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Chapitre 18
Pathologies musculaires et atteinte oculaire

A. Gueguen

Point importants
  • L'origine musculaire d'une diplopie et/ou d'un ptosis est suspectée sur la présentation clinique qui ne respecte pas la systématisation des nerfs crâniens et/ou sur la présence d'un syndrome orbitaire.
  • Les myopathies oculaires acquises peuvent être de mécanisme : inflammatoire (orbitopathie dysthyroïdienne), infectieux, tumoral (lymphome ou métastases de cancers du sein, du poumon ou de la prostate), infiltratif (amylose) et traumatique.
  • L'ophtalmoplégie externe chronique progressive est la cytopathie mitochondriale la plus fréquente. Elle se manifeste par un ptosis bilatéral et symétrique associé à une ophtalmoplégie harmonieuse parfois complète. Le syndrome de Kearns-Sayre débute avant l'âge de 20 ans: une rétinopathie pigmentaire, un bloc de conduction cardiaque, une ataxie cérébelleuse et une hyperprotéinorachie lui sont associés.
  • La dystrophie myotonique de type I (maladie de Steinert) est une myopathie héréditaire non mitochondriale. Elle touche la face avec un ptosis, les muscles axiaux et squelettiques distaux. Une myotonie clinique peut s'observer au niveau des mains. Il existe une cataracte pulvérulente polychrome, une hypotomie oculaire et une atteinte rétinienne ( pattern dystrophy ). Sa reconnaissance par l'ophtalmologiste permet de dépister une atteinte cardiaque et d'éviter une mort subite.
Myopathies acquises
Les mécanismes des myopathies oculaires acquises sont variés : on peut citer les atteintes inflammatoires, tumorales (tumeurs primitives –le plus souvent lymphome– ou métastases, en particulier de cancers du sein, du poumon ou de la prostate), vasculaires (le plus souvent lors des vascularites), infiltratives (amylose) et traumatiques. Seules les myopathies inflammatoires sont abordées ici [1].
Orbitopathie dysthyroïdienne
L'orbitopathie dysthyroïdienne a été abordée dans le chapitre 4 , nous n'évoquons ici que l'atteinte oculomotrice. L'orbitopathie dysthyroïdienne débute par une phase inflammatoire caractérisée par l'infiltration de la graisse et des muscles orbitaires, qui laisse place à une fibrose et des rétractions à la phase séquellaire. L'atteinte orbitaire caractéristique est bilatérale plus ou moins symétrique. Les troubles oculomoteurs s'associent à une exophtalmie, une rétraction palpébrale avec asynergie oculopalpébrale. À la phase initiale, les douleurs et les signes inflammatoires locaux comme une hyperémie conjonctivale et un œdème palpébral sont fréquents. L'ophtalmoplégie touche préférentiellement les muscles droits inférieurs et médiaux. L'élargissement des muscles peut créer une compression des nerfs optiques qui nécessite une prise en charge en urgence.
L'imagerie par résonance magnétique (IRM) orbitaire met en évidence l'augmentation de taille et l'infiltration inflammatoire des muscles oculaires qui apparaissent en hyposignal T1 et hypersignal T2. L'IRM permet aussi de grader l'exophtalmie et d'apprécier l'état des nerfs optiques.
La présence d'anticorps anti-recepteurs à la TSH ( thyroid stimulating hormone ) ou TRAK ( TSH-Rezeptor-Antikörper ) est nécessaire pour porter le diagnostic de maladie de Basedow associée à l'orbitopathie. L'atteinte orbitaire pouvant précéder l'hyperthyroïdie, une normalité du bilan thyroïdien n'exclut pas le diagnostic.
Myosites orbitaires inflammatoires et infectieuses
Les myosites orbitaires s'intègrent dans le cadre des inflammations orbitaires. Les causes de celle-ci sont multiples et l'on différencie actuellement les inflammations spécifiques (dont l'orbitopathie dysthyroïdienne est la plus fréquente), les inflammations orbitaires idiopathiques (autrefois dénommées pseudo-tumeurs inflammatoires de l'orbite) et les causes infectieuses. Dans les inflammations orbitaires idiopathiques, toutes les structures orbitaires peuvent être touchées : muscles oculomoteurs, mais aussi la graisse orbitaire et les glandes lacrymales. Le mode d'installation est variable, bien qu'habituellement aigu. Les symptômes correspondent le plus souvent à un syndrome de masse orbitaire pouvant associer une exophtalmie, une diplopie et éventuellement une atteinte du trijumeau. Une douleur orbitaire est habituelle.
L'IRM orbitaire objective l'infiltration inflammatoire. L'infiltration des tendons des muscles, une prise de contraste marquée, une atteinte souvent unilatérale ou très asymétrique sont des arguments qui les différencient des orbitopathies dysthyroïdiennes. Pour retenir le diagnostic d'inflammation orbitaire idiopathique, il faut écarter par un large bilan étiologique les diagnostics différentiels que sont notamment les causes infectieuses, tumorales, en particulier le lymphome, les granulomatoses dont la sarcoïdose et les pathologies associées aux immunoglobulines G4 (IgG4). Seule la biopsie orbitaire permet d'affirmer le diagnostic. Elle est envisagée de plus en plus largement, en particulier en cas de contexte tumoral, de récidive ou d'évolution inhabituelle sous traitement.
La réponse aux corticoïdes est habituellement rapide et importante mais constitue un élément non spécifique du diagnostic. Une corticothérapie prolongée avec une décroissance lente sur 12 à 18 mois est souvent nécessaire. Le contrôle de l'IRM est important pour s'assurer de la bonne évolution sous traitement et ne pas méconnaître un diagnostic différentiel.
Myopathies mitochondriales
Bases physiopathologiques
Les bases physiopathologiques se définissent par des anomalies mitochondriales visibles à la biopsie musculaire. Les mitochondries possèdent leur propre acide désoxyribonucléique (acide désoxyribonucléique mitochondrial [ADNmt]) mais dépendent aussi des gènes nucléaires. L'âge de survenue des symptômes est un reflet de la sévérité des cytopathies mitochondriales.
Le mode de transmission est variable. Il sera maternel en cas de délétion ou mutation de l'ADNmt et autosomique dominant, autosomique récessif ou lié à l'X en cas d'atteinte des gènes nucléaires. Enfin, des atteintes de novo se rencontrent, principalement en cas de délétions de grande taille de l'ADNmt.
La symptomatologie dépend du type de tissu touché ; plusieurs facteurs déterminent cette atteinte :
  • les tissus ayant des besoins énergétiques importants seront plus sensibles à une altération du fonctionnement mitochondrial ;
  • la précocité de survenue d'une délétion de l'ADNmt au cours de l'embryogenèse est un facteur prépondérant de la diffusion de l'atteinte aux différents tissus. Des mécanismes de ségrégation mitochondriale surviennent au cours de l'embryogenèse et déterminent les tissus épargnés ou porteurs de l'atteinte de l'ADNmt ;
  • l'hétéroplasmie qui se définit par la présence au sein d'une même cellule de mitochondries porteuses de l'ADNmt muté et d'autres porteuses de l'ADNmt non muté joue un rôle dans l'expression de la maladie : un tissu avec une faible hétéroplasmie est moins susceptible d'être symptomatique.
Ophtalmologie externe chronique progressive
L'ophtalmologie externe chronique progressive ( chronic progressive external ophthalmoplegia [CPEO]) est la manifestation la plus fréquente des cytopathies mitochondriales. La concentration en mitochondries des fibres musculaires oculaires non fatigables est supérieure à celle des autres muscles et l'origine embryonnaire mésodermique différente l'explique en partie.
Présentation clinique
La présentation clinique est celle d'une aggravation très progressive d'un ptosis bilatéral et symétrique par atteinte du releveur de la paupière supérieure associé à une ophtalmoplégie harmonieuse parfois complète (fig. 18-1
Fig. 18-1
Patient de 50ans présentant un ptosis bilatéral lentement évolutif depuis 20 ans visible sur les photographies avec une hyperaction du muscle frontal et une diminution de la course du releveur de la paupière supérieure aux deux yeux.Il existe une exotropie en position primaire, avec une limitation majeure et diffuse des mouvements oculaires, la diplopie est supprimée par le ptosis gauche. La biopsie musculaire confirme la cytopathie mitochondriale dans le cadre d'une ophtalmoplégie externe chronique progressive.
Source: C. Vignal Clermont.
). Le muscle frontal est préservé, permettant au début une compensation partielle. Une diplopie est rarement présente et c'est la majoration du ptosis qui conduit le plus souvent à consulter. Une atteinte asymétrique voire unilatérale est possible et ne doit pas conduire à écarter le diagnostic. Il est intéressant d'essayer de déterminer la date d'apparition du ptosis en demandant au patient des photographies prises à des âges différents car c'est un élément pronostique.
La myopathie peut être limitée aux muscles oculaires ou s'étendre aux muscles squelettiques et bulbaires. Les atteintes squelettiques sont le plus souvent proximales, mais l'extension des poignets et doigts peut être touchée comme la musculature axiale dans les formes les plus sévères. Les atteintes bulbaires, qu'il s'agisse de troubles de déglutition ou d'une dysarthrie, sont possibles. L'intolérance à l'effort peut exister sans que l'on objective de déficit musculaire. Il s'agit d'un symptôme relativement fréquent qui se traduit par une fatigabilité, des myalgies souvent à type de brûlure.
Une atteinte du système nerveux central (SNC) et en particulier du cervelet est possible. Une surdité, une rétinopathie pigmentaire peuvent aussi se rencontrer. L'existence d'une neuropathie périphérique évoquera une mutation d'un gène nucléaire. Ces manifestations sont exceptionnelles en cas de délétion de grande taille de l'ADNmt. L'atteinte myocardique doit être recherchée comme le diabète et les autres atteintes endocriniennes.
Les délétions de grande taille de l'ADNmt constituent la situation la plus fréquente. Il s'agit le plus souvent de cas sporadiques. On peut considérer qu'il existe un continuum dans la sévérité entre les formes limitées à la musculature orbitaire, les formes avec une diffusion des symptômes à d'autres tissus, et le syndrome de Kearns-Sayre qui débute avant l'âge de 20 ans et associe une rétinopathie pigmentaire, un bloc de conduction cardiaque et/ou une ataxie cérébelleuse et/ou une hyperprotéinorachie [2,3].
Mode de transmission
Le mode de transmission doit être précisé par la recherche des antécédents familiaux et la constitution d'un arbre généalogique.
Les gènes mitochondriaux MTTL , MTTI et MTTK sont le siège le plus fréquent des mutations. Parmi les divers phénotypes associés, on citera la mitochondrial neurogastrointestinal encephalomyopathy (MNGIE), le mitochondrial encephalopathy, lactic acidosis and stroke-like episodes (MELAS), le myoclonic epilepsy with ragged red fibers (MERRF) et le syndrome de Leigh.
Les gènes nucléaires les plus fréquemment concernés sont POLG , C10orf2 (Twinkle) SLC25A4 (ANT1). Les atteintes sont souvent plus sévères que dans les délétions de grande taille de l'ADNmt. Dans les mutations du gène POLG , les plus fréquentes, l'extension de l'atteinte musculaire à la sphère bulbaire et squelettique est habituelle après un certain âge. Une neuropathie sensitive ataxiante de type neuronopathie sensitive est fréquente et caractéristique définissant la sensory ataxia neuropathy dysphagia ophthalmoplegia (SANDO). Une composante cérébelleuse est possible ainsi que d'autres atteintes du SNC comme une épilepsie ou un syndrome parkinsonien [ 4–9 ].
Bilan paraclinique
L'IRM cérébrale et orbitaire met en évidence une amyotrophie des muscles orbitaires qui est un élément très évocateur du diagnostic de CPEO (fig. 18-2
Fig. 18-2
IRM encéphalique et orbitaire d'un patient atteint d'une ophtalmologie externe chronique progressive associée à une délétion de grande taille de l'ADNmt.Les séquencesT2 en coupes axiale(a) et coronales(b= niveau de la ligne 1 ; c= niveau de la ligne2) montrent une amyotrophie des muscles orbitaires harmonieuse caractéristique des myopathies mitochondriales.
Source: C. Vignal Clermont.
). Elle permet aussi de dépister les atteintes centrales.
L'électroneuromyogramme (ENMG) permet de rechercher une neuropathie périphérique compatible avec une atteinte mitochondriale. L'absence de syndrome myogène ne suffit pas à remettre en cause le diagnostic.
La biopsie musculaire (fig. 18-3
Fig. 18-3
Anomalies anatomopathologiques des myopathies mitochondriales.a.La coloration trichrome de Gomori montre des fibres musculaires anormales: les ragged red fibers (RRF). b.La coloration rouge Soudan montre une surcharge lipidique. c.La coloration COX (activité de l'enzyme mitochondriale cytochromec oxydase, partiellement codée par l'ADNmt) montre une diminution de l'activité mitochondriale dans certaines fibres musculaires COX négatives (blanches). d.La coloration SDH (activité de l'enzyme mitochondriale succinate déhydrogénase, codée par l'ADN nucléaire) montre une surcharge dans certaines fibres musculaires avec aspect bleu-noir moucheté en périphérie.
Source: M.Polivka.
) permet d'objectiver l'atteinte mitochondriale sous la forme de ragged-red fiber , d'absence d'activité de la cyclo-oxygénase (COX) et de dépôts lipidiques dans les cellules musculaires. Elle permet aussi d'effectuer l'analyse génétique de l'ADNmt à partir d'un fragment congelé. La présence d'une neuropathie périphérique ou d'antécédents familiaux fait rechercher une mutation d'un gène nucléaire par un test génétique sanguin avant d'envisager une biopsie musculaire.
Aucun traitement n'a montré d'efficacité clinique. On peut cependant proposer du coenzyme Q10 dans le cadre d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU). Il est important de proposer des mesures de rééducation. La réhabituation douce à l'effort a montré son intérêt dans les myopathies mitochondriales. Enfin une chirurgie du ptosis peut être proposée quand il existe une amputation importante du champ visuel. Elle doit s'entourer de précautions afin d'éviter les atteintes cornéennes. Elle permet, s'il existe des troubles de l'équilibre, de les améliorer en rétablissant un meilleur contrôle visuel. L'ophtalmoplégie étant souvent progressive et harmonieuse, le strabisme et la diplopie sont inconstants, mais une chirurgie peut être réalisée si nécessaire.
Myopathies héréditaires non mitochondriales
Dystrophie musculaire oculopharyngée
La dystrophie musculaire oculopharyngée ( oculopharyngeal muscular dystrophy [OPMD]) est une myopathie héréditaire à début tardif dont la transmission est le plus souvent autosomique dominante, plus rarement récessive [10,11]. Les formes dominantes sont liées à une courte expansion du triplet GCG sur le gène de la protéine PAPBP2 localisé sur le chromosome 14q11.
Présentation clinique
La présentation clinique se caractérise par un début tardif entre 40 et 70 ans associant un ptosis et une dysphagie. L'ophtalmoplégie est souvent absente ou minime. Le ptosis est bilatéral parfois asymétrique d'aggravation très lentement progressive. La dysphagie peut être à l'origine de fausses routes importantes conduisant à une dénutrition. Elle est parfois associée à une dysphonie et on remarque souvent une atteinte faciale à l'origine d'une expression particulière du visage. Enfin, une atteinte proximale squelettique est fréquente.
Bilan paraclinique
L'ENMG peut être pratiqué pour écarter d'autres diagnostics et confirmer l'atteinte myogène. Il permet également de rechercher une neuropathie périphérique dont l'association bien que classique est rare. L'IRM orbitaire ne montre pas d'anomalie et permet d'écarter d'autres étiologies.
Le mode de transmission, le début tardif après 50 ans d'un ptosis et de troubles de déglutition avec un respect de l'oculomotricité et l'absence d'atrophie des muscles oculomoteurs permettent d'envisager la réalisation du test génétique sanguin afin de confirmer le résultat. La biopsie musculaire n'est habituellement pas nécessaire.
La prise en charge est symptomatique. Il est possible de proposer une chirurgie de paupière si le ptosis est handicapant. Une prise en charge orthophonique et l'adaptation de l'alimentation doivent être privilégiées devant des troubles de déglutition.
Myopathie oculopharyngée distale
La mutation génétique à l'origine de la myopathie oculopharyngée distale n'est pas encore identifiée. Une transmission autosomique dominante ou récessive est possible. Il s'agit d'une myopathie héréditaire de l'adulte dont l'âge de début moyen se situe aux alentours de 20 ans.
Le tableau clinique associe : une atteinte oculaire avec un ptosis bilatéral et une ophtalmoplégie ; une atteinte de la face et bulbaire à l'origine de troubles de déglutition et d'une dysarthrie ; une atteinte squelettique distale avec amyotrophie et steppage.
L'ENMG montre un syndrome myogène et parfois des activités myotoniques. Une augmentation modérée des créatines phosphokinases (CPK) est possible. Du fait de l'absence de test génétique, une biopsie musculaire peut se discuter pour confirmer le diagnostic. Elle montre de petites fibres musculaires angulées contenant des vacuoles bordées et autophagiques ainsi que des inclusions cytoplasmiques.
Myopathie proximale et ophtalmoplégie
Les myopathies proximales avec ophtalmoplégie ( myopathy proximal and ophthalmoplegia [MYPOP]) seraient un sous-type de myosite à inclusion héréditaire ( inclusion body myositis [IBM]). Elles sont liées à une mutation du chromosome 17p sur le locus IBM3 à proximité du gène de la chaîne lourde de la myosine. Des mutations hétérozygotes et homozygotes ont été observées et leur mode de transmission peut être autosomique dominant ou récessif sans qu'il y ait de différence de phénotype.
Il s'agit d'une myopathie proximale associée à une ophtalmoplégie qui débute pendant l'enfance, de sévérité variable. L'atteinte musculaire est associée à une raideur articulaire congénitale résolutive pendant l'enfance. L'atrophie des quadriceps et pectoraux est classique et une détérioration de la capacité motrice se produit entre 30 et 50 ans.
Dystrophie myotonique
Dystrophie myotonique de type I (maladie de Steinert)
La dystrophie myotonique de type I est une myopathie héréditaire de transmission autosomique dominante liée à une expansion du triplet CTG du gène DMPK situé sur le chromosome 19q. Le nombre de triplets augmente d'une génération à l'autre, ce phénomène d'anticipation explique un début plus précoce et une plus grande sévérité des symptômes de génération en génération. Il existe des formes néonatales et d'autres à début très tardif.
L'atteinte musculaire est associée à une amyotrophie. Elle touche la face, les paupières induisant un ptosis, les muscles axiaux (particulièrement à l'étage cervical) et squelettiques distaux plus que proximaux. Une myotonie clinique peut exister, plus facilement observée au niveau des mains.
Il s'agit d'une pathologie multisystémique et il faudra rechercher : une atteinte cardiaque responsable de troubles de conduction, de troubles du rythme et parfois de mort subite ; des troubles endocriniens en particulier un hypogonadisme, une atteinte oculaire associant cataracte pulvérulente polychrome et/ou cataracte sous-capsulaire postérieure (fig. 18-4
Fig. 18-4
Cataracte dans la maladie de Steinert.a.Cataracte pulvérulente polychrome débutante photographiée en lampe en fente, chez un patient jeune porteur d'une dystrophie myotonique de type1 (maladie de Steinert). b.À un âge plus avancé, la cataracte est plus souvent de forme sous-capsulaire postérieure.
Source fig.a: Pénisson-Besnier I, Lamirel C. Ocular disturbances in neuromuscular disorders. 2008;164:902–11. Copyright © 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
), une hypotonie oculaire et une atteinte rétinienne ( pattern dystrophy ) ; des troubles cognitifs. Le diagnostic repose sur le test génétique sanguin [12].
Dystrophie myotonique de type II (myopathie myotonique proximale)
Il s'agit d'une myopathie héréditaire liée à une expansion du triplet CTG sur l'intron 1 du gène ZNF9 ( Zinc finger protein   9 ) du chromosome 3q21.3. La transmission est autosomique dominante associée à des phénomènes d'anticipation.
Le début peut survenir entre 8 et 60 ans par des raideurs et des myalgies qui sont présentes dans 55 à 75% de cas. Le déficit moteur touche préférentiellement la musculature squelettique proximale. La face n'est atteinte que dans 12% des cas.
Les signes associés sont une cataracte précoce habituellement avant 20 ans et une surdité qui survient dans 60 % des cas. Le diabète, l'atteinte cardiaque sont moins fréquentes, de l'ordre de 20 %.
Bien qu'il n'y ait pas de signe clinique évoquant une atteinte du SNC, des hypersignaux sont fréquemment observés sur l'IRM cérébrale. L'électromyogramme (EMG) recherche une myotonie qui n'aurait pas été mise en évidence cliniquement. Le diagnostic repose sur le test génétique sanguin.
Myopathies congénitales
L'entité des myopathies congénitales est définie sur des critères histologiques et cliniques que constitue l'association d'un déficit squelettique et d'une hypotonie. Des mutations sur une dizaine de gènes impliqués dans des mécanismes cellulaires différents ont été identifiées, ce qui traduit une grande hétérogénéité à la fois génotypique et physiopathologique de cette entité. Il est classique de distinguer trois types de myopathies congénitales avec des atteintes histologiques spécifiques à la biopsie musculaire.
Myopathies à bâtonnets
Les myopathies à bâtonnets (visibles au microscope électronique) ne présentent pas d'atteinte oculaire.
Myopathies à core
Les myopathies à core présentent des zones de désorganisation sarcoplasmique dépourvues d'enzymes oxydatives et de mitochondries au sein des fibres musculaires de type I. Il existe des atteintes oculaires lorsqu'elles sont associées à une mutation du gène RYR1 .
Les formes à transmission autosomique dominante ont un début variable allant de la période prénatale à l'âge adulte. L'atteinte de la musculature squelettique est de sévérité variable. Une atteinte de la face est présente dans 37 % des cas. L'atteinte des muscles oculomoteurs concerne 5% des cas et se caractérise par une limitation de la verticalité.
Dans les formes récessives, l'atteinte est plus sévère avec un âge de début inférieur à 10 ans et une atteinte constante de la musculature proximale. La musculature axiale est fréquemment touchée et une atteinte bulbaire se rencontre dans 35% des cas. Les muscles oculaires sont atteints dans 26% des cas avec une limitation marquée et homogène qui touche plus volontiers l'abduction et la verticalité, parfois associée à un ptosis.
Myopathies centronucléaires
Les myopathies centronucléaires sont caractérisées par la position centrale des noyaux dans les fibres musculaires. Les formes congénitales de myopathie centronucléaire (début des symptômes < 1 an) sont aussi de pronostic sévère. L'hypotonie, l'atteinte bulbaire et respiratoire conduisent au décès dans 44% des cas. Une ophtalmoplégie survient entre 47 et 66% des cas (fig. 18-5
Fig. 18-5
Patiente de 45ans présentant une myopathie congénitale centronucléaire avec un ptosis depuis l'âge de 6–7ans lentement évolutif.Quatre ans auparavant, la patiente a fait une pneumopathie d'inhalation avec un coma de 4mois. Il existe un ptosis bilatéral avec limitation de la course du releveur de la paupière supérieure, une exotropie et une diminution majeure et harmonieuse de presque tous les mouvements oculaires.
Source: C. Vignal Clermont.
), selon qu'il s'agit d'une mutation du gène RYR1 ou MTM1, étant plus fréquente dans cette dernière. Dans les formes de l'enfant, l'ophtalmoparésie est présente dans 38% des cas. Elle est associée à un déficit distal des membres inférieurs. L'atteinte respiratoire et bulbaire est rare. La forme de l'adulte est la moins sévère. Dans le cadre d'une mutation du gène DNM2, une ophtalmoparésie se rencontre dans 26% des cas, un ptosis isolé dans 16% des cas et l'association ptosis-ophtalmoparésie dans 21% des cas.
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