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Chapitre 5
Œdème papillaire de stase

S. Bidot

Point importants
  • L'œdème papillaire (OP) est un signe ophtalmoscopique fréquent observé dans de nombreuses pathologies oculaires, neurologiques ou systémiques. L'aspect clinique d'un OP n'est pas spécifique d'un mécanisme ou d'une étiologie, et seule une démarche rigoureuse incluant un interrogatoire détaillé et un examen des fonds d'yeux et de la fonction visuelle permettent d'orienter le diagnostic.
  • La caractéristique clinique principale d'un OP de stase est l'absence de baisse d'acuité visuelle précoce et un champ visuel normal ou montrant un élargissement de la tache aveugle malgré la présence d'un OP parfois très volumineux.
  • Les OP de stase constituent un sous-groupe d'OP dont le mécanisme physiopathologique repose sur un désordre de l'équilibre des pressions qui s'exercent au niveau de la papille. Les quatre causes sont l'hypotonie oculaire, l'occlusion de la veine centrale de la rétine, l'hypertension artérielle maligne et l'hypertension intracrânienne (HIC).
  • L'HIC est la seule cause neuro-ophtalmologique d'OP de stase, elle doit être évoquée après avoir éliminé les autres causes d'OP de stase.
  • Le diagnostic d'HIC idiopathique repose sur les critères de Dandy révisés en 2013 dont l'OP est l'un des cinq critères obligatoires. L'absence d'OP est si rare qu'elle doit faire douter du diagnostic.
  • Le suivi des patients repose sur l'examen clinique et l'évolution des signes fonctionnels, du poids, de l'aspect de la papille et du champ visuel automatisé ; l'OCT ne peut en aucun cas se substituer à ce suivi.
  • Le pilier du traitement de l'HIC idiopathique est la perte de poids. L'acétazolamide a été validé cliniquement comme un adjuvant à la perte de poids. La chirurgie ou le stenting des sinus transverses ne sont indiqués qu'en cas de baisse visuelle malgré un traitement médical maximal bien observé.
Introduction
L'œdème papillaire (OP) est un signe ophtalmoscopique commun à de nombreux désordres ophtalmologiques, neurologiques et systémiques. Il n'est pas spécifique d'une étiologie ou d'un mécanisme particuliers, et ne représente qu'une expression précoce d'une souffrance de la tête du nerf optique.
La définition de l'OP est anatomique et repose sur la mise en évidence au fond d'œil d'un « gonflement » papillaire secondaire à une distension des fibres optiques au niveau de la tête du nerf optique associée à une extravasation de fluide à partir des capillaires (visible sur l'angiographie à la fluorescéine) [1]. L'OP est un état souvent temporaire régressant en quelques semaines lorsque le processus pathologique sous-jacent a cessé (par exemple un foyer inflammatoire dans le cadre d'une névrite optique) ou lorsque la perte en fibres optiques est telle que la papille ne peut plus s'œdématier (par exemple après une hypertension intracrânienne très sévère). Un OP est toujours le signe d'une pathologie sous-jacente potentiellement grave, et sa prise en charge est souvent urgente en raison du risque de conséquences sur les plans visuel, neurologique, voire vital.
Dans ce chapitre, nous discuterons d'une forme particulière d'OP appelé OP de stase, terme qui n'a pas d'équivalent dans la littérature anglo-saxonne, dans laquelle le terme papilledema représente uniquement un OP de stase secondaire à une hypertension intracrânienne (HIC), alors que le terme disc edema est utilisé pour décrire toutes les causes d'OP.
Mécanismes et diagnostic des œdèmes papillaires de stase
Mécanismes
La tête du nerf optique est soumise à la pression de trois compartiments liquidiens environnants : la pression intraoculaire (PIO), la pression du liquide cérébrospinal (LCS) dans la gaine du nerf optique et la pression sanguine (veineuse et artérielle) [2]. Les OP de stase sont secondaires à un déséquilibre pressionnel qui peut se situer:
  • au niveau de la lame criblée , soumise à la PIO en avant et à la pression du LCS en arrière. La pression du LCS dans la gaine du nerf optique est normalement inférieure à la PIO. Il existe donc un gradient pressionnel d'avant en arrière de part et d'autre de la lame criblée (qui bombe en arrière à l'état physiologique). Lorsque ce gradient s'inverse d'arrière en avant, c'est-à-dire en cas d'augmentation de la pression du LCS ou au contraire en cas de diminution de la PIO (hypotonie oculaire), un OP de stase apparaît [2] ;
  • au niveau vasculaire , par augmentation de la pression veineuse en cas d'occlusion de la veine centrale de la rétine (OVCR) ou de la pression artérielle en cas d'hypertension artérielle (HTA) maligne.
Diagnostic d'un œdème papillaire de stase
L'aspect ophtalmoscopique de l'OP n'étant jamais spécifique, seule une démarche rigoureuse permet d'en déterminer le mécanisme ainsi que l'étiologie (fig. 5-1
Fig. 5-1
Démarche diagnostique devant une suspicion d'œdème papillaire (OP).CV: champ visuel ; DPAR: déficit pupillaire afférent relatif ; EDI: enhanced depth imaging ; HIC: hypertension intracrânienne ; HTA: hypertension artérielle ; IRM: imagerie par résonance magnétique ; LCS: liquide cérébrospinal ; NOIA: neuropathie optique ischémique antérieure aiguë ; OCT: optical coherence tomography (tomographie par cohérence optique) ; OVCR: occlusion de la veine centrale de la rétine.
et encadré 5-1
Encadré 5-1
Les six étapes du diagnostic d'un œdème papillaire de stase
critères A-E
  • Éliminer un pseudo-OP afin d'éviter d'inutiles investigations invasives.
  • Puis éliminer un OP relevant d'une cause oculaire. Cette étape nécessite un examen ophtalmologique soigneux et un CV, car les autres anomalies oculaires associées peuvent être discrètes. Les deux causes locales d'OP de stase sont l'hypotonie oculaire et l'OVCR.
  • Si l'OP est bilatéral, mesurer la pression artérielle systématiquement et éliminer une HTA maligne.
  • Ensuite, une cause neuro-ophtalmologique à l'OP peut être retenue. Lorsque l'OP est bilatéral et symétrique et que la fonction visuelle est normale, il s'agit le plus souvent d'un OP de stase secondaire à une HIC. Inversement, lorsque l'OP est unilatéral et la fonction visuelle altérée, il s'agit le plus souvent d'une neuropathie optique œdémateuse primitive. Le diagnostic est plus difficile lorsque l'OP papillaire est bilatéral avec une fonction visuelle altérée, car il peut s'agir soit d'une neuropathie optique œdémateuse primitive bilatérale, soit d'une HIC très sévère et déjà compliquée de neuropathie optique à un moment du diagnostic. Dans ce dernier cas, l'OP est toujours sévère (≥ grade 4) en l'absence d'atrophie optique.
  • En cas de forte suspicion d'HIC, une HIC secondaire doit être éliminée :
    • imagerie cérébrale (idéalement IRM cérébrale sans et avec contraste) et veineuse cérébrale (angio-IRM ou angioscanner) en urgence (< 24h). Une IRM orbitaire couplée à l'IRM cérébrale est utile pour éliminer une neuropathie optique œdémateuse primitive qui pourrait mimer une HIC ;
    • numération formule sanguine-plaquettes à la recherche d'une polyglobulie ou d'une thrombocytose ;
    • en l'absence de processus expansif intracrânien, ponction lombaire (< 24h si OP sévère ou fonction visuelle anormale, sinon < 10 jours) ;
    • en cas d'atypie (homme, absence de surpoids, patient âgé), IRM médullaire sans et avec contraste, voire une angiographie cérébrale, pour éliminer respectivement une tumeur médullaire et une fistule durale.
  • En cas de bilan normal (outre la pression d'ouverture du LCS ≥ 25cm d'eau), le diagnostic d'HIC idiopathique peut être retenu. Il faut alors:
    • rechercher les facteurs déclenchant ou aggravant l'HIC idiopathique : médicament (cyclines, dérivés de la vitamine A, hormone de croissance, etc.), anémie, syndrome d'apnée du sommeil, etc. ;
    • rechercher les facteurs de mauvais pronostic visuel démographiques (homme, patient mélanoderme, obésité morbide) et clinique (sévérité de l'OP, atteinte précoce du CV, absence de céphalée, HTA non contrôlée, syndrome d'apnée du sommeil).
). Pour cela, la catégorisation des OP en trois grands groupes permet de simplifier la démarche clinique (tableau 5-1
Tableau 5-1
Les trois grands groupes d'œdèmes papillaires selon leur mécanisme.
1. Mécanisme pressionnel (œdème papillaire de stase)
Hypertension intracrânienne idiopathique et secondaire
Hypotonie oculaire
Occlusion de la veine centrale de la rétine
Hypertension artérielle maligne
2. Mécanisme lésionnel (neuropathie optique œdémateuse primitive par lésion directe impliquant au minimum la tête du nerf optique)
Neuropathie optique ischémique antérieure aiguë
Neuropathies optiques inflammatoires et infectieuses (ici, [MOG])
Neuropathie optique compressive
Neuropathies optiques toxiques (méthanol, amiodarone) et carentielle (ici carence en vitamine B)
3. Mécanisme réactionnel (à une pathologie environnante, le plus souvent à un processus intraoculaire)
Uvéites antérieure, intermédiaire et postérieure
Sclérite postérieure
Néovascularisation sous-papillaire
).
Après avoir éliminé un pseudo-OP, le diagnostic d'OP de stase repose essentiellement sur l'examen de la fonction visuelle. Les deux caractéristiques cliniques essentielles d'un OP de stase sont les suivantes :
  • l'absence de baisse visuelle précoce  : au début, l'acuité visuelle est normale et le champ visuel (CV) automatisé est normal ou montre uniquement un élargissement de la tache aveugle ;
  • en cas de baisse visuelle secondaire à un OP de stase, le CV périphérique est d'abord altéré avec préservation de l'acuité visuelle jusque tard dans la progression de la maladie.
En cas de baisse visuelle précoce dans le contexte d'OP de stase, la baisse visuelle n'est généralement pas secondaire à la souffrance du nerf optique (à l'exception de l'HIC idiopathique fulminante), mais est plutôt d'origine rétinienne ou réfractive :
  • OVCR et HTA maligne : baisse visuelle par ischémie, hémorragie, ou œdème rétinien ;
  • hypotonie oculaire : maculopathie hypotonique, hypermétropisation ;
  • HIC : œdème maculaire et décollement séreux rétinien en cas de volumineux OP de stase, plis choroïdiens, hypermétropisation avec aplatissement du globe oculaire.
Œdèmes papillaires de stase d'origine neuro-ophtalmologique : focus sur l'hypertension intracrânienne idiopathique
L'HIC idiopathique est une maladie peu fréquente, mais dont l'incidence et l'impact socio-économique s'accroissent progressivement [3]. Elle touche plus fréquemment les femmes jeunes en surpoids ou obèses dans plus de 90 % des cas [4]. Le diagnostic repose sur la mise en évidence de symptômes et signes liés à une augmentation de la pression intracrânienne (PIC) après avoir exclu une cause secondaire d'HIC selon les critères de Dandy révisés de 2013 (tableau 5-2
Tableau 5-2
Critères modifiés de Dandy pour le diagnostic d'hypertension intracrânienne (HIC) idiopathique.
1. Critères requis pour le diagnostic d'HIC idiopathique
Le diagnostic de certitude peut être posé si le patient remplit les critères A-E. Le diagnostic est probable si le patient remplit les critères A-D, mais la pression du LCS est <25cm d'eau 
A. Œdème papillaire de stase
B. Examen neurologique normal à l'exception d'une paralysie du VI
C. Neuro-imagerie: parenchyme cérébral normal sans hydrocéphalie, processus expansif intracrânien, ou anomalie structurelle, et absence de prise de contraste méningée en IRMC-C+ ; absence de thrombose veineuse cérébrale en angio-IRM ou angioscanner veineux. Si l'IRM est indisponible ou contre-indiquée, un scanner cérébral C-C+ et un angioscanner veineux peuvent être utilisés 
D. Composition normale du LCS
E. Pression d'ouverture du LCS élevée (≥ 25cm d'eau chez l'adulte et ≥ 28cm d'eau chez l'enfant [25cm d'eau si l'enfant est non sédaté et non obèse]) obtenue à partir d'une ponction lombaire réalisée correctement en décubitus 
2. Diagnostic d'HIC idiopathique sans œdème papillaire
En l'absence d'œdème papillaire, un diagnostic de certitude d'HIC idiopathique peut être posé si les critères B-E ci-dessus sont satisfaits, et si le patient présente en plus une paralysie unilatérale ou bilatérale du VI 
En l'absence de paralysie du VI et d'OP, un diagnostic d'HIC idiopathique peut être seulement suggéré, si les critères B-E ci-dessus sont satisfaits si le patient présente, au moins trois des signes radiologiques suivants:
  • selle turcique vide
  • aplatissement du pôle postérieur des globes
  • distension de la gaine des nerfs optiques
  • sténose bilatérale des sinus transverses
C-C+: sans puis avec contraste.
)[5].
Clinique
Symptômes
Les céphalées sont souvent les premiers symptômes et sont présentes dans 90 % des cas. Elles n'ont aucune spécificité particulière [6]. Les éclipses visuelles , retrouvées dans 70 % des cas, sont des épisodes très brefs de perte visuelle mono- ou binoculaire survenant notamment lorsque le patient se lève, penche en avant ou lors d'une manœuvre de Valsalva. Une diplopie binoculaire horizontale survient dans 30 % des cas et est généralement secondaire à une paralysie uni- ou bilatérale du VI sans aucune valeur localisatrice [4]. Les acouphènes pulsatiles sont décrits dans 60 % des cas. Ils peuvent être uni- ou bilatéraux, constants ou intermittents et augmentent en position couchée [4]. Enfin, les fuites spontanées de LCS au niveau de la base du crâne (rhinorrhées et otorrhées cérébrospinales) ont été récemment associées à l'HIC idiopathique. Ces patients ne développent pas les signes classiques de l'HIC, car la fuite agit comme une «dérivation » conduisant à une pseudo-normalisation de la PIC [7].
Un signe clinique majeur : l'œdème papillaire de stase
L'OP de stase est le signe clinique cardinal de l'HIC (idiopathique et secondaire). C'est un des cinq critères diagnostiques majeurs dans les critères de Dandy révisés de 2013 (voir tableau 5-2) [5]. Son absence est si rare qu'elle doit faire douter du diagnostic. Il est le plus souvent bilatéral et symétrique (à l'inverse des autres causes d'OP de stase pour lesquelles l'OP est le plus souvent unilatéral), mais peut être asymétrique, voire unilatéral dans 5% des cas [4]. Sa sévérité est corrélée au pronostic visuel, et son appréciation (par exemple à l'aide de l'échelle de Frisén modifiée : fig. 5-2
Fig. 5-2
Échelle modifiée de FrisénFriséen, échelle modifiée de[8].a.Grade1: œdème papillaire (OP) minime. Halo péripapillaire grisâtre en forme deC. Absence d'élévation de la papille en temporal. b.Grade 2: OP de faible degré. Halo grisâtre circonférentiel. Absence d'obscurcissement des vaisseaux au niveau de la papille. c.Grade3: OP modéré. Obscurcissement ≥1segment d'un vaisseau majeur au niveau uniquement du bord de la papille (têtes de flèche). d.Grade4: OP marqué. Obscurcissement total d'un vaisseau majeur au niveau de la papille. e.Grade5: OP sévère. Grade 4 et obscurcissement partiel (ou total) de tous les autres vaisseaux majeurs au niveau de la papille. f.Atrophie optique post-stase: il existe plusieurs «lignes de hautes eaux » ou watermarks (flèches) qui apparaissent après résolution d'un OP de stase sévère. Devant une atrophie optique inexpliquée, la mise en évidence de ce signe permet rétrospectivement de rattacher l'origine de cette atrophie optique à un OP de stase évolué.
[8]) est extrêmement importante pour guider la prise en charge. Aussi, la répétition des rétinophotographies est utile pour le suivi des patients.
Examens complémentaires
Champ visuel
Devant un OP de stase, l'élément important est d'en établir la cause au plus vite, néanmoins, le CV doit toujours être réalisé dès le diagnostic d'HIC posé, car il est essentiel pour déterminer le pronostic visuel et ainsi guider le traitement et la surveillance [9]. Le protocole de choix est la périmétrie automatisée testant les 24–30° centraux [10]. Le CV de Goldmann n'est utilisé qu'en cas de baisse visuelle sévère ou chez les patients incapables de réaliser un CV automatisé. La perte visuelle débute par un élargissement de la tache aveugle (purement mécanique et réversible, lié à l'OP repoussant les photorécepteurs), puis un ressaut nasal, suivi par un rétrécissement concentrique du CV, avec épargne tardive de l'acuité visuelle (secondaire à la perte en fibres, non réversible) (fig. 5-3
Fig. 5-3
Champs visuels gauches de patients pris en charge pour une HIC idiopathique.a.Élargissement de la tache aveugle et discret déficit inféro nasal (Humphrey 30-2). b.Ressaut nasal prolongé en inférieur (Humphrey 30-2). c.Rétrécissement marqué du champ visuel prédominant en nasal et en inférieur à un stade évolué.
).
Tomographie par cohérence optique
Autant la tomographie par cohérence optique ( optical coherence tomography [OCT]) maculaire est importante pour rechercher un œdème maculaire associé à un OP de stase volumineux en cas de baisse précoce de l'acuité visuelle, autant le rôle de l'OCT évaluant l'épaisseur de la couche des fibres optiques péripapillaires ( peripapillary retinal nerve fiber layer [pRNFL]) est controversé dans l'HIC. Non seulement la mesure de la pRNFL ne permet pas de différencier un OP vrai d'un pseudo-OP, ni un OP de stase des autres mécanismes d'OP, mais elle ne fait pas la différence entre l'amélioration d'un OP de stase et une évolution vers l'atrophie optique débutante. De plus, lorsque l'OP est important, la segmentation de la couche des fibres optiques devient extrêmement imprécise [8]. Pour toutes ces raisons, bien que le pRNFL puisse être utile dans le suivi des formes modérées d'OP en complément de l'examen clinique de la papille et du CV, il ne peut en aucun cas se substituer à ces derniers.
Imagerie cérébrale et des veines cérébrales
L'imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale et orbitaire sans puis avec contraste en urgence (dans les 24 heures [11]), couplée à une imagerie veineuse avec contraste, est l'examen d'imagerie de première intention pour éliminer une cause secondaire d'HIC (encadré 5-2
Encadré 5-2
Causes secondaires d'hypertension intracrânienne (liste non exhaustive)
  • Processus expansif intracrânien :
    • tumeur ;
    • abcès ;
    • hématome intracérébral ;
    • hématome sous-dural ou extradural ;
    • malformation vasculaire.
  • Hydrocéphalie.
  • Processus méningé :
    • infectieux ;
    • inflammatoire ;
    • néoplasique.
  • Hyperpression veineuse cérébrale :
    • thrombophlébite cérébrale ;
    • fistule durale ;
    • syndrome cave supérieur.
)[5]. Dans l'HIC idiopathique, l'imagerie est dite normale, mais il est très fréquent de mettre en évidence des signes radiologiques souvent subtils, témoins de l'augmentation chronique de la PIC (fig. 5-4
Fig. 5-4
Signes radiologiques classiques témoignant de l'élévation chronique de la pression intracrânienne.D'autres signes moins fréquents ont été décrits, incluant ectopie des amygdales cérébelleuses, tortuosité verticale du nerf optique, méningocèle et méningo-encéphalocèle, et déhiscence osseuse à l'origine d'une fuite du liquide cérébrospinal. a.IRM séquence T1 post-contraste, coupe sagittale. Selle turcique vide. b.IRM, séquence T2, coupe horizontale. Élargissement de la gaine du nerf optique droit. c.IRM, séquence FLAIR, coupe horizontale. Aplatissement du pôle postérieur du globe oculaire droit et protrusion papillaire gauche. d.Angio-IRM veineuse. Sténose bilatérale des sinus transverses.
). En revanche, en l'absence de signe clinique d'HIC, leur découverte fortuite ne doit pas conduire à la réalisation de procédures invasives ou coûteuses [12].
Ponction lombaire
Une ponction lombaire pratiquée en décubitus latéral est requise pour confirmer l'élévation de la pression d'ouverture du LCS (≥ 25cm et ≥ 28cm d'eau respectivement chez l'adulte et l'enfant) qui doit être de composition normale [5]. Compte tenu du fait que la mesure de la pression d'ouverture du LCS n'est qu'un «instantané », une pression élevée n'est pas diagnostique à elle seule (surtout dans la zone 25 à 30cm d'eau) ; à l'inverse, une pression inférieure à 25cm d'eau n'élimine pas toujours le diagnostic, et une seconde ponction lombaire peut être nécessaire lorsque la suspicion reste forte [11].
Complications
Perte visuelle définitive
La perte visuelle définitive, bien que peu fréquente, est la complication la plus dramatique de l'HIC idiopathique et il est important de rechercher les facteurs de risque visuel lors du diagnostic afin d'adapter la prise en charge (voir fiche no  24) [4]. La baisse visuelle est souvent secondaire à une neuropathie optique, elle-même liée à un OP chronique et souvent sévère. Elle est tardive dans l'évolution, en dehors du cas d'HIC idiopathique fulminante où elle peut être précoce [13]. L'HIC fulminante est caractérisée par un début aigu et une dégradation très rapide de la fonction visuelle en quelques jours ou quelques semaines. Une chirurgie de dérivation du LCS en urgence est souvent nécessaire.
Céphalées chroniques et retentissement sociopsychologique
Malgré un contrôle satisfaisant de la PIC, la majorité des patients continuent de présenter des céphalées chroniques. Leur prise en charge par un neurologue est primordiale, car les céphalées sont la principale cause d'altération de la qualité de vie chez ces patients [14].
Rhinorrhée et otorrhée cérébrospinales
La rhinorrhée et l'otorrhée cérébrospinales sont des complications rares de l'HIC idiopathique. Elles seraient liées à une érosion des os fins de la base du crâne sous l'influence de l'élévation chronique de la pression intracrânienne [7].
Démarche diagnostique
Le diagnostic d'HIC idiopathique repose sur les critères de Dandy révisés en 2013 (voir tableau 5-2). Le diagnostic d'HIC idiopathique sans OP est très rare et ne sera porté que sur des critères très stricts. Le risque de « surdiagnostiquer » une HIC idiopathique est en effet réel, en particulier chez les femmes jeunes, en surpoids, avec des céphalées chroniques et une pression d'ouverture du LCS entre 25 et 30cm d'eau, alors que l'examen ophtalmologique ne retrouve ni OP ni paralysie du VI [15].
Dès le diagnostic d'HIC suspecté, il est urgent d'éliminer une HIC secondaire en obtenant une imagerie cérébrale et orbitaire (idéalement une IRM sans puis avec contraste) et veineuse avec contraste. Lorsque le tableau clinique est atypique (par exemple sexe masculin, poids normal ou patient âgé), il est prudent d'obtenir une IRM médullaire sans et avec contraste (tumeur médullaire), voire une angiographie cérébrale (fistule durale).
Une fois le diagnostic d'HIC idiopathique posé, il faut rechercher un éventuel facteur déclenchant ou aggravant (essentiel en cas d'HIC idiopathique atypique) et les facteurs de mauvais pronostic visuel qui conditionneront le reste de la prise en charge ; les deux plus importants sont la sévérité de l'OP (grade 4 ou 5 sur l'échelle de Frisén) et l'altération initiale du CV (hormis un élargissement de la tache aveugle).
Prise en charge
L'objectif de la prise en charge est avant tout la protection de la fonction visuelle ainsi que le traitement des céphalées chroniques. Elle repose sur la suppression des facteurs de risque, le traitement médical et, pour les cas sévères, une prise en charge chirurgicale ou neuroradiologique (fig. 5-5
Fig. 5-5
Patiente de 27ans (indice de masse corporelle: 29kg/m2, prise de poids de 20kg en 2ans) présentant des céphalées récentes ainsi que des troubles visuels à type de taches brunâtres devant les deux yeux.L'acuité visuelle est mesurée à 10/10 à chaque œil. L'examen des fonds d'yeux met en évidence un œdème papillaire sévère de grade5 à droite et4 à gauche. Les CV automatisés montrent un élargissement de la tache aveugle des deux côtés avec probablement un ressaut nasal du côté gauche. L'IRM cérébrale avec imagerie veineuse et la ponction lombaire ont permis d'éliminer une cause secondaire à l'HIC. Compte tenu de la sévérité des œdèmes papillaires, une prise en charge urgente et un suivi très rapproché sont indiqués.
et voir fiche no  24).
Suppression des facteurs de risque
La perte de poids, l'arrêt des facteurs précipitants ou aggravants (par exemple arrêt des cyclines) et le traitement des pathologies associées (par exemple anémie, syndrome d'apnée du sommeil) sont la base du traitement. Il est important de souligner qu'une perte de poids aussi faible que 5 % du poids corporel initial est associée à une amélioration clinique durable ; il est donc inutile (et même contre-productif) de chercher coûte que coûte une normalisation pondérale. Pour les cas difficiles en cas d'obésité morbide, la chirurgie bariatrique peut être discutée[16].
Ponction lombaire
La ponction lombaire diagnostique est également la première étape du traitement ; des rémissions durables sont décrites après une ou deux procédures. En revanche, il n'est pas recommandé de réaliser des ponctions lombaires répétées en raison de leur efficacité limitée et des difficultés de tolérance chez ces patients souvent obèses [11].
Traitement médical
L'acétazolamide est le seul traitement médical validé par un essai clinique dans l'HIC idiopathique [17]. Dans notre pratique quotidienne, des doses entre 1 et 2g/jour (soit 4 à 8 comprimés à 250mg) sont généralement suffisantes. Son efficacité a été démontrée sur la sévérité de l'OP, mais celle-ci est faible sur les céphalées, qui nécessitent souvent une prise en charge spécifique indépendante de l'HIC idiopathique par le neurologue [11].
Chirurgie et stenting des sinus transverses
Trois types de procédures sont proposés dans le traitement de l'HIC idiopathique : les chirurgies de dérivation du LCS (dérivations ventriculopéritonéales et lombopéritonéales), la fenestration de la gaine du nerf optiqueet le stenting des sinus transverses. Il est à noter qu'à ce jour, aucun essai clinique n'a été conduit pour déterminer la supériorité d'une des trois procédures. À l'heure où nous écrivons ces lignes, seuls deux essais cliniques ont été postés sur le site Internet www.clinicaltrials gov l'un compare l'efficacité de la dérivation du LCS versus la fenestration du nerf optique (NCT03501966) ; l'autre porte sur la non-infériorité du stenting des sinus transverses par rapport à la dérivation du LCS (NCT02513914).
L'indication principale de la chirurgie ou du stenting des sinus transverse est la détérioration visuelle attribuée à un OP réfractaire au traitement médical maximal [4]. Les cas très fréquents de céphalées persistantes après la normalisation du fond d'œil ne sont pas une indication pour ces types de procédures (la disparition de l'OP en l'absence de survenue d'une atrophie optique indique une PIC normale) [11].
En attendant des données fiables quant à la supériorité d'une technique sur une autre, le choix de la procédure dépend des habitudes des centres. En France, les chirurgies de dérivation du LCS et le stenting des sinus transverses sont les procédures les plus pratiquées, alors que la fenestration de la gaine du nerf optique reste marginale (à l'inverse des États-Unis où elle est couramment pratiquée). Le stenting est une option thérapeutique à considérer pour certains patients présentant des sténoses bilatérales sévères des sinus transverses avec un gradient de pression élevé de part et d'autre de la sténose après échec du traitement médical [16], en revanche, il n'est pas recommandé en cas de baisse rapide de la fonction visuelle en l'absence de données fiables [11].
Conclusion
Les OP de stase sont fréquents dans la pratique ophtalmologique quotidienne. Il est important de différencier les OP de stase de cause oculaire (hypotonie oculaire et OVCR) et systémique (HTA maligne) des OP de stase d'origine neuro-ophtalmologique (HIC) dont la prise en charge est différente. En cas d'HIC survenant chez une jeune femme en surpoids et dont l'imagerie cérébrale et des veines cérébrales sont normales, le diagnostic le plus probable est l'HIC idiopathique. Cependant, la démarche diagnostique doit être rigoureuse, et les nouveaux critères de Dandy publiés en 2013 sont beaucoup plus restrictifs que ceux de 2002 afin de ne pas mésestimer une HIC secondaire ou d'éviter de surdiagnostiquer une HIC idiopathique. La perte de poids est le pilier du traitement de fond et l'acétazolamide est la seule molécule validée par un essai clinique. En cas de perte visuelle malgré un traitement médical maximal, une prise en charge chirurgicale ou un stenting des sinus transverses s'impose.
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