette affection
représente environ 20 % des neuropathies optiques
anciennement qualifiées d'idiopathiques et rentre également dans
le spectre de la NMO.
La prise en charge thérapeutique de la NMO a beaucoup évolué
avec les résultats récents (2019) de trois essais de phase 3
avec des nouveaux anticorps monoclonaux qui viennent s'ajouter
au rituximab déjà très efficace: satralizumab, éculizumab et
inébilizumab.
Dans le cadre de la maladie de Behçet, les atteintes d'organes
sévères menaçant une fonction sont une indication à un
traitement immunosuppresseur (azathioprine, voire anti-tumor
necrosis factor ou interféron) en plus de la
corticothérapie (recommandations de l'European League Against
Rheumatism [EULAR] 2018).
Dans le cadre du lupus, les immunosuppresseurs ou les
immunomodulateurs peuvent être introduits d'emblée, en plus de
la corticothérapie, en cas d'atteinte menaçant un organe ou une
fonction. En cas d'échec des immunosuppresseurs ou des
immunomodulateurs, le cyclophosphamide peut être proposé
(recommandations EULAR 2019).
La NOInfl de Lyme est considérée comme un neuro-Lyme et
nécessite la réalisation d'un test ELISA ( enzyme-linked
immunosorbent assay ) à la fois dans le sang et le LCS
comme toute suspicion de neuro-Lyme. Un Western blot doit
ensuite être réalisé en cas de positivité. Il n'est pas utile de
suivre la négativation des tests biologiques lors du traitement
( guidelines de 2019 des sociétés françaises
scientifiques sur le diagnostic et le traitement de la maladie
de Lyme).
Neuropathie optique inflammatoire typique et atypique, éléments de gravité
V. Touitou
Les neuropathies optiques inflammatoires (NOInfl) ou névrites optiques sont le
plus souvent suspectées chez un sujet jeune, en général une femme caucasienne,
devant un tableau clinique typique bien connu. Celui-ci associe des symptômes et
des signes qui localisent l'atteinte au niveau du nerf optique et évoquent son
mécanisme inflammatoire ou infectieux (encadré 4-1
Encadré 4-1
Éléments en faveur du mécanisme inflammatoire ou infectieux d'une
neuropathie optique
Patiente de sexe féminin (F/H = 3/1)
Âge moyen 32 ans (20–40ans)
Origine caucasienne
Baisse d'acuité visuelle variable mais en règle générale
modérée
Progression de la baisse d'acuité visuelle sur moins de
2 semaines
Baisse d'acuité visuelle unilatérale le plus souvent
Douleurs à la mobilisation du globe
Fond d'œil normal 70 % (30 % d'œdème papillaire)
Amélioration rapide de la baisse d'acuité visuelle sous
corticoïdes
Récupération spontanée sous 1 mois
).
Symptômes et signes localisant l'atteinte au niveau du nerf optique
FO normal (70 %) ou œdème papillaire (OP) généralement modéré
(30 %).
Symptômes et signes évoquant un mécanisme inflammatoire ou infectieux
Douleurs péri-oculaires majorées par la mobilisation du globe,
pouvant précéder la BAV.
La BAV évolue de manière rapidement progressive en moins de 15 jours
(le plus souvent moins de 8 jours).
Signes inflammatoires ou infectieux locaux ou régionaux associés.
Phénomène de Pulfrich, à type d'illusions visuelles stéréoscopiques.
Le patient perçoit une trajectoire anormale (elliptique) d'un objet
en mouvement ; ce phénomène est lié à une asymétrie de transmission
de l'influx nerveux entre les nerfs optiques.
Phénomène d'Uhthoff à type de baisse visuelle transitoire lors de
l'augmentation de la température corporelle.
Le phénomène d'Uhthoff comme celui de Pulfrich peuvent révéler,
accompagner ou être séquellaire d'une névrite optique typique
démyélinisante.
Atypies, éléments de gravité
Il est essentiel de reconnaître la présence d'atypies qui justifient un
bilan étiologique plus poussé (encadré 4-2
Encadré 4-2
Névrite optique
Patient âgé > 50 ans ou jeune < 12 ans
Origine Afrique, Asie, Caraïbes
Antécédents personnels de néoplasie, maladie de
système, maladie infectieuse, voyages récents,
griffures de chat, piqûre de tique, etc.
Antécédents familiaux de malvoyance
Acuité visuelle < 1/10
Progression de la baisse d'acuité visuelle sur plus
de 2 semaines
Atteinte bilatérale simultanée ou rapidement
séquentielle
Absence de douleurs
Douleurs persistantes > 2 semaines ou au premier
plan
Œdème papillaire important
Hémorragies péripapillaires, décollement séreux
rétinien, vascularites, etc.
Signes associés : signes neurologiques,
respiratoires, digestifs, aphtose, etc.
Absence de récupération après 4 semaines
Rechute à l'arrêt des corticoïdes
), ainsi que l'existence d'éléments de gravité qui nécessitent une prise en
charge diagnostique et thérapeutique urgente et plus agressive en milieu
spécialisé (encadré 4-3
). Certains tableaux cliniques sont susceptibles de se décompenser très
rapidement : méningoencéphalite virale, spectre des neuromyélites
optiques, patient immunodéprimé. Ces patients qui se présentent initialement
à l'ophtalmologiste avec un tableau de simple BAV peuvent engager à court ou
moyen terme leur pronostic visuel voire vital si les éléments de gravité
initiaux n'ont pas été relevés et si le traitement approprié n'a pas été
administré. Bien que rare, il faut toujours garder en mémoire la possibilité
d'une évolution dramatique lors de l'évaluation initiale de ces malades.
Diagnostic positif de névrite optique
V. Touitou
Diagnostic de neuropathie optique inflammatoire
Le diagnostic est avant tout clinique et sera étayé par les éléments de
l'examen neuro-ophtalmologique [1,2].
L'étude de la vision des couleurs permet de confirmer le diagnostic de NO en
particulier dans les cas douteux. Dans la NOInfl, la dyschromatopsie d'axe
variable est souvent plus marquée que la BAV.
Avec le champ visuel, tous les types de déficits peuvent être observés au
cours d'une NOInfl, même si les atteintes diffuses et centrales sont les
plus fréquentes. Le champ visuel permet également d'obtenir des éléments sur
une éventuelle atteinte bilatérale passée inaperçue cliniquement, voire de
diagnostiquer une atteinte chiasmatique associée si l'inflammation dépasse
le nerf optique. Enfin, le champ visuel fait partie de l'évaluation initiale
et contribue à apprécier la récupération visuelle.
L'OCT n'est pas indispensable au diagnostic positif de NOInfl. Au stade
aigu, même dans la forme rétrobulbaire, il existe souvent une petite
augmentation de la peripapillary retinal nerve fiber layer (pRFNL). À
ce stade, un amincissement de la pRNFL et/ou de la couche des cellules
ganglionnaires rétiniennes maculaires évoque d'éventuelles poussées
antérieures, sur le même œil ou sur l'œil controlatéral.
Les PEV sont surtout utiles en cas de doute diagnostique, pour confirmer une
atteinte minime ou débutante ou controlatérale passée inaperçue, et dans le
bilan d'une SEP sans poussée visuelle connue. Ils retrouvent typiquement un
allongement de la latence de l'onde P100.
Imagerie par résonance magnétique cérébrale et orbitaire
L'IRM cérébrale et orbitaire est un élément majeur du diagnostic positif et
étiologique des névrites optiques. À la phase aiguë, elle retrouve une prise
de contraste du nerf optique et un hypersignal T2. La longueur et la
localisation de la prise de contraste ainsi que l'extension à la méninge
péri-optique et/ou à la graisse orbitaire sont des éléments d'orientation
étiologique importants. L'aspect de l'IRM cérébrale est également un élément
majeur du diagnostic étiologique (voir
chapitre 2
).
Bilan de névrite optique
V. Touitou
Une fois le diagnostic de névrite optique posé, il convient d'effectuer un
bilan étiologique adapté , dont l'exhaustivité dépend de la présentation
clinique initiale, de la présence éventuelle d'éléments atypiques ou de gravité
et des données de l'IRM cérébrale et orbitaire. Cette imagerie participe en
effet au diagnostic positif et au bilan étiologique. Elle permettra de
rechercher des arguments pour une maladie inflammatoire du système nerveux
central (critères radiologiques de SEP, signes d'atteinte inflammatoire de
l'area postrema, acute disseminated encephalomyelitis [ADEM], etc.), des
signes évocateurs de neurosarcoïdose (infiltration granulomateuse du nerf
optique, infiltration de la tige pituitaire, pachyméningite, élargissement de la
glande lacrymale), des signes de neuro-Behçet, ou encore des signes d'infection,
tels qu'une méningoencéphalite virale avec atteinte des lobes temporaux dans les
infections herpétiques, ou des lésions en cocarde en cas de toxoplasmose. L'IRM
doit être cérébrale et orbitaire, avec des coupes fines axiales et coronales en
pondération T2, T1 avant et après injection de produit de contraste, avec
suppression de la graisse orbitaire.
Bilan minimal d'une névrite optique typique
Il n'y a pas de consensus sur le bilan minimal d'une névrite optique
typique chez un patient caucasien sans antécédent. Les éléments suivants
nous semblent nécessaires :
examen neurologique ;
bilan biologique : numération formule sanguine (NFS), vitesse
de sédimentation (VS), C-reactive protein (CRP), glycémie à
jeun, bilan hépatique, enzyme de conversion de l'angiotensine ;
bilan infectieux : sérologie de la syphilis – treponema
pallidum hemagglutinations assay (TPHA)- venereal disease
research laboratory (VDRL)–, sérologie de Lyme, sérologie du
virus de l'immunodéficience humaine (VIH) ;
bilan auto-immun : anticorps antinucléaires, anti-ADN natifs,
ANCA ( antineutrophil cytoplasmic antibodies ). La recherche
systématique des anticorps anti-MOG( myelin oligodendrocytes
glycoprotein ) et anti-AQP-4 (aquaporine4) est fonction des
équipes et nous la recommandons lors d'un premier épisode de névrite
optique ;
radiographie thoracique et électrocardiogramme (ECG) avant bolus de
corticoïdes ;
ponction lombaire : elle n'est pas systématique si tous les
critères radiologiques diagnostiques de SEP sont présents, mais la
présence de bandes oligoclonales (BOC) dans le LCS peut remplacer le
critère de dissémination dans le temps dans la dernière version des
critères diagnostiques de SEP (critères de McDonald 2017) ;
IRM médullaire : elle n'est pas systématique si tous les
critères diagnostiques de SEP sont présents, mais elle peut montrer
une dissémination dans l'espace.
Bilan plus large
En cas d'atypies ou d'éléments de gravité, un bilan plus large doit être
réalisé, guidé par le tableau initial clinique et l'IRM, incluant le terrain
et les antécédents. Il peut comporter :
une angiographie à la fluorescéine et infracyanine, ainsi que des
clichés monochromatiques et en autofluorescence, qui peuvent avoir
leur place pour éliminer des diagnostics différentiels et rechercher
des arguments en faveur d'une étiologie : granulomes
choroïdiens de la sarcoïdose ou de la tuberculose ; vascularites de
la maladie de Behçet, du lupus ou de la sarcoïdose ; placoïde de la
syphilis, etc. ;
un examen clinique général, neurologique, cutané et muqueux, des
aires ganglionnaires, etc. ;
un bilan biologique : NFS, VS, CRP, glycémie à jeun, bilan
hépatique, enzyme de conversion de l'angiotensine, bilan
phosphocalcique et lysozyme sérique ;
un bilan infectieux : TPHA-VDRL, sérologie de Lyme,
bartonellose, toxoplasmose, cryptococcose, VIH1 et 2, herpes
simplex virus (HSV), varicella-zoster virus (VZV),
EBV, cytomégalovirus (CMV), hépatite et quantiféron ;
un bilan auto-immun : anticorps anti-nucléaires, anti-ADN
natifs, ANCA. La recherche des anticorps anti-MOG et anti-AQP-4 est
systématique et urgente en cas de névrite optique bilatérale, de
myélite ou d'encéphalite associée, ou devant un syndrome de l'area
postrema ;
une ponction lombaire : elle sera systématique dès lors qu'une
atteinte infectieuse est suspectée, qu'il s'agisse d'une atteinte
bactérienne, virale, mycologique ou parasitaire. Elle est à
effectuer en urgence, après l'IRM cérébrale, en cas de vomissements
avec troubles de la conscience, afin d'éliminer une méningite virale
associée à la névrite optique, dont le traitement doit être débuté
sans attendre les résultats de la PCR virologie ;
une IRM médullaire à la recherche d'une dissémination dans l'espace
ou en cas de symptômes de myélite ;
un bilan à la recherche d'une maladie systémique pouvant comprendre :
scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP), scintigraphie, biopsie des
glandes salivaires accessoires, lactate-déshydrogénase (LDH),
β2-microglobuline et autres examens plus ciblés en fonction de
l'étiologie suspectée.
Formes cliniques, diagnostics différentiels, et pièges
V. Touitou
Les formes cliniques comprennent les périnévrites, les papillites et les
neurorétinites. Les diagnostics différentiels concernent les atteintes
inflammatoires ou infectieuses qui jouxtent le nerf optique sans l'affecter
(sclérites postérieures, orbitopathies inflammatoires), ainsi que toutes les
neuropathies optiques d'un autre mécanisme – non inflammatoires et non
infectieuses. On peut inclure dans l'éventail des diagnostics différentiels les
autres causes de BAV à FO normal [3].
Périnévrites
Parfois associées à une névrite optique homo- ou controlatérale, les
périnévrites isolées s'en distinguent par certaines caractéristiques.
L'acuité visuelle est en général conservée et il n'y a pas de DPAR. Le champ
visuel montre un élargissement de la tache aveugle plutôt qu'un scotome, la
vision des couleurs est normale, et l'IRM met en évidence une prise de
contraste et un hypersignal T2 des gaines du ou des nerfs optiques, avec
parfois une extension à la graisse orbitaire. Les étiologies des
périnévrites recoupent celles des névrites optiques, en particulier la
syphilis, la neurosarcoïdose et la tuberculose. L'association périnévrite et
névrite optique évoque une sarcoïdose et une névrite aux anti-MOG ; la
périnévrite isolée n'est pas reliée à une pathologie démyélinisante.
Papillites et neurorétinites
Les papillites et les neurorétinites sont des formes particulières et
atypiques de névrite optique. Contrairement à la majorité des névrites
optiques typiques dont le FO est normal (deux tiers des cas), la papillite
et la neurorétinite sont caractérisées par la présence constante d'un OP
d'importance variable. D'autres signes ophtalmologiques, quand ils sont
présents, permettent d'orienter le diagnostic : vascularites, œdème
maculaire, hyalite, nodules cotonneux, hémorragies, foyer rétinien,
exsudats.
Dans la neurorétinite, une couronne d'exsudats maculaires permet de faire le
diagnostic écartant de facto une pathologie démyélinisante. Les étiologies
des neurorétinites sont nombreuses : 64% des neurorétinites stellaires
de Leber sont associées à une infection par Bartonella haenselae ;
toutefois, il conviendra d'étendre le bilan à la recherche d'autres
étiologies infectieuses telles que toxoplasmose, syphilis, maladie de Lyme,
tuberculose, rickettsie, EBV, virus de l'hépatiteB (VHB), chikungunya, ou
plus rarement des causes non infectieuses, telles que sarcoïdose,
granulomatose avec polyangéite (anciennement maladie de Wegener).
En cas de papillite isolée sans prise de contraste en arrière de la lame
criblée à l'IRM, le bilan sera encore plus large, à la recherche d'une cause
infectieuse (principalement la syphilis, mais également les autres
étiologies précédemment évoquées) ou non infectieuse (maladie de Behçet,
sarcoïdose, lupus, granulomatose avec polyangéite, panartérite noueuse).
Sclérites postérieures
Une sclérite postérieure peut également s'accompagner d'une BAV douloureuse
à FO d'apparence normale. C'est un diagnostic différentiel des névrites
optiques rétrobulbaires. La présence d'une rougeur oculaire, en cas de
participation antérieure, orientera facilement le diagnostic ; en revanche,
lorsque l'atteinte est uniquement postérieure, le diagnostic différentiel
est plus délicat. La présence de plis choroïdiens ou d'un décollement séreux
rétinien au FO, à l'OCT ou à l'angiographie à la fluorescéine permet
d'évoquer le diagnostic de sclérite postérieur. L'échographie en mode B
permet de redresser le diagnostic en montrant une sclère postérieure
épaissie et inflammatoire, avec parfois une inflammation orbitaire associée
également visible à l'IRM.
Neuropathies optiques non infectieuses et non inflammatoires
Les neuropathies optiques ischémiques antérieures aiguës, survenant en
particulier chez des patients de moins de 45 ans, sont un
diagnostic différentiel parfois difficile. L'absence de douleur, un
début brutal, la présence d'une petite papille pleine «à risque »
controlatérale et un déficit altitudinal au champ visuel sont des
arguments en faveur d'une atteinte ischémique, mais certaines névrites
optiques atypiques sont non douloureuses et d'authentiques déficits
altitudinaux ont été observés. L'IRM orbitaire et encéphalique de bonne
qualité, à la phase aiguë, ni trop précoce ni trop tardive, permet de
différencier les deux types d'atteintes, car il n'y a pas de prise de
contraste dans la neuropathie optique ischémique antérieure. Les PEV
peuvent également apporter des arguments en distinguant atteinte axonale
et démyélinisante. L'absence de récupération fréquente dans les
neuropathies optiques ischémiques antérieures est également un argument
en faveur de ce diagnostic.
Les neuropathies optiques ischémiques postérieures aiguës peuvent
constituer un autre problème diagnostique. Dans un contexte de
radiothérapie, on évoquera facilement la neuropathie optique
postradique. Chez les patients de plus de 50 ans, on évoquera de
principe une maladie de Horton. Dans les deux cas, le tableau est celui
d'une BAV profonde, brutale, à FO normal. En général, ces baisses
visuelles sont indolores. Les céphalées souvent associées à la maladie
Horton peuvent être confondues avec des douleurs à la mobilisation du
globe.
Neuropathies optiques compressives et infiltratives
Les neuropathies optiques compressives et infiltratives peuvent être
douloureuses et mimer une névrite optique. Le terrain, le bilan
biologique et l'aspect IRM permettent de redresser le diagnostic.
Autres causes de baisse d'acuité visuelle à fond d'œil normal
De nombreuses affections rétiniennes peuvent également être confondues avec
une névrite optique. Le syndrome de tache aveugle élargie, les taches
blanches évanescentes, les maculopathies occultes ou encore certaines
toxicités médicamenteuses ou l'utilisation de poppers peuvent être à
l'origine d'un diagnostic erroné de neuropathie optique. L'examen attentif
du FO, l'OCT rétinien, les clichés monochromatiques, l'autofluorescence et
l'angiographie permettent en général de redresser le diagnostic.
Étiologies
Névrites optiques « démyélinisantes »
J. de Sèze
Les NOInfl associées à une démyélinisation sont souvent des névrites
optiques typiques. L'interrogatoire retrouve une douleur périorbitaire ; la
BAV est lentement progressive de quelques heures à quelques jours, souvent
associée à une dyschromatopsie, une réduction de la vision des contrastes et
un DPAR [4]. Les patients
peuvent également signaler un phénomène d'Uhthoff ou de Pulfrich. Les
anomalies du champ visuel sont variables. Les PEV montrent un allongement de
l'onde P100 du côté atteint avec parfois un ralentissement controlatéral en
cas d'atteinte infraclinique, notamment dans la SEP [5]. Les trois affections les
plus fréquemment associées à une NOInfl démyélinisante sont la SEP, la
neuromyélite optique associée aux anti-AQP-4 (ou NMO de Devic) et la
neuromyélite optique associée aux anti-MOG. Les NOInfl de la NMO associée
aux anticorps anti-AQP-4 sont typiquement très sévères, avec une moins bonne
récupération visuelle sous traitement, et récidivent fréquemment (fig. 4-1
Fig. 4-1
Névrite optique bilatérale chez un patient avec anticorps anti-AQP4.a–c.Hypersignal bilatéral visible sur les coupes coronales enT2(a) et réhaussé par le gadolinium en T1 SPIR coronal(b) et axial(c), plus étendu à gauche et prédominant en postérieur. d, e.Hypersignal du chiasma en T2 coronal(d) et rehaussé par le gadolinium(e). f, g.Hypersignal médullaire T2(f) s'étendant sur plus de 3corps vertébraux et rehaussé par le gadolinium(g).
Source: F. Héran.
). Les NMO associées aux anticorps anti-MOG sont volontiers bilatérales,
œdémateuses (fig. 4-2
Fig. 4-2
Névrite optique bilatérale associée aux anticorps anti-MOG.a, b.Baisse visuelle douloureuse rapidement progressive avec œdème papillaire bilatéral. c.IRM T2 coupe coronale: hypersignal des deux nerfs optiques. d, e.Séquence T1 injecté SPIR axial(d) et coronal(e): aspect de névrite et périnévrite étendue. f, g.Coupes coronales T2(f) et T1 injecté(g): discret hypersignal chiasmatique prédominant à gauche et non rehaussé par le contraste.
Source: C.Vignal Clermont.
) avec des récidives fréquentes. La sévérité de ces deux dernières
affections et le risque de myélite imposent d'en faire un diagnostic précoce
et de connaître les différentes caractéristiques de la NOInfl dans ces
étiologies (tableau 4-3
Tableau 4-3
Comparaison des caractéristiques de la neuropathie
optique entre les différentes étiologies les plus
fréquentes.
L'étiologie la plus fréquente de NOInfl est la SEP, signe de début de
cette affection dans environ 25 % des cas. Il s'agit donc du
diagnostic évoqué en premier lieu devant une névrite optique unilatérale
typique, notamment chez les femmes jeunes caucasiennes. L'étude Optic
Neuritis Treatment Trial (ONTT) a montré que 50 % des patients
présentant une NOInfl développent une SEP cliniquement définie (au moins
une nouvelle poussée) après 15 ans de suivi [6].
Ce chiffre atteint presque 80 % lorsque l'IRM montre au moins une lésion
cérébrale. Il diminue à 20 % en cas de normalité de l'IRM cérébrale
initiale. Si la dissémination temporelle n'est pas visible à l'IRM, la
ponction lombaire permet d'affirmer le diagnostic et aide également au
diagnostic différentiel notamment en cas de méningite importante, avec
un taux de leucocytes supérieur à 50 éléments.
Quand l'IRM et la ponction lombaire sont normales, une hypothèse virale
est souvent évoquée mais rarement démontrée et la NOInfl est dite « idiopathique ».
Cependant, la première étape dans le champ des névrites optiques
démyélinisantes est de s'assurer du caractère inflammatoire de la
neuropathie. Il faut savoir évoquer des diagnostics différentiels,
notamment les neuropathies optiques ischémiques antérieures en cas de
début brutal, de facteur de risque vasculaire ou d'âge supérieur à 50 ans
ou les méningiomes de la gaine ou du nerf optique en cas de caractère
très lentement progressif sans douleur. Les critères de McDonald (tableau 4-4
Tableau 4-4
Critères de McDonald 2017.
Présentation clinique
Données supplémentaires nécessaires pour le
diagnostic de SEP
≥ 2 poussées cliniques et preuve clinique
objective d'au moins 2 lésions ou plus
Aucune
≥ 2 poussées cliniques et preuve clinique
objective d'une lésion
DIS démontrée par une nouvelle poussée clinique
impliquant un autre territoire du SNC par IRM
1 poussée clinique et preuve clinique objective
d'au moins 2 lésions ou plus
DIT démontrée par une nouvelle poussée clinique
par IRMBOC spécifiques du LCS
1 poussée clinique et preuve clinique objective
de 1 lésion
DIS démontrée par une nouvelle poussée clinique
impliquant un autre territoire du SNC par IRMDIT
démontrée par une nouvelle poussée clinique par
IRMBOC spécifiques du LCS
BOC: bandes oligoclonales ; DIS: dissémination dans
l'espace ; DIT: dissémination dans le temps ; IRM:
imagerie par résonance magnétique ; LCS: liquide
cérébrospinal ; SEP: sclérose en plaques ; SNC: système
nerveux central.
) ont été récemment révisés permettant de poser le diagnostic de SEP dès
la première poussée, par exemple de NOInfl, à condition d'avoir une
dissémination spatiale à l'IRM et temporelle (sur l'IRM ou la ponction
lombaire). Il faudra bien sûr éliminer les diagnostics différentiels
avant de poser le diagnostic de SEP. Ces nouveaux critères [7] ont pour principale
conséquence un diagnostic et un traitement de fond plus précoces.
Neuromyélite optique
La NMO a longtemps été considérée comme un sous-type de SEP, mais les
données actuelles montrent qu'il s'agit d'une pathologie différente,
médiée par les lymphocytes B et pour laquelle nous possédons deux
marqueurs biologiques sériques, les anticorps anti-aquaporine4 (AQP-4)
et, plus récemment, les anticorps antimyéline oligodendrocytaire
glycoprotéine (MOG) [8,9]. En cas de positivité
d'un de ces deux anticorps, le risque de rechute après un épisode de
NOInfl est élevé sous la forme soit d'une autre NOInfl homo- ou
controlatérale, soit d'une myélite ou d'une atteinte du tronc cérébral.
Ces patients sont donc considérés à haut risque de récidive et un
traitement de fond immuno-actif doit être discuté. Pour les anticorps
anti-AQP-4, leur haute spécificité a d'ailleurs conduit le comité
d'experts de la NMO à proposer le diagnostic de «spectre NMO » dès le
premier épisode [10]. Cette
classification permet un diagnostic précoce suivi d'un traitement
rapide, ce qui est important car les NOInfl appartenant au spectre NMO
sont particulièrement sévères notamment celles liées aux anticorps
anti-AQP-4.
Actuellement, certains auteurs proposent de tester les anticorps
anti-MOG et anti-AQP-4 de façon systématique devant une NOInfl, mais
pour d'autres, ces examens ne doivent être réalisés qu'en cas d'atypie,
notamment pour le diagnostic de SEP : normalité de l'IRM cérébrale,
bilatéralité, sévérité, difficultés des récupérations, récidives, etc.
Dans le groupe des neuropathies optiques récidivantes autrefois
considérées comme idiopathiques ( recurrent inflammatory optic
neuritis [RION]), le pourcentage de patients avec des anticorps
anti-MOG approcherait les 25 à 30 % [11],
ce qui rend absolument nécessaire le dosage des anticorps anti-MOG (et
AQP-4) en cas de récidive de NOInfl.
Autres névrites optiques
V. Touitou
Les névrites optiques non démyélinisantes, inflammatoires et infectieuses,
sont plus rares, mais souvent plus sévères que les névrites optiques
démyélinisantes (tableau 4-5
Tableau 4-5
Principales étiologies des neuropathies optiques non
démyélinisantes.
Névrites optiques inflammatoires non
démyélinisantes
Névrites optiques infectieuses
Bactériennes
Virales
Fongiques ou parasitaires
Causes fréquentes
Sarcoïdose
Syphilis Maladie de Lyme Tuberculose
HSV Rougeole Oreillon Rubéole VIH
Toxoplasmose
Causes plus rares
Lupus érythémateux disséminé Maladie de
Behçet Syndrome de Gougerot-Sjögren MICI (maladie de
Crohn, rectocolite hémorragique) Panartérite
noueuse Granulomatose avec polyangéite
Névrites optiques non infectieuses dans le cadre de maladies de système
Sarcoïdose
La sarcoïdose est l'une des causes les plus fréquentes de NOInfl non
démyélinisante [14].
La névrite optique peut y être isolée, et parfois révéler la
maladie, mais aussi s'intégrer dans un tableau de sarcoïdose
systémique ou de neurosarcoïdose connue. Elle peut être purement
inflammatoire ou mixte: inflammatoire et infiltrative (fig. 4-3
Fig. 4-4
Névrite optique purement inflammatoire révélatrice d'une sarcoïdose (flèche) histologiquement prouvée.La patiente a présenté une neuropathie optique inflammatoire extrêmement douloureuse associée à une perte de la perception lumineuse.
Fig. 4-3
Névrite optique avec atteinte chiasmatique en coupe coronale(a) et sagittale(b) chez un patient avec sarcoïdose histologiquement prouvée.La névrite optique est mixte, inflammatoire et infiltrative avec une augmentation de volume du chiasma (flèche).
). Le diagnostic repose sur un faisceau d'arguments cliniques et
paracliniques nécessitant l'implication des équipes de médecine
interne ou de neurologie. La BAV initiale est souvent profonde, avec
une mauvaise réponse à la corticothérapie, des récidives fréquentes
et un mauvais pronostic visuel.
Maladie de Behçet
La maladie de Behçet peut être associée à des névrites optiques,
dans un tableau généralement floride associant des vascularites
rétiniennes et parfois une vascularite cérébrale [15,16]. D'autres
éléments cliniques permettent d'orienter le diagnostic étiologique
tels qu'une folliculite, une aphtose bi- voire tripolaire (buccale,
génitale, conjonctivale), ou encore une thrombophlébite cérébrale
parfois compliquée d'HIC. Si la maladie de Behçet peut être
responsable d'authentiques névrites optiques, celles-ci restent
rares et il est plus fréquent d'observer des neuropathies optiques
ischémiques ou des œdèmes papillaires de stase par HIC. Certains
patients avec une maladie de Behçet se présentent d'emblée avec un
tableau d'atrophie optique uni- ou bilatérale. Il n'est alors plus
possible de savoir le mécanisme initial.
Lupus érythémateux disséminé
Le lupus érythémateux disséminé est également une autre cause
classique, mais rare, de névrite optique [
17–19
]. Elle peut s'associer dans un second temps à une myélite. Comme la
sarcoïdose, le pronostic visuel est en général assez réservé car les
atteintes inflammatoires sont souvent sévères, parfois bilatérales
et répondant mal à la corticothérapie (fig. 4-5
Fig. 4-5
Séquelle de névrite optique bilatérale lupique (flèches) chez une jeune patiente atteinte d'un lupus érythémateux disséminé sévère avec encéphalite limbique associée.
). Il n'est pas rare d'observer, comme dans la maladie de Behçet,
une composante ischémique associée, surtout en cas de syndrome des
antiphospholipides ; les décisions thérapeutiques qui en découlent
sont souvent délicates à prendre oscillant entre un traitement à
visée immunitaire et un traitement anticoagulant/antiagrégant.
Autres maladies
De nombreuses autres maladies systémiques peuvent entraîner une
névrite optique telles que la rectocolite hémorragique, la maladie
de Crohn, la granulomatose avec polyangéite, le syndrome de
Gougerot-Sjögren. Dans une étude portant sur 82 patients
atteints de neuro-Sjögren, plus de 25% étaient atteints de NOInfl
clinique et/ou paraclinique (anomalies des PEV), rentrant parfois
également dans le cadre du spectre NMO [20].
L'implication d'une équipe expérimentée de médecine interne est
indispensable dans le cadre de la prise en charge diagnostique et
thérapeutique de ces différentes maladies.
Névrites optiques infectieuses
Les névrites optiques infectieusesconstituent une entité variée dont le
pronostic est souvent réservé. Parmi elles, les névrites optiques
virales, du fait de leur association fréquente avec une méningite ou une
méningoencéphalite, constituent des urgences diagnostiques et
thérapeutiques absolues. Les patients immunodéprimés, plus sujets aux
névrites optiques virales ou fongiques, doivent donc faire l'objet d'une
attention toute particulière lors du bilan étiologique. Il convient
toutefois de rappeler que les névrites optiques infectieuses peuvent
toucher des patients parfaitement immunocompétents, en particulier pour
les étiologies bactériennes telles que la syphilis, la maladie de Lyme
ou encore la tuberculose [
21–24
]. Dans tous les cas de névrite optique infectieuse, la ponction
lombaire est obligatoire. De plus, le traitement par voie parentérale et
prolongé est la règle dans toutes ces névrites optiques infectieuses.
Névrites optiques d'origine virale
Les névrites optiques d'origine virale ne sont pas les plus
fréquentes mais sont de loin associées au pronostic le plus sombre.
Elles sont sévères, avec une BAV souvent profonde ou très rapidement
évolutive, et peuvent être associées à un tableau de nécrose
rétinienne virale ou d'uvéite granulomateuse. Elles peuvent
également être isolées et dans ce cas le diagnostic étiologique est
plus difficile. La présence de céphalées importantes, de nausées, de
vomissements et de troubles de la conscience doit justifier la
réalisation d'une ponction lombaire dans les plus brefs délais,
après imagerie cérébrale, et le traitement par voie intraveineuse
sera débuté sans même attendre les résultats de la PCR virale. Le
patient doit être transféré en urgence dans un service de
réanimation, de maladies infectieuses, de neurologie ou de médecine
interne. Les virus les plus fréquemment en cause sont VZV et HSV (fig. 4-6
Fig. 4-6
Névrite optique bilatérale(a) et chiasmatique(b) chez un patient avec méningoencéphalite à varicella-zoster virus (flèches).Découverte d'une infection au virus de l'immunodéficience humaine (VIH) associée.
Fig. 4-7
Névrite optique gauche à herpes simplex virus (flèche) associée à une nécrose rétinienne aiguë et une méningite herpétique.
). Des névrites optiques associées à une infection à CMV, VIH, la
rougeole, les oreillons, la rubéole, le West Nile virus , la
dengue, le chikungunya ou encore virus zika ont également été
rapportés.
Névrites optiques bactériennes
Les névrites optiques bactériennes sont plus fréquentes que les
névrites optiques virales. L'histoire clinique permet souvent
d'orienter le diagnostic étiologique.
La syphilis , maladie à déclaration obligatoire, est l'une
des étiologies les plus fréquentes avec une incidence croissante en
France. Sa recherche doit être systématique devant tout tableau de
névrite optique. La ponction lombaire est obligatoire et le
traitement par antibiothérapie parentale doit être prolongé. Le
bilan des différentes localisations de la maladie, l'initiation du
traitement et la prévention de la réaction de Jarisch-Herxheimer, la
recherche d'autres maladies sexuellement transmissibles et le
dépistage systématique des partenaires sexuels doivent être
effectués en milieu spécialisé [22].
Outre la syphilis, les autres causes de névrites optiques
bactériennes incluent la maladie de Lyme (fig. 4-8
Fig. 4-8
Névrite optique bilatérale chez un patient avec une maladie de Lyme (flèches).
Fig. 4-9
a, b. Neuropathie optique tuberculeuse.L'atteinte dans ce cas est mixte: à la fois inflammatoire (flèche avec trait plein) et compressive en rapport avec les multiples tuberculomes cérébraux (flèches avec trait en pointillé).
), ou encore d'autres causes plus rares telles que la maladie de
Whipple.
Névrites optiques parasitaires et fongiques
Les névrites optiques parasitaireset fongiques surviennent quasi
exclusivement chez des patients immunodéprimés :
corticothérapie, diabète, traitement immunosuppresseur,
chimiothérapie, hémopathie maligne, infection VIH. Chez ces
patients, devant un tableau de névrite optique, il faut toujours
rechercher une cause spécifique. Outre les étiologies précédemment
évoquées, la toxoplasmose, l'aspergillose invasive et la
cryptococcose seront tout particulièrement redoutées.
Traitement
Névrites optiques démyélinisantes
J. de Sèze
Traitement de la névrite optique
L'étude ONTT a montré que les corticoïdes par voie orale à faible dose
(1 mg/kg) favorisaient le risque de rechute précoce. Le traitement
actuel de la phase aiguë repose sur les corticoïdes à forte dose.
Historiquement, il était proposé un traitement de 1g/jour de
méthylprednisolone pendant 3 à 5 jours par voie intraveineuse (IV) et un
relais par voie orale pendant 11 jours, habitude qui a été le plus
souvent abandonnée pour laisser place à un traitement de 1g/jour pendant
3 à 5 jours de méthylprednisolone IV. Une étude récente a cependant
démontré que la voie d'administration n'était probablement pas le
problème majeur dans les différences retrouvées entre les groupes
traités dans l'étude ONTT et que de fortes doses de méthylprednisolone
par voie orale étaient aussi efficaces [25].
En cas d'échec du traitement, il est possible de refaire des bolus de
méthylprednisolone 2 à 4 semaines plus tard et/ou de proposer des échanges
plasmatiques (EP), et ce même s'il y a un faible niveau de preuve
d'efficacité. L'expérience des centres experts dans ce domaine pousse à
utiliser les EP le plus précocement possible en cas BAV initiale
profonde et d'absence d'efficacité des corticoïdes, notamment dans la
NMO [26]. Dans ces cas, il
est donc nécessaire d'effectuer un contrôle précoce de la fonction
visuelle 1 semaine à 10 jours après les corticoïdes IV.
Traitement préventif des rechutes
Le traitement des rechutes visuelles ou neurologiques va dépendre de la
pathologie causale sous-jacente. Il existe actuellement près d'une
dizaine de traitements de fond dans la SEP divisés en traitements de
première ligne (interféron bêta, acétate de glatiramère, tériflunomide
et diméthyl fumarate) et de deuxième ligne (natalizumab, fingolimod et
ocrelizumab) [27].
Ces traitements peuvent être utilisés en première intention ou en
deuxième intention en fonction de la sévérité de la maladie. Leur
efficacité a été démontrée sur la fréquence des poussées, l'IRM et la
progression à 2 ans le plus souvent. Si ces traitements ne permettent pas
de récupérer d'une séquelle fixée depuis quelques mois, il est
actuellement préconisé de traiter dès le premier épisode neurologique
pour éviter les rechutes. Cependant, cette stratégie ne permet pas de
connaître l'histoire naturelle de la maladie sans traitement, sachant
que 10 à 20 % des patients atteints de SEP n'ont possiblement pas besoin
d'un traitement de fond.
Pour la NMO, les traitements de fond sont encore hors autorisation de
mise sur le marché (AMM), mais trois études de phase 3 avec des
anticorps monoclonaux viennent de se terminer (satralizumab, éculizumab
et inébilizumab) avec des résultats très positifs montrant une réduction
de 70 à 80 % des risques de rechute chez les patients traités. En attendant
ces nouvelles molécules, les traitements actuels restent fondés sur les
immunosuppresseurs classiques: azathioprine, mycophénolate mofétil,
voire méthotrexate en première ligne ; rituximab, voire mitoxantrone en
deuxième ligne [28]. Pour
les anticorps anti-MOG, la prise en charge thérapeutique est plus
discutée, car il s'agit d'une individualisation récente et les études
thérapeutiques sur le sujet sont rares, contenant de petits effectifs et
souvent hétérogènes. Il est tout d'abord conseillé de contrôler le
dosage des anticorps, car ceux-ci peuvent être transitoires. En cas de
persistance des anticorps, il est habituellement recommandé de traiter
par bolus de corticoïdes puis d'effectuer un relais de quelques mois par
voie orale et d'envisager un traitement immunosuppresseur en cas de
rechute précoce et/ou de sévérité de l'atteinte.
Ces traitements semblent également indiqués dans les NMO doubles
négatives mais ils n'ont pas été totalement validés.
Enfin dans les cas de NOInfl idiopathiques, il n'est pas préconisé de
traitement préventif des rechutes en cas d'épisode unique. En revanche,
en cas de récidives, un traitement par immunosuppresseur du type de ceux
utilisés dans la NMO peut être discuté [29].
Névrites optiques non démyélinisantes non infectieuses
V. Touitou, D. Saadoun
Le traitement des NOinfl associées à la sarcoïdose, aux vascularites ou aux
connectivites est souvent complexe. En effet, ces NOinfl sont souvent
associées à un pronostic visuel plus sévère que les neuropathies optiques
démyélinisantes malgré la corticothérapie intraveineuse et peuvent présenter
un haut niveau de corticodépendance. Le traitement d'attaque par
corticothérapie intraveineuse à forte dose (500 mg à 1g/jour pendant 3 à
5 jours, voire davantage dans les formes sévères) suivi d'un relais oral
prolongé (0,5 à 1mg/kg/jour) est la règle. La décroissance doit être
suffisamment lente pour éviter tout effet rebond, en particulier à partir de
10mg/jour et le relais par corticothérapie orale est en général proposé au
long cours.
À côté de la corticothérapie, sera souvent discutée l'introduction d'un
traitement d'épargne cortisonique, immunosuppresseur ou immunomodulateur. Le
choix du traitement est fonction de l'étiologie suspectée :
dans le cadre de la sarcoïdose, si l'atteinte initiale est sévère ou
en cas de rechute, un traitement par mycophénolate mofétil,
méthotrexate, ou anti-tumor necrosis factor (anti-TNF) sera
proposé. Le cyclophosphamide est utilisé en cas d'échec des lignes
précédentes de traitement ou dans les formes sévères. Le choix du
traitement de fond sera discuté au cas par cas par l'interniste
et/ou le neurologue, en fonction de l'atteinte systémique et
cérébrale, et du terrain du patient ;
dans le cadre du lupus érythémateux disséminé, le mycophénolate
mofétil ou le cyclophosphamide associé aux corticoïdes sont
fréquemment proposés et semblent donner des résultats supérieurs à
la corticothérapie seule. Chez ces patients, une corticothérapie
orale en relais de la corticothérapie intraveineuse est le plus
souvent proposée ;
dans le cas des NOinfl associées aux vascularites à ANCA, le
rituximab ou le cyclophosphamide associé aux corticoïdes sont
fréquemment proposés ;
dans le cas de la maladie de Behçet et des formes sévères impliquant
le segment postérieur et dans les neuropathies optiques, en plus du
traitement par méthylprednisolone intraveineux, les recommandations
stipulent la nécessité d'adjoindre un traitement immunosuppresseur
(azathioprine) à la corticothérapie, voire dans les cas les plus
sévères un anti-TNF ou interféron alpha (INF-α).
Névrites optiques infectieuses
V. Touitou, D. Saadoun
Le traitement des névrites optiques infectieuses est une urgence ,
en particulier pour les névrites optiques à herpesvirus. Ces dernières
doivent toujours être considérées comme des méningoencéphalites virales et
traitées de façon appropriées en milieu spécialisé. Concernant les névrites
optiques herpétiques, le traitement intraveineux par aciclovir 10 mg/kg/8heures
est initié sans attendre les résultats des PCR et peut être augmenté à des
posologies plus importantes si la fonction rénale le permet, selon la
sévérité initiale. En cas de névrite optique sévère ou d'infection à VZV, le
traitement fera appel le plus souvent au cidofovir (ou au foscarnet). À
l'issue de la prise en charge initiale, un relais per os par aciclovir pour
une durée prolongée est le plus souvent proposé.
Le traitement des névrites optiques bactériennes repose sur
l'antibiothérapie intraveineuse adaptée au germe en cause. Dans le cadre de
la maladie de Lyme, la ceftriaxone ou la céfotaxime à forte dose semblent
efficace pour le traitement des manifestations neurologiques. Le traitement
de première intention peut reposer sur la doxycycline per os pendant 2 à
3 semaines (respectivement, en cas de cas de traitement précoce ou tardif),
mais est souvent prolongé au-delà de ces durées habituelles par de
nombreuses équipes. Une alternative repose sur l'utilisation de ceftriaxone
(2g/jour) parentéral pendant 3 semaines.
Le traitement de la névrite optique syphilitique repose sur la pénicilline G
forte dose pendant 2 semaines. En cas d'allergie à la pénicilline, un
traitement par ceftriaxone IV pendant 10 jours ou doxycycline per os pendant
28 jours peut être proposé. Il faudra distinguer les allergies à la
pénicilline se manifestant par une hypersensibilité 15 à 20 minutes après
l'injection chez 3 à 5% des patients, de la réaction de Jarisch-Herxheimer
survenant dans les 4 à 12 heures après l'injection, et attribuée au relargage
d'endotoxines par les spirochètes détruits. La corticothérapie donnée en
association avec l'antibiothérapie ne prévient pas la réaction de
Jarisch-Herxheimer, mais en diminue la sévérité.
Suivi
V. Touitou
Dans les névrites optiques idiopathiques, l'IRM cérébrale est répétée à
distance, en général entre 3 et 6 mois, afin de s'assurer de l'absence
d'apparition de lésions initialement absentes, qui orienteraient vers une
maladie inflammatoire démyélinisante.
Concernant les névrites optiques non démyélinisantes, l'IRM pourra également
être répétée entre 1 et 3 mois afin d'observer si d'autres manifestations de
la maladie causale sont présentes (infiltrations de la tige pituitaire, de la
glande lacrymale, méningée, par exemple) et pour vérifier la régression des
anomalies initiales éventuellement associées à la neuropathie optique
(vascularite cérébrale dans le cas d'une vascularite ou d'une connectivite,
prise de contraste des nerfs crâniens associée dans la sarcoïdose, encéphalite
lupique). La surveillance sera avant tout clinique, avec suivi de l'amélioration
du champ visuel et de l'évolution de l'OCT ganglion cell complex (GCC) et
peripapillary retinal nerve fiber layer (pRNFL). La tolérance du traitement
devra également être évaluée cliniquement et biologiquement (bilans mensuels) à
chaque consultation et un suivi conjoint avec le service de médecine interne ou
de maladie infectieuse devra être instauré.
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4.3.
Neuropathies optiques ischémiques – Artérite à cellules géantes
M.-B. Rougier,
G. Clavel-Refregiers,
T. Sené
Neuropathies optiques ischémiques
M.-B. Rougier
Points importants
Neuropathie optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA) non
artéritique :
la baisse de vision est brutale, indolore et
constatée le matin au réveil dans la moitié des cas
seulement ;
la petite papille pleine demeure le facteur de
risque principal ;
le bilan doit rechercher la présence de facteurs de
risque associés : hypertension artérielle,
diabète, dyslipidémie, syndrome d'apnées du
sommeil ;
certains médicaments sont susceptibles de favoriser
une NOIAA non artéritique : inhibiteurs de la
5-phosphodiestérase, amiodarone ;
en cas de persistance de l'œdème papillaire au-delà
de 6 semaines, il faut rechercher une cause
compressive par une IRM cérébrale et orbitaire ;
aucun traitement n'a fait la preuve de son
efficacité.
la baisse de vision de la NOIAA artéritique est
brutale, profonde et s'accompagne d'un œdème
papillaire très pâle ;
en cas de difficulté diagnostique, l'angiographie à
la fluorescéine peut apporter des arguments en
montrant une ischémie choroïdienne (la place de
l'OCT-angiographie reste à définir) ;
devant toute suspicion de NOIAA artéritique, le
bilan biologique à demander en urgence doit
comporter CRP, VS, NFS et plaquettes ;
la corticothérapie intraveineuse en urgence reste le
traitement de première intention ;
la NOIAA artéritique représente 80 % des
atteintes visuelles de la maladie de Horton.
Quoi de neuf ?
Il n'y a toujours pas de traitement reconnu à la NOIAA non
artéritique.
Dans les NOIAA non artéritique, en cas de comorbidité
vasculaire, le risque de présenter un accident vasculaire
cérébral est multiplié par 3.
L'imagerie vasculaire devient l'examen de première intention
pour le diagnostic d'artérite à cellules géantes et la
biopsie de l'artère temporale est réalisée dans les cas où
l'imagerie ne peut être effectuée dans de bonnes conditions
ou ne permet pas de conclure.
Le tolicizumab est le traitement de deuxième intention de la
maladie de Horton en cas de corticodépendance, de
corticorésistance ou d'intolérance à la cortisone.
Neuropathie optique ischémique antérieure aiguë non artéritique
Les NOIAA non artéritiques sont les neuropathies optiques les plus fréquentes
chez les sujets de plus de 50 ans en dehors du glaucome, mais elles peuvent
survenir chez des sujets plus jeunes. L'incidence aux États-Unis est évaluée
entre 0,54 et 2,3 pour 100 000 habitants respectivement pour les sujets de moins
de 50 ans ou de plus de 50 ans, mais la majorité des patients ont entre 60 et 70 ans,
avec un sex-ratio de 1.
Concepts physiopathologiques
Malgré l'intérêt que suscite cette pathologie, à ce jour les mécanismes
physiopathologiques en jeu demeurent inconnus. On en reste ainsi à
considérer la NOIAA non artéritique comme un accident ischémique
secondaire à une hypoperfusion de la tête du nerf optique [1]. Cette hypoperfusion
résulterait d'un défaut des mécanismes d'autorégulation au niveau des
artères ciliaires courtes postérieures favorisé par l'athérosclérose, un
vasospasme ou certains médicaments (voir plus loin le paragraphe «Causes iatrogènes »). En
revanche, ce qui est prouvé, c'est qu'elle survient sur une papille dite à
risque, avec un petit diamètre et une excavation minime ou absente.
L'événement ischémique initial entraîne un œdème qui, dans cette
conformation et en raison de l'absence d'espace libre, a comme conséquence
une compression des vaisseaux aggravant l'œdème et réalisant un cercle
vicieux à type de syndrome de loge.
Diagnostic positif
Le diagnostic positif d'une NOIAA non artéritique est essentiellement
clinique. Elle se caractérise par une baisse visuelle unilatérale, brutale
et indolore. Le trouble visuel est décrit par le patient soit comme une
vision trouble, soit sous la forme d'une amputation du champ visuel ou enfin
comme une perte totale de la vue. La vision peut s'aggraver dans les jours
qui suivent les premiers symptômes. La notion classique de survenue le matin
au réveil est loin d'être vérifiée. Dans la grande étude prospective
Ischemic Optic Neuropathy Decompression Trial (IONDT) [2], 42% des patients
décrivaient la baisse de vision dans les 2 heures suivant le réveil, quand
41% l'avaient ressentie à un autre moment de la journée et 17% ne s'en
souvenaient pas. La présence d'une douleur, surtout si elle est déclenchée
par les mouvements oculaires, doit faire évoquer une névrite optique.
L'examen pupillaire retrouve, comme dans toutes les neuropathies optiques
unilatérales, un DPAR, et le FO met en évidence un œdème papillaire.
Celui-ci est volontiers hyperhémique et s'accompagne d'une ou de plusieurs
petites hémorragies péripapillaires (fig. 4-10a
Fig. 4-10
Neuropathie optique ischémique antérieure aiguë non artéritique d'un œil droit.a.La papille apparaît légèrement hyperhémiée, avec un œdème prédominant en nasal, associé à des hémorragies satellites. b.Sur le cliché angiographique très précoce, la papille n'est toujours pas perfusée alors que la choroïde et l'artère centrale de la rétine le sont. c.Sur les temps tardifs, il existe une diffusion du colorant en lien avec l'œdème papillaire. d.Le champ visuel (Octopus®) retrouve une quadranopsie inféronasale. e.Un mois plus tard, l'œdème papillaire a disparu et il existe une pâleur temporale.
) ; les nodules cotonneux sont rares. L'œdème papillaire disparaît en 4 à
6 semaines environ pour laisser la place à une atrophie optique (fig. 4-10e). La
persistance de l'œdème papillaire au-delà doit faire rechercher une autre
cause et réaliser une IRM cérébrale et orbitaire à la recherche d'une
compression. Si l'œdème papillaire n'a pas été observé (patient vu trop
tard), l'IRM devra également être réalisée.
Le champ visuel retrouve un déficit typiquement altitudinal, le plus souvent
inférieur, avec ou sans respect du point de fixation (fig. 4-10d). Mais un
scotome central ou cæcocentral est possible. Dans les formes majeures, le
déficit est complet, et seul un champ visuel de Goldmann sera réalisable.
L'OCT est peu contributif au stade aigu et retrouve un épaississement de la
pRNFL et une absence de retentissement sur la couche des cellules
ganglionnaires (CCG). L'OCT-angiographie peut être utile à la phase aiguë,
notamment pour le diagnostic différentiel avec les œdèmes papillaires non
ischémiques, montrant une diminution de la densité capillaire du réseau
péripapillaire (fig. 4-11
Fig. 4-11
OCT-angiographie d'une neuropathie optique ischémique antérieure aiguë non artéritique.a.Le plexus superficiel est remanié avec capillaires papillaires dilatés et tortueux. b.Coupe B-scan correspondante.
En cas de doute diagnostique avec un autre type de neuropathie optique,
comme une papillite, une angiographie à la fluorescéine avec des clichées
précoces permettra de confirmer le diagnostic. En cas de NOIAA non
artéritique, la papille, qui doit normalement fluorescer dès les temps
choroïdiens, donc avant le temps artériel, se remplira totalement ou
partiellement avec retard (fig. 4-10b,
c).
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel se pose avec les baisses brutales d'acuité
visuelle d'une part, avec les œdèmes papillaires unilatéraux d'autre part.
En pratique, c'est la névrite optique antérieure qui constitue la difficulté
principale en raison de la baisse d'acuité associée à un œdème papillaire et
des déficits au champ visuel de topographie non spécifique. Mais dans le cas
d'une neuropathie inflammatoire, les sujets sont généralement plus jeunes,
les douleurs à la mobilisation du globe sont fréquentes et la baisse
visuelle est rapidement progressive. En cas de doute, l'OCT-angiographie,
l'angiographie à la fluorescéine et l'IRM cérébrale et orbitaire sont
utiles.
Bilan
En urgence
Dès que le diagnostic est établi, il faut éliminer en urgence une forme
artéritique, essentiellement une maladie de Horton chez les plus de 50 ans,
par un interrogatoire, un examen clinique et un bilan biologique à la
recherche d'un syndrome inflammatoire obtenu immédiatement (voir encadré 4-4
Troubles visuels transitoires, baisse
visuelle par NOIAA (80 % des baisses
visuelles), plus rarement occlusion de
l'artère centrale de la rétine, diplopie par
atteinte du III et moins souvent du VI
Abolition d'un pouls temporal, induration de
l'artère temporale*
Il a été démontré que le facteur de risque principal est la présence
d'une petite papille avec un rapport cup/disc très faible.
S'il n'est pas aisé de déceler une telle morphologie sur une papille
œdématiée, cet aspect sera détectable sur l'œil controlatéral qu'il
faut examiner. Par ailleurs, la présence de drusen de la papille
constitue un facteur de risque reconnu [5], plus fréquemment
chez les jeunes. Elle pourra être détectée en réalisant des coupes
OCT B-scan en enhanced depth imaging (EDI) de la papille. La
NOIAA non artéritique peut aussi compliquer un œdème papillaire de
stase.
Systémiques
De nombreux facteurs de risque systémiques ont été rapportés dans la
survenue d'une NOIAA non artéritique.
Hypertension artérielle.
Une hypertension artérielle est retrouvée chez 50 % des
patients dans pratiquement toutes les études. Par ailleurs,
l'existence d'une hypotension nocturne a été longtemps
considérée comme favorisant l'hypoperfusion de la tête du
nerf optique. Cette hypothèse soutenue par Hayreh [6]
corroborait l'idée que les NOIAA non artéritiques
surviennent plutôt le matin au réveil. Dans la grande étude
de l'IONDT [2],
seuls 42% des patients ont constaté leur perte visuelle le
matin en se levant. Cette même étude relève que ces patients
ne prenaient pas davantage de traitements antihypertenseurs,
ce qui remet en question l'influence d'une hypotension
nocturne iatrogène dans la genèse de la NOIAA non
artéritique. Le rôle de l'hypotension nocturne reste donc
controversé [7]
et Miller [1]
recommande d'éviter la prise de traitements
antihypertenseurs le soir au coucher. La réalisation d'un
Holter tensionnel, en précisant au cardiologue ce que l'on
recherche, permettra de corriger d'éventuelles chutes de la
pression artérielle au-delà de l'hypotension nocturne
physiologique et, pour certains, préviendrait l'atteinte de
l'œil controlatéral.
Diabète.
Le diabète constitue un autre facteur de risque de NOIAA non
artéritique. La plupart des études, toutes rétrospectives,
évaluent la prévalence du diabète chez les patients
présentant une NOIAA non artéritique autour de 25 %.
Une étude relativement récente [8]
s'intéressant a contrario à l'incidence des NOIAA non
artéritiques a montré que sur un suivi d'un peu plus de
13 ans, un sujet diabétique avait une augmentation du risque
de 40 % par rapport à un sujet non diabétique, avec une
augmentation supplémentaire de 30 % chez les hommes
diabétiques.
Dyslipidémies.
Les dyslipidémies sont également souvent retrouvées chez les
patients présentant une NOIAA non artéritique, parfois même
découvertes à cette occasion [9]. En
revanche, aucun consensus n'est établi concernant le rôle
que pourrait jouer l'hyperhomocystéinémie, ainsi que les
facteurs de risque thrombotique (facteur V de Leiden,
anticorps anticardiolipide, déficit en protéine C et S, etc.)
dans la survenue d'une NOIAA non artéritique [1].
Syndrome d'apnées du sommeil.
Le syndrome d'apnées du sommeil (SAS), induisant une hypoxie
cérébrale et une sécrétion de substances vasogéniques, a
également été incriminé dans la survenue des NOIAA non
artéritique. Les premières études ont porté sur des petites
séries de patients ayant présenté une NOIAA non artéritique
et chez qui l'incidence de SAS était élevée [10]. Plus
intéressante est l'étude de cohorte de Yang [11] qui
évalue le risque de survenue d'une NOIAA non artéritique
chez les patients SAS comme étant 3,8 fois supérieur à un
groupe contrôle. Dans une autre étude [12], il a
été montré que dans l'année suivant le diagnostic de SAS,
0,36% des patients présentaient une NOIAA non artéritique
contre 0,2% dans le groupe contrôle, ce risque étant encore
plus marqué chez les patients SAS jeunes (30–39 ans).
Migraine.
La migraine a également été incriminée, mais non démontrée :
la NOIAA non artéritique surviendrait pendant ou juste après
la céphalée [13].
Un mécanisme vasospastique a été évoqué et, chez les
patients migraineux avec un antécédent de NOIAA non
artéritique, les traitements bêtabloquants seraient à
éviter [1].
Causes iatrogènes
Les inhibiteurs de la 5-phosphodiestérase (5-sildéfanil, tadalafil et
vardénafil), traitement des dysfonctions érectiles, favorisent la
survenue des NOIAA non artéritique par le biais d'une hypotension
importante [14].
Il est actuellement recommandé d'interroger le patient sur la prise
de ce type de molécule afin qu'il évite de poursuivre ce traitement.
L'amiodarone, bien que de moins en moins prescrite, reste un
traitement classique de l'arythmie cardiaque et peut entraîner des
NOIAA non artéritiques. Cependant, les patients prenant un tel
traitement étant le plus souvent porteurs d'autres facteurs de
risque vasculaire, il est possible que la survenue des NOIAA non
artéritiques ne soit pas spécifiquement liée à cette molécule. Le
tableau clinique de ces neuropathies diffère par le fait qu'elles
sont d'installation insidieuse, plus souvent bilatérales, ne
touchant pas des papilles à risque, avec un œdème papillaire
persistant plus longtemps et un déficit du champ visuel global
plutôt qu'altitudinal [15,16].
Certaines chirurgies cardiaques ont été décrites comme facteur
déclenchant d'une NOIAA non artéritique [17]. Enfin, un cas de
NOIAA non artéritique a été décrit avec l'utilisation d'oxyde
nitrique présent à forte dose dans les régimes de bodybuilding [18]. Ce cas
aujourd'hui anecdotique pourrait le devenir moins compte tenu de
l'usage incontrôlé de ce type de substance.
Au total, une fois la NOIAA artéritique éliminée, le bilan à
réaliser consiste en un interrogatoire à la recherche de prises
médicamenteuses susceptibles d'entraîner une NOIAA non artéritique,
et de troubles du sommeil évocateurs d'un SAS. Un bilan sanguin
recherchera un diabète mal équilibré et une dyslipidémie. Enfin, un
Holter tensionnel permettra de vérifier l'absence d'hypertension
artérielle méconnue. Dans les tableaux typiques, aucune imagerie
complémentaire, type IRM des voies visuelles, n'est nécessaire.
Traitement
Médical systémique
La corticothérapie générale a été longtemps proposée dans le but de
diminuer localement l'œdème papillaire afin d'interrompre le cercle
vicieux entretenant, voire aggravant, la compression vasculaire, source
de réduction du flux sanguin. Malheureusement, les différentes études
menées étaient soit non randomisées [19],
soit sans amélioration significative de l'acuité visuelle [20]. De plus, la
comorbidité induite par une corticothérapie à fortes doses chez ces
patients souvent polyvasculaires limite son utilisation. Lévodopa et
aspirine ont également été proposées, mais sans succès.
Local
La brimonidine en collyre, présumée neuroprotectrice, n'a pas démontré
d'effet positif dans les NOIAA non artéritiques [21]. Les injections
intravitréennes de triamcinolone ont également été évaluées. Chez
l'animal, on obtient une moindre altération des cellules ganglionnaires
comparée aux animaux non injectés [22].
Chez l'homme, seules de courtes séries rétrospectives ont montré des
résultats encourageants, mais à ce jour aucune étude prospective n'a pu
confirmer ces données [23].
Chirurgical
Le mécanisme principal des NOIAA non artéritiques étant une diminution
du flux sanguin des petites papilles non excavées, diminution du flux
encore aggravé par l'œdème compressif (comme dans un syndrome de loge),
la décompression de la gaine du nerf optique est apparue comme une
solution logique. Ce traitement chirurgical a été étudié par l'IONDT
dans les années 1990 sur près de 100 patients [2]. Non seulement la
chirurgie n'a pas apporté de bénéfice visuel comparé à l'évolution
naturelle, mais le risque de perdre plus de 3 lignes d'acuité visuelle
était plus important dans le groupe opéré.
En conclusion, on retiendra que malheureusement aucune étude de niveau
de preuve élevé ne permet de recommander un traitement dans les NOIAA
non artéritique [24,25].
Pronostic
Le pronostic visuel est le plus souvent médiocre. Le risque de récidive sur
le même œil est évalué à 5% à 5 ans [25].
Ce risque assez faible est attribué à l'atrophie optique secondaire à la
NOIAA non artéritique qui «libère » de l'espace pour les fibres restantes et
supprime l'effet compressif de la petite papille pleine. En ce qui concerne
le risque de bilatéralisation, il est évalué entre 15 et 25% après 4 à 5 ans de
suivi moyen. La présence de drusen papillaires, démontrée dans une étude
récente [26], et la mauvaise
observance du traitement du SAS sont des facteurs majeurs de
bilatéralisation.
Par ailleurs, il a été suggéré que, malgré ses mécanismes pathogéniques
différents, la survenue d'une NOIAA non artéritique serait associée à une
augmentation du risque d'accident vasculaire cérébral (AVC). Une étude
rétrospective de cohorte taïwanaise [27]
a montré que, chez les patients présentant une comorbidité cardiovasculaire,
la survenue d'une NOIAA non artéritique multiplie par 3 le risque d'AVC. En
revanche, les patients NOIAA non artéritique sans facteur de risque
cardiovasculaire ont le même risque d'AVC que le groupe contrôle. Ce
résultat a été confirmé en 2018 par une autre étude de cohorte coréenne [28]. Cela souligne
l'importance de rechercher et de traiter les facteurs de risque vasculaire
au décours d'une NOIAA non artéritique afin de diminuer le risque de
survenue d'un AVC.
Les NOIAA artéritiques constituent une urgence à la fois visuelle et vitale :
elles entraînent une perte visuelle sévère et peuvent se bilatéraliser dans les
heures qui suivent l'atteinte du premier œil, et la maladie de Horton est
susceptible de provoquer des thromboses des gros vaisseaux, comme l'aorte ou les
artères cérébrales.
Physiopathologie
À la différence des NOIAA non artéritiques, les NOIAA artéritiques relèvent
d'un mécanisme thrombotique. Ce thrombus inflammatoire est dû à une
vascularite des artères ciliaires courtes postérieures généralement
secondaire à une artérite gigantocellulaire, souvent dénommée en France
maladie de Horton. Cette vascularite touche les vaisseaux de moyen et gros
calibre. Le thrombus entraîne une diminution brutale du flux choroïdien,
avec une ischémie choroïdienne, puis du nerf optique puisque la choroïde
contribue pour une grande part à la vascularisation de la papille [29]. D'autres vascularites
auto-immunes, comme la maladie de Behçet, peuvent se compliquer de NOIAA
artéritique.
Les NOIAA artéritiques sont moins fréquentes que les NOIAA non artéritiques
(1,3 pour 100 000 sujets ≥ 50ans) et touchent des sujets plus âgés (pic
entre 70 et 80 ans). Elles sont deux fois plus fréquentes chez les femmes.
Diagnostic
Interrogatoire
Comme dans les NOIAA non artéritiques, la baisse de vision est brutale
mais plus sévère. Plus de la moitié des patients ont une acuité visuelle
réduite à « voit bouger la main ». Les NOIAA artéritiques
surviennent en général dans un contexte général riche qu'il faut
rechercher à l'interrogatoire (voir plus loin encadré 4-4
Encadré 4-5
Principales étiologies des neuropathies optiques
compressives (selon la structure en cause) et des
infiltrations du nerf optique
Muscles oculomoteurs:
orbitopathie dysthyroïdienne
infiltration lymphomateuse des muscles
orbitaires
inflammation orbitaire
rhabdomyosarcome
Région pituitaire:
adénome hypophysaire
apoplexie pituitaire
craniopharyngiome
Méninges:
Paroi osseuse orbitaire:
dysplasie fibreuse
maladie de Paget
Vaisseaux sanguins:
anévrisme, ectasie de la carotide
interne
malformation vasculaire caverneuse (par
exemple hémangiome orbitaire)
Hémorragie orbitaire:
drépanocytose
traumatisme orbitaire
Tumeur orbitaire:
lymphangiome
métastase, etc.
Glande lacrymale:
granulomatose avec polyangéite
sarcoïdose
Sinus:
mucocèle
mucormycose
Tumeur primitive du nerf optique:
Infiltration cellulaire du nerf optique:
lymphome
leucémie
carcinomatose méningée
sarcoïdose
tuberculose
): notons que 5 à 15% des patients porteurs d'une pseudo-arthrite
rizhomélique développent une maladie de Horton. La survenue d'amaurose
et/ou de diplopie transitoires dans les jours ou semaines précédant la
perte visuelle est également un signe d'orientation. Cependant, dans 25%
des cas confirmés par une biopsie de l'artère temporale positive, aucun
signe d'accompagnement n'est retrouvé, ce qui fera parler d'artérite
occulte [30]. On complétera
l'interrogatoire par la palpation des artères temporales à la recherche
d'une induration et/ou d'une disparition du pouls.
Examen ophtalmologique
En cas d'atteinte unilatérale ou asymétrique, on retrouve un DPAR et au
FO, un œdème papillaire très blanc (fig. 4-12a
etd
Fig. 4-12
Neuropathie optique ischémique antérieure aiguë artéritique bilatérale dans le cadre d'une maladie de Horton.a–c.L'œdème papillaire est discret mais la papille est très ischémique(a) sans aucune hémorragie satellite ; l'angiographie à la fluorescéine aux temps intermédiaires retrouve des zones non perfusées correspondant à une ischémie choroïdienne(b) dont certaines persistent aux temps tardifs(c). d–f.L'atteinte est plus sévère: l'œdème ischémique de la papille prédomine en temporal et s'ajoute une occlusion artérielle rétinienne caractérisée par un œdème rétinien (flèche) contigu à la papille(d). Aux temps précoces de l'angiographie(e) la papille reste non perfusée, ainsi que la zone rétinienne contiguë. Aux temps tardifs(f), l'ischémie rétinochoroïdienne persiste (flèche) sous la forme d'une absence totale de perfusion de l'hémipapille temporale et de la rétine contiguë.
). Le champ visuel est souvent non réalisable en raison de l'acuité
effondrée. Le reste de l'examen consiste à rechercher d'autres signes
d'ischémie oculaire sur l'œil atteint et l'œil adelphe. Pour l'ischémie
choroïdienne, souvent associée, c'est l'angiographie à la fluorescéine
aux temps précoces qui est le meilleur examen (fig. 4-12b, c, e, f).
Parfois il est possible de mettre en évidence cette ischémie en
OCT-angiographie en réalisant des coupes sur la choriocapillaire. Une
occlusion artérielle rétinienne est parfois associée (fig. 4-12d, e, f),
facilement diagnostiquée au FO sous l'aspect d'une macula rouge cerise
lorsqu'il s'agit de l'artère centrale de la rétine. L'examen de la
motilité oculaire permettra de rechercher une anomalie secondaire à une
ischémie des muscles et/ou des nerfs oculomoteurs.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel le plus fréquent reste la NOIAA non artéritique.
Récemment, il a été décrit un tableau très évocateur de NOIAA artéritique
dans le cadre d'une calciphylaxie(autrefois appelée artériolopathie urémique
calcifiante). C'est une maladie rare, présente chez environ 5 % des
patients au stade terminal d'une insuffisance rénale dialysés ou non, qui se
caractérise par une calcification des parois vasculaires conduisant à une
occlusion thrombotique. Outre l'insuffisance rénale, l'atteinte la plus
fréquente est cutanée sous la forme de lésions chroniques nécrotiques très
douloureuses. Le tableau visuel, très rare, est très évocateur d'une NOIAA
artéritique, car la baisse de vision est majeure, l'œdème papillaire très
pâle et l'angiographie montre une ischémie choroïdienne associée. De plus,
la biopsie de l'artère temporale retrouve une calcification diffuse de la
média et de l'intima [31]. La
corticothérapie pouvant majorer la calciphylaxie est contre-indiquée et le
traitement consiste en l'administration intraveineuse de thiosulfate de
sodium.
Bilan
Si la clinique et le bilan sanguin restent les premiers éléments
d'orientation du diagnostic en urgence, le rôle et la place de la biopsie de
l'artère temporale dans le diagnostic de certitude sont en cours de
réévaluation en raison des progrès de l'imagerie non invasive des vaisseaux :
voir plus loin le paragraphe «Artérite
à cellules géantes (maladie de Horton, artérite gigantocellulaire »).
Bilan sanguin
Dès la suspicion de NOIAA, un bilan sanguin en urgence à la recherche
d'un syndrome inflammatoire doit être demandé (voir plus loin encadré 4-4). La VS,
le taux de plaquettes mais surtout la CRP constituent les éléments de
base du diagnostic. Selon les études les plus anciennes [25], la sensibilité de la
VS et de la CRP combinées est de 97%. Cependant, ces paramètres peuvent
être anormaux en cas de pathologies inflammatoires ou infectieuses
concomitantes, et la VS est dépendante du sexe, de l'âge et de la
présence d'une anémie. Pour mémoire, on retiendra que chez l'homme la VS
normale est
<âge
/2 et chez la femme <(âge + 10)/2. Une étude récente démontre que c'est
plutôt la combinaison CRP et plaquettes qui serait la plus prédictive
pour le diagnostic de maladie de Horton [32].
Ainsi, la CRP, la NFS, avec le taux de plaquettes, et la VS restent à ce
jour les paramètres biologiques indispensables, mais leur normalité ne
doit pas exclure le diagnostic de maladie de Horton.
Biopsie de l'artère temporale
La biopsie de l'artère temporale était l'élément déterminant pour
affirmer le diagnostic de maladie de Horton, même si une biopsie
négative ne l'éliminait pas. Depuis ces dernières années quelques
discussions ont eu lieu autour des critères diagnostiques positifs de la
biopsie. Un diagnostic formel repose sur la présence de trois éléments :
des signes actifs d'inflammation (lymphocytes, macrophages, cellules
géantes polynuclées et granulomes), des lésions de la paroi vasculaire
(fragmentation de la lame élastique interne et épaississement de
l'intima) et un thrombus [33].
Des lésions plus limitées ont parfois été décrites comme pouvant être
potentiellement des artérites à cellules géantes «cicatrisées » et
prises en charge comme telles [34].
Dans ces cas-là, aujourd'hui, il est préférable de compléter le bilan
par une imagerie ou de surveiller le patient de façon rapprochée avant
de les considérer comme porteur d'une maladie de Horton. La biopsie de
l'artère temporale demeure un geste agressif, d'autant que pour
augmenter les chances de résultat positif, elle devrait avoir une
longueur de 1,5 cm [35].
C'est ainsi que l'imagerie prend une importance grandissante dans le
diagnostic de l'artérite de Horton.
Imagerie
Échographie Doppler
L'échographie Doppler des artères temporales superficielles est un
examen inoffensif, rapide et bon marché. Entre des mains
expérimentées, la sensibilité et la spécificité sont excellentes
(aux alentours de 85 %), mais elles baissent rapidement si le
radiologue n'est pas habitué à la pratique de cet examen [33,35]. Une étude
récente ( TABUL study [36])
a comparé, sur 380 patients suspects de maladie de Horton, la biopsie
de l'artère temporale versus l'échographie Doppler: la sensibilité
était de 39% et 54%, et la spécificité de 100 % et 81%
respectivement. Ainsi, l'échographie Doppler serait plus sensible
que la biopsie et il est proposé de réserver la biopsie de l'artère
temporale aux patients ayant un Doppler non contributif.
Imagerie par résonance magnétique
L'IRM 3 Testla du scalp apparaît encore plus sensible (78,4%)
et spécifique (90,4%). Les artères temporales apparaissent épaissies
avec un hypersignal. De plus, la valeur prédictive négative est très
élevée (98%), ce qui pourrait faire de l'IRM un très bon test pour
confirmer l'absence de maladie de Horton chez les patients à risque
faible. En revanche, cette technique, parfois difficile à obtenir
dans les délais, nécessite un radiologue entraîné.
Tomographie par émission de positrons
La tomographie par émission de positrons ( positron emission
tomography [PET-scan]) est une technique d'imagerie
fonctionnelle qui montre une hyperfixation du glucose radioactif
dans les parois vasculaires enflammées. Sa sensibilité dans la
maladie de Horton est de 89,5% et sa spécificité de 97,7%. En
revanche, elle ne détecte que les anomalies des gros vaisseaux (>4mm
de diamètre). Elle est donc difficilement exploitable dans les cas
de NOIAA artéritique sans autre atteinte vasculaire.
Traitement et surveillance
Le traitement de la NOIAA artéritique est celui de la vascularite causale,
le plus souvent la maladie de Horton et doit être initié en urgence en
raison du risque de thrombose controlatérale ou sur d'autres gros vaisseaux.
La cortisone demeure le traitement de première intention ; même si le
pronostic visuel de l'œil atteint reste sombre et si des aggravations sont
possibles à la phase initiale du traitement, la mise en place d'une
corticothérapie parentérale dans les 24 premières heures est associée à
un plus grand nombre d'améliorations visuelles. En raison des effets
secondaires potentiels majeurs dans cette population âgée et de la
découverte de nouvelles molécules, la collaboration avec les internistes est
indispensable: voir plus loin le paragraphe «Artérite
à cellules géantes : point de vue de l'interniste »).
Neuropathie optique ischémique postérieure aiguë
Les neuropathies optiques ischémiques postérieures aiguës (NOIPA) sont rares et
peuvent être artéritiques ou non artéritiques [25,37].
Leur diagnostic est délicat car elles se présentent sous la forme d'une baisse
brutale et indolore de l'acuité visuelle avec un FO normal, ce qui est plutôt
l'apanage des névrites optiques. Elles restent donc un diagnostic d'élimination.
La chirurgie rachidienne, avec patient en décubitus ventral, semble présenter un
risque de NOIPA non artéritique, surtout si une hypovolémie et/ou une anémie
surviennent en cours d'intervention. Les NOIPA sont souvent bilatérales dans ce
contexte, et de plus mauvais pronostic que les NOIAA non artéritiques, également
susceptibles de survenir [38]. En
dehors de ce contexte périopératoire, une NOIPA artéritique doit être suspectée.
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Artérite à cellules géantes
G. Clavel-Refregiers,
T. Sené
Points importants
L'artérite à cellules géantes est une urgence diagnostique et
thérapeutique et l'instauration du traitement doit se faire sans
attendre la réalisation des examens complémentaires.
Quoi de neuf ?
Le cadre nosologique de l'artérite à cellules géantes a évolué,
avec la distinction des formes « céphaliques » et des
formes «aorto-artéritiques », de présentation et de pronostic
différents.
Les examens d'imagerie (échographie des artères temporales, IRM
cérébrale et PET scan) tendent à supplanter la biopsie d'artère
temporale pour le diagnostic de certitude de l'artérite à
cellules géantes.
La corticothérapie reste la pierre angulaire du traitement de
l'artérite à cellules géantes, mais des molécules
immunomodulatrices (notamment tocilizumab et méthotrexate) ont
fait la preuve de leur efficacité à visée d'épargne cortisonée
et peuvent être proposées en cas de corticodépendance et/ou
d'effets secondaires graves de la corticothérapie.
L'artérite à cellules géantes(ACG) – ou maladie de Hortonou artérite
gigantocellulaire– est segmentaire et plurifocale, prédominant aux vaisseaux de
moyen et de gros calibre du territoire céphalique, en particulier les branches de la
carotide externe et de l'artère ophtalmique. Il s'agit de la plus fréquente des
vascularites des sujets de plus de 50 ans en Europe. Le pic de prévalence est compris
entre 70 et 80 ans [1].
Diagnostic
Les examens ne doivent pas retarder l'initiation du traitement et doivent être
réalisés le plus rapidement possible car certains signes peuvent disparaître
sous traitement (8 à 10 jours). Il faut toujours rechercher les diagnostics
différentiels: autres vascularites (granulomatose avec polyangéite+++),
infections, cancer et syndrome paranéoplasique [2].
Clinique
Les symptômes sont rarement spécifiques, très variables d'un sujet à l'autre
(encadré 4-4) [1].
On distingue deux formes cliniques, qui peuvent se chevaucher :
la forme « céphalique »: la symptomatologie céphalique
prédomine, la biopsie de l'artère temporale est plus souvent
positive que dans la forme «aorto-artéritique ». Cette forme
intéresse particulièrement l'ophtalmologiste car elle est plus
souvent compliquée de manifestations ischémiques, notamment
oculaires ;
la forme « aorto-artéritique »: les signes généraux et/ou de
pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR) sont au premier plan.
L'aortite est plus fréquente que dans la forme céphalique [3].
Biologie
La biologie recherche un syndrome inflammatoire. Elle doit éliminer les
autres vascularites auto-immunes, notamment une vascularite des petits
vaisseaux (granulomatose avec polyangéite) (voir encadré 4-4) [2]. L'absence de syndrome
inflammatoire ne permet pas d'exclure le diagnostic (voir plus haut le
paragraphe «Neuropathies optiques
ischémiques antérieures aiguës artéritiques »).
Imagerie
Angio-IRM cérébrale (1,5 ou 3T) : elle objective un
épaississement de la paroi artérielle, un rehaussement après
injection de produit de contraste ; l'IRM permet d'étudier les
artères intra- et extracrâniennes, elle est plus intéressante dans
les formes «céphaliques » [
4–5]
.
Échographie Doppler : il doit porter sur les troncs
supra-aortiques, l'artère temporale ±les artères axillaires. Elle
montre un signe du halo ou son équivalent, à savoir la persistance
d'un aspect hypoéchogène malgré une compression de la lumière
artérielle. Elle retrouve parfois une sténose artérielle [6,8] (fig. 4-13
Fig. 4-13
Artérite à cellules géantes.a, b.IRM cérébrale montrant un épaississement de la paroi artérielle (cercles rouges) avec reconstruction(b) de l'artère temporale. c.Échographie Doppler des artères temporales: signe du halo. d.PET-scan montrant une aortite.
).
TEP scan : il est plus intéressant dans les formes
« aorto-artéritiques », car il ne permet pas de bien visualiser les
artères céphaliques ; c'est un examen très sensible pour le
diagnostic d'aortite [9].
Biopsie d'artère temporale
L'analyse histologique n'est positive que dans 60 à 80 % et montre alors
un infiltrat inflammatoire des couches de la paroi artérielle, en général
centré sur la média, en majorité composé de lymphocytes T et de macrophages,
avec des cellules géantes multinucléées. On trouve une destruction des
cellules musculaires lisses de la média, focale ou étendue, et une
destruction de la couche élastique interne. Des thrombi sont fréquemment
présents [10].
Stratégie diagnostique
En cas de suspicion diagnostique, lorsque cela est possible, l'imagerie est
actuellement réalisée en première intention et en urgence après le bilan
biologique [2]. Dans les
formes avec atteinte visuelle, l'IRM de paroi est la technique de choix, car
elle est très sensible pour la détection d'une inflammation pariétale des
branches de l'artère carotide externe et de l'artère ophtalmique [5]. Il convient de proposer
la biopsie d'artère temporale lorsque l'imagerie ne peut être effectuée dans
de bonnes conditions (délai et/ou expertise) ou lorsque les examens
d'imagerie ne permettent pas de conclure [2].
Prise en charge thérapeutique
Les objectifs du traitement de l'ACG sont :
l'obtention rapide d'une rémission clinique (disparition des symptômes
et signes cliniques) et biologique (disparition du syndrome
inflammatoire biologique) ;
la prévention des rechutes/récidives, des complications ischémiques
irréversibles (notamment visuelles) et des complications aortiques
(dilatation, dissection, rupture d'anévrisme) ;
la prévention des complications de la corticothérapie.
Moyens thérapeutiques spécifiques
La corticothérapie par prednisone représente le traitement de référence dans
l'ACG, et est le plus souvent suffisante pour traiter la maladie [11]. Différents médicaments
immunomodulateurs ou biothérapies ont été proposés comme traitements
adjuvants avec un objectif d'épargne cortisonée. Le méthotrexate a une
efficacité démontrée, mais modeste et avec délai, sur l'épargne cortisonée
et la prévention des rechutes [12].
Le tocilizumab (anticorps monoclonal anti-IL6) a démontré dans deux essais
randomisés contre placebo son efficacité dans la prise en charge de l'ACG et
a récemment obtenu l'AMM dans cette indication [
13–14
]. Les données concernant d'autres traitements adjuvants (azathioprine,
léflunomide, abatacept, ustékinumab, etc.) sont à l'heure actuelle moins
robustes. À ce jour, aucun médicament adjuvant n'a démontré un potentiel
curatif supérieur à la corticothérapie conventionnelle.
Stratégie thérapeutique
Artérite à cellules géantes nouvellement diagnostiquée
Le traitement d'induction repose à l'heure actuelle sur la
corticothérapie seule, dont la posologie et le mode d'administration
varient en fonction de la présence ou non de complications (atteinte
ophtalmologique, aortite, ischémie de membre) de l'ACG (tableau 4-6
Tableau 4-6
Traitement d'induction d'une artérite à cellules
géantes nouvellement diagnostiquée.
Forme d'artérite à cellules géantes
Traitement
Non compliquée
Prednisone 0,7mg/kg/jour
Atteinte ophtalmologique
En urgence:
méthylprednisolone
500–1 000mg/jour pendant 1 à 3 jours, puis
relais par prednisone 1mg/kg
Dans un contexte évocateur d'ACG, la réalisation d'examens
complémentaires ne doit pas retarder l'instauration immédiate du
traitement. La corticothérapie doit être débutée en urgence en présence
de manifestations ophtalmologiques (idéalement moins de 24 heures
avant le début des troubles ophtalmologiques). La posologie initiale est
maintenue entre 2 et 4 semaines jusqu'à l'obtention de la rémission
clinique et biologique. La cortico-résistance est rare et doit faire
remettre en question le diagnostic d'ACG.
Après obtention de la rémission, la corticothérapie est diminuée
progressivement (objectif : de 15 à 20 mg à 3 mois, 10mg à 6 mois, 7,5mg
à 9 mois, 5mg à 12 mois) et maintenue pour une durée totale de 18 à 24 mois
en cas d'évolution favorable.
D'une manière générale, il n'est pas préconisé de prescrire en première
intention un traitement adjuvant à la corticothérapie. Chez les rares
patients pour qui l'épargne cortisonée constitue un enjeu majeur du fait
de comorbidités sévères qui risquent de s'aggraver sous corticoïdes
(diabète mal équilibré, troubles psychiatriques, ostéoporose fracturaire
sévère, hypertension artérielle sévère, etc.), il peut se discuter, avec
l'aide d'un expert de la maladie, d'associer d'emblée un traitement
adjuvant [2,11].
Rechute d'artérite à cellules géantes ou corticodépendance de haut
niveau
Les rechutes correspondent à une reprise évolutive clinique et/ou
biologique lors de la phase de décroissance de la corticothérapie, les
récidives à une reprise évolutive suite à l'arrêt de la corticothérapie.
Parmi les rechutes, il faut distinguer les situations de
corticodépendance de faible niveau de celles de haut niveau (d'au moins
7,5 mg/j de prednisone). Environ 40 % des patients avec une ACG
feront une ou plusieurs rechutes ou récidives.
La décision du traitement à donner en cas de rechute ou de récidive
dépend du type de rechute, du niveau de corticodépendance, du nombre
d'épisodes de rechute et de la tolérance générale de la corticothérapie.
En cas de première rechute ou de rechute sous faible dose de
corticoïdes, il est conseillé de reprendre la corticothérapie à la
posologie préalablement efficace. En cas de rechutes multiples, de
corticodépendance supérieure à 7,5 mg/jour et/ou de mauvaise
tolérance de la corticothérapie, il est préconisé de débuter un
traitement adjuvant dont le choix se fera après discussion avec un
médecin expert [11].
Traitements associés
La prévention des effets secondaires de la corticothérapie (notamment
l'ostéoporose) et du risque cardiovasculaire représente un volet majeur
de la prise en charge [11].
La prescription d'aspirine à doses antiagrégante (75 à 300mg/jour) est
conseillée aux seules ACG avec atteinte ophtalmologique [2,11].
Suivi
L'objectif du suivi est de s'assurer du bon contrôle de l'ACG, de rechercher les
éventuelles rechutes/récidives, de vérifier la tolérance du traitement, de
dépister les complications précoces et tardives de la maladie ou de ses
traitements, d'assurer l'éducation thérapeutique du patient.
Le rythme des consultations doit être adapté au cas par cas en fonction de
l'évolution de la maladie, de la tolérance du traitement et des comorbidités.
Les consultations se font à un rythme approximativement mensuel au cours des 3 premiers
mois, puis tous les 3 à 6 mois, et comprennent une surveillance clinique et
biologique (dont CRP, fibrinogène) [11].
Les recommandations françaises proposent de réaliser une imagerie
thoraco-abdominale au diagnostic d'ACG puis tous les 2 à 5 ans pour dépister
une éventuelle complication aortique [11].
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4.4.
Neuropathies optiques compressives et infiltratives – orbitopathie dysthyroïdienne
R. Hage,
A. Lecler,
D. Chauvet,
A. Boschi
Points importants
L'évolution des neuropathies optiques compressives et
infiltratives est lente et leur diagnostic souvent fortuit.
Elles font partie des neuropathies optiques responsables d'une
excavation papillaire et peuvent être confondues avec un
glaucome.
Elles peuvent s'accompagner d'un syndrome orbitaire.
L'examen clinique recherche des anomalies des mouvements
oculaires, des paires crâniennes et des pupilles (DPAR, syndrome
de Claude Bernard-Horner).
Le diagnostic repose sur l'imagerie, essentiellement l'IRM
orbitaire centrée sur le nerf optique avec des séquences
FAT-SAT, sans et avec injection de produit de contraste.
Le traitement dépend de l'étiologie.
Une surveillance prolongée est indispensable.
La prise en charge de l'orbitopathie dysthyroïdienne est
multidisciplinaire et le traitement médical et/ou chirurgical
est fonction de la sévérité et de l'activité de la maladie.
Quoi de neuf ?
Le pronostic visuel peut être évalué grâce à la mesure de
l'épaisseur de la peripapillary retinal nerve fiber
layer (pRNFL) et du ganglion cell complex (GCC)
maculaire à l'OCT.
Les orbitopathies à immunoglobulines G4 (IgG4) doivent être
évoquées devant un tableau d'orbitopathie sans anomalie
thyroïdienne et en présence d'une atteinte de la glande
lacrymale.
De nouvelles séquences d'IRM et de nouvelles antennes dédiées à
l'imagerie de l'orbite vont permettre une étude plus fine du
nerf optique tout en réduisant le temps d'acquisition de
l'examen.
Neuropathies optiques compressives et infiltratives
Contexte clinique ophtalmologique et diagnostic positif
R. Hage
Définition
Depuis leur sortie du globe oculaire jusqu'au chiasma optique, les
axones des cellules ganglionnaires qui composent le nerf optique sont en
rapport avec de nombreuses structures anatomiques qui, dans des
conditions pathologiques, peuvent venir à leur contact. On parle de
neuropathie optique compressive (NOCompr) lorsque ce contact entraîne une
souffrance de ces axones suffisante pour induire une anomalie de la
fonction visuelle. Une compression prolongée peut entraîner la perte de
la vision en lien avec la mort des cellules ganglionnaires. On appelle
neuropathies optiques infiltratives (NOInfiltr) les lésions envahissant
la structure même du nerf optique (encadré 4-5).
Circonstances de découverte
Les NOCompr entraînent dans la grande majorité des cas une atteinte
visuelle chronique, peu bruyante cliniquement. Il n'est pas rare
qu'elles soient découvertes de manière fortuite, lors d'un bilan
ophtalmologique systématique ou sur une imagerie réalisée pour une autre
raison, et parfois à un stade avancé de leur évolution. Le rôle de
l'ophtalmologue est de mesurer l'atteinte visuelle en lien avec la
compression afin de guider la prise en charge thérapeutique ou la
surveillance.
La plainte du patient la plus fréquente est la baisse d'acuité visuelle
(ou l'anomalie du champ visuel) unilatérale. Celle-ci est souvent
remarquée fortuitement à la fermeture de l'œil adelphe. En fonction de
la taille de la lésion, un syndrome orbitaire peut apparaître et doit
être systématiquement recherché. Le patient peut alors se plaindre
d'exophtalmie, de diplopie binoculaire, de céphalées, de lourdeur ou de
douleur périorbitaire, à distinguer des douleurs aux mouvements
oculaires qui ne surviennent pas ou rarement dans ce contexte.
L'interrogatoire doit s'attacher à mettre en évidence des arguments de
chronicité des symptômes et rechercher des facteurs favorisants :
traitements hormonaux pour un méningiome, antécédents de néoplasie pour
une métastase orbitaire, dysthyroïdie.
Clinique
L'examen neuro-ophtalmologique doit être complet et systématique. Dans
une NOCompr, le DPAR est constant si l'atteinte intéresse un seul
nerf optique ou les deux de façon asymétrique. Au stade initial, l'
acuité ou le champ visuel peuvent être altérés en l'absence
d'anomalie visible au FO . Inversement, des lésions au FO tels
que des plis choroïdiens (évoquant un effet de masse sur la sclère
postérieure) peuvent se révéler asymptomatiques. Un examen attentif
des mouvements oculaires et des paires crâniennes (recherche
d'anomalies sensitives cutanées faciales, d'anosmie, etc.) est
indispensable au bilan clinique afin de conforter la demande d'imagerie
et guider le radiologue avec des arguments permettant de localiser la
lésion. Une invasion du sinus caverneux peut entraîner une
atteinte variable des IIIe , IVe et
VIe paires crâniennes jusqu'à l'ophtalmoplégie, ainsi qu'un
syndrome de Claude Bernard-Horner par interruption de la voie
sympathique au niveau de son 3e neurone qui chemine dans
l'orbite. La sensibilité cutanée et la sensibilité cornéenne doivent
être explorées à la recherche d'une atteinte du nerf trijumeau .
Enfin, une large tumeur intracrânienne peut être à l'origine d'une
authentique NOCompr. Dans ce cas, des signes en faveur d'une
hypertension intracrânienne doivent être recherchés.
Examen de la papille
Après plusieurs mois d'évolution, l'examen du FO peut révéler une
papille d'aspect pathologique : elle peut être œdématiée, pâle
ou excavée . Le seul signe d'examen pouvant orienter vers une
compression chronique est la présence d'un shunt optociliaire (fig. 4-14
Fig. 4-14
Shunt optociliaire secondaire à une compression chronique du nerf optique droit par un méningiome de sa gaine.La papille apparaît pâle. Le pronostic visuel est défavorable.
), témoin d'un ralentissement chronique du flux de la veine centrale de
la rétine. L'examen de la papille ne donne pas d'orientation étiologique
sur l'origine de la compression mais donne des indices sur sa
localisation. Ainsi, un œdème papillaire est fréquent lorsque la
compression intéresse la partie antérieure du nerf, alors qu'une
atteinte orbitaire postérieure chronique va plutôt donner une pâleur qui
peut s'accompagner d'une excavation.
La compression est l'une des étiologies à évoquer devant une neuropathie
optique avec excavation papillaire, notamment en l'absence d'hypertonie
oculaire et l'examen attentif du champ visuel et de l'OCT est crucial
dans ce cas. Une atteinte isolée du champ visuel central et/ou une
conservation des quadrants supérieurs et inférieurs sur l'OCT doivent
faire suspecter une autre étiologique que le glaucome (voir
chapitre 12
).
En présence d'une excavation papillaire avec une pression intraoculaire
normale, le risque d'avoir une NOCompr est augmenté si le patient a
moins de 50 ans, si l'acuité visuelle est diminuée, si le champ
visuel central est atteint ou si une pâleur papillaire est associée. Au
contraire, une hémorragie en flammèche, des antécédents familiaux de
glaucome et un déficit arciforme du champ visuel iront dans le sens d'un
glaucome [1]. Enfin,
l'analyse de la coloration de la papille excavée permet d'orienter vers
une neuropathie non glaucomateuse quand une pâleur est retrouvée [2].
Rôles de l'OCT
Une NOCompr s'accompagne progressivement d'un amincissement de la couche
des fibres nerveuses péripapillaires (pRNFL) et du complexe des cellules
ganglionnaires maculaires (GCC). L'importance de l'amincissement est
corrélée à la durée de la compression et a un intérêt pronostique.
Ainsi, les patients présentant une diminution du pRNFL et du GCC ont
plus de risque de garder des séquelles visuelles en postopératoire d'une
chirurgie de décompression du nerf optique [3]. Il est toutefois
impossible de prédire la survenue et, par conséquent, l'importance de la
récupération visuelle après traitement, celle-ci étant toujours possible
malgré une atteinte anatomique avancée.
L'analyse de la pRNFL et du GCC doit également être qualitative et
différents quadrants seront diminués d'épaisseur selon qu'il s'agit
d'une neuropathie glaucomateuse ou d'une atteinte compressive. Dans le
glaucome, les quadrants temporal supérieur et temporal inférieur du
pRNFL seront atteints plus précocement que les autres, à l'inverse des
NOCompr où l'atteinte sera plus diffuse et intéressera très fréquemment
le quadrant temporal [4].
L'atteinte structurelle peut parfois précéder l'atteinte fonctionnelle.
Dans les cas de découverte fortuite d'une compression du nerf optique
sur une imagerie, il est nécessaire de compléter l'examen du champ
visuel par un OCT, surtout si le premier est normal. En l'absence
d'autres facteurs pouvant expliquer un amincissement du GCC, un tel
résultat doit faire craindre la survenue prochaine d'une atteinte
fonctionnelle et adapter le protocole de surveillance ou la prise en
charge thérapeutique en conséquence [5].
Champ visuel
L'atteinte campimétrique dans les NOCompr est variable. Elle peut être
diffuse mais intéresse souvent le centre du champ visuel. Elle est le
plus souvent unilatérale si la compression est intra-orbitaire. Des
anomalies du champ visuel controlatéral peuvent être retrouvées dans le
cas d'une compression en arrière du canal optique.
Imagerie
A. Lecler
Le diagnostic positif et étiologique d'une NOCompr repose essentiellement
sur l'imagerie (tableau 4-7
Tableau 4-7
Aspect radiologique des principales lésions compressives
et infiltratives des nerfs optiques.
Morphologie
Signal en IRM
Éléments clés
Autre
Orbitopathie dysthyroïdienne (Fig 4-15)
Épaississement d'un ou de plusieurs muscles
oculomoteurs
Isosignal T1 Hypersignal T2 franc
Épargne le tendon, au contraire des myositesMuscle
droit inférieur le plus souvent atteint
Injection de PDC non nécessaire
Méningiome des espaces sous-arachnoïdiens
péri-optiques (ou gaine du NO) (Fig 4-16 et Fig 4-17 )
Masse arrondie bien limitée centrée sur le NO
Iso- ou hyposignal T1 Iso- ou hypersignal T2 modéré à
franc PDC souvent marquée
La visibilité du nerf optique au centre de la masse
est un bon élément en faveur du diagnostic
Calcifications inconstantes en scanner
Gliome du NO (Fig 4-18)
Masse fusiforme bien limitée englobant le NO
Iso- ou hyposignal T1 Iso- ou hypersignal T2
discret PDC absente ou modérée
Zones kystiques inconstantes
Lymphome orbitaire (Fig 4-19)
Masse arrondie bien limitée intra-orbitaire
Isosignal T1 Hypo- ou isosignal T2 PDC absente ou
modérée
Restriction marquée de la diffusion ayant une
excellente orientation diagnostique
Vascularisation en arborescence avec index de
résistance bas en échographie Doppler
Macroadénome hypophysaire
Masse arrondie bien limitée centrée sur la loge
hypophysaire
Isosignal T1 Hypersignal T2 Pas de PDC
Aspect en bouchon de champagne en cas d'extension
extrasellaire supérieure
Rehaussement centripète progressif sur les séquences
dynamiques ou de perfusion
IRM: imagerie par résonance magnétique ; NO: neuropathie
optique; PDC : produit de contraste.
) [6,7]. L'IRM cérébrale et
orbitaire est l'examen de choix à réaliser et permet de confirmer le
diagnostic de compression et d'apporter des éléments étiologiques dans la
grande majorité des cas. L'IRM caractérise la lésion et permet l'évaluation
de l'extension intra-orbitaire et intracrânienne. Elle doit inclure une
exploration orbitaire multiplan centrée sur le nerf optique complétée par
une exploration encéphalique, avec des séquences sans et avec injection de
produit de contraste. Le protocole sera adapté en fonction des anomalies
radiologiques découvertes, pouvant nécessiter l'utilisation de séquences
multiparamétriques à visée de caractérisation tumorale ou de séquences de
tractographie afin de visualiser les fibres nerveuses du nerf optique.
L'échographie Doppler orbitaire est également un bon examen de dépistage
mais ne permet l'exploration que du contenu orbitaire jusqu'à l'apex. Le
scanner n'est utilisé qu'en seconde intention en cas de pathologie osseuse
associée.
Étiologies, pronostic, traitements
R. Hage
Une fois la compression mise en évidence par l'imagerie et la souffrance du
nerf optique prouvée par l'examen, se pose la question de la nature de la
lésion entrant en contact avec le nerf. La plupart du temps, le diagnostic
radiologique est suffisant et il n'y a pas lieu d'intervenir pour obtenir de
preuve histologique. La biopsie est réservée aux cas les plus douteux pour
lesquels la prise en charge varie grandement en fonction de la nature de la
lésion. Le risque d'aggravation visuelle lors de ce geste n'est pas anodin
et toute manipulation du nerf optique peut induire une perte visuelle
irréversible. Le patient doit être informé de ce risque avant tout geste
neurochirurgical dans la région du nerf optique.
Neuropathies optiques compressives
Les étiologies des NOCompr sont le plus souvent bénignes.
Le macroadénome hypophysaire , dont le diamètre est supérieur à
10 mm, donne typiquement un syndrome chiasmatique avec une
hémianopsie bitemporale qui en facilite la suspicion. Cependant,
l'atteinte visuelle dépend de la position de l'adénome par rapport aux
nerfs optiques, au chiasma et aux tractus optiques. Un adénome antéversé
peut ne comprimer qu'un seul nerf optique. La prise en charge est
multidisciplinaire et fait intervenir les endocrinologues (voir
chapitre 6
). Dans le cas très particulier de l'apoplexie pituitaire, la baisse de
la vue est ressentie brutalement dans un contexte de céphalées intenses
et est souvent accompagnée de troubles oculomoteurs. Une hospitalisation
en réanimation doit être organisée et un avis neurochirurgical demandé
en urgence.
L' orbitopathie dysthyroïdienne est une pathologie auto-immune
très fréquente caractérisée par l'augmentation de taille des muscles
oculomoteurs qui peuvent comprimer le nerf optique à l'apex (fig. 4-15
Fig. 4-15
Orbitopathie dysthyroïdienne.Coupes coronales T1(a), T2(b), T2 avec saturation de graisse(c). Hypertrophie des muscles droits, prédominant sur les muscles droits inférieurs (flèches) et causant une neuropathie optique compressive bilatérale.
; voir plus loin).
Les méningiomes sont les tumeurs les plus fréquentes du système
nerveux central. Ils sont bénins et leurs complications sont uniquement
liées à leur taille et à leur localisation. Ils touchent surtout les
femmes après 40 ans et leur croissance peut être favorisée par des
traitements hormonaux, essentiellement acétate de cyprotérone et
progestatifs. Les méningiomes se développent à partir des méninges
péri-optiques (méningiomes de la gaine du nerf optique [MGNO]) et
représentent 1 à 2% de l'ensemble des méningiomes intracrâniens. Ils
sont primaires quand leur point de départ est la gaine du nerf optique
ou secondaires quand il s'agit d'une lésion intracrânienne qui s'est
étendue à la gaine du nerf optique. Enfin, les méningiomes comprimant le
nerf optique peuvent trouver leur origine dans les parois orbitaires,
notamment l'os du sphénoïde. Le diagnostic est radiologique (fig. 4-16 et 4-17a
Fig. 4-16
Méningiome des espaces sous-arachnoïdiens péri-optiques droits (gaine du nerf optique droit, flèche).Coupes coronales T2(a) et T1(b) après injection de gadolinium et saturation de la graisse. Le méningiome se réhausse fortement à l'injection de gadolinium et le nerf optique reste iso-intense.
Fig. 4-17
Méningiome de la gaine du nerf optique droit.a.Image en rail typique avec hypersignal T1 injecté de part et d'autre du nerf optique droit. Le méningiome intéresse la partie antérieure du nerf optique. b, c.Au fond d'œil, on retrouve un œdème papillaire important(b), qui régresse en quelques semaines après le traitement par radiothérapie(c).
).
La prise en charge repose avant tout sur la surveillance tous les 4 à 6mois.
Il faut mettre en évidence une aggravation de l'atteinte visuelle ou
bien, si elle est avancée, formellement établir son lien avec le
méningiome avant de proposer un traitement à ces patients qui doivent
avoir un suivi neurochirurgical et neuroradiologique en parallèle.
La chirurgie n'est pas un traitement du MGNO mais plutôt de ses
complications. En effet, les capillaires sanguins à l'origine de la
vascularisation du nerf optique traversent la gaine du nerf sur toute sa
longueur, ce qui contre-indique toute dissection du MGNO. Celle-ci
aurait pour résultat une lésion ischémique du nerf et une perte visuelle
irréversible. La prise en charge chirurgicale des MGNO est donc limitée
aux cas suivants : envahissement du canal optique, risque
d'envahissement controlatéral ou exophtalmie majeure. Dans les cas de
compression au niveau du canal optique, une chirurgie d'ouverture est
proposée. Lorsque le risque est controlatéral, la tumorectomie permet de
préserver le nerf optique sain au détriment de celui où siège la lésion.
Enfin dans les cas d'exophtalmie majeure ou d'extension intracrânienne,
une réduction chirurgicale du volume tumoral peut améliorer les
symptômes.
La radiothérapie est le traitement le plus utilisé. Elle est indiquée,
seule ou en traitement adjuvant de la chirurgie, afin de stabiliser
voire réduire le volume tumoral. Les protocoles de radiothérapie
diffèrent selon les centres mais dans tous les cas, il s'agit d'un
traitement fractionné stéréotaxique pendant lequel le patient reçoit
quotidiennement une dose de traitement pendant plusieurs semaines. En
raison des doses cumulées, la radiothérapie ne peut pas être répétée si
la tumeur récidive. Étant donné la proximité de la rétine, une
surveillance particulière, sur plusieurs années, doit être mise en place
chez ces patients afin de dépister une éventuelle rétinopathie radique,
dont le traitement est la panphotocoagulation rétinienne quand il existe
une ischémie rétinienne étendue. La radiothérapie peut donner une
résolution rapide d'un œdème papillaire secondaire à un MGNO (fig. 4-17b etc)
Les lésions vasculaires incluent les hémangiomes caverneux, lésions
bénignes d'évolution lente, les varices et les anévrismes (voir fig. 4-20
Fig. 4-20
Malformation vasculaire caverneuse (ex-hémangiome caverneux).Les coupes coronales T2(a) et T1 après injection de gadolinium et saturation de la graisse(b) montrent une lésion ovale (flèche), au contenu homogène, qui se rehausse fortement. Les coupes axiales dynamiques après injection de gadolinium(c) montrent un signal (flèche) qui se modifie avec le temps, signe de mouvements à l'intérieur de la lésion.
).
Neuropathies optiques infiltratives
Les NOInfiltr ont un pronostic plus réservé que les NOCompr en raison de
la plus grande fréquence des pathologies néoplasiques.
Les gliomes sont les tumeurs des nerfs optiques les plus
fréquentes (fig. 4-18
Fig. 4-18
Gliome du nerf optique droit.Coupes coronales T2(a) et T1(b) après injection de gadolinium et saturation de la graisse. La tumeur (flèche) se développe aux dépens de nerf optique lui-même qui est augmenté de diamètre. La gaine est respectée.
). Ils peuvent être divisés en gliomes de bas grade, survenant chez les
enfants, et en gliomes de haut grade, touchant les adultes. Chez les
enfants, les gliomes sont le plus souvent associés à la neurofibromatose
de type 1 (NF1). Près de 40 % des enfants porteurs d'un gliome du
nerf optique sont atteints de NF1 et les gliomes bilatéraux sont quasi
pathognomoniques de NF1. La tumeur refoule la gaine du nerf optique.
L'aspect radiologique typique est une augmentation fusiforme de la
taille du nerf. Une ectasie durale est fréquente. Les gliomes sont
hypo-/iso-intense en T1 et légèrement hyperintense en T2 et leur prise de
contraste est variable. L'évolution est très variable et non
prédictible. Les facteurs de mauvais pronostic sont un âge inférieur à
3 ans au moment du diagnostic et l'extension hypothalamo-hypophysaire. Le
pronostic est meilleur chez les patients NF1. Les options thérapeutiques
sont limitées et incluent la radiothérapie et la chimiothérapie.
Chez l'adulte, en dehors de la découverte tardive d'un gliome de
l'enfant, le pronostic est très sombre avec une évolution rapide
incluant une extension à l'hypothalamus et une bilatéralisation en
quelques semaines. L'espérance de vie dépasse rarement 15 mois,
malgré le traitement.
Les leucémies aiguës peuvent se compliquer d'infiltration
du nerf optique, même en période de rémission, en raison de la moindre
efficacité des chimiothérapies, qu'elles soient intraveineuses ou
intrathécales, sur le nerf optique.
Différentes lésions lymphoprolifératives peuvent se développer
dans l'orbite (fig. 4-19
Fig. 4-19
Lymphome orbitaire gauche.Coupes axiales T2(a), T1 après injection de gadolinium et saturation de la graisse(b) et coupe axiale diffusion(c). Le signal de l'infiltration lymphomateuse (flèche) apparaît iso-intense en T2, et hyperintense en T1 injecté et sur les séquences de diffusion.
). Elles ont une croissance lente et l'urgence est au bilan d'extension
car 30 à 50 % des patients développent un lymphomesystémique. La
neuropathie optique complique essentiellement un lymphome systémique
avec atteinte du système nerveux central.
Avis des neurochirurgiens
D. Chauvet
Les tumeurs compressives du nerf optique peuvent être abordées
neurochirurgicalement par voie haute dite « transcrânienne » pour les
méningiomes sphénoïdaux ou par voie basse dite «endoscopique endonasale »
pour les adénomes hypophysaires (voir chapitre 6) [8].
Deux abords plus spécifiques permettant d'accéder à la paroi supérolatérale
de l'orbite et au canal optique sont présentés ici de façon synthétique.
Abord de la paroi supérolatérale de l'orbite
Principes
Cette chirurgie est nécessaire pour les ostéoméningiomes
sphéno-orbitaires (entité spécifique qui associe un méningiome
intradural et un ostéome du dièdre sphénoïdal, qui est responsable
de l'exophtalmie). L'accès à la paroi latérale de l'orbite se fait
par une incision coronale et une dissection du muscle temporal
récliné vers l'avant. On met alors en évidence le ptérion qui sera
fraisé à l'aide d'un système de neuronavigation afin d'effondrer
progressivement les parois latérale et supérieure de l'orbite.
Souvent, la périorbite pathologique, infiltrée par le meningiome,
est aussi retirée.
Avantages
Cet abord purement extradural permet facilement de mettre à jour la
quasi-totalité des parois latérale et supérieure de l'orbite. Il
permet aussi dans les ostéoméningiomes sphéno-orbitaires de diminuer
l'exophtalmie.
Inconvénients
La dissection du muscle temporal peut entraîner un « creux
temporal » inesthétique et d'éventuelles difficultés de mastication
passagères. Plus en profondeur, la proximité de la fissure orbitaire
supérieure impose une grande prudence du fait du risque
d'ophtalmoplégie postopératoire.
Abord du canal optique
Principes
L'abord du canal optique a pour but d'ouvrir ce dernier sur son
versant supérieur et latéral. On effectue ce geste principalement
pour les méningiomes pénétrant le canal. Cette ouverture est faite à
l'aide d'un fraisage précautionneux (du fait de l'étroite proximité
du nerf optique). Il existe des voies extradurale transcrânienne
(mais aussi endonasale) et intradurale plus commune.
Avantages
En raison du faible calibre du canal optique, la présence d'un
méningiome à ce niveau entraîne rapidement des troubles visuels
patents. En cas d'ouverture du canal optique dans des délais
rapides, on peut donc espérer une récupération visuelle très
significative.
Inconvénients
En raison du fraisage du canal optique, le nerf optique adjacent est
soumis à des contraintes mécaniques et thermiques. Ainsi, outre la
nécessité d'avoir des gestes précautionneux, il est impératif
d'utiliser des fraises diamantées (moins invasives) et d'irriguer le
nerf pour le refroidir. Malgré ces mesures, le risque de dégradation
visuelle est inévitable.
Orbitopathie dysthyroïdienne
A. Boschi
L'orbitopathie dysthyroïdienne (ODT) est une pathologie inflammatoire de
l'orbite, d'origine auto-immune et associée à une dysfonction thyroïdienne
(maladie de Basedow, thyroïdite auto-immune) qui se complique dans les formes
graves (5 à 10 %) d'une neuropathie optique compressive. La symptomatologie
orbitaire est associée à l'hyperthyroïdie dans plus de 90 %, mais une forme
purement oculaire, euthyroïdienne se rencontre dans 10 % des cas. Le mécanisme
auto-immun a pour cible les récepteurs à la thyroid stimulating hormone (TSH)
et à l' insulin growth factor 1 (IGF-1) des fibroblastes
orbitaires. Les facteurs déclenchants de l'ODT sont une hyperthyroïdie active et
de longue durée, le traitement par iode radioactif (131 I), la
survenue d'une hypothyroïdie et le tabac. Le patient âgé et de sexe masculin
aura également tendance à développer une forme d'ODT plus sévère [9].
Symptômes et signes de l'orbitopathie dysthyroïdienne
Au départ, on peut observer une rougeur des yeux et des paupières, un
gonflement, une sensation de plénitude ou de pression au niveau des
paupières, une sensation d'irritation oculaire, une sensibilité à la lumière
et un larmoiement excessif (fig. 4-21
Fig. 4-21
Orbitopathie dysthyroïdienne active (œil droit).On note une rétraction palpébrale, un œdème/léger érythème de la paupière supérieure, un chémosis et une injection conjonctivale.
), puis peuvent apparaître progressivement :
une rétraction de la paupière supérieure, avec une exacerbation
latérale, dans 98 % des cas ;
une exophtalmie non douloureuse, associée à une rétraction de la
paupière inférieure et une fermeture palpébrale incomplète
(lagophtalmie) ;
une diplopie, par restriction des muscles extra-oculaires, se
manifestant progressivement pour devenir constante. En phase
inflammatoire, les mouvements oculaires peuvent être douloureux. Le
muscle le plus fréquemment atteint est le droit inférieur suivi par
le droit médial puis le complexe supérieur (releveur de la paupière
et droit supérieur), le droit latéral et les obliques, avec une
épargne du tendon, ce qui aide à différencier l'ODT des autres
myosites (encadré 4-6
Encadré 4-6
Causes les plus fréquentes d'élargissement des muscles
extra-oculaires
Orbitopathie dysthyroïdienne
Myosites :
spécifiques : infectieuses
(cellulites orbitaires), autres
atteintes inflammatoires (IgG4,
sarcoïdose, granulomatose avec
polyangérite, amylose, etc.)
non spécifiques (pseudo-tumeurs
inflammatoires)
Métastases orbitaires (sein, poumon,
prostate)
Lymphome
Fistule carotidocaverneuse
). L'atteinte musculaire est évaluée cliniquement, mais le volume et
l'inflammation des muscles et de l'orbite seront précisés par
l'imagerie orbitaire (scanner ou IRM avec séquences multiplans T1,
T2, STIR) qui sera répétée dans le suivi des formes sévères (voir fig. 4-15).
Chez 5 à 10 % des patients, l'ODT se complique d'une neuropathie optique
par compression à l'apex orbitaire ou plus rarement par étirement. La baisse
visuelle est associée à une altération de la perception des couleurs souvent
inaugurale et à un déficit du champ visuel. Au FO, un œdème papillaire est
observé dans environ 50 % des cas. L'atteinte est le plus souvent bilatérale,
ce qui explique la faible fréquence du DPAR [10].
Celui-ci doit toutefois être recherché systématiquement (fig. 4-22
Fig. 4-22
Homme de 55ans, fumeur, consulte pour baisse visuelle bilatérale à4/10 P3 en rapport avec une neuropathie optique compressive compliquant une orbitopathie dysthyroïdienne (ODT).a.On note une exophtalmie bilatérale, une rétraction palpébrale, un chémosis et un œdème de la plica bilatéral. b.Le champ visuel retrouve un déficit campimétrique diffus bilatéral prédominant en inférieur. c.IRM en coupe coronale T2 avec suppression du signal de la graisse montrant l'hypertrophie musculaire bilatérale avec compression du nerf optique. d.Champ visuel une semaine plus tard après corticothérapie intraveineuse. d1. OG: œil gauche. d2. OD : œil droit.
Source: C.Vignal Clermont.
).
Évolution naturelle de l'orbitopathie dysthyroïdienne
L'évolution naturelle de l'ODT passe par une phase initiale
inflammatoire, dite active , caractérisée par une progression des signes
et symptômes, suivie d'une phase de stabilisation, pour ensuite entrer dans
une phase d'évolution spontanément favorable, avec cependant la persistance,
dans la majorité des cas, d'altérations de l'aspect du regard et de la
fonction visuelle et/ou de la fonction oculomotrice. Cette phase finale
non évolutive , non inflammatoire est considérée comme inactive .
La détermination de la phase clinique d'ODT est fondamentale pour établir la
prise en charge adéquate, le traitement immunomodulateur n'étant efficace
que pendant la phase inflammatoire active (encadré 4-7
Encadré 4-7
Score d'activité clinique
1 point est attribué à chaque item présent à l'examen.
Le score initial est sur 7, le score de suivi sur 10. Un SAC
≥3 définit la phase active .
Douleur, oppression au niveau et/ou derrière le
globe oculaire
Douleur lors des mouvements oculaires
Rougeur des paupières
Rougeur de la conjonctive
Œdème conjonctival (chémosis)
Œdème palpébral
Œdème de la caroncule et/ou du pli semi-lunaire
Réévaluation entre 1 et 3 mois (score de suivi):
majoration de l'exophtalmie de plus de 2 mm
diminution de l'excursion oculaire dans une
direction de plus de 8°
baisse visuelle supérieure ou égale à une
ligne de Snellen
) [11]. La
sévérité est évaluée sur base des signes caractéristiques de l'ODT, la
classification suggérée par l'European Group on Graves' Orbitopathy (EUGOGO)
guide la prise en charge des patients (encadré 4-8
Encadré 4-8
Classification de la sévérité de l'orbitopathie dysthyroïdienne
selon l'EUGOGO
Légère =
impact minime sur la qualité de vie, un ou plusieurs
signes suivants :
rétraction paupière supérieure
≤ 2mm ;
œdème/érythème minime des tissus mous ;
exophtalmie < 3mm ;
diplopie absente ou transitoire sans impact
sur la qualité de vie ;
exposition de la cornée répondant au
traitement lubrifiant.
Modéré-sévère=
impact significatif sur la qualité de vie justifiant
une immunosuppression (si active) ou une chirurgie
(si inactive). Les patients présentent un ou
plusieurs des signes suivants :
rétraction paupière supérieure
> 2mm ;
atteinte modérée à sévère des tissus
mous ;
exophtalmie ≥ 3mm ;
diplopie constante ou inconstante avec
impact sur la qualité de vie.
Sévère avec menace visuelle=
présence d'une neuropathie optique, d'ulcères
cornéens, d'une subluxation du globe oculaire, de
plis choroïdiens, de mouvements oculaires sévèrement
limités nécessitant une prise en charge immédiate.
larmes artificielles et pommade ou gel pour la nuit ;
lunettes solaires ;
restaurer l'euthyroïdie. La surveillance biologique sera effectuée
en partenariat avec l'endocrinologue et portera sur le taux des
hormones thyroïdiennes (T4 libre, TSH), des anticorps antirécepteurs
à la TSH ( TSH-Rezeptor-Antikörper [TRAK]) et parfois des
anticorps antithyroglobuline ;
prismes si diplopie gênante.
Le traitement sera adapté à la sévérité de l'ODT (fig. 4-23
Fig. 4-23
Traitement de l'orbitopathie dysthyroïdienne (ODT), d'après les recommandations European Thyroid Association (ETA)/European Group on Graves' Orbitopathy (EUGOGO) 2016.CTC: corticothérapie ; IV: voie intraveineuse ; NO: neuropathie optique.
Les fortes doses de corticoïdes nécessitent le suivi de la fonction
hépatique, de la glycémie, de la pression artérielle et de la pression
intra-oculaire, ainsi qu'une protection gastrique et des règles
hygiénodiététiques. Au stade des séquelles, une chirurgie peut être
proposée, en démarrant si nécessaire par la réduction de l'exophtalmie, puis
la correction des troubles oculomoteurs et enfin la chirurgie palpébrale.
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4.5. Neuropathies optiques héréditaires
S. Leruez,
P. Amati-Bonneau,
V. Procaccio,
P. Reynier,
C. Verny,
C. Bris,
C. Vignal Clermont,
D. Bonneau,
G. Lenaers
Points importants
Les neuropathies optiques héréditaires (NOH) sont des maladies
génétiques responsables de la dégénérescence des cellules
ganglionnaires de la rétine. Elles sont caractérisées par une
baisse d'acuité visuelle variable, allant de formes modérées à
la cécité légale, avec un scotome central ou cæcocentral et une
dyschromatopsie. Ces caractéristiques communes à toutes les NOH
sont modulées dans leur sévérité par la cause génétique qui en
est à l'origine.
L'histoire familiale et l'association à des symptômes
extra-oculaires peuvent orienter vers une étiologie moléculaire
précise. Il en est de même de certains paramètres
ophtalmologiques tels que la dyschromatopsie d'axe bleu-jaune
pour l'atrophie optique dominante due aux mutations du gène
OPA1 , et la présence d'un pseudo-œdème papillaire pour
la neuropathie optique héréditaire de Leber.
Quoi de neuf ?
La loi de bioéthique pose les grands principes de la réalisation
des examens des caractéristiques génétiques des personnes. Les
modalités de prescription sont précisées par un arrêté paru
au Journal Officiel du 27 mai 2013.
Les progrès de la génétique permettent actuellement de séquencer
(par séquençage à très haut débit : next generation
sequencing [NGS]) la totalité de l'ADN mitochondrial,
ciblant en une seule fois les variants pathogènes référencés
pour la neuropathie optique héréditaire de Leber (NOHL).
Les variants du gène OPA1 sont retrouvées chez 60 %
des personnes avec atrophie optique dominante. À ce jour plus de
400 variants pathogènes d' OPA1 ont été rapportés dans la
base de données internationale dédiée à ce gène.
S'il n'existe actuellement aucun traitement permettant
d'inverser complètement la baisse visuelle liée à la NOHL,
l'idébénone a montré une tendance à l'amélioration visuelle dans
cette maladie et a depuis 2015 une AMM européenne. Les premiers
résultats des études de thérapie génique demandent à être
confirmés.
Une meilleure compréhension de la physiopathologie des NOH et
l'existence de modèles animaux (récemment souris OPA1) devraient
déboucher sur de nouvelles pistes et études thérapeutiques dans
les années à venir.
Rappels de génétique
Les neuropathies optiques héréditaires (NOH) sont des maladies génétiques toutes
causées par une altération de gènes codant des protéines localisées à la
mitochondrie et impliquées dans ses fonctions [1].
La seule exception concerne le syndrome de Wolfram, associé au gène WFS1 qui
code pour la wolframine, une protéine localisée à l'interface entre la
mitochondrie et le réticulum endoplasmique. En raison de son origine
mitochondriale, la génétique des NOH implique, en plus du génome nucléaire, le
génome mitochondrial présent en centaines voire milliers de copies dans la
cellule, comme c'est le cas de la neuropathie optique héréditaire de Leber
(NOHL) [2].
Les NOH dues à l'altération d'un gène nucléaire sont transmises le plus souvent
sur le mode autosomique dominant ou récessif (fig. 4-24
Fig. 4-24
Neuropathies optiques héréditaires : modes de transmission, évolution clinique et anomalies génétiques.a.Arbres généalogiques associés à une transmission dominante (à gauche), récessive (au milieu) et mitochondriale (à droite) ; les individus en noir présentent la pathologie ; les individus en gris pour la neuropathie optique héréditaire de Leber (NOHL) sont porteurs de la mutation mais ne sont pas malades. b.Évolution clinique des neuropathies optiques héréditaires en fonction de leur mode de transmission. Les traits pleins représentent l'évolution classique des 3types de neuropathie optique héréditaire, alors que les traits hachurés représentent les rares formes frustes ou très sévères d'AOD (à gauche). Pour la NOHL (à droite), les pointillés représentent soit une absence de pénétrance de la maladie, soit une récupération partielle de l'acuité visuelle après le déclenchement de la maladie. c.Listes des gènes nucléaires publiés responsables des AOD (à gauche) et des AOR (au milieu), et identité des 3principales mutations du génome mitochondrial responsables de la NOHL (à droite). AV: acuité visuelle.
). Un locus a également été décrit sur le chromosome X (OPA2), mais le gène
correspondant n'a pas été identifié à ce jour [3].
La NOHL est causée par des variants spécifiques de l'acide désoxyribonucléique
mitochondrial (ADNmt) transmis exclusivement par la mère. Cela rend compte du
mode de transmission particulier de cette maladie où l'on n'observe que des
transmissions maternelles dans les arbres généalogiques (voir fig. 4-24).
Une autre particularité du génome mitochondrial est qu'au sein d'une même
cellule, les copies de l'ADNmt peuvent être soit identiques et l'on parlera
alors d'homoplasmie, soit différentes, certaines mutées d'autres non, et l'on
parlera alors d'hétéroplasmie. Cette dernière joue probablement un rôle dans
l'expressivité de la maladie. De plus, il est à noter que les deux facteurs
principaux qui influencent la pénétrance des mutations NOHL sont l'âge et le
sexe (voir fig. 4-24).
Les différents contextes cliniques
Neuropathies optiques isolées
Neuropathie optique héréditaire de Leber (MIM #535000)
La NOHL est l'une des deux neuropathies optiques héréditaires les plus
fréquentes, avec une prévalence estimée à plus de 3/100 000 individus.
Cette maladie a été décrite pour la première fois en 1871 par Théodor
Leber [4] qui évoquait déjà
une atteinte préférentielle des hommes et une transmission maternelle.
Théodor Leber ayant donné son nom à de nombreuses autres pathologies
ophtalmologiques, le terme de «maladie de Leber » est souvent utilisé
pour désigner non seulement la NOHL mais aussi d'autres entités comme
l'amaurose congénitale, la neurorétinite stellaire, les anévrismes
miliaires rétiniens, ce qui peut prêter à confusion.
La NOHL est causée principalement par l'un des trois variants pathogènes
suivants de l'ADNmt : m.3460G> A, m.11778G> A et m.14484T> C, qui
rendent compte de 90 % des cas [5].
Seize autres variants pathogènes de l'ADNmt ont été identifiés dans les
10 % des cas restants1
. Ces variants rares de l'ADNmt sont présents à l'état homoplasmique
dans 85 à 90 % des cas [6].
Les deux facteurs de risque principaux de perte visuelle sont l'âge et
le sexe.
La pénétrance des mutations NOHL est, en effet, spécifique de l'âge.
Ainsi, un homme porteur d'une mutation pathogène asymptomatique à 50 ans
n'a qu'un risque de 5% de développer des signes ophtalmologiques dans le
reste de sa vie. Le sexe intervient également de façon très importante
dans la modification de la pénétrance des mutations NOHL. Les risques de
l'apparition d'une atteinte visuelle en fonction du sexe et de la
mutation sont résumés dans le tableau 4-8
Tableau 4-8
Risque de développer une neuropathie optique
héréditaire de Leber (NOHL) en fonction de la
mutation et du sexe.
Variant de l'ADNmt
Risque de développer une NOHL
Hommes
Femmes
m.3460G
49%
28%
m.11778G
51%
9%
m.14484T
47%
8%
ADNmt: acide désoxyribonucléique mitochondrial.
[7]. L'hétéroplasmie joue
probablement un rôle sur les risques d'apparition de l'atteinte visuelle
et de transmission, mais aucune étude rigoureuse n'a permis de le
confirmer [8].
Par ailleurs, le risque d'apparition d'une atteinte visuelle est
conditionné par des facteurs environnementaux (tabac, alcool,
médicament, anesthésie, nutrition, conditions générales), des gènes
modificateurs, notamment portés par le chromosome X mais non
identifiés [9], et des
prédispositions anatomiques au niveau de la papille optique [10].
Cliniquement, la NOHL est caractérisée par une baisse d'acuité visuelle
subaiguë, indolore, classiquement unilatérale avec une bilatéralisation
survenant en quelques semaines ou quelques mois dans plus de 97%
des cas. Des atteintes bilatérales d'emblée ont également été décrites.
Le plus souvent, la NOHL touche de jeunes adultes, mais dans la
littérature l'âge de début varie de 4 à 87 ans [11].
Il s'agit dans 80 à 90 % des cas de sujets masculins [5,12], sans que l'on ait à
l'heure actuelle de rationnel clair pour expliquer la variabilité de
l'expressivité des mutations en fonction du sexe.
Lors de la phase aiguë, le fond d'œil montre un aspect évocateur de
pseudo-œdème papillaire, associant une hyperhémie, une dilatation des
artérioles et des télangiectasies péripapillaires (fig. 4-25a etb
Fig. 4-25
Présentation clinique typique de la neuropathie optique héréditaire de Leber.a.Fond d'œil d'un garçon de 10ans ayant une baisse visuelle bilatérale, plus sévère à gauche. On remarque l'hyperhémie papillaire associée aux télangiectasies. À gauche, il existe déjà une pâleur temporale. b.La tomographie des fibres nerveuses rétiniennes (RNFL) confirme la surélévation du nerf optique et le «faux-œdème » papillaire. c, d.Champs visuels de Goldman du même patient: il existe un scotome central expliquant la baisse de l'acuité visuelle(c) ; l'atteinte est limitée à un élargissement de la tache aveugle(d).
). La présence d'une ou de deux petites hémorragies en flammèches n'est
pas rare. À l'angiographie à la fluorescéine, le pseudo-œdème de la NOHL
se distingue d'un véritable œdème papillaire par l'absence de diffusion
du colorant. Néanmoins, dans 20 % des cas, le fond d'œil apparaît
normal au début de l'atteinte visuelle [13].
L'atteinte du champ visuel n'est pas spécifique de la mutation de
l'ADNmt en cause : classiquement, on retrouve un scotome central ou
cæcocentral (fig. 4-25c)
et la vision des couleurs est très perturbée en particulier dans l'axe
rouge-vert. Après 6 mois d'évolution, une atrophie optique temporale ou
globale est visible au fond d'œil et par OCT, mettant en évidence une
diminution sévère de l'épaisseur de la peripapillary retinal nerve
fiber layer (pRNFL) responsable d'une acuité visuelle effondrée
pouvant aller jusqu'à la cécité légale. Le variant m.14484T> C est
associé à un meilleur pronostic visuel avec une récupération spontanée
mais partielle de l'acuité visuelle survenant dans environ 65% des
cas [13].
Atrophie optique autosomique dominante
L'atrophie optique autosomique dominante (AOD), décrite pour la première
fois par l'ophtalmologiste danois Poul Kjer en 1956 [14], est la neuropathie
optique héréditaire la plus fréquente avec une prévalence
de 1/25 000 individus. Au Danemark, où il existe un effet fondateur, la
prévalence de la maladie atteint 1/10 000 individus [15].
Le premier gène à avoir été identifié comme responsable de l'AOD est
OPA1 (MIM #165500) [16,17]. L'identification
d'une mutation causale dans ce gène confirme le diagnostic clinique
parfois difficile d'AOD. Les variants du gène OPA1 sont
retrouvées chez 60 % des personnes avec AOD, avec des variations
géographiques possibles. À ce jour, plus de 400 variants pathogènes d'
OPA1 ont été rapportés dans la base de données LOVD (Leiden Open
Variation Database) internationale dédiée à ce gène [18]. D'autres loci
génétiques associés à l'AOD ont été identifiés et sont résumés dans le tableau 4-9
Tableau 4-9
Hétérogénéité génétique des neuropathies optiques
héréditaires autosomiques.
Locus
Gène
Localisation
Transmission/signes associés
Référence
MIM
OPA1
3q29
AD, isolé ou forme «AOD plus »
Delettre et al. [16]
#165500
OPA2
–
Xp11.4-p11.21
RLX, AO sévère et précoce, isolée ou associée à
une DI et anomalies neurologiques
Assink et al. [3]
%311050
OPA3
19q13.32
AD, AO +cataracte
Reynier et al. [19]
#165300
OPA4
–
18q12.2-q12.3
AD
Kerrisson et al. [20]
%605293
OPA5
12p11.21
AD, AO isolée
Gerber et al. [21]
#610708
OPA6
–
8q21-q22
AR, AO début précoce
Barbet et al. [22]
%258500
OPA7
11q14.1
AR, AO isolée ou associée à une neuropathie
auditive
Hanein et al. [23]
#612989
OPA8
–
16q21-q22
AD, AO isolée ou associé à une surdité
Carelli et al. [24]
%616648
OPA9
22q13.2
AR
Metodiev et al. [25]
#616289
OPA10
6q21
AR, AO isolée ou associée à une ataxie, DI,
épilepsie
L'AOD est caractérisée par une baisse d'acuité visuelle progressive
souvent diagnostiquée pendant les deux premières décennies de la vie. Le
déficit visuel est variable, habituellement modéré (de 2/10 à 6/10).
Ce déficit peut néanmoins être sévère, causant une cécité légale
(<1/20), ou au contraire très modéré, voire absent chez les personnes
asymptomatiques. Les formes sévères sont fréquemment découvertes pendant
l'enfance, voire au cours de la première année de vie devant un
nystagmus. Les formes frustes peuvent n'être diagnostiquées qu'à l'âge
adulte dans le cadre d'un examen systématique ou d'une enquête
familiale. Cette variabilité d'expression peut être intrafamiliale et
impose l'examen systématique de tous les membres des familles dans
lesquelles a été identifié un cas index. Par ailleurs, le déficit visuel
semble progresser lentement avec l'âge, avec une aggravation en moyenne
de 0,032 logMar/an [28].
L'atteinte du champ visuel n'est pas spécifique du génotype:
classiquement, on retrouve un scotome central ou cæcocentral, avec une
bonne préservation des isoptères périphériques. D'autres déficits
peuvent également être observés, notamment une atteinte bitemporale
centrale qui conduit à rechercher une lésion chiasmatique.
Un critère diagnostique important des AOD est la tritanopie ou
dyschromatopsie d'axe bleu-jaune qui différencie l'AOD liée aux
mutations d' OPA1 des autres types d'atrophie optique, y compris
des autres AOD, dans lesquelles l'axe de confusion des couleurs est en
général dans l'axe rouge-vert [29].
L'atrophie optique est visible au FO sous la forme d'une pâleur
papillaire essentiellement temporale bilatérale et symétrique. Chez les
personnes âgées ou dans les formes sévères, la papille peut être
totalement atrophique. À l'inverse, chez les personnes asymptomatiques
ou paucisymptomatiques, l'atrophie optique peut être indétectable.
L'analyse de la pRNFL et celle des cellules ganglionnaires réalisées en
OCT permettent une quantification de la perte axonale et neuronale, y
compris chez les personnes asymptomatiques porteuses d'un variant
pathogène du gène OPA1 [12].
La présence d'une excavation papillaire est possible et rend parfois
difficile le diagnostic différentiel avec un glaucome, notamment à
pression normale.
Neuropathies optiques récessives non syndromiques
Longtemps négligées, les NOH récessives sont devenues ces dernières
années des entités cliniques incontestables en neuro-ophtalmologie, et
ce grâce à l'identification de mutations dans plusieurs gènes associés à
des formes récessives non syndromiques . Ainsi des mutations récessives
dans RTN4IP1 , TMEM126A , NDUFS2 et ACO2 ont
été décrites chez des personnes présentant une atteinte visuelle isolée
et précoce, suggérant une implication de ces gènes dans la maturation
prénatale des cellules ganglionnaires de la rétine et le développement
du nerf optique (tableau 4-10
Tableau 4-10
Les différents tableaux cliniques des neuropathies
optiques héréditaires selon leur mode de
transmission.
Atrophie optique dominante
Neuropathie optique récessive
Neuropathie optique héréditaire de Leber
Prévalence
1/50 000–1/10 000
Inconnue
1–9/100 000
Sex-ratio
H =F
H =F
H >>>F
Âge de survenue
Deux premières décennies
Précoce, périnatal
10–30 ans
Mode de survenue
Progressif
Progressif
Brutal, sévère Unilatéral d'abord, puis atteinte
du second œil dans les semaines ou mois qui
suivent
10 à 15% des cas: surdité, ophtalmoplégie,
ptosis, neuropathie périphérie, ataxie
Encéphalopathies
Leber «plus » : neuropathie périphérique,
myopathie, atteinte cardiaque, atteinte de la
substance blanche cérébrale à l'IRM similaire à
celle de la SEP Syndrome parkinsonien
AV: acuité visuelle ; F: femme ; H: homme ; IRM:
imagerie par résonance magnétique ; SEP: sclérose en
plaques.
) [26]. Par ailleurs,
des mutations bi-alléliques du gène WFS1 , codant pour la
wolframine, ont été impliquées non seulement dans le syndrome de Wolfram
mais aussi dans des formes de NOH récessives isolées. De plus, des
mutations dominantes de WFS1 peuvent également être responsables
d'une NOH associée à une surdité neurosensorielle (syndrome «Wolfram-
like »). Dans les cas de NOH isolées dues à des mutations
récessives ou dominantes de WFS1 , l'atteinte visuelle est en
général moins sévère que celle observée dans le syndrome de Wolfram.
Neuropathies optiques syndromiques
Les NOH étant des maladies mitochondriales, leur expressivité clinique
inclut souvent d'autres symptômes.
Atrophie optique dominante plus (MIM #125250)
L'AOD peut, dans 10 à 15% des cas, être associée à des
manifestations extra-ophtalmologiques avec principalement une surdité ou
des atteintes de plusieurs organes [30]
similaires à celles observées dans les cytopathies mitochondriales [31]. La surdité
neurosensorielle, due à une altération du ganglion spiral de la cochlée,
est l'atteinte extra-ophtalmologique la plus fréquente. Elle est
retrouvée chez deux tiers des personnes ayant une AOD syndromique et 6%
des personnes porteuses d'une mutation du gène OPA1 [32]. Les autres atteintes
associées peuvent être une ataxie, une neuropathie périphérique, une
myopathie et une ophtalmoplégie progressive externe [30]. Dans de rares cas,
des mutations bi-alléliques d' OPA1 , impliquant en particulier
la mutation hypomorphe p.I382M et un second variant pathogène, sont
responsables du syndrome de Behr associant une atrophie optique sévère
et précoce à un retard de développement, une ataxie spinocérébelleuse et
une neuropathie périphérique [33].
Neuropathie optique héréditaire syndromique ou Leber « plus »
La NOHL est le plus souvent isolée, mais des atteintes
extra-ophtalmologiques associées ont été rapportées, parmi lesquelles
des anomalies de la conduction cardiaque, des dystonies (MIM #500001),
des troubles psychiatriques et des syndromes parkinsoniens. Ces formes
syndromiques de NOHL sont dénommées Leber «plus ».
Le variant m.14459G > A est le plus fréquemment associé à ce
tableau de Leber «plus », avec une expression clinique très variable
allant de l'atteinte visuelle isolée à la dystonie spastique ou au
syndrome de Leigh (MIM#256000).
La question de l'association de la sclérose en plaques (SEP) à la NOHL
reste débattue. Des cas de personnes présentant à la fois une NOHL, des
troubles neurologiques (troubles sensitifs, atteinte proprioceptive,
myélite, troubles urinaires, etc.) et des anomalies IRM compatibles avec
une SEP ont été décrits dans la littérature [34,35]. Bien que la
prévalence d'une NOHL associée à une SEP ne soit pas supérieure à celle
de la survenue fortuite de ces deux maladies, il semblerait que cette
combinaison induise, avec une prédominance féminine, des épisodes de
baisse visuelle récidivants (plus de deux épisodes) et un intervalle de
déclenchement plus long entre les deux yeux [35].
Syndrome de Wolfram (MIM #222300)
Le syndrome de Wolfram [36],
également connu sous l'acronyme DIDMOAD ( Diabetes Insipidus,
Diabetes Mellitus, Optic Atrophy and Deafness ) est une maladie
neurodégénérative très rare, de transmission autosomique récessive, dont
la prévalence de l'ordre de 1/700 000.
Habituellement, le diabète sucré est le premier symptôme (âge médian
d'apparition avant 10 ans) précédant l'apparition de la neuropathie
optique. Cette dernière entraîne une perte visuelle progressive, souvent
sévère, aboutissant à une cécité légale, une dyschromatopsie d'axe
rouge-vert et une atteinte du champ visuel central et périphérique. Dans
quelques cas, une excavation papillaire [37]
s'associe à l'atrophie optique (fig. 4-26
Fig. 4-26
Fond d'œil d'une jeune fille de 12ans atteinte d'un syndrome de Wolfram.On remarque l'excavation papillaire associée à une pâleur de l'anneau neurorétinien.
).
L'examen ophtalmologique peut retrouver une cataracte, une rétinopathie
pigmentaire et une rétinopathie diabétique. Cette dernière est cependant
une complication moins fréquente avec une évolution plus progressive que
celle rencontrée dans le diabète de type 1 classique [38]. L'atteinte d'autres
organes comprend: un diabète insipide central (72% des individus), une
surdité de perception (66% des individus), des signes neurologiques et
psychiatriques progressifs (62% des individus), une vessie neurologique
et d'autres anomalies endocriniennes (hypothyroïdie, retard de
croissance).
Ataxies spinocérébelleuses
Les ataxies spinocérébelleuses forment un groupe de maladies avec des
modes de transmission et des tableaux cliniques variables. Elles sont
souvent associées à des manifestations multisystémiques pouvant inclure
des signes ophtalmologiques. Dans l'ataxie spinocérébelleuse de type 1
( spinocerebellar ataxia type 1 [SCA1], MIM#164400)
et de type3 (SCA3, MIM#109150), on retrouve une neuropathie optique
modérée, alors que dans l'ataxie spinocérébelleuse de type7 (SCA7,
MIM#164500), l'atteinte maculaire est classique. Récemment, une
maculopathie a également été décrite chez des personnes présentant une
SCA1 [39]. D'une manière
surprenante, des mutations dominantes du gène AFG3L2 ,
initialement décrites comme responsables de l'ataxie spinocérébelleuse
de type28 (SCA28, MIM#610246), ont été retrouvées dans des formes non
syndromiques d'AOD, sans aucun signe clinique d'ataxie [40,41].
Paraplégies spastiques héréditaires (ou maladie de Strümpell-Lorrain)
Les paraplégies spastiques héréditaires sont un groupe de pathologies
caractérisées par une atteinte de la voie pyramidale entraînant une
spasticité progressive et sévère. Les paraplégies spastiques
héréditaires causées par des mutations du gène SPG7 (MIM #607259)
sont très fréquemment associées à une atteinte du nerf optique [42]. Inversement,
certaines mutations du gène SPG7 peuvent être responsables d'une
NOH sans signe évident de spasticité [43].
Ataxie de Friedreich (MIM #229300)
L'ataxie de Friedreich est l'ataxie autosomique récessive la plus
fréquente avec une prévalence de 1/30 000 à 1/50 000. Elle débute
avant l'âge de 25 ans et associe une atteinte spinocérébelleuse, des
troubles de la sensibilité profonde, une dysarthrie et une aréflexie [44]. Le tableau peut se
compléter par un diabète insulino-dépendant, une cardiomyopathie
hypertrophique et des anomalies ostéo-articulaires. Chez ces personnes,
l'atteinte du nerf optique, révélée par l'OCT, est constante, mais le
plus souvent asymptomatique [45].
Maladie de Charcot-Marie-Tooth
Le terme de maladie de Charcot-Marie-Tooth regroupe des neuropathies
périphériques héréditaires avec des modes de transmission et des
tableaux cliniques extrêmement variables. Plusieurs formes de la maladie
de Charcot-Marie-Tooth sont associées à une neuropathie optique,
notamment celles liées à des mutations du gène MFN2 (MIM #609260
et#617087) dont la protéine partage des analogies structurelles et
fonctionnelles avec celle codée par le gène OPA1 . MFN2 intervient
dans le mécanisme de fusion des mitochondries. L'atteinte visuelle
causée par l'altération de ce gène est très variable en fonction des
formes cliniques et n'est pas spécifique [46].
Syndrome PEHO (MIM #260565)
Le syndrome PEHO ( Progressive Encephalopathy and Edema,
Hypsarrhythmia and Optic atrophy ) est une pathologie récessive très
rare causée par des mutations du gène ZNHIT3 [47].
Ce syndrome pédiatrique associe une encéphalopathie épileptique avec une
déficience intellectuelle profonde, une atrophie cérébrale extrême et
une neuropathie optique.
Cytopathies mitochondriales
Des neuropathies optiques sont régulièrement décrites dans les
pathologies mitochondriales telles que :
MERRF ( myoclonic epilepsy with ragged red fibers , MIM #545000) ;
l'ophtalmoplégie progressive extrinsèque avec ou sans
rétinopathie pigmentaire (syndrome de Kearns-Sayre, MIM #530000).
Neuropathies optiques liées à l'X
Il existe de très rares cas de neuropathies optiques, isolées ou
syndromiques, liées à l'X et en particulier au locus OPA2
en Xp11 [3] ;
néanmoins le gène causal demeure inconnu. On peut citer, par ailleurs,
le syndrome de Mohr-Tranebjaerg ou deafness-dystonia-optic
neuronopathy syndrome (DDON, MIM#304700), qui associe à une
neuropathie optique, une surdité, une dystonie et des troubles mentaux
liés à des mutations dans le gène TIMM8A au locusXq22 [48].
Examens complémentaires
Examens ophtalmologiques
L'histoire naturelle des NOH est marquée par l'atrophie des nerfs optiques
et la dégénérescence des cellules ganglionnaires de la rétine, avec des
signes communs à toutes les NOH, indépendants de l'origine héréditaire ou du
gène impliqué. Néanmoins, quelques signes discriminants peuvent orienter le
diagnostic.
Rétinophotographies
Les rétinophotographies permettent de documenter les anomalies du FO. À
la phase aiguë de la NOHL, on retrouve au FO dans 80 % des cas
(voir fig. 4-24) une
discrète surélévation de la papille avec hyperhémie, des télangiectasies
péripapillaires avec tortuosités des capillaires péripapillaires et
parfois quelques hémorragies en flammèches. Ces anomalies peuvent
survenir avant la baisse de l'acuité visuelle et sont rarement présentes
6 mois après la perte brutale de l'acuité visuelle dans la phase
chronique de la maladie [13].
Une excavation papillaire peut être retrouvée dans l'AOD et dans le
syndrome de Wolfram (voir fig. 4-26).
Angiographie à la fluorescéine
L'angiographie à la fluorescéine permet de distinguer le pseudo-œdème
papillaire de la NOHL d'un véritable œdème papillaire présent, par
exemple, dans une neuropathie optique inflammatoire ou ischémique. Il
est important de réaliser cet examen au moindre doute, sachant que le
terrain et le tableau clinique d'une névrite optique et d'une NOHL
peuvent être similaires. Dans la NOHL, il n'y a pas de diffusion
papillaire, contrairement à ce que l'on voit dans les œdèmes papillaires
dus à une autre cause (inflammation, ischémie ou œdème de stase, par
exemple) (fig. 4-27
Fig. 4-27
a.Angiographie à la fluorescéine du patient avec neuropathie optique héréditaire de Leber de la fig.4-25 présentant un pseudo-œdème au fond d'œil et une surélévation à l'OCT. b.Même personne à un temps plus tardif: aucune hyperfluorescence ni aucune diffusion papillaire ne sont détectables.
).
Tomographie en cohérence optique (OCT)
pRNFL et GCC
L'OCT dans les cas de NOHL est très important pour qualifier et
quantifier les évolutions structurales des nerfs optiques entre les
différents stades de la maladie (fig. 4-28
Fig. 4-28
Homme de 26ans présentant une neuropathie optique héréditaire de Leber, atteignant d'abord l'œil gauche puis se bilatéralisant sur l'œil droit après 17mois.On voit sur l'œil gauche les stades évolutifs avec l'apparition d'une atrophie optique au fond d'œil et à l'OCT. Sur l'œil droit, au stade présymptomatique, on observe déjà l'atteinte des cellules ganglionnaires avec une augmentation caractéristique de la pRNFL précédant de quelques semaines la baisse de l'acuité visuelle.
Au stade asymptomatique , on peut retrouver au FO une
discrète surélévation papillaire, confirmée à l'OCT par une
augmentation de l'épaisseur de la pRNFL dans les quadrants temporaux
et inférieurs.
Au stade présymptomatique , environ 4 semaines avant la
baisse de l'acuité visuelle, l'augmentation de l'épaisseur de la
pRNFL dans les quadrants temporal et inférieur est caractéristique
et s'associe à un amincissement du GCC en nasal, reflétant
l'atteinte initiale du faisceau intermaculopapillaire.
Dans les 3 mois suivant la baisse d'acuité
visuelle, à la phase subaiguë , il existe une discordance entre
l'épaisseur de la pRNFL qui est normale, voire augmentée, et le GCC
dont l'épaisseur diminue de façon centrifuge jusqu'à atteindre tous
les quadrants. Après 3 mois d'évolution, les quadrants temporal
et inférieur de la pRNFL s'atrophient, alors que les quadrants
supérieur et nasal, atteints plus tardivement, sont encore
augmentés. À la phase dynamique, entre 6 et 12
mois , l'épaisseur de la pRNFL continuent à diminuer. Au
stade chronique (après 12 mois) , l'atrophie
concerne tout le nerf optique et l'ensemble de la couche des
cellules ganglionnaires.
Dans les AOD, l'atteinte de la pRNFL prédomine en temporal. Elle est
liée, là encore, à l'atteinte préférentielle du faisceau
interpapillomaculaire.
OCT maculaire
Des anomalies microkystiques de la couche nucléaire interne sont
décrites dans les NOH, avec une prévalence allant de 6% [50] à 75% [51] en fonction des
séries. Ces microkystes présents dans toutes les atrophies optiques
ne sont pas spécifiques de l'atteinte héréditaire [51].
Épaisseur choroïdienne en OCT EDI et SS
L'épaisseur choroïdienne maculaire et péripapillaire mesurée en mode
enhanced depth imaging (EDI) et swept source (SS) est
augmentée au stade aigu de la NOHL, puis diminue simultanément avec
la pRNFL [52].
Dans l'AOD, l'épaisseur choroïdienne est diminuée [52].
OCT-angiographie
Lors de la phase aiguë de la NOHL, les télangiectasies
prépapillaires sont bien visibles en OCT-angiographie [53]. Lors de la phase
chronique, on note une diminution de la densité capillaire
péripapillaire [54].
Champ visuel
L'atteinte du champ visuel dans les NOH est essentiellement centrale.
Dans l'AOD, une atteinte bitemporale centrale peut conduire à rechercher
une lésion chiasmatique (fig. 4-29
Fig. 4-29
Champs visuels centraux d'un patient présentant une atrophie optique autosomique dominante.Il existe une atteinte bitemporale mimant une atteinte chiasmatique, mais le méridien vertical n'est pas respecté. a.Œil gauche. b.Œil droit.
).
Vision des couleurs
Dans la majorité des NOH, on constate une anomalie marquée de la vision
des couleurs, essentiellement dans l'axe rouge-vert (protan) [55], mais une
dyschromatopsie d'axe bleu-jaune (tritan) évoquera une AOD due à une
mutation du gène OPA1 .
Examens radiologiques
À l'IRM, un hypersignal de la portion postérieure des nerfs optiques
s'étendant jusqu'au chiasma, avec un aspect élargi de celui-ci, est retrouvé
dans la majorité des NOHL et doit faire évoquer le diagnostic [56]. De façon générale, l'IRM
orbitaire pourra mettre en évidence une atrophie des nerfs optiques et
éliminer une origine compressive ou tumorale.
Examens génétiques
Les techniques de biologie moléculaire permettant de faire le diagnostic
étiologique des NOH ont été bouleversés ces dernières années par
l'introduction des méthodes de séquençage de l'ADN à haut débit dites de
nouvelle génération ( next generation sequencing [NGS]) [57].
Jusque dans les années 2010, la méthode de séquençage classique de l'ADN
(méthode de Sanger) ne permettait d'effectuer qu'une analyse « gène par
gène » lente et peu rentable sur le plan diagnostique. Actuellement, les
techniques de NGS permettent de séquencer en une seule réaction une quantité
d'information génétique 10 000 à 100 000 fois plus importante. Il est
actuellement possible, par exemple, de séquencer en une seule opération:
la totalité de l'ADNmt (16,5 kb) ;
plusieurs dizaines ou centaines de gènes d'intérêt sur des panels
ciblés par groupe de pathologies ;
la totalité des séquences codantes du génome (séquençage de l'exome,
22 000 gènes, 30 mégabases) ;
la totalité du génome (3,2 gigabases).
Les modalités pratiques des examens génétiques sont détaillées plus loin
(voir plus loin le paragraphe « Point de vue du généticien et du
chercheur »).
Diagnostics différentiels
Le diagnostic de NOH est facile à poser lorsqu'il existe des antécédents
familiaux ou, dans le cadre d'une NOHL, un tableau typique de baisse brutale de
l'acuité visuelle, mais plus difficile lorsque l'évolution est chronique et que
le patient est vu tardivement au stade atrophique.
Neuropathies optiques toxiques
Bilatérales, symétriques et progressives, les neuropathies optiques toxiques
peuvent simuler une NOH et poser un problème difficile de diagnostic
différentiel, car elles sont assez souvent isolées. Celles liées à la prise
d'éthambutol ou à l'intoxication par le plomb sont les plus marquantes, car
elles provoquent une dyschromatopsie d'axe bleu-jaune présente dès le début
de l'atteinte visuelle. Les neuropathies optiques liées à la consommation
d'alcool éthylique et de tabac sont caractérisées par une dyschromatopsie
d'axe rouge-vert et peuvent mimer une NOHL en raison de leur possible
caractère subaigu. Par ailleurs, les étiologies toxiques et génétiques
peuvent s'associer, faisant rechercher une histoire familiale et impliquant
de demander un examen génétique en cas de non-récupération malgré l'arrêt de
l'exposition au toxique. À l'inverse, une prise de toxique peut être un
facteur déclenchant ou aggravant d'une NOHL et doit être recherchée à
l'interrogatoire des patients.
Pathologies compressives
Une pathologie compressive peut entraîner une atrophie optique. Ce
diagnostic doit être écarté devant la découverte d'une neuropathie optique.
Dans l'AOD, l'atteinte centrale peut respecter le méridien vertical avec une
atteinte bitemporale, mimant une atteinte chiasmatique. Il faut évoquer ce
diagnostic si l'IRM cérébrale écarte de façon formelle une anomalie
hypophysaire ou chiasmatique (voir fig. 4-29).
Glaucome à pression normale
La perte des cellules ganglionnaires est au cœur de la physiopathologie des
neuropathies optiques communes dont le glaucome. Il est de ce fait possible
que des formes de neuropathies optiques mimant un glaucome puissent être
liées au gène OPA1 , d'autant que certains variants introniques d'
OPA1 ont été impliqués dans la susceptibilité pour le glaucome et, en
particulier, pour le glaucome à pression normale (GPN) pour lequel la
physiopathologie reste imparfaitement connue [58]. Cliniquement, le GPN est
caractérisé par une atteinte du champ visuel périphérique et une acuité
visuelle longtemps conservée. À l'opposé, dans les NOH, l'atteinte du champ
visuel est centrale et l'acuité souvent diminuée, voire effondrée. De même
en OCT, l'atteinte prédomine dans les secteurs supérieurs et/ou inférieurs
dans le glaucome, alors que dans les NOH, le faisceau intermaculopapillaire
est touché de façon caractéristique. Enfin, la vision des couleurs est
souvent normale dans le glaucome, alors qu'elle est précocement altérée dans
les NOH.
Névrite optique
Au stade aigu, le principal diagnostic différentiel de la NOHL est la
neuropathie optique inflammatoire. Les signes cliniques suivants sont en
faveur d'une NOHL : absence de douleur, atteinte bilatérale et sévère,
sexe masculin et antécédents familiaux de malvoyance, pseudo-œdème et
absence de diffusion à l'angiographie, absence de récupération visuelle.
Distinguer les deux entités peut être compliqué, ce d'autant qu'il existe
des associations possibles entre NOHL et SEP.
Traitement
La prise en charge des patients atteints de NOH comprend l'évaluation et
l'accompagnement du handicap visuel, un soutien psychologique, un conseil
génétique, ainsi que des mesures thérapeutiques qui restent actuellement
limitées. Dans tous les cas, un suivi ophtalmologique régulier est nécessaire.
Les mesures diffèrent selon la neuropathie optique en cause. La NOHL est une
maladie complexe, de survenue brutale, et dans laquelle l'existence d'une
mutation de l'ADNmt est influencée par d'autres facteurs génétiques,
environnementaux et hormonaux. Les récupérations visuelles spontanées sont rares
(10 % environ) chez les patients porteurs de la mutation ND4 qui
(10 % environ) chez les patients porteurs de la mutation ND4 qui
représentent 70 % des malades. L'évolution visuelle de l'atrophie optique
dominante est progressive et en général très lente, ce qui rend plus difficile
l'appréciation de l'efficacité des thérapeutiques. Aucun traitement ne permet
actuellement d'inverser complètement la perte visuelle liée à la NOHL et de
modifier l'évolution de l'AOD. Les axes thérapeutiques sont développés
ci-dessous [59,60].
Évaluation et l'accompagnement de la déficience visuelle
L'évaluation et l'accompagnement de la déficience visuelle est réalisée par
le binôme ophtalmologiste/rééducateur. Elle peut se faire, selon la rapidité
d'installation de l'affection, sa sévérité et les déficits associés, soit en
ville avec un orthoptiste spécialisé en basse vision, soit dans un centre
intégré. Elle permet l'optimisation de la vision résiduelle grâce à la
rééducation orthoptique, la prescription de verres filtrants et surtout
d'aides optiques, dont l'acquisition sera facilitée par la maison
départementale des personnes handicapées (MDPH) après constitution du
dossier. Les aides humaines (auxiliaires de vie scolaires chez l'enfant)
ainsi qu'un reclassement professionnel sont nécessaires en cas de handicap
sévère et/ou d'apparition brutale de la maladie, telle une NOHL (voir
chapitre 13
).
Mesures hygiéno-diététiques communes
Dans tous les cas, une alimentation équilibrée est recommandée, évitant le
tabac et limitant au maximum la consommation d'alcool ; certains médicaments
toxiques pour le nerf optique sont également à éviter (voir chapitre 4.6). Les
compléments nutritionnels polyvitaminiques (BArray, B, B, C, E et acide
folique) n'ont cependant pas prouvé leur efficacité sur de larges séries
dans ces affections.
Amélioration de la biogenèse mitochondriale
L'amélioration de la biogenèse mitochondriale est une piste thérapeutique
car il a été récemment mis en évidence que les porteurs sains NOHL ont une
augmentation du nombre de copies d'ADNmt par rapport aux sujets atteints.
Les œstrogènes et les fibrates qui améliorent la biogenèse
mitochondriale pourraient avoir un effet bénéfique dans cette affection et
sont à l'étude ; pour la même raison, une restriction calorique associée
à un régime cétogène a été proposée par certains auteurs pour majorer la
probabilité de récupération visuelle après atteinte d'un œil dans la NOHL et
prévenir l'atteinte du second.
Idébénone et neuroprotection
L'idébénone (Raxone®) est un antioxydant, analogue de l'ubiquinone, qui
permettrait de pallier les déficits du complexe I de la chaîne
respiratoire, altéré par les mutations de l'ADNmt. Il a fait l'objet d'une
étude randomisée contre placebo (RHODOS) à la dose de 900mg par jour pendant
24 semaines chez 82 patients NOHL et d'une étude rétrospective sur 103 patients
avec une baisse visuelle de moins de 1 an et un suivi de 5 ans. Ces deux études
ont montré un léger bénéfice visuel chez certains patients traités, cette
tendance étant surtout retrouvée chez les patients vus à un stade précoce et
pour les mutations 11778 et 3460 [61,62]. Le Raxone® a obtenu
une AMM européenne en novembre 2015 pour les patients atteints de NOHL, avec
une délivrance hospitalière du médicament [63].
Récemment, un consensus international d'experts a recommandé de prescrire
l'idébénone à la dose de 900mg/jour dès l'installation de la baisse d'acuité
visuelle liée à la NOHL, et pendant une durée minimale d'une année, sous
surveillance de la fonction hépatique [64].
L'idébénone a été testé à des doses variables chez quelques patients avec
une mutation OPA1 sans preuve d'efficacité démontrée. L'
EPI-743 , anti-oxydant et analogue de l'ubiquinone a montré, dans une
étude ouverte chez 5 patients NOHL, des résultats prometteurs qui demandent à
être confirmer.
La ciclosporine A et la brimonidine ont été
évaluées de manière prospective chez des patients avec une neuropathie
optique unilatérale récente liée à la NOHL, mais aucun de ces deux
traitements n'a pas permis de prévenir l'atteinte du second œil.
Thérapie génique
Depuis les travaux de 2008 faisant la preuve de son efficacité sur un modèle
murin exprimant la mutation ND4 d'une manière allotopique (ou
m.11778G> A), la thérapie génique a fait l'objet de plusieurs études de
phaseI etII, et actuellement de phaseIII, visant à évaluer son efficacité
chez des patients NOHL porteurs de cette mutation et avec une baisse
visuelle récente [65]. Le
transgène ND4 est injecté en intravitréen, associé à un adénovirus de
sérotype 2. Les effets secondaires sont limités à la survenue d'inflammations
locales réversibles sous traitement [66].
Les résultats de ces études ne sont pas encore publiés. Dans l'AOD, la
thérapie génique par injection intravitréenne a fait la preuve de son
efficacité relative sur un modèle de souris porteuse de la mutation
OPA1-c2708delTTAG, la plus fréquemment retrouvée chez l'homme [67].
Point de vue du généticien et du chercheur
Règles de bonnes pratiques pour les examens des caractéristiques génétiques
d'une personne à des fins médicales
La loi de bioéthiquepose les grands principes de la réalisation des examens
des caractéristiques génétiques des personnes, et les modalités de
prescription sont précisées par un arrêté paru au Journal Officiel du
27 mai 2013 [68].
Les principaux points à retenir sont les suivants :
un examen génétique ne peut être réalisé qu'à des fins médicales ou
de recherche ;
cet examen est toujours réalisé après avoir recueilli le
consentement écrit de la personne concernée ou de ses représentants,
s'il s'agit d'un mineur ou d'une personne sous tutelle. Ce
consentement est révocable à tout moment.
Il appartient au médecin prescripteur de juger de l'opportunité clinique
pour proposer la réalisation d'un examen génétique.
Cet examen peut être prescrit soit par un médecin généticien soit par un
médecin non généticien connaissant la situation clinique (maladie, prise en
charge thérapeutique) et les conséquences familiales, et capable d'en
interpréter le résultat. Ce médecin doit travailler en relation avec une
équipe de génétique clinique. Dans tous les cas, le prescripteur doit être
capable de délivrer au demandeur une information préalable complète et
compréhensible. Il doit vérifier notamment que la personne a bien compris
les conséquences potentielles des résultats à la fois pour lui-même et pour
sa famille.
Un examen génétique ne peut être prescrit chez un mineur asymptomatique qu'à
condition que celui-ci ou sa famille puissent bénéficier de mesures
préventives ou curatives immédiates.
Le résultat d'un examen génétique ne doit pas être directement communiqué au
patient par le laboratoire de biologie médicale mais par le prescripteur
lui-même.
La personne peut refuser de connaître le résultat de son test génétique.
La communication du résultat par le prescripteur est résumée dans un
document écrit. Elle doit s'accompagner d'une information portant sur :
les conséquences pour l'individu ;
les conséquences familiales ;
les modalités d'information de la parentèle.
Une copie du résultat du laboratoire de biologie médicale doit être remise
au patient.
Si nécessaire, la personne doit être orientée vers une consultation de
conseil génétique complémentaire.
Le recours à un accompagnement psychologique doit être envisagé dans tous
les cas.
Le rôle du médecin qui rend le résultat est d'orienter la personne vers la
ou les structures les mieux à même de participer à sa prise en charge et à
son suivi médical et médico-social.
Analyse moléculaire
Nous utilisons actuellement dans notre laboratoire le schéma diagnostique
suivant (fig. 4-30
Fig. 4-30
Stratégie de diagnostic moléculaire des neuropathies optiques héréditaires utilisée en 2019 dans notre laboratoire.NOHL: neuropathie optique héréditaire de Leber.
) :
si le tableau clinique oriente fortement vers une NOHL (histoire
familiale positive, début brutal chez un homme jeune, lésion
rapidement bilatérale, absence de transmission paternelle sur
l'arbre généalogique), nous séquençons d'emblée par NGS la totalité
de l'ADNmt, ce qui permet de cribler en une seule fois l'ensemble
des variants pathogènes actuellement référencés pour la NOHL ;
de même, si le mode de transmission n'apparaît pas clairement sur
l'arbre généalogique (en particulier devant les cas sporadiques),
nous commençons par la séquence de l'ADNmt. En cas de négativité de
cet examen, nous passons au séquençage du panel des 88 gènes
publiés ou fortement candidats à l'heure actuelle dans les NOH ;
si l'arbre généalogique évoque d'emblée une transmission mendélienne
dominante ou récessive, nous séquençons d'emblée le panel des 88 gènes.
Avec cette stratégie, nous arrivons à un diagnostic étiologique dans environ
40 % des cas de NOH. Pour les 60 % des cas restant sans diagnostic, nous
proposons, après une sélection drastique, un séquençage de l'exome.
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Arrêté du 27
4.6.
Neuropathies optiques toxiques et carentielles
C. Arndt
Points importants
Les neuropathies optiques toxiques et carentielles font partie
des neuropathies optiques mitochondriales et constituent
un ensemble hétérogène de pathologies caractérisées par une
atteinte préférentielle du faisceau
interpapillomaculaire .
L'atteinte visuelle est toujours bilatérale et associe à des
degrés variables une baisse visuelle indolore et progressive et
une dyschromatopsie. Le champ visuel montre une atteinte
cæcocentrale. L'OCT des cellules ganglionnaires maculaires est
précocement altéré de manière diffuse, et l'OCT pRNFL au niveau
du faisceau interpapillomaculaire dans la partie temporale de la
papille. Le diagnostic repose sur l'interrogatoire et le
pronostic est fonction de la durée d'exposition au toxique et
des carences associées.
La liste des toxiques impliqués le plus souvent dans les
neuropathies optiques figure dans l'encadré 4-9
Encadré 4-9
Substances toxiques pour le nerf optique
Cette liste est non exhaustive et pour
certaines substances peu de cas ont été décrits.
« Vieux coupables »
Alcool éthylique
Tabac
Méthanol (alcool frelaté)
Éthylène glycol (antigel)
Anti-infectieux
Antituberculeux :
éthambutol
isoniazide
Anti-infectieux autres :
linézolide
ciprofloxacine
chloramphénicol
érythromycine
dérivés de l'hydroxyquinoline
dapsone
antirétroviraux (inhiteurs
nucléosidiques de la
transcriptase inverse,
précipitent des neuropathies
optiques héréditaires de Leber)
. En cas de suspicion d'intoxication médicamenteuse, il faut la
signaler au centre de pharmacovigilance (site Internet du réseau
français des centres de pharmacovigilance :
https://www.rfcrpv.frhttps://ansm.sante.frhttps://signalement.social-sante.gouv.fr
). En cas de suspicion d'intoxication professionnelle, il faut
consulter le site Internet de l'Agence nationale de sécurité du
médicament et des produits de santé () ou le portail Internet de
signalement des événements sanitaires indésirables ().
La consommation excessive d'éthanol et la chirurgie bariatrique
sont les deux situations cliniques à risque les plus fréquentes
pour une neuropathie optique nutritionnelle. Le traitement doit
être au mieux préventif, avec une supplémentation systématique
en vitamine B1 et en vitamine B12 (à vie pour la chirurgie
bariatrique).
Quoi de neuf ?
La tomographie par cohérence optique (OCT) est utile au diagnostic et
dans le suivi des neuropathies optiques toxiques et nutritionnelles. Les
cellules ganglionnaires rétiniennes – ganglion cell layer (GCL)
ou ganglion cell complex (GCC)– sont précocement atteintes et,
plus tardivement, il existe un amincissement de la peripapillary
retinal nerve fiber layer (pRNFL) qui prédomine en temporal
inférieur. L'OCT permet la confirmation morphologique de l'atteinte
fonctionnelle décelée à l'examen de la vision des couleurs, du champ
visuel et des PEV. L'intensité de l'atteinte fonctionnelle et le risque
de séquelles visuelles sont corrélés à l'amincissement de la pRNFL
temporale et du GCC visible sur l'OCT au stade d'état.
Les neuropathies optiques toxiques et carentielles constituent un ensemble
hétérogène de pathologies caractérisées par une atteinte préférentielle du
faisceau interpapillomaculaire . Les fibres du faisceau interpapillomaculaire
sont en effet les plus sensibles à une toxicité ou à une carence métabolique du fait
de leurs trajets non myélinisés dans l'œil et de leur petit calibre. L'atteinte
initiale des fibres de ce faisceau peut se situer à différents niveaux des voies
visuelles antérieures : dans les cellules ganglionnaires rétiniennes, les
axones non myélinisés intrarétiniens, les axones myélinisés en arrière de la lame
criblée dans le nerf optique et le chiasma.
Ces deux types de neuropathie optique font partie d'une entité appelée «
neuropathies optiques mitochondriales » . Elles ont en effet un mécanisme
physiopathologique commun au niveau cellulaire, fondé sur l'altération de la chaîne
respiratoire ou de la phosphorylation oxydative dans la mitochondrie (fig. 4-31
Fig. 4-31
Schéma mitochondrial.a.La vitamineB1 et la carnitine jouent un rôle essentiel pour l'alimentation du cycle de Krebs. b.Les vitaminesB2, B3 et le cuivre interviennent dans la chaîne de phosphorylation oxydative. ADP: adénosine diphosphate ; ATP: adénosine triphosphate ; FAD: flavine adénine dinucléotide ; H+: hydrogène ; NAD: nicotinamide adénine dinucléotide ; O2: oxygène ; Pi: orthophosphate inorganique.
). Les axones longs des cellules rétiniennes ganglionnaires sont particulièrement
vulnérables, car le transport axonal est fortement « énergie-dépendant » et les
mitochondries doivent être transportées du corps cellulaire vers la synapse distale
terminale.
Symptômes
Cliniquement, les patients atteints de neuropathie optique mitochondrialese
plaignent d'une baisse d'acuité visuelle sous forme d'un « brouillard »
progressif de loin et de près. Souvent, la lente progression des signes
fonctionnels retarde le diagnostic et la prise en charge. Les symptômes sont
rarement asymétriques, jamais unilatéraux. La dyschromatopsie peut être le
symptôme initial.
Diagnostic clinique
Le diagnostic clinique de neuropathie optique mitochondriale est évoqué devant :
l'atteinte visuelle sans douleur, progressive, bilatérale parfois
asymétrique ;
une dyschromatopsie décelée ou confirmée par un test de 15 Hue
désaturé ;
une pâleur papillaire temporale bilatérale.
Les anomalies de coloration du nerf optique sont souvent subtiles, surtout dans
les stades initiaux. Une démarche systématique est essentielle, en particulier
devant une plainte visuelle sans réelle baisse d'acuité et a fortiori devant une
baisse d'acuité inexpliquée.
Cette situation doit conduire à un interrogatoire méthodique qui
recherche des toxiques, médicamenteux ou non, et des carences quantitatives
et/ou qualitatives. Il passe par :
l'évaluation du terrain familial, social, privé (loisirs) et
professionnel qui permet de suspecter l'exposition à des toxiques
(alcool, colles, solvants, pesticides) ;
la recherche d'éventuels régimes restrictifs ;
les antécédents médicaux et chirurgicaux, en particulier tout traitement
actuel ou passé, une éventuelle chirurgie bariatrique.
Cet interrogatoire dépasse le cadre ophtalmologique ; il recherche toute
symptomatologie générale associée dont le lien de causalité n'est pas toujours
d'emblée évident, en l'occurrence :
des troubles sensitifs, en particulier par atteinte des voies
longues ;
des troubles de la marche par atteinte cérébelleuse.
L'analyse des antécédents familiaux révèle parfois des éléments en faveur d'un
facteur génétique ou environnemental (par exemple exploitation agricole
familiale avec utilisation de pesticides neurotoxiques).
Examens complémentaires
Concernant les examens complémentaires, comme dans la majorité des pathologies
du segment postérieur, l'OCT a pris une place importante dans le diagnostic des
neuropathies mitochondriales. Il est très utile pour déceler une atteinte
précoce du nerf optique en complément des examens fonctionnels de la vision des
couleurs, du champ visuel central et de l'électrophysiologie visuelle.
La combinaison des éléments suivants permet de suspecter une neuropathie optique
« mitochondriale »:
un amincissement de la couche des cellules ganglionnaires maculaires :
c'est le signe le plus précoce (fig. 4-32
Fig. 4-32
OCT dans une neuropathie optique liée à un alcoolisme chronique: atteinte initiale du complexe ganglionnaire (GCC), alors que la couche des fibres nerveuses rétiniennes (pRNFL) est toujours normale.
). La couche des cellules ganglionnaires s'évalue de façon isolée (
ganglion cell layer [GCL]) ou combinée avec la couche plexiforme
interne réalisant le complexe ganglionnaire ( ganglion cell
complex [GCC]) ;
une perte axonale temporale dans la couche des fibres nerveuses
rétiniennes péripapillaires ( peripapillary retinal nerve fiber
layer [pRNFL]) : elle survient plus tardivement (voir fig. 4-32) ;
un scotome central ou centrocæcal sur la périmétrie statique
centrale ;
l'altération du PEV (amplitude diminuée et latence allongée de l'onde
P100) ;
une altération de la réponse du pattern électrorétinogramme
(amplitude de l'onde N95).
Une fois le diagnostic de neuropathie optique mitochondriale établi, se pose la
question du diagnostic étiologique : l'origine de l'atteinte est
souvent toxique, parfois génétique (voir chapitre 4.5)
et rarement carentielle. La liste des toxiques les plus fréquents figure dans l'encadré 4-9
Points importants
Les neuropathies optiques héréditaires (NOH) sont des
maladies génétiques responsables de la dégénérescence
des cellules ganglionnaires de la rétine. Elles sont
caractérisées par une baisse d'acuité visuelle variable,
allant de formes modérées à la cécité légale, avec un
scotome central ou cæcocentral et une dyschromatopsie.
Ces caractéristiques communes à toutes les NOH sont
modulées dans leur sévérité par la cause génétique qui
en est à l'origine.
L'histoire familiale et l'association à des symptômes
extra-oculaires peuvent orienter vers une étiologie
moléculaire précise. Il en est de même de certains
paramètres ophtalmologiques tels que la dyschromatopsie
d'axe bleu-jaune pour l'atrophie optique dominante due
aux mutations du gène OPA1 , et la présence d'un
pseudo-œdème papillaire pour la neuropathie optique
héréditaire de Leber.
. En cas de suspicion d'intoxication médicamenteuse, ou professionnelle, il faut
la signaler (voir plus haut encadré «Points importants »).
La consommation excessive d'éthanol et la chirurgie bariatrique sont les deux
situations cliniques à risque les plus fréquentes pour une neuropathie optique
nutritionnelle.
Neuropathies optiques toxiques les plus fréquentes
La voie visuelle antérieure est susceptible d'être altérée par de multiples
agents toxiques, principalement iatrogènes. Les neuropathies optiques toxiques
sont classiquement causées par des médicaments antituberculeux (éthambutol,
isoniazide), antibiotiques (linézolide, sulfanylamide, chloramphénicol),
anticancéreux (vincristine, méthotrexate), antiarythmiques (amiodarone,
digitaliques). Cette liste importante d'agents potentiels contraste avec le
petit nombre de substances pour lesquelles une toxicité sur le nerf optique a
été démontrée.
Le mécanisme de toxicité est variable (voir fig. 4-31) :
le blocage de la phosphorylation oxydative est provoqué par
l'éthambutol, le chloramphénicol, le linézolide, l'érythromycine, la
streptomycine et les agents en rétroviraux [1] ;
une dysfonction mitochondriale autre que le blocage de la
phosphorylation oxydative est impliquée lors du traitement par
l'amiodarone, l'infliximab, la quinine, la dapsone, la phéniprazine, la
suramine et l'isoniazide [1].
Le diagnostic précoce de neuropathie optique toxique est essentiel pour agir sur
l'évolution de la maladie, en particulier pour interrompre le traitement à
temps, permettant d'espérer une amélioration fonctionnelle. Il est difficile en
raison de la normalité de la papille au stade précoce, les premiers signes
fonctionnels précédant de loin la pâleur ou l'atrophie papillaires. Pour cette
raison, l'OCT reste un outil complémentaire à l'examen clinique et à
l'évaluation de la fonction visuelle pour le diagnostic et le suivi de
l'atteinte toxique des cellules ganglionnaires rétiniennes (CGL ou GCC) et de la
couche des fibres nerveuses rétiniennes (pRNFL). L'OCT peut être normal au
début, ce qui n'élimine pas le diagnostic, mais lorsqu'une atteinte est
présente, elle apporte la confirmation morphologique de l'atteinte fonctionnelle
décelée à l'examen de la vision des couleurs, du champ visuel et des PEV (fig. 4-33
Fig. 4-33
Patiente de 58ans suivie dans le cadre de son traitement par trithérapie rifadine, éthambutol et moxifloxacine.a.L'acuité visuelle est conservée à10/10, l'évaluation de la vision des couleurs au test de 15Hue désaturé retrouve une dyschromatopsie plutôt d'axe rouge-vert. Le fond d'œil est normal. b, c.L'OCT des fibres nerveuses péripapillaires est normal. d.Le champ visuel central est normal, mais les potentiels évoqués visuels sont altérés au petit damier à droite et à gauche. Les examens fonctionnels sont plus sensibles que l'OCT à dépister une toxicité débutante.
). Dans certains cas, avant l'atrophie optique, les toxiques mitochondriaux
s'accumulent à l'intérieur des axones, ce qui se traduit par un épaississement
axonal à l'OCT à la phase aiguë [2].
Dans les formes subaiguës ou chroniques, il existe un amincissement de la couche
des fibres nerveuses rétiniennes (pRNFL) au niveau du faisceau
interpapillomaculaire dans le secteur temporal avec un amincissement de
l'ensemble de la couche des cellules ganglionnaires rétiniennes [1].
Éthambutol
L'hydrochloride d'éthambutol, agent antituberculeux bactériostatique, est
probablement le médicament le plus souvent impliqué dans les neuropathies
optiques toxiques. L'éthambutol et son métabolite sont responsables d'une
chélation au niveau des systèmes enzymatiques métalliques (cuivre et zinc)
qui inhibe des métalloprotéinases [3].
Des expériences animales ont montré que la toxicité de l'éthambutol affecte
les cellules ganglionnaires rétiniennes, le nerf optique, le chiasma et le
tractus optique [4].
Chez l'homme, la neuropathie optique induite par l'éthambutol peut devenir
cliniquement patente à tout moment entre 2 et 12 mois de traitement.
L'élimination du produit se fait essentiellement par le rein. La dose doit
être adaptée à la fonction rénale qui doit être surveillée.
Si l'anomalie est reconnue précocement, elle est souvent réversible.
Toutefois, si le patient est traité par des doses entre 15
et 25 mg/kg/jour et s'il présente une altération de l'état général, et plus
particulièrement une insuffisance rénale, le dommage risque d'être
irréversible et peut continuer plusieurs semaines après son arrêt.
À un stade précoce , une augmentation de la pRNFL est observée à
l'OCT [5]. Une étude
récente incluant 21 patients traités par éthambutol, pendant une période
allant de 2 à 12 mois, démontre un épaississement et un œdème initial de la
pRNFL qui persiste plus de 3 mois après le début des symptômes [6]. Cette épaisseur se
normalise 12 mois après l'arrêt de l'éthambutol. À un stade précoce, l'OCT
est un outil intéressant pour la détection et le suivi d'une atteinte
infraclinique liée à l'éthambutol [7],
en complément des examens fonctionnels.
Dans les stades avancés , il existe un amincissement de la pRNFL,
prédominant dans le quadrant inférotemporal. Les patients dont les quadrants
temporaux sont plus fins ont une acuité visuelle plus basse et une
altération significative de la vision des couleurs. Les anomalies OCT sont
souvent corrélées aux anomalies du champ visuel central. De plus, une
diminution précoce du complexe ganglionnaire (GCC) a été observée. Sur l'OCT
de suivi réalisé après 6 mois, l'épaisseur moyenne du GCC et de la
pRNFL est également diminuée par rapport à l'évaluation préthérapeutique.
Au total, dans la neuropathie optique liée à l'éthambutol, la couche des
cellules ganglionnaires (isolée ou couplée à la plexiforme interne) peut
servir comme marqueur anatomique. Malgré sa facilité d'utilisation, l'OCT
n'est pas recommandé comme seule méthode de suivi d'une neuropathie optique
liée à l'éthambutol et doit être associé aux examens fonctionnels. L'examen
de la vision des couleurs révèle une dyschromatopsie d'axe deutan ou tritan
dans la moitié des cas ; cet examen est sensible mais pas spécifique. Les
altérations du champ visuel sont présentes dans 60 % des cas avec des
anomalies variables: un scotome central, centrocæcal ou arciforme. Une
altération du PEV est rapportée dans près d'un tier des cas (voir fig. 4-33) [7].
Suivi d'un traitement par éthambutol
Après un bilan initial comportant la mesure de l'acuité
visuelle, un examen de la vision des couleurs, un champ visuel
automatisé et un OCT maculaire (GCC) et pRNFL, le rythme de
surveillance recommandé est tous les 2 mois. En cas de
doute sur une atteinte, en particulier pour des doses élevées
(15–25 mg/kg/j), il faut compléter par un champ visuel central et
un PEV (ou un pattern électrorétinogramme).
Méthanol
Le méthanol est une cause classique de neuropathie optique toxique, plus
fréquente dans les pays en voie de développement. C'est aussi l'intoxication
la plus dramatique en raison de l'atteinte visuelle majeure associée à une
atteinte systémique responsable d'une acidose métabolique avec une perte
visuelle irréversible, un coma, voire le décès. Les modifications dans le
nerf optique sont essentiellement dues à un œdème cytotoxique dans la rétine
et le nerf optique survenant dans les 48 premières heures après
l'ingestion d'alcool.
Cliniquement, au début l'acuité est généralement non chiffrable, il existe
un œdème papillaire bilatéral au FO et les PEV ne permettent pas
d'enregistrer une réponse discernable. Ensuite, une atrophie optique
s'installe.
L'OCT, à la phase aiguë, montre un épaississement du pRNFL et une
accumulation de liquide intrarétinien, puis une diminution de la pRNFL à la
phase chronique. La perte axonale la plus importante est temporale [8]. En OCT maculaire, il est
possible de voir des microkystes dans la couche nucléaire interne comme dans
toutes les autres neuropathies optiques atrophiques [8].
Le traitement de l'intoxication par méthanol est fondé sur l'administration
d'éthanol, de vitamines B1, B9, B12 et de corticoïdes à 1mg/kg/jour. Le
fomépizole est une thérapeutique efficace de l'intoxication par méthanol [9], mais le coût élevé de ce
produit limite sa disponibilité. Le pronostic est généralement mauvais et
l'acuité visuelle finale ne dépasse pas le «compte les doigts » [9], même si des récupérations
visuelles après traitement par une combinaison de l'érythropoïétine
intraveineuse, de corticoïdes systémiques, de la vitamine B12 et de l'acide
folique ont été rapportées chez deux patients [10].
Exposition tabagique
La neuropathie liée à l'exposition tabagique est une entité discutable et
doit rester un diagnostic d'exclusion. Le tabac est souvent considéré comme
un facteur aggravant associé à une neuropathie optique carentielle, mais son
effet toxique direct en dehors d'une dénutrition n'est pas démontré ni
consensuel. Le tabac augment également le risque de déclencher une
neuropathie optique héréditaire de Leber (NOHL) chez les patients
génétiquement prédisposés, car il pourrait altérer le métabolisme des
enzymes soufrés entraînant une intoxication chronique aux cyanures toxiques
pour les mitochondries [11].
La pathologie est caractérisée par une perte axonale lentement progressive
du faisceau interpapillomaculaire, responsable d'un scotome central et d'une
baisse d'acuité visuelle. L'apparence de la papille est généralement normale
au stade précoce, avec parfois une dilatation des capillaires et des
hémorragies péripapillaires, alors que la pâleur papillaire ne s'installe
qu'à des stades plus tardifs [12].
Le diagnostic ne peut être retenu sans avoir éliminé une neuropathie optique
héréditaire, carentielle ou l'implication d'autres toxiques [13]. En cas de suspicion
d'une neuropathie optique nutritionnelle associée, il est plus facile de
compenser les carences et d'améliorer le régime alimentaire que de faire
arrêter et même diminuer le tabac (et/ou l'éthanol).
Éthanol
La neuropathie à l'éthanol est une neuropathie carentielle, elle est traitée
avec les neuropathies nutritionnelles [13].
Amiodarone
L'amiodarone est un traitement antiarythmique utilisé particulièrement dans
les tachyarythmies auriculaire et ventriculaire. Le mécanisme
physiopathologique suspecté dans la neuropathie optique liée à l'amiodarone
est une accumulation d'inclusions lysosomiales liées au couplage de
l'amiodarone avec des phospholipides. La présentation clinique peut parfois
mimer une neuropathie optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA) non
artéritique [14].
Cependant, la neuropathie liée à l'amiodarone se développe classiquement de
façon insidieuse avec une baisse d'acuité visuelle moindre que celle
observée dans les NOIA non artéritiques ; l'œdème papillaire est le plus
souvent bilatéral et symétrique, et persiste plus longtemps. De plus,
l'œdème papillaire et la neuropathie optique peuvent continuer à progresser
au-delà de l'arrêt du traitement [15].
Sur l'OCT, la pRNFL s'épaissit à la phase initiale du traitement, avec
ensuite une perte axonale et une atrophie optique [15].
Linézolide
Le linézolide est un antibiotique à large spectre. La présentation clinique
de la neuropathie optique est typique avec une baisse d'acuité visuelle
progressive et souvent une pâleur papillaire temporale. Des études en OCT
révèlent l'existence de lésions microkystiques dans la RNFL et la CGL chez
les patients présentant une neuropathie optique induite par le linézolide,
comme c'est aussi le cas dans beaucoup d'autres neuropathies optiques. Ces
lésions disparaissent dans les 6 semaines après l'arrêt et sont
corrélées avec la baisse de l'acuité visuelle [16].
Chimiothérapies anticancéreuses
Plusieurs molécules utilisées en chimiothérapie anticancéreuse ont été
impliquées. Le tableau comporte généralement une baisse d'acuité visuelle
avec pâleur papillaire d'installation progressive. L'aspect en OCT est
documenté chez un patient avec une leucémie myéloïde aiguë traitée par
cytarabine et daunorubicine. À 6 semaines du début des symptômes, l'OCT
révèle un amincissement de la RNFL temporale et de la couche des cellules
ganglionnaires maculaires dans les deux yeux. Ces résultats OCT sont restés
stables après le remplacement du traitement par un autre protocole de
chimiothérapie [17].
Neuropathies optiques nutritionnelles
Des neuropathies optiques carentielles isolées sont rares, elles sont plus
fréquentes chez des patients malnutris. La consommation excessive d'éthanol
retentit sur le nerf optique par la malnutrition qu'elle engendre, en
particulier par la carence en vitamines B1 [18]
et surtout B9 et B12. Dans des régions de famine, les neuropathies optiques
carentielles peuvent prendre un aspect endémique.
Dans les pays à haut niveau socio-économique, les neuropathies optiques
carentielles peuvent être associées à de nombreuses causes : une
alimentation déséquilibrée, une chirurgie bariatrique (manque de facteur
intrinsèque!), une grève de la faim, une anorexie mentale ou une malabsorption
des vitamines du complexe neuropathies optiques B (classiquement B12 et
folates) [19]. Le plus difficile
est d'y penser!
Comme dans les neuropathies optiques toxiques, l'ensemble des voies visuelles
antérieures peut être atteint lors d'un déficit nutritionnel et la majorité des
carences perturbent la phosphorylation oxydative de la mitochondrie [20].
Toutefois, le mécanisme physiopathologique de l'atteinte visuelle antérieure est
variable selon la cause. Des carences en vitamine B12(cyanocobalamine),
vitamine B1 (thiamine) [21] ou
d'autres vitamines (riboflavine, niacine, pyridoxine, acide folique), zinc,
cuivre [22], carnitine et d'autres
protéines composées par des acides aminés sulfurés ont été associées à des
neuropathies optiques [23]. Le
pronostic visuel dépend de multiples facteurs, en particulier la cause et la
durée d'évolution. À des stades plus avancés caractérisés par une atrophie
optique, la récupération est plus aléatoire que dans les stades précoces [21].
Des neuropathies optiques carentielles sont très rares chez les enfants.
L' acuité visuelle peut être normale surtout au début ; très rarement,
l'acuité peut se limiter à une simple perception lumineuse. Le plus souvent
l'acuité visuelle est proche de 1/10, parfois meilleure, le réflexe photomoteur
est diminué et il n'y a pas de déficit pupillaire afférent car l'atteinte est
bilatérale.
La papille peut avoir un aspect normal ou légèrement hyperhémié (fig. 4-34
Fig. 4-34
Patient de 30ans avec une intoxication mixte alcoolotabagique associée à une diminution du taux plasmatique de thiamine (vitamineB1) et présentant également une dysesthésie des membres inférieurs et une instabilité à la marche.a–d.L'acuité visuelle est à1/10 à droite et à gauche avec une pâleur papillaire bilatérale (a, b) et une réduction modérée de l'épaisseur temporale en OCT pRNFL(c, d). Le sens chromatique n'est pas interprétable du fait d'une protanopie manifeste (test d'Ishihara). e.Le scotome centrocæcal au champ visuel central confirme l'atteinte du faisceau interpapillomaculaire. L'acuité visuelle remonte au bout de 2mois à10/10 à droite et à gauche après vitaminothérapie.
) dans les stades précoces avec des petites hémorragies péripapillaires. Au bout
d'un certain temps (quelques semaines à plusieurs mois), une pâleur temporale
s'installe (fig. 4-35
Fig. 4-35
Neuropathie optique nutritionnelle.Patient de 60ans présentant une baisse de l'acuité visuelle bilatérale depuis 6mois avec altération de l'état général, perte de poids de 10kg (l'acuité visuelle est à4/10 à droite et 6/10 à gauche) et pâleur temporale bilatérale(a, b). Il n'existe aucun antécédent familial ou personnel (pas de consommation excessive d'alcool, de tabac ; pas d'exposition à un autre toxique ; pas d'histoire familiale). Une perte axonale exclusivement temporale est retrouvée(c, d). Au champ visuel cinétique type Goldmann, il existe un scotome cæcocentral bilatéral(e, f). Une anémie macrocytaire et un déficit en folates sont mis en évidence. Une IRM abdominale révèle un glucagonome probablement responsable d'une malabsorption du folate. Après chirurgie d'exérèse et supplémentation en folates, l'acuité visuelle remonte à6/10 à droite et2,5/10 à gauche.
).
L' altération du sens chromatique, du champ visuel et du PEV est fonction
de la sévérité de l'atteinte.
L'OCT permet d'analyser les variations de l'épaisseur de la pRNFL temporale, en
particulier l'épaississement au stade précoce, l'amincissement au stade tardif
(voir fig. 4-34 et 4-35).
La carence en vitamines B1, B12, folates doit être recherchée par un
dosage sanguin. Cependant, des signes neurologiques et de neuropathies optiques
nutritionnelles sont possibles avant que le taux de vitamineB12 devienne anormal.
Il est alors utile de doser l'acide malonique sanguin qui sera diminué et
l'homocystéinémie qui sera augmentée. Une anémie macrocytaire, par carence en
B12 et/ou folates est possible, mais elle peut être microcytaire en cas de carence
martiale associée. Enfin, il est souvent utile, une fois les dosages réaliser,
de commencer un test thérapeutique en corrigeant les carences.
Le traitement consiste à supplémenter le patient en vitamines (voir
fiche n°21
). Ce traitement sera à vie et géré avec un nutritionniste en cas de chirurgie
bariatrique, de résection intestinale ou gastrique, ou de pathologie responsable
de malabsorption chronique. Dans ces cas, la supplémentation de la vitamine B12 sera
souvent parentérale.
En cas d'intoxication alcoolotabagique chronique, il ne faut pas s'acharner à
demander une diminution ou un arrêt des toxiques qui sont souvent impossibles ou
très longs à obtenir. Par ailleurs, l'effet toxique direct de l'éthanol et du
tabac n'est pas clairement démontré ni consensuel. Il est plutôt souhaitable et
plus rapide de rééquilibrer l'alimentation qui ne contient plus assez de
nutriments d'origine animale qui apportent les vitamines du complexe B. Ces
patients sont en effet souvent désocialisés et n'ont plus d'appétence pour les
produits carnés. En attendant, une supplémentation en vitamines est donnée par
voie orale le plus souvent car il n'y a pas de malabsorption (voir
fiche n°21
). Les aides d'un nutritionniste, d'un hépatologue et d'un addictologue sont
nécessaires pour faire le bilan plus général de pathologies associées à
l'intoxication chronique et pour prévenir des rechutes.
Dans tous les cas, si les carences sont importantes et anciennes, leur
correction peut ne pas améliorer la vision. Il est alors légitime de rechercher
une cause génétique associée si cela n'a pas été fait au début. Il faut
également prévenir une nouvelle rechute qui pourrait aggraver la vision restante
et adresser le patient en rééducation basse vision.
Conclusion
Les neuropathies optiques toxiques et carentielles atteignent préférentiellement
la vision centrale qui est véhiculée par les fibres parvocellulaires situées
dans le faisceau interpapillomaculaire, ce qui engendre une baisse d'acuité
visuelle, une dyschromatopsie, un scotome central et une perte axonale temporale
sur l'OCT pRNFL. Même si un mécanisme toxique ou un terrain génétique est
évoqué, un bilan systématique à la recherche d'une carence en micronutriments,
particulièrement ceux impliqués dans la phosphorylation oxydative, doit être
réalisé (voir fiche n° 20). En attendant les résultats du bilan, certains
micronutriments peuvent être prescrits à titre systématique en raison du fort
bénéfice potentiel pour la fonction mitochondriale et du faible risque de
toxicité (voir fiche n°21).
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4.7. Neuropathies optiques et traitements du cancer
D. Psimaras
Points importants
Dans le cadre des traitements anticancéreux, des cas de
neuropathie optique ont été retrouvés après irradiation
cérébrale intéressant les voies optiques (neuropathie optique
radio-induite [NORI]) et après utilisation de thérapies ciblées
(bévacizumab, crizotinib, imatinib) ou d'inhibiteurs de
checkpoints immuns (ipilimumab, anti-PDL1).
Aucun traitement curatif n'a démonté une réelle efficacité dans
la NORI ; la meilleure solution reste la prévention par
l'épargne de dose délivrée aux voies visuelles antérieures grâce
à l'amélioration des techniques de radiothérapie, notamment la
protonthérapie. Une étude plus approfondie des mécanismes
radiobiologiques en cause permettrait de mieux caractériser les
processus physiopathologiques et ainsi de développer des
thérapies plus adaptées.
Quoi de neuf ?
Le pronostic visuel des neuropathies optiques induites par les thérapies
ciblées (inhibiteurs de checkpoints immuns) est bon en cas
d'interruption rapide de la molécule en cause et d'un traitement par
corticothérapie systémique, selon les recommandations de 2019.
Nous effectuons ici un état des lieux des neuropathies optiques associées aux
traitements anticancéreux, à savoir la radiothérapie, les thérapies ciblées et
l'immunothérapie.
Neuropathie optique et radiothérapie
Fréquence
La neuropathie optique radio-induite (NORI) est une forme de radionécrose
retardée du système nerveux central (SNC) [1]
de pronostic redoutable puisque 85% des patients auront à terme une acuité
visuelle inférieure ou égale à 20/200 [
2–5
]. Cette radionécrose des voies visuelles antérieures a été décrite pour la
première fois en 1956 [6] mais
ce n'est qu'en 1985 que la NORI à proprement parler a été définie [7]. La physiopathologie reste
incertaine, les hypothèses étant une nécrose ischémique du nerf optique (via
des lésions de l'endothélium vasculaire induites par les radicaux libres
créés par les rayons) [8] et/ou
des mutations radio-induites des cellules progénitrices gliales aboutissant
à une démyélinisation et une dégénérescence neuronale [4].
Après irradiation de tumeurs de la tête ou du cou, une étude de 2002
retrouvait un taux de cécité post-radique de 35 % par rétinopathie ou
NORI [9] lorsque le nerf
optique ou le chiasma sont situés dans le champ d'irradiation. Cependant,
l'amélioration des techniques de radiothérapie après les années 2000, avec
l'arrivée de la radiothérapie conformationnelle, de la radiothérapie par
modulation d'intensité ( intensity modulated radiotherapy [IMRT]), de
la stéréotaxie et de la protonthérapie, a permis de réduire cette incidence
aux alentours de 9% [5,10]. La NORI peut survenir
entre 3 mois et 9 ans après l'irradiation, la majorité survenant dans les 3 ans
avec un pic d'incidence entre 1 et 1,5 an [1,11].
Diagnostic
Le diagnostic de NORI est un diagnostic d'exclusion, posé sur des signes
cliniques et radiologiques évocateurs dans un délai compatible et en
l'absence de toute étiologie alternative à la baisse d'acuité visuelle (fig. 4-36
Fig. 4-36
Neuropathie optique induite par la radiothérapie chez une patiente traitée par protonthérapie pour un craniopharyngiome.a.Coupe coronale T2, hypertrophie du nerf optique droit sans hypersignal (flèche). b.Coupe millimétriques coronale T1 spin écho injecté avec suppression du signal de la graisse, rehaussement unilatéral segmentaire du nerf optique droit dans sa portion cisternale (flèche). c.Séquence en pondération diffusion (b1400) haute résolution, hypersignal du nerf optique droit (tête de flèche). d.Coupe T1 injecté en 500μ isotropique, mettant en évidence le caractère segmentaire du rehaussement. e, f.Contrôle à 3mois, coupes coronales et axiales T1 injecté avec suppression du signal de la graisse, persistance malgré les traitements (par corticothérapie à fortes doses, puis bévacizumab) de l'atteinte du nerf optique droit et apparition d'une atteinte controlatérale (flèches).
Source: J.Savatovsky.
). Le diagnostic différentiel principal est celui de récidive tumorale [4].
L'atteinte du nerf optique est plus fréquemment de type postérieure [2,4].
Ainsi, une étude de 2015 retrouvait parmi 9patients atteints de NORI, 3 cas
de NORI antérieure et 6 cas de NORI postérieure [10].
Par ailleurs, la bilatéralité semble assez fréquente, un à trois quarts des
patients évoluant vers une bilatéralisation [1,10], [12] dans les 3 à 6 mois après
l'apparition des premiers symptômes [1,12].
Facteurs de risque
Les facteurs de risque reconnus de NORI sont majoritairement imputables aux
modalités d'irradiation. Le risque de cécité par NORI est :
inférieur à 5 % pour des doses maximales (Dmax) aux voies
optiques antérieures <55Gy en fractions <2Gy ;
Le risque de NORI est significativement majoré pour des doses > 2Gy/fraction [10,13],
et un plus grand fractionnement est significativement associé à un moindre
risque de NORI [4,10]. Cela est compatible avec
l'hypothèse d'une lésion radique du tissu endothélial vasculaire que
l'hyperfractionnement permettrait de préserver, l'endothélium vasculaire
étant un tissu à renouvellement lent [10].
Les recommandations actuelles sont donc de respecter une Dmax <55Gy en
fractions <2Gy à au moins l'un des nerfs optiques et au chiasma. Cette
tolérance est empiriquement diminuée à 50Gy en cas de chimiothérapie
adjuvante qui est un facteur de risque reconnu de NORI [4]. Concernant la
radiothérapie stéréotaxique, plusieurs séries ont retrouvé une survenue de
NORI exceptionnelle lorsque la dose reçue au nerf optique est inférieure à 8
à 10Gy [11,13].
Les autres facteurs de risque reconnus de NORI sont l'âge (> 60 ans) et
la compression initiale des voies optiques par la tumeur [4]. La présence de facteurs
de risque cardiovasculaire (diabète, hypertension artérielle, dyslipidémie)
a été suggérée comme facteurs de risque sans jamais atteindre la
significativité [8,11,14].
Le type histologique a été suggéré comme associé au risque de NORI:
incidence de 0,53% après irradiation d'adénomes hypophysaires [15], 2,04% après irradiation
de méningiomes des voies optiques antérieures [16]
et 8,7 à 9% après irradiation de cancers du nasopharynx, cavité nasale et
sinus paranasaux [17]. Le
risque de NORI pourrait être majoré après irradiation d'une acromégalie du
fait de l'hyperplasie sinusale associée à ce diagnostic, ce qui majore la
dose d'irradiation aux voies optiques antérieures, et de la
radiosensibilisation des voies optiques induite par les désordres hormonaux [4].
Traitement
La physiopathologie de la NORI restant mal comprise, aucun traitement
efficace n'a pu être démontré à l'heure actuelle [12].
Concernant le traitement préventif, des études précliniques semblent
suggérer une efficacité des inhibiteurs de l'enzyme de conversion de
l'angiotensine lorsqu'ils sont administrés après une radiothérapie
stéréotaxique pendant 2 semaines [4,18].
Les traitements curatifs des complications post-radiques en général et des
NORI en particulier ont montré une efficacité le plus souvent modeste.
Les corticoïdes restent à ce jour le traitement de première ligne.
Leur bénéfice potentiel a été longuement argumenté du fait de leur effet
anti-œdémateux, anti-inflammatoire et anti-oxydant. Le raisonnement repose
sur l'hypothèse d'une similitude physiopathologique entre la radionécrose
cérébrale et la NORI [12,19]. Plusieurs équipes ont
proposé un traitement plus ciblé selon le segment du nerf optique atteint.
Dans les atteintes antérieures, le traitement par injections
intravitréennes de triamcinolone semble préserver l'acuité visuelle [20]. Dans les formes
prolifératives avec néovascularisation papillaire, la stratégie
thérapeutique repose sur une photocoagulation panrétinienne et des
injections intravitréennes de bévacizumab . Un traitement au long cours
est alors nécessaire pour permettre un effet durable [21,22].
Concernant la NORI postérieure, les résultats ne sont pas unanimes, certains
décrivant une amélioration sous corticothérapie (associée ou non au
traitement par pentoxifillyne et vitamine E), mais d'autres ne retrouvant pas
d'efficacité de ce traitement [
23–25
] alors que les régimes de traitement étaient variés avec des doses
initiales toujours élevées (120 à 500 mg/jour en bolus) suivies d'une
décroissance progressive [19,26].
Les résultats de l'anticoagulation dans le traitement de la NORI sont
également limités et insatisfaisants [26].
De plus, des cas de NORI ont été documentés chez des patients déjà
anticoagulés pour une pathologie cardiovasculaire [4,27].
L' oxygénothérapie hyperbare , utilisée anciennement dans le
traitement de la radionécrose osseuse, a été étudiée comme alternative
thérapeutique. La première utilisation dans le traitement de la NORI date de
1986 [4]. En permettant
une majoration de la concentration de l'oxygène, elle intervient dans
l'arrêt de la nécrose ischémique en stimulant l'activité des fibroblastes,
la synthèse de collagène et l'angiogenèse dans le tissu irradié [4,28].
Les études montrent une efficacité seulement si l'instauration a lieu dans
les 72 heures suivant le début des symptômes [4,29]. Une stabilisation est
possible si l'instauration de l'oxygénothérapie hyperbare a lieu jusque dans
les 5 jours suivant le début des symptômes. Au-delà de 14 jours, le bénéfice
semble nul [28]. Certains
recommandent le caisson hyperbare uniquement en cas de début précoce et sans
pâleur de la papille optique [30].
Enfin, le bévacizumab a été testé avec des résultats partiellement
satisfaisants dans de petites séries [31].
Des études contrôlées sont nécessaires pour confirmer cette efficacité
d'autant que des cas de NORI induits par le bévacizumab ont également été
décrits, notamment chez des patients avec comorbidités cardiovasculaires [21].
Neuropathie optique et thérapies ciblées
Les trois molécules associées à des cas de neuropathie optique sont le
bévacizumab (Avastin®), l'imatinib (Glivec®) et le crizotinib
(Xalkori®) [32]. Le
bévacizumab est un anticorps monoclonal anti-vascular endothelial growth
factor (anti-VEGF) qui induit une inhibition de la néovascularisation
péritumorale. L'imatinib est un inhibiteur de la tyrosine kinase ciblant la
protéine Bcr-Abl, utilisée avec une excellente efficacité dans le traitement des
patients atteints de leucémie myéloïde chronique. Le crizotinib est un
inhibiteur de l' anaplastic lymphoma kinase (ALK).
Le diagnostic de neuropathie optique en cas de baisse d'acuité visuelle
survenant en cours de traitement par l'une de ces trois molécules, même s'il
reste rare, doit être rapidement évoqué, d'autant plus que le pronostic semble
favorable, avec une récupération de la fonction visuelle antérieure, en cas de
prise en charge rapide par interruption du traitement responsable et mise en
place d'une corticothérapie systémique. Parmi tous les cas retrouvés dans la
littérature, la fonction visuelle ne s'est pas améliorée chez les patients pour
lesquels une corticothérapie systémique n'avait pas été introduite ou bien la
prise en charge avait été tardive [33,34].
Dans le cas de neuropathie optique survenant en cours de traitement par
thérapies ciblées, le nerf optique est fréquemment normal à l'IRM [
35–37
].
Le premier cas de neuropathie optique associée au bévacizumab (Avastin®) a été
décrit en 2008, dans un essai clinique randomisé évaluant l'efficacité de
l'Avastin® dans les mélanomes. Parmi les 76 patients traités par cette
molécule, un patient avait présenté une neuropathie optique 11 jours après la
première injection, tandis que l'IRM était sans anomalie notable. La
symptomatologie visuelle avait régressé jusqu'à un retour à l'état antérieur à
l'arrêt de l'Avastin® [35]. Parmi
503 patients traités entre 2005 et 2008 en deuxième ligne par Avastin® pour un
glioblastome, 6 patients ont développé une neuropathie optique dont 3 avaient un
hypersignal du nerf optique à l'IRM. Les mécanismes physiopathologiques évoqués
étaient une thrombose artérielle et/ou une radiosensibilisation du nerf optique
par l'Avastin® [36]. En 2012, un
nouveau cas de neuropathie optique chez une patiente en cours de traitement par
docétaxel (Taxotère®)-bévacizumab (Avastin®) pour un cancer du sein métastatique
décrivait une baisse d'acuité visuelle survenue après la dixième injection
d'Avastin®, initialement unilatérale ayant secondairement évolué vers une
bilatéralisation avec à terme une cécité totale, sans amélioration après arrêt
de l'Avastin® [33].
L'imatinib (Glivec®) est un inhibiteur de la tyrosine kinase ciblant la protéine
Bcr-Abl, il est utilisé avec une excellente efficacité dans le traitement des
patients atteints de leucémie myéloïde chronique. En 2006, il a été décrit un
patient ayant présenté, 25 jours après l'introduction du Glivec®, une
neuropathie optique bilatérale dont la symptomatologie avait totalement régressé
après son arrêt et la mise en place d'une corticothérapie orale. Une reprise du
traitement par Glivec® avait été tentée mais avec une récidive rapide,
résolutive après arrêt définitif du Glivec® [37].
Un autre cas a été décrit de neuropathie optique survenue après 51 mois de
traitement par Glivec® et ayant totalement régressé après son arrêt et un
traitement par corticothérapie orale [46].
Le crizotinib (Xalkori®) est un inhibiteur de l'ALK. Une patiente de 69 ans,
traitée par Xalkori® pour un adénocarcinome pulmonaire métastatique cérébral, a
développé 3 mois après l'introduction du traitement une neuropathie optique
bilatérale avec hypersignal des nerfs optiques à l'IRM. L'interruption du
traitement par Xalkori® n'a pas permis d'amélioration de la neuropathie optique
et sa réintroduction l'a aggravée [34].
Dans la section «mises en garde et précautions d'emploi » du Xalkori®,
l'incidence des baisses d'acuité visuelle sévères est estimée à 0,2% avec une
mention particulière concernant les affections du nerf optique [32,47].
Neuropathie optique et immunothérapies spécifiques
Les inhibiteurs de checkpoints immuns (ICI) agissent au niveau de la
régulation de l'immunité antitumorale et comprennent les anti-CTLA4 (ipilimumab)
et les anti-PD1 (nivolumab, pembrolizumab)/anti-PDL1 (durvalumab, atézolizumab) [38].
L'incidence des événements de toxicité ophtalmologique des ICI est inférieure
à 1% [39].
Le mécanisme physiopathologique en cause dans les neuropathies optiques en cours
de traitement par ICI est probablement auto-immun. En effet, les ICI bloquent
l'inhibition lymphocytaire T et ainsi stimulent la réponse immunologique
contre les cellules tumorales, ce qui peut aboutir à des phénomènes
inflammatoires auto-immuns et nécessiter une inhibition de l'activité
lymphocytaire T par des corticoïdes ou autres immunosuppresseurs [40,41].
Des recommandations pour la gestion des toxicités liées aux ICI ont été publiées
en 2019: dans tous les cas de toxicité sévère, la molécule responsable doit
rapidement être arrêtée et une corticothérapie systémique mise en place,
intraveineuse puis orale, à la dose de 1mg/kg/jour suivie d'une décroissance
progressive. Dans les cas où cette prise en charge ne permet pas une régression
complète des symptômes, d'autres immunosuppresseurs peuvent être utilisés [42].
Cette prise en charge permet un excellent pronostic des neuropathies optiques
induites par les ICI puisque la récupération de la fonction visuelle était
complète dans tous les cas décrits. En cas de reprise évolutive tumorale, se
pose la question d'une reprise d'un traitement par ICI, et ce d'autant que
toxicité et efficacité des ICI semblent corrélées [43,44].
Cependant, si l'on utilise un traitement par anti-PD1, le risque de toxicité
après une toxicité sévère à l'ipilimumab (anti-CTLA4) [43]
est faible car les anticorps anti-CTLA4 et anti-PD1/PDL1 activent le système
immunitaire à des niveaux différents. Six mois après la régression complète des
symptômes, un cas de neuropathie optique sous ipilimumab a ainsi pu être traité
par nivolumab sans récidive [45].
On recense dans la littérature trois cas de névrite optique associée aux
anti-CTLA4 (fig. 4-37
Fig. 4-37
Neuropathie optique chez une patiente traitée par ipilimumab.a.Coupe coronale T2, nerfs optiques de taille discrètement augmentée (flèches) mais de signal normal. b, c.Coupes millimétriques coronales et axiales T1 spin écho injecté avec suppression du signal de la graisse, rehaussement bilatéral intense et étendu des nerfs optiques (flèches) associé à une atteinte des régions papillaires (têtes de flèches). d.Échographie de l'œil gauche en modeB, avec sonde à haute fréquence, saillie papillaire importante (tête de flèche). e.IRM de suivi à 1mois en T1 injecté avec suppression du signal de la graisse, montrant une régression complète des anomalies après arrêt du traitement et corticothérapie.
Source: J.Savatovsky.
) [40,45,48].
La symptomatologie était unilatérale pour un cas et bilatérale pour deux. Dans
tous les cas, le pronostic était bon puisque les patients ont récupéré leur
fonction visuelle antérieure à l'arrêt de l'ipilimumab et à la mise en place
d'une corticothérapie. Cependant, dans un des cas, la symptomatologie visuelle
est restée dépendante d'une corticothérapie systémique malgré un traitement par
mycophénolate mofétil [40]. Dans un
autre cas, la récupération de la fonction visuelle a pu se faire sous
corticothérapie locale uniquement, sans interruption du traitement par
ipilimumab [48]. Dans le troisième
cas enfin, la récupération visuelle est restée stable et complète après
corticothérapie systémique et 10 séances d'échange plasmatique, et un traitement
par nivolumab a pu être introduit 6 mois après l'épisode sans récidive de la
symptomatologie visuelle [45]. De
façon notable, dans deux des cas, la névrite optique était associée à une
atteinte inflammatoire d'une autre zone du système nerveux: hypophysite [40]
ou méningoradiculite [45].
Nous avons pu recenser dans la littérature deux cas de névrite optique associés
aux anti-PDL1 [44,42].
Dans un cas, l'atteinte était unilatérale, dans l'autre, elle était bilatérale.
Chez les deux patients, la symptomatologie a été totalement résolutive après
arrêt de la molécule et traitement par corticothérapie systémique, sans rechute
à l'arrêt des corticoïdes.
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Il faut savoir évoquer la possibilité d'une étiologie
paranéoplasique face à une perte visuelle inexpliquée, surtout
chez un patient âgé de plus de 45 ans et lorsque l'atteinte
est bilatérale.
Les symptômes d'une rétinopathie paranéoplasique incluent des
photopsies, une cécité nocturne, une photophobie, une baisse
d'acuité visuelle, une dyschromatopsie, une restriction
concentrique du champ visuel. Les rétinopathies paranéoplasiques
peuvent être à fond d'œil normal ( cancer-associated
retinopathy [CAR], melanoma-associated
retinopathy [MAR], dystrophie des cônes), ou à fond
d'œil pathologique et pathognomonique ( bilateral diffuse
uveal melanocytic proliferation [BDUMP], rétinopathie
vitelliforme paranéoplasique). Les signes et symptômes de ces
rétinopathies paranéoplasiques varient selon la dysfonction
cellulaire primaire : cônes, bâtonnets, cellules
bipolaires, épithélium pigmentaire, mélanocytes uvéaux.
Une neuropathie optique paranéoplasiquese manifeste par une
perte visuelle subaiguë (baisse d'acuité visuelle,
dyschromatopsie, scotome central) et l'examen montrera souvent
une réaction cellulaire vitréenne et une turgescence papillaire.
Des nodules cotonneux rétiniens peuvent se retrouver en présence
d'un état d'hypercoagulabilité paranéoplasique (le syndrome de
Trousseau).
Le diagnostic est confirmé par la mise en évidence de la tumeur
primaire, souvent occulte. Il importe d'effectuer un diagnostic
le plus précocement possible, le pronostic vital et visuel
pouvant en être influencé favorablement. La recherche
d'anticorps spécifiques est utile mais non nécessaire, prenant
parfois plusieurs semaines.
Une prise en charge rapide de la tumeur primaire est primordiale :
chirurgie, chimiothérapie, immunothérapie, radiothérapie. Il n'y
a pas de médecine fondée sur les preuves pour le traitement
spécifique de la perte visuelle paranéoplasique. Les options
thérapeutiques incluent: corticostéroïdes, immunoglobulines
intraveineuses, plasmaphérèse, immunothérapie.
Introduction
Une altération paranéoplasique de la vision est un phénomène rare et constitue
un défi diagnostique. Toute tumeur maligne est susceptible de provoquer des
manifestations à distance par des métastases, mais aussi par un phénomène
paranéoplasique. Depuis la description princeps d'un syndrome paranéoplasique
neurologique par H. Oppenheim en 1888, de nombreux autres types de
manifestations ont été décrits, notamment des syndromes endocriniens,
mucocutanés, neurologiques, hématologiques ou ophtalmologiques [1,2].
Un phénomène paranéoplasique systémique touche 2 à 20 % des patients atteints de
tumeur maligne. Les atteintes peuvent résulter de la présence d'auto-anticorps
spécifiques ou de la sécrétion de peptides, d'hormones ou de facteur de
croissance cellulaire par la tumeur primaire.
La vision peut être altérée par une dysfonction des photorécepteurs ou des
cellules ganglionnaires et/ou de leurs axones. Elle peut se présenter soit chez
un patient dont la tumeur primaire est occulte, encore asymptomatique, soit chez
un patient connu pour une tumeur diagnostiquée et traitée souvent au stade
métastatique.
Atteintes paranéoplasiques rétiniennes primaires
Dans ce type d'atteinte, ce sont les photorécepteurs ou leurs connexions qui
sont la cible primaire de l'agression paranéoplasique. Parfois, seuls les
cônes ou les bâtonnets sont atteints ; le plus souvent, ce sont tous les
photorécepteurs qui sont concernés.
Il s'agit de l'atteinte visuelle paranéoplasique la plus fréquente. La CAR
résulte de l'antigénicité croisée entre un antigène tumoral exprimé en
surface cellulaire et la recoverine, une protéine de 23 kDa présente
dans tous les photorécepteurs [3,4]. La recoverine régule la
phosphorylation de la rhodopsine et son blocage par des anticorps entraîne
l'apoptose des photorécepteurs, cônes et bâtonnets. La CAR est souvent
associée à un carcinome pulmonaire à petites cellules, mais est retrouvée
dans n'importe quelle autre tumeur maligne (sein, ovaire, rein, œsophage,
pancréas). La présentation classique est celle d'un patient de 45 à 65 ans
qui se plaint de photopsies, photophobie, dyschromatopsie, baisse d'acuité
visuelle et cécité nocturne, traduisant la dysfonction des cônes et des
bâtonnets. Initialement, un scotome annulaire est détecté, évoluant
rapidement vers une restriction concentrique. Le défi pour le clinicien est
que l'examen du fond d'œil est initialement normal ou ne montre qu'un
rétrécissement modéré du calibre des vaisseaux rétiniens (fig. 4-38
Fig. 4-38
Cancer-associated retinopathy (CAR).Le patient présente une diminution rapidement progressive de sa fonction visuelle avec une impression d'assombrissement de sa vision et une réduction concentrique du champ visuel. Le champ visuel montre un rétrécissement concentrique sévère(c, d), et le fond d'œil est normal(a, b), ne laissant pas suspecter la présence d'une rétinopathie diffuse. Par la suite, une réduction du calibre vasculaire deviendra visible.
). L'évolution se fait vers une pâleur papillaire. La confirmation d'une
rétinopathie diffuse se fera par un électrorétinogramme (ERG)
full-field (fig. 4-39
Fig. 4-39
Exemples d'électrorétinogramme (ERG) full-field.Les deux lignes supérieures reflètent la réponse de la rétine après une stimulation en condition scotopique: réponse pure des bâtonnets pour la ligne supérieure ; réponse mixte (bâtonnets et cônes) pour la deuxième ligne. Les deux lignes inférieures reflètent la réponse globale de la rétine après une stimulation en condition photopique (réponse pure des cônes). Normal= ERG d'un patient normal. CAR= ERG d'un patient atteint de CAR (cancer-associated retinopathy). L'ERG est non détectable, quel que soit le stimulus, traduisant une dysfonction sévère des bâtonnets et des cônes. MAR= ERG d'un patient atteint de MAR (melanoma-associated retinopathy). L'ERG scotopique simple (ligne supérieure) est non détectable, alors que l'ERG scotopique mixte (deuxième ligne) montre une ondea préservée, mais une ondeb absente (ERG électronégatif). La fonction des cônes est normale ou peu altérée. Cone= ERG d'un patient atteint de dystrophie des cônes. L'ERG scotopique est préservé alors que l'ERG photopique est non détectable.
).
Dystrophie isolée des cônes
Une dysfonction isolée paranéoplasique des cônes est possible mais très
rare. Ce diagnostic est évoqué devant des symptômes évocateurs de
dysfonction photopique (photopsies, photophobie, dyschromatopsie, baisse
d'acuité visuelle) et est confirmé par un ERG full-field qui montrera
une atteinte spécifique des cônes, les bâtonnets étant épargnés (voir fig. 4-39) [5,6].
Dysfonction isolée du système scotopique ( melanoma-associated
retinopathy [MAR])
Cette atteinte diffère des deux précédentes, car les anticorps responsables
de la dysfonction du système scotopique ne sont pas dirigés directement
contre les bâtonnets mais contre les cellules bipolaires des bâtonnets. La
présentation classique est celle d'un patient connu pour un mélanome non
oculaire, préalablement traité et souvent au stade métastatique. Les
symptômes sont initialement une cécité nocturne et des photopsies [
7–9
]. L'acuité visuelle est souvent préservée même au stade relativement
avancé. La suspicion clinique est confirmée par un ERG full-field qui
démontre un ERG électronégatif témoignant d'une dysfonction de la rétine
interne: ondea préservée mais ondeb absente ou très altérée (voir fig. 4-39). Un ERG
électronégatif n'est toutefois pas pathognomonique d'une MAR, pouvant se
rencontrer en cas de cécité nocturne congénitale stationnaire, de
rétinoschisis lié au sexe et de toxicité de la vincristine, notamment.
Atteintes secondaires des photorécepteurs
Dans ce type de rétinopathie paranéoplasique, la perte de la fonction visuelle
résulte de la l'interaction perturbée des photorécepteurs avec l'épithélium
pigmentaire par prolifération cellulaire ou par la présence de substances
anormales/toxiques, au niveau choroïdien ou rétinien.
La dysfonction visuelle des patients atteints de BDUMP diffère de celle des
rétinopathies décrites auparavant. La baisse visuelle initale résulte d'une
hypermétropisation, liée à un épaississement choroïdien induit par une
prolifération de cellules mélanocytaires bénignes. Rapidement, l'acuité
visuelle n'est plus améliorable par correction optique en raison de la
dysfonction secondaire des photorécepteurs, responsable aussi de l'atteinte
campimétrique. Le BDUMP survient essentiellement chez des patients
présentant une tumeur primaire occulte [10,11]. Le fond d'œil montre des
lésions rétiniennes profondes orangées ainsi qu'un œdème maculaire (fig. 4-40
Fig. 4-40
Bilateral diffuse uveal melanocytic proliferation (BDUMP).a, b.L'examen du champ visuel montre une diminution importante de sensibilité aux deux yeux, surtout marquée en supérieur. c, d.Le fond d'œil révèle la présence de multiples lésions rétiniennes nummulaires profondes, parfois coalescentes, entourant l'aire maculaire sur 360°. e, f.En angiographie à la fluorescéine, les lésions rétiniennes profondes apparaissent, en hyperfluorescence, de manière plus intense et coalescente surtout dans la rétine inférieure. De plus, un œdème maculaire et une fuite de fluorescéine au niveau papillaire sont visibles aux deux yeux. g, h.En OCT, les lésions rétiniennes profondes se traduisent soit par une interruption de la couche ellipsoïde, soit par un épaississement sous-rétinien.
Source: A.Schalenbourg.
), puis des nævi choroïdiens peuvent être observés. Une cataracte ainsi
qu'une dilatation et une tortuosité des vaisseaux conjonctivaux et
épiscléraux complètent le tableau clinique. Le mécanisme incriminé est la
sécrétion par la tumeur primaire d'un facteur de croissance cellulaire (
cultured melanocyte elongation and proliferation factor ou CMEP
factor ) stimulant la croissance des mélanocytes choroïdiens [11,12].
Une plasmaphérèse précoce peut permettre d'enrayer le processus de
destruction de la neurorétine, si le traitement est appliqué tôt [12]. Le pronostic vital d'un
patient avec BDUMP est sombre, la survie moyenne après apparition des
premiers symptômes visuels étant de 18mois.
Rétinopathie vitelliforme paranéoplasique
Dans cette rétinopathie, la dysfonction des photorécepteurs est secondaire à
la présence de dépôts blanchâtres épais et homogènes dans la couche
ellipsoïde et des interdigitations, entraînant le développement de multiples
bulles de décollement rétinien. Cette atteinte est rare, toujours associée à
la présence d'un mélanome métastatique, qu'il soit non oculaire ou
choroïdien. Comme pour le BDUMP, l'aspect fundoscopique est pathognomonique :
lésions arrondies de décollement bulleux rétinien avec des dépôts
blanchâtres inférieurs, de type vitelliforme. Un examen par imagerie
multimodale confirme ce diagnostic: en pseudo-infrarouge, les bulles sont
mieux visibles ; en autofluorescence, les dépôts intrarétiniens blanchâtres
sont hyperfluorescents ; en OCT, l'épaississement de la zone ellipsoïde est
évident (fig. 4-41
Fig. 4-41
Rétinopathie vitelliforme paranéoplasique.Exemple de deux patients atteints de rétinopathie vitelliforme paranéoplasique dans le cadre d'un mélanome cutané au stade métastatique. Les deux yeux étaient atteints de manière similaire, seul l'œil gauche de chaque patient est montré. a, c, e.Patient au stade précoce de la rétinopathie, asymptomatique avec une acuité visuelle abaissée à9/10. Les dépôts intrarétiniens vitelliformes visibles au pôle postérieur(a) sont hyperautofluorescents(c). L'examen en OCT révèle un épaississement modéré de la couche ellipsoïde avec deux zones paramaculaires de faible décollement rétinien(e). b, d, f.Patient symptomatique, à un stade plus avancé de la rétinopathie. L'acuité visuelle est à3/10 et il existe une vaste bulle de décollement rétinien maculaire avec présence de matériel vitelliforme en inférieur(b). Le matériel vitelliforme est hyperautofluorescent(d). L'OCT montre non seulement le décollement de la macula, mais également l'important épaississement de la couche ellipsoïde(f).
). Les anticorps q identifiés sont dirigés contre une protéine rétinienne de
45kDa de l'épithélium pigmentaire et la neurorétine ( pigment
epithelium-derived factor [PEDF]) [13,14]. Le pronostic visuel est
en règle générale meilleur que pour les autres rétinopathies
paranéoplasiques, le traitement agressif de la tumeur primaire/métastase
permettant d'inverser parfois le cours de cette rétinopathie [14].
Neuropathies optiques paranéoplasiques : atteinte primaire des cellules
ganglionnaires rétiniennes et/ou de leurs axones
La neuropathie optique paranéoplasique est non seulement rare, mais aussi
rarement isolée et le patient montre fréquemment des signes d'atteinte
neurologique telle qu'une dysfonction cérébelleuse, une atteinte des nerfs
crâniens, un nystagmus, une polyneuropathie. La ponction lombaire retrouve une
protéinorachie et/ou une cellularité augmentées [6].
La neuropathie optique se manifeste généralement par une perte importante de la
fonction visuelle de manière aiguë ou subaiguë. L'examen du fond d'œil peut
montrer la présence de cellules dans le vitré et aussi la présence d'une
turgescence papillaire bilatérale. Les résultats de l'ERG full-field ou
multifocal sont normaux, alors que les résultats de PEV sont très altérés.
Atteintes paranéoplasiques combinées associant une rétinopathie et une
neuropathie optique
La perte de la vision peut parfois résulter d'un double mécanisme
paranéoplasique. La rétinopathie, suspectée devant des symptômes visuels
attestant d'une dysfonction scotopique et/ou photopique, est confirmée par une
atteinte de l'ERG. La neuropathie optique est suspectée par l'aggravation
soudaine de la fonction visuelle, par la présence d'un œdème papillaire
bilatéral et une réaction cellulaire dans le vitré (fig. 4-42
Fig. 4-42
Dystrophie paranéoplasique des cônes et neuropathie optique.a.Restriction concentrique modérée du champ visuel chez un patient qui se plaint de photophobie et montre une importante baisse d'acuité visuelle et une dyschromatopsie acquise. Initialement, l'examen du fond d'œil est flou en raison d'une hyalite modérée, mais révèle une légère turgescence papillaire bilatérale [6].L'évolution se fait vers une maculopathie de type bull's eye après quelques mois(b, c) plus facilement visible par angiographie rétinienne à la fluorescéine(d, e).
). Les PEV seront forcément pathologiques en présence d'une atteinte rétinienne
centrale sévère. Le mécanisme d'un tel tableau paranéoplasique combiné résulte
de la présence d'anticorps circulants [6,16].
Manifestations paranéoplasiques asymptomatiques
Le syndrome de Trousseau est responsable d'un état d'hypercoagulabilité. Sur le
plan systémique, il se manifeste par des emboles artériels (endocardite non
bactérienne) et/ou par des thrombophlébites. Des accidents vasculaires
ischémiques cérébraux et cérébelleux ont été décrits. Ces patients peuvent
présenter des nodules cotonneux rétiniens migrant (fig. 4-43
Fig. 4-43
Exsudats cotonneux dans le cadre d'un syndrome de Trousseau.a, b.Le patient est asymptomatique sur le plan visuel. L'examen du fond d'œil révèle la présence de multiples exsudats cotonneux au pôle postérieur des deux yeux. c, d.Un mois plus tard, de nouveaux exsudats cotonneux sont visibles (flèches), alors que les exsudats cotonneux initialement présents ont disparu ou sont en voie de disparaître.
), asymptomatiques, mais un accident ischémique rétinien ou papillaire
significatif est potentiellement possible avec atteinte de la vision centrale
et/ou du champ visuel [17].
Conclusion
Les pertes visuelles paranéoplasiques sont rares et leurs principales
caractéristiques sont résumées dans le tableau 4-11
Tableau
4-11
Caractéristiques principales des atteintes visuelles
paranéoplasiques.
. Le pronostic visuel peut être influencé par un diagnostic précoce, et le
pronostic vital peut être engagé par un diagnostic tardif. Il convient donc de
garder à l'esprit cette possibilité diagnostique devant toute perte visuelle
bilatérale inexpliquée ou atypique, surtout chez un patient âgé de plus de 45 ans.
Une rétinopathie paranéoplasique doit être suspectée cliniquement et confirmée
par ERG, angiographie rétinienne et OCT. Sitôt une étiologie paranéoplasique
suspectée, il faut impérativement rechercher un foyer de tumeur primaire avec un
scanner thoraco-abdomino-pelvien, des examens spécialisés (cutané, urologique,
gynécologique, notamment), et éventuellement un PET scan du corps entier. Si des
anticorps spécifiques peuvent être recherchés, il ne faut pas attendre leur
résultat pour établir le diagnostic.
Les options thérapeutiques incluent corticostéroïdes, anticorps monoclonaux,
immunoglobulines intraveineuses ou plasmaphérèse. Le traitement agressif et
précoce de la tumeur primaire/métastase est évidemment nécessaire et suffit
parfois pour stopper la progression de la perte visuelle ou même l'inverser [14].
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4.9. Neuropathies optiques traumatiques
L. Jeanjean
Points importants
Les neuropathies optiques traumatiques peuvent être de mécanisme
direct ou indirect.
Le scanner cérébral et orbitaire est très utile en urgence pour
en faire le bilan, complété secondairement par une IRM orbitaire
et encéphalique.
Le taux de récupération spontanée varie de 40 à 60 %.
Quoi de neuf ?
Aucun traitement n'a démontré sa supériorité par rapport à
l'évolution naturelle.
Les corticostéroïdes sembleraient être délétères à fortes doses
surtout en cas de traumatisme crânien associé.
La chirurgie peut se discuter en cas de fracture du canal
optique, d'œdème du nerf optique ou d'hématome compressif des
gaines du nerf optique, mais elle n'est pas dénuée de risque.
Introduction
Les neuropathies optiques traumatiques après choc direct ou indirect peuvent
entraîner des pertes sévères et irréversibles de la vision. C'est Hippocrate en
personne qui a décrit le premier un cas de baisse d'acuité visuelle suivant un
traumatisme facial [1]. Ce
chapitre abordera la classification des neuropathies optiques traumatiques,
leurs différents tableaux cliniques, les investigations à réaliser ainsi que les
différentes thérapeutiques à disposition pour les traiter.
Classification
Les neuropathies optiques traumatiques (NOT) peuvent être classées selon leur
mécanisme causal en NOT directes et NOT indirectes [2].
On parlera de NOT directes si un projectile ou un objet tranchant atteint
directement le nerf optique – arme blanche, esquille osseuse lors des
fractures orbitaires, outil chirurgical lors d'une chirurgie sinusienne, par
exemple–, mais également en cas d'hémorragie ou d'emphysème orbitaire comprimant
le nerf optique [3].
Les NOT indirectes sont les plus fréquentes, leur prévalence rapportée
varie entre 0,5 et 5% selon les études [2,3]. Elles peuvent survenir lors
d'un traumatisme crânien, frontal ou touchant la région sus-orbitaire externe ou
orbitomalaire [4].
Bien que le mécanisme de la NOT indirecte ne soit pas parfaitement cerné, la
physiopathologie cellulaire et biochimique des traumatismes cérébraux et
médullaires a permis de mieux comprendre les mécanismes pouvant intervenir dans
la NOT. Ainsi, la déformation du toit orbitaire homolatéral près du foramen
optique peut léser le système vasculaire de soutien du nerf optique et peut
aussi causer un cisaillement du nerf optique.
Fig. 4-44
Avulsion du nerf optique droite.On remarque les très nombreuses hémorragies vitréennes et rétiniennes, en particulier en péripapillaire, ainsi que l'aspect ischémique et blanchâtre de la rétine. On devine l'orifice papillaire.
Source: C. Cochard.
) est un cas particulier qui correspond à une séparation totale ou partielle du
nerf optique d'avec le globe oculaire. Elle peut survenir après une plaie (par
arme blanche, balle, etc.) au niveau de la lame criblée ou après un traumatisme
sans plaie par rotation ou déplacement antérieur brutal du globe [5].
Dans une revue de 2012, Magarakis rapporte que les fractures du complexe
zygomaticomaxillaire sont le type de fracture le plus souvent compliqué
d'atteinte visuelle [6]. Dans
une étude d'Anseri portant sur 2503 patients victimes de fractures faciales, les
principales causes de cécité étaient par ordre de fréquence décroissante: les
hématomes orbitaires rétrobulbaires, les chocs directs au niveau du globe
oculaire, les lacérations et les compressions du nerf optique [7].
Tableaux cliniques
La clinique est variable en fonction du mécanisme lésionnel.
En cas d' avulsion complète du nerf optique , le patient présente une
cécité complète et définitive, on retrouve au fond d'œil une hémorragie
prépapillaire intravitréenne plus ou moins dense et une séparation entre la
rétine et le nerf optique avec une interruption de la circulation rétinienne
(voir fig. 4-44). En cas
d'avulsion partielle, le tableau est moins brutal, la baisse d'acuité visuelle
est variable. On retrouve une dépression segmentaire de la papille bordée par
des hémorragies péri- ou prépapillaires [5].
En cas de traumatisme direct , la baisse d'acuité visuelle est variable
avec une possible aggravation secondaire. On peut retrouver un « syndrome
de loge » lié à la présence d'un hématome orbitaire compressif sur le nerf
optique et visible sur l'imagerie.
En cas de traumatisme indirect , le diagnostic peut être délicat car
l'examen ophtalmologique est normal en dehors d'un DPAR très évocateur dans ce
contexte mais qu'il faut penser à rechercher systématiquement avant dilatation.
Toutefois, en cas d'atteinte bilatérale symétrique, le DPAR est absent. Parfois,
le diagnostic peut être retardé en cas de traumatisme crânien grave, notamment
en cas de troubles de la conscience.
Au niveau clinique , l'atteinte du nerf optique entraîne une baisse
variable de l'acuité visuelle, une altération du champ visuel et de la vision
des couleurs. Par la suite, une pâleur papillaire variable en fonction du
tableau surviendra en 4 à 6 semaines.
Examens complémentaires
Les examens complémentaires ne servent pas uniquement à diagnostiquer la NOT,
ils sont utiles pour mettre en évidence des atteintes associées intra- et/ou
extra-oculaires, orbitaires et maxillofaciales (hémorragies intracrâniennes,
hématomes intra-orbitaires, fractures du massif facial, etc.) ; ils ont
également une valeur médico-légale.
Fig. 4-45
Homme de 22ans présentant un traumatisme crânien à la suite d'un accident de la voie publique.L'acuité visuelle gauche constatée au réveil est limitée à «compte les doigts » à 50cm. L'examen retrouve un DPAR gauche et le fond d'œil est normal. Le scanner en fenêtre osseuse montre une fracture du canal optique gauche avec esquille osseuse (flèche). a.Vue axiale. b.Reconstruction sagittale.
) sans injection centré sur les orbites avec des reconstructions
axiales, coronales et sagittales montrant à la fois les parties molles
et l'os en haute résolution : il a une place importante en cas de
traumatisme oculaire et/ou orbitaire. Il permet de mettre en évidence
des lésions oculaires (déformation du globe, avulsion du nerf optique,
corps étrangers, etc.) et des lésions extra-oculaires (fractures,
hématome intra-orbitaire, etc.). Les corps étrangers sont bien visibles
sur les coupes orbitaires du scanner, il faut toutefois noter que les
petits corps étrangers en verre ou en bois peuvent passer inaperçus.
IRM : elle sera plus performante pour la visualisation des
tissus mous, mais elle est contre-indiquée en cas de suspicion de corps
étranger métallique (fig. 4-46
Fig. 4-46
Enfant de 8ans présentant une contusion oculaire droite par une poignée de porte.Absence de perception lumineuse (PL) d'emblée. L'IRM des voies visuelles antérieures en reconstruction axiale montre un hypersignal focal enT2 à l'apex évoquant une section du nerf optique.
). On note également dans la littérature des critères diagnostiques en
IRM (en diffusion tension imaging [DTI]) qui seraient corrélés au
degré de lésion du nerf optique [8].
Échographie en mode B : elle peut être
utile, mais elle ne doit pas être pratiquée en cas de plaie du globe.
PEV : il est licite dans certains cas de réaliser des PEV [9]. En effet, il a été
démontré dans ce contexte de NOT que l'amplitude des PEV flashs était un
facteur pronostique à long terme.
OCT : il permet de quantifier non seulement la perte
axonale optique mais aussi celle des cellules ganglionnaires. Kanamori a
rapporté une atteinte de la couche des fibres nerveuses de la rétine
péripapillaire ( peripapillary retinal nerve fiber layer [pRNFL])
et du complexe cellulaire ganglionnaire dès la 2e semaine
après le traumatisme avec une perte axonale séquellaire stable à partir
de la 20e semaine [10].
L'OCT n'est pas toujours réalisable en phase aiguë et ne sera possible
que lorsque le patient pourra être assis.
Prise en charge
La prise en charge des NOT reste actuellement controversée et de multiples
approches ont été proposées : surveillance simple, traitement médical et/ou
chirurgical. Un taux de récupération de 40 à 60
% a été rapporté dans les cas de NOT sans autre traitement que la surveillance,
le facteur pronostique principal étant l'acuité visuelle initiale [11,12].
Ce taux important de récupération spontanée complique l'interprétation des
différentes études thérapeutiques, souvent rétrospectives et reposant sur de
courtes séries.
Corticoïdes
Les corticoïdes ont été utilisés pour traiter les NOT depuis les années 1980
à la suite d'études sur l'animal prouvant leur effet neuroprotecteur en
post-traumatique [13]. Il
est cependant à noter que ces études étaient non randomisées, rétrospectives
et qu'il est difficile d'en tirer des conclusions solides.
Trois études randomisées – National Acute Spinal Cord Injury
Study (NASCIS)I, II etIII– ont permis d'évaluer l'intérêt des
corticoïdes à haute dose dans le traitement des lésions de la moelle
épinière [14,15]. Il est cependant
difficile de transposer leurs résultats au traitement des NOT tant il existe
des différences anatomiques entre ces organes. Dans l'étude randomisée en
double aveugle de Rajiniganth, comparant les corticoïdes intraveineux à
haute dose à un placebo pour le traitement des NOT récentes, il n'a pas été
retrouvé de différence significative entre les deux groupes de patients [16]. Cette absence
d'efficacité a été confirmée par différentes études ultérieures qui ne
permettent pas de retrouver d'effet bénéfique des corticoïdes à haute dose.
Il faut également noter qu'ils ne sont pas dénués d'effets secondaires
surtout en cas de traumatisme crânien associé. Ainsi, l'étude multicentrique
randomisée CRASH ( corticosteroid randomisation after significant head
injury ) qui testait l'efficacité et la sûreté d'utilisation des
corticoïdes à hautes doses chez le traumatisé crânien a dû être arrêtée en
raison du risque accru de décès 2 semaines après le début du traitement dans
le groupe traité [17,18]. D'autres complications
peuvent survenir plus volontiers avec de hautes doses de corticostéroïdes
(hémorragies, pneumonies, pancréatite, sepsis, psychose, etc.).
Dans la littérature, il n'existe donc pas de preuves de
l'utilité des corticoïdes au cours des neuropathies optiques
traumatiques et il semblerait même qu'ils soient délétères à
fortes doses, surtout en cas de traumatisme crânien associé.
Chirurgie
La chirurgie a pour but de décomprimer le nerf optique. Différentes options
sont envisageables selon le tableau clinique : chirurgie du canal
optique en cas de fracture à ce niveau, fenestration du nerf optique s'il
existe un hématome de ses gaines, évacuation d'un hématome orbitaire. L'
International Optic Nerve Trauma Study (IONTS) est une étude non
randomisée, multicentrique qui a inclus 133 patients présentant une NOT [19]. Elle comportait trois
bras: surveillance simple, traitement médical (méthylprednisolone) et
traitement chirurgical (décompression du canal optique). Il n'apparaît
finalement aucun bénéfice des hautes doses de corticoïdes ou de la
décompression systématique du canal optique par rapport à la surveillance
simple.
La chirurgie n'est bénéfique qu'en cas de fracture du canal optique, œdème
du nerf optique ou hématome des gaines, mais elle n'est pas dénuée de risque
(lésion de l'artère ophtalmique, lésion de la carotide, fuite de liquide
cérébrospinal, méningite, etc.) [20].
Certains auteurs ont proposé la décompression endoscopique du nerf optique
par voie endonasale transphénoïdale, cette voie ne laissant pas de cicatrice
visible mais cette approche n'a pas montré sa supériorité par rapport à la
surveillance simple [21]. Elle
doit être évitée en cas de suspicion de brèche méningée ou en cas
d'épistaxis associée à la NOT en raison du risque de faux anévrisme
post-traumatique de la carotide interne intracaverneuse qui doit être
recherché par angioscanner puis embolisé.
Perspectives thérapeutiques
L'utilisation de l'érythropoïétine en intraveineux pourrait être une nouvelle
option thérapeutique dans le cadre des NOT. Toutefois, une étude de phase III
n'a permis de mettre en évidence qu'une amélioration significative la vision des
couleurs sans amélioration des autres critères, et sans effets secondaires
notables [22].
Conclusion
Le pronostic des NOT est variable, pouvant entraîner la cécité de l'œil
concerné. Il est important de diagnostiquer rapidement les NOT pour adapter la
prise en charge. Le traitement des NOT reste actuellement controversé, notamment
le traitement par corticoïdes qui n'a pas été validé à ce jour dans cette
indication. La décompression chirurgicale est indiquée en cas de compression
avérée du nerf optique.
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Le bilan d'une atrophie optique dépend des circonstances de
découverte.
Face à une atrophie optique dont l'évolutivité est incertaine,
il convient de rechercher une cause ophtalmologique ou
neurologique par un examen oculaire complet, une IRM cérébrale
et des voies visuelles et un bilan sanguin.
Face à une atrophie optique ancienne et non évolutive, il n'y a
aucun bilan à faire dès lors qu'on a récupéré et relu les
éléments des bilans antérieurs (y compris les imageries).
En cas de découverte fortuite d'une atrophie optique sans
retentissement visuel, une IRM orbitaire et cérébrale injectée
sera prescrite. Dans tous les cas, le suivi doit être adapté à
la situation clinique
Quoi de neuf ?
La définition et le diagnostic positif d'une atrophie optique n'ont pas
changé. Les avancées dans le domaine de l'imagerie oculaire (OCT) et
cérébrale (IRM), de l'immunologie et de la génétique permettent plus
souvent d'obtenir un diagnostic étiologique.
Définition
L'atrophie est une diminution de la taille ou du volume d'un membre, d'un organe
ou d'un tissu. L'atrophie du nerf optique correspond donc à une diminution de
son volume visible au fond d'œil sous la forme d'une pâleur papillaire ou
mesurable en OCT.
En pratique clinique, l'atrophie optique témoigne d'une neuropathie optique
ancienne dont la découverte est parfois fortuite.
Elle s'observe suite à une mort des cellules ganglionnaires rétiniennes
constituant le nerf optique. La lésion causale peut être localisée n'importe où
depuis le corps cellulaire situé dans la couche interne de la rétine jusqu'à la
terminaison synaptique située dans le noyau géniculé latéral [1]. Dans certains cas, la lésion
à l'origine de l'atrophie optique est située après la synapse, notamment au
niveau du cortex visuel primaire dans le lobe occipital, l'atrophie résulte
alors de la dégénérescence trans-synaptique rétrograde [2,3].
De même, une atteinte rétinienne sévère et ancienne peut engendrer une atrophie
optique par dégénérescence trans-synaptique antérograde.
Diagnostic
Classiquement, le diagnostic d'une atrophie optique se fait par l'examen
attentif de la coloration de la tête du nerf optique lors de l'examen du fond
d'œil. Cet examen montre alors une pâleur sectorielle ou diffuse de l'anneau
neurorétinien contrastant avec la coloration rouge terne de la rétine
péripapillaire (fig. 4-47
Fig. 4-47
Pâleur sectorielle temporale de l'anneau neurorétinien de l'œil droit séquellaire d'une neuropathie optique inflammatoire.
). Ce changement de coloration s'explique par une prolifération astrogliale et
par une diminution du nombre et du diamètre des vaisseaux sanguins papillaires
secondaire à la perte axonale [1].
Le diagnostic d'atrophie optique à l'examen du fond d'œil peut être difficile
lorsque la pâleur de l'anneau neurorétinien, et donc la perte en fibres
optiques, est modérée. Dans ces cas-là, la rétinophotographie et l'OCT de la
papille sont une aide au diagnostic d'atrophie optique.
Sur une rétinophotographie, il est plus aisé d'apprécier la coloration de la
papille et de constater la raréfaction du réseau capillaire papillaire
secondaire à l'atrophie optique. Lors d'une atteinte unilatérale, cet examen
permet aussi de comparer avec la coloration de la papille controlatérale, sauf
en cas de chirurgie unilatérale de la cataracte [1].
L'OCT de la papille est un autre examen qui aide au diagnostic positif
d'atrophie optique. Il montre alors un amincissement sectoriel ou diffus de la
couche des fibres nerveuses rétiniennes péripapillaires ( peripapillary
retinal nerve fiber layer [pRNFL]), anormal pour l'âge du patient [4]. Il existe généralement une
corrélation entre la localisation de l'amincissement du pRNFL en OCT et la
pâleur de l'anneau neurorétinien constaté à l'examen du fond d'œil (fig. 4-48
Fig. 4-48
Amincissement pathologique sectoriel temporal de la couche des fibres nerveuses rétiniennes péripapillaires de l'œil droit du même patient.
). L'atrophie optique s'accompagne souvent, si elle est diffuse ou temporale,
d'un amincissement du complexe des cellules ganglionnaires maculaires (
ganglion cell complex [GCC]).
S'il existe une pâleur papillaire avec un examen OCT normal ou s'il
existe une papille de coloration normale avec un examen OCT anormal,
il convient de rester prudent sur le diagnostic d'atrophie optique.
Dans ces deux situations, surtout si le patient est asymptomatique,
que son acuité visuelle, son champ visuel et sa vision des couleurs
sont normaux, il s'agit probablement d'un artefact ou d'un faux
positif. Le diagnostic d'atrophie optique ne doit alors pas être
retenu et le patient doit être surveillé.
Toute variante de la normale (taille et/ou forme de la papille, atrophie
péripapillaire, etc.) ou une mauvaise segmentation par l'algorithme de l'OCT
peuvent entraîner un aspect d'amincissement de la pRNFL et/ou du GCC sans que
celui-ci soit pathologique (fig. 4-49
Fig. 4-49
Aspect d'amincissement non pathologique de la couche des fibres nerveuses rétiniennes péripapillaires dans le cas d'une papille droite hypoplasique et dysversique.
). L'analyse du relevé OCT doit être minutieuse et comparée aux données de
l'examen de la papille, afin de ne pas diagnostiquer par excès une perte en
fibres nerveuses rétiniennes [5].
Ainsi, une atrophie optique se diagnostique par l'examen de la tête du nerf
optique, même si la perte axonale concerne l'ensemble du nerf optique. La
portion rétro-oculaire du nerf optique (de sa sortie du globe oculaire au
chiasma) est visible sur l'IRM orbitaire et cérébrale comportant des séquences
adaptées à l'analyse du nerf optique. En cas d'atrophie optique, l'IRM montre
une diminution du calibre du nerf optique et une visibilité anormale du liquide
cérébrospinal autour du nerf optique (fig. 4-50
Fig. 4-50
Atrophie de la portion orbitaire des deux nerfs optiques avec visibilité accrue du liquide cérébrospinal péri-optique sur une IRM en séquenceT2 et coupe coronale.
) [6].
Un hypersignal T2 du nerf optique est aussi parfois visible sans préjuger de
l'étiologie de l'atrophie optique.
Fig. 4-51
Bilan devant la découverte d'une atrophie optique.AV: acuité visuelle ; BAV: baisse d'acuité visuelle ; FO: fond d'œil ; IRM: imagerie par résonance magnétique ; LAF: lampe à fente ; OCT: optical coherence tomography (tomographie par cohérence optique) ; PIO: pression intra-oculaire.
) a des répercussions visuelles variables : baisse d'acuité visuelle,
déficit du champ visuel, altération de la vision des couleurs et des contrastes,
etc. ; une photophobie peut être présente, mais elle est rarement au premier
plan. La baisse d'acuité visuelle est quantifiée par la mesure de la meilleure
acuité visuelle corrigée de loin et de près en monoculaire. La vision des
couleurs peut être testée à l'aide des planches d'Ishihara ou mieux du test de
Farnsworth [7]. Le déficit du champ
visuel est évalué par un champ visuel statique automatisé 24°–30°, complété par
un 10°–12° en cas d'atteinte centrale ou paracentrale.
Diagnostic étiologique et bilan
Il existe trois situations cliniques de découverte d'une atrophie optique uni-
ou bilatérale (fig. 4-51).
Dans la première, le patient se plaint d'une déficience visuelle dont le début
et l'évolutivité sont difficiles à dater. Dans la deuxième, le patient a une
baisse visuelle ancienne et stable. Dans la troisième, le patient n'a aucune
plainte visuelle et la découverte est fortuite sur le fond d'œil ou l'OCT de la
papille.
Baisse d'acuité visuelle, date de début et évolutivité inconnues
Il convient d'éliminer en premier lieu une maculopathie et une rétinopathie,
qui peuvent se présenter comme une neuropathie optique (baisse visuelle
centrale, dyschromatopsie et pâleur modérée de la papille), par l'analyse
fine des couches de la rétine externe sur des coupes OCT haute résolution.
Les éléments aidant à distinguer une neuropathie optiqued'une
maculopathie sont présentés dans le tableau 4-12
Tableau 4-12
Différencier une neuropathie optique d'une maculopathie
devant une atrophie optique.
Neuropathie optique
Maculopathie
Métamorphopsies
Rares
Fréquentes
Vision des couleurs
Altérée, non corrélée à l'acuité visuelle
Modérément altérée, corrélée à l'acuité visuelle
Champ visuel
Scotome cæcocentral ou autres déficits
Scotome central
Déficit pupillaire afférent relatif
Oui, si neuropathie optique unilatérale ou
asymétrique
Rare
OCT maculaire
Normal
Altération des couches externes
Clichés en autofluorescence
Normaux
Altérations maculaires
Électrorétinogramme multifocal
Normal
Anormal
[1,7]. En cas de doute, et
surtout si l'atteinte est bilatérale, l'exploration électrophysiologique
incluant électrorétinogramme (ERG) plein champ, PEV et ERG multifocal permet
de localiser l'atteinte.
La neuropathie optique étant confirmée, dans cette situation où la date de
début et l'évolutivité sont inconnues, il faut mener un bilan de neuropathie
optique, alors qu'il n'y a souvent pas ou peu d'éléments d'orientation,
afin d'éliminer une pathologie ophtalmologique ou neurologique à risque
d'évolutivité. L'interrogatoire, l'atteinte uni- ou bilatérale, l'aspect du
déficit du champ visuel, la localisation de l'amincissement de la couche des
fibres nerveuses rétiniennes péripapillaires et du complexe des cellules
ganglionnaires maculaires [4,8] sont des éléments
d'orientation étiologique importants (voir chapitre 4.22
2.
Voir aussi l'algorithme « Orientation devant une neuropathie
optique » disponible sur l'application smartphone.
). L'interrogatoire est primordial ; il fait suspecter une cause
carentielle, s'il existe un antécédent de malnutrition, d'anorexie, de
régime très restrictif, ou de chirurgie bariatrique sans supplémentation
vitaminique [9]. Une cause
toxique peut être évoquée suite à la consommation excessive d'alcool ou de
manioc associée à une alimentation carencée en vitamines et en protéines [10,11].
Une cause iatrogène médicamenteuse (éthambutol) ou radique est également
recherchée [12]. L'IRM
cérébrale et orbitaire injectée, avec des coupes multiplans et fines sur les
voies visuelles incluant des séquences avec saturation du signal de la
graisse orbitaire [13], est le
premier examen à prescrire. Cet examen permet le diagnostic d'un processus
comprimant ou infiltrant les voies visuelles ou d'une pathologie responsable
d'une hypertension intracrânienne à l'origine de l'atrophie optique. L'IRM
cérébrale permet aussi le diagnostic d'une pathologie démyélinisante du
système nerveux central comme la sclérose en plaques [14], qui est une cause
d'atrophie optique. Si cette imagerie est de bonne qualité et si elle est
normale, il convient de faire un bilan biologique minimal standard et de
rechercher une maladie du spectre des neuromyélites optiques par le dosage
sanguin des anticorps anti-aquaporine 4 (AQP-4) et des anticorps antimyéline
oligodendrocyte glycoprotéine ( myelin oligodendrocytes glycoprotein [MOG]).
Le bilan biologique minimal d'une atrophie optique comprend :
NFS, plaquettes, ionogramme sanguin, urémie,
créatininémie, glycémie, bilan hépatique
Sérologies : TPHA, VDRL, VIH1 et 2, Lyme, hépatites A, B
et C, bartonellose
FAN, Ac anti-ADN, anti-ECT, APL, ECA, Ac antiAQP4 et
antiMOG
B12, folates
Dosage sanguin de l'homocystéine et de l'acide
méthylmalonique (payant, si suspicion d'origine
toxique/carentielle)
Dosage de l'activité de la biotinidase
Si le résultat est négatif, et que l'atteinte visuelle est bilatérale et
prédomine sur le faisceau interpapillomaculaire, il est intéressant de
rechercher une cause héréditaire sur un échantillon sanguin et par l'examen
des apparentés. Il est alors recherché une mutation de l'ADN mitochondrial
de la neuropathie optique de Leber, un variant pathogène des gènes
nucléaires impliqués dans les neuropathies optiques héréditaires, et un
déficit en biotinidase [15].
Baisse d'acuité visuelle ancienne non évolutive
Un bilan étiologique a souvent déjà été réalisé, incluant une imagerie
cérébrale et des voies visuelles. L'absence d'évolutivité visuelle est
rassurante et la prescription d'autres examens est inutile dans ce cas-là.
Cependant, il faut récupérer et revoir les données de ce bilan préalable, en
particulier le CD de l'imagerie. Au moindre doute sur une évolutivité de la
baisse visuelle et/ou de l'atrophie optique, l'IRM et le bilan présentés
plus haut doivent être refaits, voire un second avis doit être demandé.
Découverte fortuite en l'absence de plainte visuelle
Dans cette situation clinique, l'acuité visuelle, le champ visuel et la
vision colorée sont normaux. Le diagnostic d'atrophie optique est porté sur
la découverte d'une pâleur de la papille et/ou sur un amincissement
pathologique de l'épaisseur de la pRNFL ou du GCC en OCT [16]. Il convient de bien
analyser le relevé OCT pour éliminer un faux positif. Le seul examen à
prescrire est une IRM cérébrale et orbitaire injectée à la recherche d'une
pathologie compressive ou démyélinisante intéressant les voies visuelles.
Après discussion avec le patient, et surtout s'il existe des antécédents
familiaux, les apparentés peuvent être examinés à la recherche d'autre cas
d'atrophie optique non symptomatique, qui orienterait vers une cause
héréditaire, en particulier l'atrophie optique dominante.
Suivi
Quelle que soit la situation clinique initiale, le bilan étiologique peut être
non contributif. Le suivi du patient permet de savoir si la neuropathie optique
est évolutive ou non. Le rythme du suivi initial dépend de l'ancienneté et de
l'évolutivité. Si l'atrophie optique est ancienne sans évolutivité démontrée, il
est proposé un contrôle ophtalmologique annuel. Si le début de l'atrophie
optique est inconnu, le contrôle ophtalmologique peut avoir lieu entre 3 et
6 mois, puis espacé lorsque la stabilité est montrée. Les examens utiles au suivi
sont la mesure de l'acuité visuelle, le champ visuel, la vision des couleurs,
l'analyse en OCT du pRNFL et du GCC. En cas d'évolution d'un de ces examens, il
est important de rapporter cette dégradation à la neuropathie optique et non à
une autre pathologie ophtalmologique. Si l'évolutivité de la neuropathie optique
est confirmée, il convient de vérifier avec un neuroradiologue la bonne qualité
(avec les bonnes séquences) et la normalité de l'IRM cérébrale et orbitaire, car
une compression a pu être méconnue sur la première imagerie [17].
Il faut ensuite répéter l'IRM et le bilan biologique minimal standard, se poser
la question d'un possible glaucome atypique et si besoin demander un second avis
spécialisé.
Traitement
Le traitement est celui de la cause si elle est connue. Il convient également
d'éviter les facteurs pouvant aggraver la perte en fibres optiques altérant la
fonction visuelle : carence vitaminique, mauvaise alimentation,
consommation excessive d'alcool, prise de médicaments neurotoxiques et
hypertonie oculaire. En fonction de la gêne visuelle, on pourra proposer le port
de verres teintés s'il existe une photophobie ou orienter le patient vers un
orthoptiste ou une structure spécialisée en basse vision.
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4.11. Et si c'était un glaucome ?
C. Lamirel
Points importants
Devant un glaucome atypique, la plupart des autres neuropathies
optiques peuvent être éliminées par l'interrogatoire, l'examen
clinique attentif et le mode évolutif. La seule cause traitable
que la clinique seule ne peut éliminer, c'est la compression du
nerf optique et/ou du chiasma, justifiant en cas de doute la
réalisation d'une IRM orbitaire et encéphalique.
Devant une neuropathie optique dont le bilan étiologique reste
négatif, surtout si elle est évolutive, il faut systématiquement
évoquer un glaucome et faire un bilan oculaire complet à la
recherche d'argument pour un glaucome et/ou une hypertonie
oculaire. Dans ce cas, même en dehors d'un diagnostic de
certitude, un hypotonisant peut être prescrit pour traiter une
composante pressionnelle.
Rappels pratiques sur le glaucome
Quelle que soit la valeur de la pression intraoculaire (PIO), le glaucome est
reconnaissable à une atteinte progressive structurelle de la tête du nerf
optique, et fonctionnelle du champ visuel (CV) [1].
La papille glaucomateuse présente une excavation verticale avec à l'OCT un
amincissement de la peripapillary retinal nerve fiber layer (pRNFL) dans
la partie supérieure (S) et/ou inférieure(I), qui la différencie des autres
neuropathies optiques. L'OCT maculaire retrouve un amincissement souvent
localisé du ganglion cell complex (GCC), commençant en temporal de la
fovéa enS et/ouI. Sur le CV, l'atteinte commence préférentiellement en nasal S ou
nasal I sur les CV des 24–30° centraux puis s'étend vers la tache aveugle tout en
progressant vers le centre et/ou la périphérie du champ visuel. Parfois
l'atteinte est paracentrale, mieux visible sur les CV des 10–12° centraux.
L'acuité visuelle (AV), la vision des couleurs (VC) et le seuil fovéolaire (SF)
du CV automatique sont épargnés ou relativement préservés, jusqu'à un stade très
tardif de la maladie. Il faut souvent une atteinte campimétrique paracentrale
encadrant le point de fixation en supérieur et en inférieur pour que l'AV, la VC
et le SF s'altèrent. Cependant, les glaucomes à PIO très élevée et la crise
aiguë de fermeture de l'angle peuvent faire chuter ces paramètres de manière
précoce. L'hypertonie oculaire (HTO) ne fait pas partie de la définition du
glaucome, mais elle est un très bon signe d'alerte et d'orientation. Elle doit
toujours s'apprécier en fonction de la pachymétrie cornéenne centrale (PCC) et
la PIO maximale avant traitement est un élément important dans la prise en
charge du glaucome.
Devant un glaucome atypique : et si c'était de la neuro-ophtalmologie ?
Cette question doit se poser devant un glaucome à pression normale (GPN) ou un
glaucome atypique par sa présentation ou son évolution : les signes
d'alerte sont résumés dans le tableau 4-13
Tableau
4-13
Arguments pouvant orienter vers une neuropathie optique
glaucomateuse ou non glaucomateuse.
Neuropathie optique non glaucomateuse
Glaucome
Acuité visuelle
Souvent abaissée
Longtemps épargnée sauf si PIO très
élevée
Relativement préservée par rapport à
l'atteinte du nerf optique ou du CV
Si abaissée, sur le CV automatique
10–12°: atteinte paracentrale encadrant le point
de fixation en S et en I
Champ visuel
Seuil fovéolaire souvent abaissé
Souvent scotome central ou
cæcocentral
Si respect méridien vertical:
atteinte chiasmatique ou retrochiasmatique
Seuil fovéolaire ainsi que la partie
cæcocentrale du CV automatique longtemps
conservés
Pas de respect du méridien vertical
Atteinte fasciculaire et respect du
méridien horizontal fréquents
Vision colorée
Souvent altérée
Normale ou discret déficit dans l'axe bleu-jaune
LAF et gonioscopie
Absence de mécanisme de pics d'HTO
Angle étroit
Dispersion pigmentaire
Pseudo-exfoliation capsulaire
Papille
Pâle plus qu'excavée
Encoche de l'anneau neurorétinien
Excavation verticale de la papille
Hémorragie du bord neurorétinien
Atrophie péripapillaire bêta
OCT pRNFL
Atteinte temporale ou diffuse
Amincissement en S et/ouI (temporal S et/ou temporal I
selon la machine)
Relation structure/fonction
Discordance structure/fonction
Atteinte unilatérale ou très
asymétrique
Concordance topographique
Atteinte souvent bilatérale sauf
glaucome secondaire
. Il s'agit avant tout de rechercher et/ou d'éliminer des causes non
glaucomateuses qui sont traitables et/ou une pathologie neurologique [2]. Les neuropathies optiques non
glaucomateusesqui peuvent mimer un glaucome soit par l'excavation papillaire (fig. 4-52
Fig. 4-52
Neuropathie optique droite compressive par un adénome hypophysaire avec excavation papillaire plus marquée à droite qu'à gauche.La papille droite est également un peu plus pâle, mais surtout le patient présente une baisse d'acuité visuelle, une dyschromatopsie et un déficit diffus du champ visuel peu compatibles avec un glaucome.
Fig. 4-53
Neuropathie optique droite associée à des drusen papillaires prise pour un glaucome à pression normale chez une patiente de 47ans avec une acuité visuelle à10/10.Le déficit arciforme inférieur du champ visuel(a) avec seuil fovéolaire normal est concordant avec l'amincissement supérieur de la peripapillary retinal nerve fiber layer (pRNFL) visible à l'OCT(b). Pourtant l'analyse du bord neurorétinien par l'OCT(c) ne montre pas d'excavation de la papille, tout comme l'examen du fond d'œil(d) qui retrouve une papille saillante évocatrice de drusen papillaires vues en autofluorescence(e).
. La plupart des neuropathies optiques peuvent être éliminées par
l'interrogatoire, l'examen clinique attentif et le mode évolutif. La seule cause
traitable qui ne peut pas être définitivement éliminée par la clinique seule,
c'est la compression du nerf optique et/ou du chiasma. C'est pourquoi, l'IRM
orbitaire et encéphalique doit être demandée au moindre doute [3] et pour certains
systématiquement en cas de GPN.
Outre la compression, l'IRM orbitaire et encéphalique permet d'éliminer une
neuropathie optique inflammatoire et/ou infectieuse par l'absence de prise de
contraste des nerfs optiques et une atteinte du système nerveux central qui
pourrait expliquer la neuropathie optique ou le déficit du CV. Elle peut
retrouver un hypersignal du nerf optique, une atrophie du nerf optique et/ou du
chiasma qui sont des signes de neuropathie optique, quelle qu'en soit la cause.
Enfin dans le GPN, l'IRM renseigne sur la part des facteurs vasculaires en
recherchant les signes d'une maladie des petites artères cérébrales (MPAC). La
découverte d'une MPAC modérée à sévère (hypersignaux de la substance blanche
[HSSB] classés Fazekas 2 ou 3 et/ou microsaignements et/ou infarctus
lacunaires) doit amener à une prise en charge des facteurs de risque
cardiovasculaire par un neurologue. En son absence, ou en cas d'atteinte minime
(HSSB Fazekas 1 ou aspécifiques), la prise en charge peut être faite par le
médecin traitant.
Devant une neuropathie optique : et si c'était un glaucome ?
Le glaucome sera plus facilement évoqué lorsque l'AV, la VC et le SF sont
normaux, mais il peut être découvert par le patient au stade où l'AV baisse.
Comme le glaucome est souvent un peu asymétrique, il est important de rechercher
sur l'œil le moins affecté, ou sur des bilans antérieurs s'ils existent, une
atteinte visuelle évocatrice [4].
À l'interrogatoire, il faut chercher : des antécédents familiaux de
glaucome ou d'HTO ; la prise de corticoïdes au long cours quelle que soit sa
galénique (HTO cortico-induite) ; des épisodes de halo ou de possibles crises de
fermeture de l'angle iridocornéen. L'examen en lampe à fente recherche des
signes de pseudo-exfoliation capsulaire (PEC), de dispersion pigmentaire, une
chambre antérieure étroite. La gonioscopie est indispensable, car elle peut
donner des arguments en faveur d'un glaucome à pics d'HTO: angle étroit,
dispersion pigmentaire, ligne de Sampaolesi dans la PEC. La PIO doit être
mesurée à l'aplanation et pas seulement à l'air et interprétée en fonction de la
PCC.
L'évaluation de la papille doit se faire après dilatation pupillaire pour mieux
apprécier son relief à l'aide d'une fente fine décalée de l'axe optique, comme
on le fait pour l'examen de la cornée, et avec le séparateur optique s'il
existe. L'excavation peut être en pente douce en particulier dans le GPN et
passer pour une pâleur si la papille est illuminée directement par une fente
large et sans dilatation pupillaire. La distinction classique entre pâleur et
excavation n'est pas toujours facile ni spécifique [5]. Il faut rappeler que les
petites papilles ne s'excavent que tardivement dans le glaucome et que, chez le
myope fort ou en cas de dysversion papillaire importante, l'excavation
papillaire peut être impossible à apprécier. L'OCT pRNFL et GCC peut aussi
apporter des arguments pour une atteinte structurelle d'origine glaucomateuse.
Toutefois, il peut être inutilisable dans la forte myopie. Au stade très avancé,
il montre une atteinte diffuse, non spécifique.
Devant une neuropathie optique dont le bilan étiologique reste négatif, surtout
si elle est évolutive, il faut systématiquement évoquer un glaucome, ce d'autant
qu'il est dans ce cas la seule cause traitable (fig. 4-54
Fig. 4-54
Neuropathie optique gauche atypique.Patient de 40ans avec une acuité visuelle mesurée à12/10, une vision des couleurs normale, une pression intraoculaire à 18mmHg pour une pachymétrie cornéenne centrale à 560μm. a.Le champ visuel (CV) montre un déficit arciforme supérieur(S) et inférieur(I), plus étendu enI et plus dense en nasal avec un seuil fovéolaire normal. b.Au fond d'œil, la papille est petite, pleine et pâle sans excavation. c.L'OCT montre un déficit diffus de la peripapillary retinal nerve fiber layer (pRNFL). L'œil droit est normal avec une petite papille pleine à risque de NOIA non artéritique. Le bilan de cette neuropathie optique est revenu négatif, elle a été considérée initialement comme une NOIA non artéritique passée inaperçue. d.Toutefois, la surveillance du CV démontre une progression plutôt linéaire, alors que l'acuité visuelle, la vision des couleurs et le seuil fovéolaire restent stables. Le bilan, répété une deuxième fois, est revenu négatif. Cette neuropathie optique est dorénavant considérée et traitée comme un glaucome à pression normale atypique.
). En effet, par définition, le bilan paraclinique d'un glaucome est négatif
hormis les signes IRM aspécifiques décrits plus haut. Dans ce cas, un traitement
hypotonisant peut être prescrit même sans diagnostic définitif de glaucome, en
espérant traiter une composante pressionnelle. Il semble alors logique de
choisir un traitement local avec le moins d'effets secondaires systémiques,
comme les analogues des prostaglandines, qui ont l'avantage de n'être instillés
qu'une fois par jour, ou les inhibiteurs de l'anhydrase carbonique, mais qui
nécessitent deux instillations par jour. L'attitude sera la même en cas d'HTO ou
de PIO limite surajoutées à une neuropathie optique non glaucomateuse, en
particulier sévère, même si aucune étude n'a validé ces pratiques empiriques.
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