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Chapitre 15
Anomalies centrales des mouvements oculaires

C. Tilikete

Points importants
Comment reconnaître une paralysie oculomotrice centrale ? La spécificité des paralysies oculomotrices centrales par rapport aux atteintes périphériques est :
  • une atteinte le plus souvent binoculaire et peu pourvoyeuse de diplopie, sauf dans le cas d'une atteinte infranucléaire et dans l'ophtalmoplégie internucléaire ;
  • une atteinte portant sur les mouvements horizontaux ou sur les mouvements verticaux ;
  • une dissociation entre l'atteinte de certains mouvements oculaires et le respect d'autres mouvements. Pour ce dernier point, la règle est que :
    • dans les atteintes infranucléaires, tous les mouvements oculaires sont atteints (saccades, poursuite et réflexe oculocéphalique) ;
    • dans les atteintes horizontales nucléaires et internucléaires, tous les mouvements oculaires sont atteints sauf la convergence qui est préservée ;
    • dans les atteintes supranucléaires, les saccades sont atteintes alors que les mouvements lents (poursuite, réflexe oculocéphalique) sont préservés ;
    • dans l'apraxie oculomotrice, seuls certains types de saccades sont perturbés.
Quoi de neuf ?
  • Les neurones parasympathiques permettant la constriction pupillaire ne sont pas localisés dans le noyau d'Edinger-Westphal chez l'homme, mais dans un réseau mal différencié situé à la partie dorsale du noyau d'Edinger-Westphal de chaque côté de la ligne médiane. Ils prennent le nom de neurones pupillaires préganglionnaires du III.
  • Les voies oculomotrices du réseau des saccades et du réflexe vestibulo-oculaire dans le plan vertical sont plus précisément connues. Elles ont gagné en complexité. Leur connaissance permet de bien comprendre la physiopathologie des paralysies supranucléaires horizontales et verticales et des nystagmus verticaux.
  • La paralysie d'adduction de l'ophtalmoplégie internucléaire peut être améliorée par la 4-aminopyridine, testée sous la forme de fampridine. Il n'est pas clairement démontré un intérêt fonctionnel pour les patients.
  • Des cas d'apraxie oculomotrice ont été décrits dans les suites d'une chirurgie cardiaque. L'analyse clinique de ces patients a montré qu'il s'agissait en fait d'une paralysie supranucléaire des saccades horizontales et verticales (avec un respect des phases rapides des nystagmus), et une expertise anatomopathologique a montré l'implication probable de filets périneuraux ( perineural nets ) entourant et participant à la physiologie des neurones à bouffée de la formation réticulée pontine paramédiane et du noyau rostral interstitiel du faisceau longitudinal médian. Ces filets périneuraux seraient peut-être particulièrement sensibles à l'hypoxie.
  • L'ésotropie non paralytique peut être un symptôme oculomoteur cérébelleux, le plus souvent associé à un nystagmus des regards excentrés.
  • La nosologie de l'apraxie oculomotrice congénitale est mieux comprise. Elle peut être « idiopathique » –prenant maintenant le nom de «défaut précoce d'initiation des saccades » ( infantile onset saccade initiation failure )– ou acquise dans le cadre de pathologies comme le syndrome de Joubert, la maladie de Gaucher ou les ataxies cérébelleuse héréditaires (ataxie avec apraxie oculomotrice, ataxie-télangiectasie).
Les systèmes oculomoteurs dont la finalité est l'optimisation de la perception visuelle se sont développés en réponse aux besoins du système visuel [1]. Une première contrainte du système visuel humain est venue du développement d'une vision frontale binoculaire, imposant une orientation des axes visuels des deux yeux de telle manière que l'image d'un objet d'intérêt se projette sur des parties correspondantes des deux rétines. L'organisation centrale de la motricité oculaire a dû tenir compte de cette binocularité en réalisant une coordination des mouvements oculaires de chaque œil. Une deuxième contrainte du système visuel vient du développement d'une vision fovéale, supposant que, lorsque les yeux fixent un élément dans l'espace, la perception effective précise et informative est limitée à quelques degrés centraux de champ visuel. En corollaire, l'être humain est capable d'effectuer des mouvements oculaires permettant de changer rapidement de point de fixation de manière à explorer efficacement l'ensemble de son espace visuel. Les mouvements oculaires d'exploration sont typiquement représentés par les saccades oculaires . Enfin, une dernière contrainte du système visuel résulte d'une intolérance à l'instabilité des images projetées sur la rétine, faisant qu'au-delà de quelques degrés par seconde de déplacement rétinien, la vision se dégrade. L'instabilité des images peut résulter physiologiquement du mouvement d'une cible visuelle, d'un déplacement du sujet dans l'espace ou d'une instabilité oculaire lors de la fixation. Afin de compenser cette instabilité visuelle, des mouvements lents de poursuite oculaire et de réflexe oculocéphalique (ROC), et des mécanismes de stabilisation de la fixation se sont développés.
Les circuits oculomoteurs centraux sont constitués des noyaux oculomoteurs et de la partie fasciculaire des nerfs oculomoteurs, constituants de tous les types de mouvements oculaires. En amont des noyaux oculomoteurs, les réseaux neuronaux sont multiples mais répondent spécifiquement aux mouvements rapides d'une part (saccades) et aux mouvements lents d'autre part (poursuite, ROC, fixation). Ils sont également grossièrement différenciés pour les mouvements horizontaux (pont) et les mouvements verticaux (mésencéphale). Ces réseaux impliquent le tronc cérébral, le cervelet et, pour les saccades et la poursuite oculaire, les noyaux gris centraux et le cortex cérébral.
Lors d'une atteinte de ces réseaux dans le tronc cérébral, on peut observer des paralysies infranucléaires (fasciculaires des nerfs), des paralysies du regard (paralysie de fonction) ou un trouble de la dynamique des saccades (amplitude, direction, vitesse). Les paralysies du regard incluent les syndromes nucléaires, internucléaires, supranucléaires et l'apraxie oculomotrice [2]. Il est utile de connaître la sémiologie de certains de ces syndromes dont la topographie lésionnelle est très précise et les étiologies finalement assez restreintes.
Dans ce chapitre, les bases neuro-anatomiques et fonc-tionnelle du système oculomoteur central seront abordées, puis les différentes anomalies du contrôle central du regard. L'examen des différents types de mouvements oculaires est abordé dans la fiche examen clinique oculomoteur.
Bases neuro-anatomiques et fonctionnelles du système oculomoteur central
La classification des différents types de mouvements oculaires est détaillée dans l'encadré 15-1
Encadré 15-1
Les différents types de mouvements oculaires
  • Fixation visuelle : elle maintient les images d'un objet d'intérêt stables sur la fovéa, lorsque la tête est stationnaire.
  • Réflexe vestibulo-oculaire : il maintient les images du monde environnant stables sur la rétine lors de déplacements de la tête.
  • Réflexe optocinétique : il maintient les images du monde environnant stables sur la rétine lors de déplacements de larges secteurs du panorama.
  • Poursuite : elle permet de maintenir sur la fovéa l'image d'un objet de petite taille se déplaçant relativement lentement dans l'environnement.
  • Réflexe oculo-céphalique : il permet de stabiliser le regard lors d'une rotation lente de la tête. Il implique le réflexe vestibulo-oculaire, le réflexe optocinétique, la poursuite et des voies de stabilisation issues de propriocepteurs cervicaux.
  • Saccades : elles orientent les yeux de manière à amener très rapidement l'image de l'objet d'intérêt sur la fovéa.
  • Phases rapides du nystagmus : elles recentrent les yeux dans l'orbite ou redirigent le regard vers la scène visuelle à venir après un mouvement oculaire lent.
  • Vergence (convergence ou divergence) : elle oriente les yeux dans une direction opposée dans le plan horizontal de manière à placer les images d'un objet simultanément sur les deux fovéas.
.
Organisation infranucléaire, internucléaire et nucléaire des mouvements oculaires binoculaires
Lorsque le regard se déplace dans un plan frontal, les deux yeux sont coordonnés par des mouvements de version . En revanche, lorsque le regard se déplace dans un plan sagittal (en profondeur), les mouvements oculaires ont un sens opposé : ce sont les mouvements de vergence . L'organisation des mouvements oculaires binoculaires horizontaux, verticaux ou torsionnels, en version ou en vergence, est complexe et repose sur des structures neuronales centrales différentes.
Mouvements oculaires horizontaux
Le noyau abducens (du VI) constitue, dans la protubérance, le centre assurant les mouvements de latéralité du regard (version horizontale). Il contient les neurones innervant le muscle abducteur (droit latéral) ipsilatéral par le biais du nerf abducens et les interneurones qui, de manière indirecte, permettent la contraction conjuguée du muscle adducteur (droit médial) de l'œil opposé (fig. 15-1a
Fig. 15-1
Circuits des mouvements oculaires horizontaux.a.Mouvements de latéralité du regard. Le noyau abducens est le centre assurant la conjugaison des mouvements oculaires horizontaux en version. Il contient les neurones innervant le muscle abducteur (droit latéral) du même côté et les interneurones qui de manière indirecte permettent la contraction du muscle adducteur (droit médial) de l'œil opposé. L'interneurone chemine dans le faisceau longitudinal médian (FLM) jusqu'au noyau oculomoteur controlatéral. b.Le noyau prémoteur de la convergence (aire supraoculomotrice) est situé très près des noyaux oculomoteurs: il projette des deux côtés sur les motoneurones assurant l'adduction au niveau des noyaux, puis, par les nerfs oculomoteurs, atteint les deux muscles droits médiaux, qui assurent la convergence.
Source: Vignal-ClermontC., TiliketeC., MiléaD. 2éd. Issy-les-Moulineaux: Elsevier; 2016.
). Les interneurones cheminent après décussation dans le faisceau longitudinal médian (FLM) jusqu'au noyau oculomoteur (du III) pour s'articuler avec les motoneurones du muscle droit médial controlatéral véhiculés dans le III. Ces noyaux, les interneurones du FLM et leurs efférences constituent la voie finale de tous les mouvements oculaires horizontaux de version (saccades, poursuite oculaire et ROC).
La commande de la vergence est organisée dans le mésencéphale, dans l'aire supraoculomotrice, localisée 1 à 2 mm en arrière des noyaux oculomoteurs (fig. 15-1b). Les neurones de cette aire projettent sur les motoneurones des deux muscles droits médiaux, dans les deux noyaux oculomoteurs (du III), pour la convergence et sur les motoneurones des deux muscles droits latéraux des noyaux abducens (du VI) pour la divergence.
Les atteintes de différentes parties de cette voie (noyau abducens et/ou FLM), avec préservation des voies de la convergence, constituent les principaux syndromes oculomoteurs horizontaux utiles à connaître en clinique.
Mouvements oculaires verticaux
Les mouvements oculaires verticaux sont essentiellement contrôlés par le mésencéphale, qui contient les noyaux oculomoteurs (du III) et les noyaux trochléaires (du IV). Ces deux noyaux et leurs nerfs constituent la voie finale de tous les mouvements oculaires verticaux et torsionnels (saccades, poursuite oculaire et ROC). Les nerfs oculomoteurs assurent la verticalité oculaire vers le haut en innervant les muscles droits supérieurs et obliques inférieurs, tandis que les nerfs oculomoteurs et trochléaires assurent la verticalité vers le bas, respectivement par le biais des muscles droits inférieurs et obliques supérieurs (fig. 15-2
Fig. 15-2
Organisation des mouvements oculaires verticaux.L'élévation du regard (à gauche) dépend des nerfs oculomoteurs issus des noyaux oculomoteurs(III) innervant les muscles droits supérieurs (DS) et obliques inférieurs(OI). L'abaissement du regard (à droite) dépend des nerfs oculomoteurs pour les muscles droits inférieurs(DI) et des nerfs trochléaires issus des noyaux trochléaires(IV) pour les muscles obliques supérieurs(OS). Les motoneurones innervant le muscle droit supérieur décussent au niveau même du noyau oculomoteur ; les neurones innervant le muscle oblique supérieur décussent en arrière du tronc cérébral.
). Le noyau du III est une structure localisée au niveau du tegmentum mésencéphalique, le long de la partie ventrale de la substance grise périacqueducale, s'étendant vers le haut au niveau de la commissure postérieure et vers le bas au niveau du noyau trochléaire. Le noyau du III envoie des fibres efférentes aux muscles droits médial, supérieur, inférieur, au muscle oblique inférieur, au releveur de la paupière supérieure et au sphincter de l'iris (et corps ciliaire). Toutes les projections du noyau du III sont ipsilatérales (dans le nerf III ipsilatéral) sauf pour les fibres du droit supérieur qui sont totalement croisées (dans la partie caudale du noyau du III) et innervent le droit supérieur controléral (dans le nerf III controlatéral) (voir fig. 15-2) et pour les fibres du releveur de la paupière qui sont soit croisées innervant le releveur de la paupière controlatéral (dans le nerf III controlatéral), soit ipsilatérales. Le noyau d'Edinger-Westphalchez l'homme ne contient pas les fibres préganglionnaires de la composante parasympathique du III, mais des neurones du système nerveux autonome servant la modulation de l'attention[3]. Les neurones parasympathiques permettant la constriction pupillaire sont localisés dans un réseau mal différencié se trouvant à la partie dorsale du noyau d'Edinger-Westphal de chaque côté de la ligne médiane. Ils prennent le nom de neurones pupillaires préganglionnaires du III (pIIIPG). La somatotopie dunoyau et du nerf III est schématisée dans la figure 15-3
Fig. 15-3
Somatotopie du noyau oculomoteur et du nerf oculomoteur.Dans le noyau oculomoteur, les fibres innervant la pupille(P) sont dans un réseau de neurones proche du noyau d'Edinger-Westphal, à la partie rostrale du noyau ; puis dans le sens rostrocaudal, on trouve les fibres innervant le droit médial (DM), le droit inférieur (DI), l'oblique inférieur (OI), le droit supérieur (DS) et de nouveau des fibres innervant leDM. Les fibres innervant le releveur de la paupière supérieure (RPS) sont issues du noyau caudal central unique et médian. Les fibres radiculaires du nerf oculomoteur s'étendent en éventail dans le sens rostrocaudal et médiolatéral à son émergence du noyau du III. Il existe une somatotopie des fibres, avec dans le sens rostrocaudal, les fibres innervant laP, le DI, le DM, le DS et le RPS, et dans le sens médiolatéral, les fibres innervant la P, le DI, le DM, le releveur de la paupière et le plus latéralement les fibres innervant le DS et l'OI. NIC: noyau interstitiel de Cajal ; riFML: noyau rostral interstitiel du faisceau longitudinal médian.
. Ces particularités somatotopiques entraînent un syndrome nucléaire oculomoteur aisément reconnaissable.
Les motoneurones émanant du noyau trochléaire décussent aussi (voir fig. 15-2) à leur émergence qui, exceptionnellement, a lieu à la partie dorsale du tronc cérébral.
Organisation supranucléaire et corticale de la motilité oculaire exploratoire : les saccades
Les saccades sont des mouvements oculaires rapides qui servent principalement à orienter le regard vers une cible ou un objet d'intérêt (voir encadré 15-1). Ces saccades mettent en jeu une circuiterie impliquant certaines régions du cortex frontal et pariétal, des voies descendantes passant par les noyaux gris centraux (NGC), le colliculus supérieur, le cervelet ou plus directement vers les structures de commande prénucléaire du tronc cérébral. Les structures de commande prénucléaire sont ensuite connectées aux différents noyaux oculomoteurs. On distingue différents types de saccades, déclenchés par des stimulations spécifiques (encadré 15-2
Encadré 15-2
Classification des saccades
  • Saccades volontaires ou intentionnelles : saccades réalisées vers un but déterminé en l'absence ou en présence d'une cible sensorielle (visuelle ou auditive). Elles peuvent être :
    • anticipées : saccades générées en anticipation ou à la recherche d'une cible allant apparaître dans le champ de vision
    • mémorisées : saccades réalisées vers un lieu où une cible a été précédemment présentée
    • antisaccades : saccades réalisées avec la consigne de regarder du côté opposé à une cible visuelle
    • sur commande : saccades réalisées sur consigne verbale
  • Saccades automatiques ou réactives (ou réflexes) : saccades déclenchées par l'apparition inattendue d'une nouvelle cible dans l'environnement visuel (paradigme «   step » ) ou auditif
  • Saccades expresses : saccades de très courte latence qui peuvent être induites quand la cible périphérique apparaît après disparition du point de fixation (paradigme «   gap » )
  • Saccades spontanées : saccades survenant en l'absence de toute consigne et de toute stimulation
  • Saccades d'exploration (de balayage) : saccades séquentielles réalisées pour explorer une scène visuelle complexe avec de multiples cibles (paradigme «   scanning » )
  • Phases rapides des nystagmus : recentrage automatique des yeux dans l'orbite lors d'une dérive lente de l'œil, produite par un nystagmus physiologique (vestibulaire ou optocinétique) ou pathologique
).
Commande supranucléaire des saccades
Deux classes de neurones du tronc cérébral représentent les structures majeures de la commande de tous les types de saccades : les cellules à bouffée ( burst neurons ) et les cellules «omnipauses ». Les cellules à bouffée sont directement responsables de la commande de la saccade au niveau des noyaux oculomoteurs: noyaux abducens (du VI) pour les saccades horizontales et noyaux oculomoteurs (du III) et trochléaires (du IV) pour les saccades verticales. Elles représentent donc l'étape immédiatement «supranucléaire ».
Pour les saccades horizontales, les cellules à bouffée sont localisées dans la formation réticulée pontique paramédiane (FRPP). Ces cellules déchargent préférentiellement pour les saccades ipsilatérales en se connectant et en activant le noyau abducens ipsilatéral (fig. 15-4
Fig. 15-4
Organisation supranucléaire des mouvements oculaires horizontaux.La commande prénucléaire des saccades (neurones à bouffée) est issue du noyau de la formation réticulée pontique paramédiane (FRPP), innervant le noyau abducens ipsilatéral. La commande prénucléaire du réflexe vestibulo-oculaire (et oculocéphalique) est issue du complexe des noyaux vestibulaires controlatéraux. FLM: faisceau longitudinal médian.
).
Pour les saccades verticales et torsionnelles, les cellules à bouffée sont localisées dans le noyau rostral interstitiel du faisceau longitudinal médian (riFLM ;fig. 15-5
Fig. 15-5
Organisation supranucléaire des saccades verticales.Pour les saccades verticales, les cellules à bouffée sont localisées dans le noyau rostral interstitiel du faisceau longitudinal médian (riFLM). Pour des raisons d'allègement des schémas, les voies sont représentées unilatéralement pour les mouvements d'élévation et d'abaissement, alors que leur stimulation doit être simultanée. a.Saccades vers le haut. Les neurones issus du riFLM se projettent bilatéralement sur les muscles élévateurs (DS: droit supérieur ; OI: oblique inférieur), par le biais de collatérales d'axones croisant au sein même du noyau oculomoteur (du III). b.Saccades vers le bas. Les projections du riFLMpour les saccades vers le bas restent ipsilatérales vers le sous-noyau du droit inférieur(DI) du III et le noyau duIV et permettent finalement l'innervation du droit inférieur ipsilatéral et de l'oblique supérieur(OS) controlatéral. Le riFLMinnerve le noyau de Cajal (NIC) ipsilatéral, qui participe au maintien du regard vertical (et au réflexe vestibulo-oculaire vertical et torsionnel). Le NIC projette bilatéralement sur les noyaux des nerfs oculomoteurs, empruntant la commissure postérieure pour les projections controlatérales. Pour les saccades vers le bas, la voie ipsilatérale a une fonction d'abaissement plus importante que la voie controlatérale.
). Ces cellules déchargent indifféremment pour les saccades vers le haut ou le bas, mais préférentiellement pour les saccades torsionnelles ipsilatérales. Chaque riFLM projette simultanément sur les motoneurones qui permettent de bouger les yeux dans la même direction (agonistes). Par exemple, pour les saccades vers le bas, un neurone à bouffée envoie des axones aux motoneurones innervant le droit inférieur d'un œil et l'oblique supérieur de l'autre œil ; pour les saccades vers le haut, un neurone à bouffée envoie des axones aux motoneurones innervant le droit supérieur d'un œil et l'oblique inférieur de l'autre œil. Cela explique pourquoi les saccades verticales sont plus conjuguées que les saccades horizontales (délai lié à l'interneurone dans le FLM). Un deuxième élément important concernant les cellules à bouffée du riFLM est que pour les saccades vers le haut, les neurones se projettent bilatéralement sur les muscles élévateurs, par le biais de collatérales d'axones croisant au sein même du noyau oculomoteur (du III). Les projections des cellules à bouffée pour les saccades vers le bas restent ipsilatérales et permettent finalement l'innervation du droit inférieur ipsilatéral et de l'oblique supérieur controlatéral. Cette organisation permet d'expliquer pourquoi une lésion unilatérale du riFLM peut induire un déficit des saccades vers le bas, en respectant les saccades vers le haut. Le riFLM projette également sur le noyau interstitiel de Cajal (NIC), relais important pour le système de maintien du regard excentré vertical (voir fig. 15-5). Le NIC est également une structure importante de relais et de traitement du réflexe vestibulo-oculaire (RVO) vertical et torsionnel (voir plus loin). Les projections du NIC, directes sur les noyaux du III et du IV, sont bilatérales pour les mouvements vers le haut et le bas, l'innervation controlatérale passant par la commissure postérieure. Pour les mouvements vers le bas, la projection ipsilatérale est plus importante que la projection controlatérale, expliquant une relative préservation des saccades vers le bas dans le cas de lésions de la commissure postérieure.
Les cellules omnipauses ont au contraire une activité tonique permanente inhibitrice sur les cellules à bouffée, qui disparaît lors de la réalisation d'une saccade. Lorsqu'une saccade est nécessaire, les cellules omnipauses sont elles-mêmes inhibées pour permettre l'activation des cellules à bouffée. Les cellules omnipauses sont localisées dans la formation réticulée pontique. Elles déchargent pour tous types de saccades, horizontales, verticales ou torsionnelles, ce qui justifie leur terminologie de neurones omnipauses.
Une atteinte de ces structures prémotrices (FRPP ou riFLM) spécifiques des saccades est à l'origine d'un syndrome supranucléaire se manifestant par un ralentissement ou une paralysie de toutes les classes de saccades (respectivement horizontales ou verticales), avec respect des autres types de mouvements oculaires. Une paralysie des saccades verticales vers le bas peut être expliquée par une atteinte bilatérale du riFLM, alors qu'une paralysie des saccades verticales vers le haut peut être expliquée par une lésion bilatérale du riFLM ou une lésion de la commissure postérieure.
Contrôle cortical et sous-cortical des saccades
Au niveau du cortex pariétal postérieur, le sillon intrapariétal (SIP), ou aire oculomotrice pariétale, est plus impliqué dans le contrôle des saccades dites « automatiques » ou «réactives », en réponse à une stimulation visuelle (ou auditive) inattendue (voir encadré 15-2). Le SIP active les structures du tronc cérébral après un relais obligatoire dans le colliculus supérieur (fig. 15-6
Fig. 15-6
Schéma des structures anatomiques impliquées dans le contrôle des saccades.Le sillon intrapariétal (SIP), ou aire oculomotrice pariétale, est plus impliqué dans le contrôle des saccades «réflexes » en réponse à une stimulation visuelle (ou auditive) inattendue, alors que l'aire oculomotrice frontale est plus impliquée dans le contrôle des saccades volontaires ou intentionnelles. Le colliculus supérieur participe à l'élaboration de commandes de saccades dirigées vers une cible visuelle, auditive ou cutanée. Les noyaux supranucléaires sont localisés au niveau du noyau rostral interstitiel du faisceau longitudinal médian (riFLM) pour les saccades verticales, et au niveau de la formation réticulée pontine paramédiane (FRPP) pour les saccades horizontales. Les neurones du colliculus supérieur sont soumis au contrôle inhibiteur des neurones de la substance noire pars reticulata, dont l'activité tonique spontanée diminue lors des saccades volontaires. Les régions du cervelet oculomoteur sont les lobules VI et VII du vermis postérieur (vermis oculomoteur), la partie caudale du noyau fastigial (NFc) sur laquelle ils se projettent et une partie des noyaux interposés.
Source: Vignal-ClermontC., TiliketeC., MiléaD. 2éd. Issy-les-Moulineaux: Elsevier ; 2016.
). Le cortex frontal est plus impliqué dans le contrôle des saccades intentionnelles ou auto-initiées. Trois aires frontales principales, dans chacun des deux lobes frontaux, sont impliquées dans le contrôle des saccades: l'aire oculomotrice frontale, l'aire oculomotrice supplémentaire et le cortex préfrontal dorsolatéral[4]. Cette dernière aire est impliquée spécifiquement dans l'inhibition des saccades réflexes, alors que l'aire oculomotrice frontale joue un rôle dans l'initiation de saccades volontaires, l'aire oculomotrice supplémentaire ayant un rôle dans la genèse de séquences de saccades plus ou moins complexes. Le cortex frontal commande la réalisation ou l'inhibition des saccades par des voies passant par le colliculus supérieur ou allant directement aux structures prémotrices du tronc cérébral. Les voies se dirigeant vers le colliculus supérieur peuvent être directes ou indirectes via le noyau caudé et la substance noire du mésencéphale.
Le colliculus supérieur participe à l'élaboration de la commande de saccades dirigées vers une cible, notamment visuelle. Les neurones du colliculus supérieur sont soumis au contrôle inhibiteur des neurones des NGC. Ces derniers interviennent surtout sur le contrôle des saccades volontaires, en particulier mémorisées, et de l'inhibition de saccades d'intrusion. Les régions du cervelet oculomoteur participant au contrôle des saccades sont les lobules VI et VII du vermis postérieur (vermis oculomoteur) et le noyau fastigial, sur lequel ils projettent (voir fig. 15-6). Le cervelet contrôle la précision et le freinage des saccades qui sont initiées et limite en outre l'intrusion de saccades.
Une atteinte corticale bilatérale touchant les aires oculomotrices ou leurs voies descendantes via les NGC est à l'origine d'un syndrome d'apraxie oculomotrice se manifestant par une difficulté ou une impossibilité à déclencher des saccades volontaires et/ou automatiques, avec un respect des phases rapides des nystagmus et des autres mouvements oculaires. Un dysfonctionnement des voies sous-corticales des saccades est surtout responsable de dysmétrie saccadique, d'hypométrie dans les lésions des NGC et du cervelet, d'hypermétrie uniquement dans les lésions cérébelleuses. Une atteinte de ces structures du contrôle cortical ou sous-cortical des saccades peut à l'inverse être à l'origine d'une instabilité oculaire sous la forme d'intrusions saccadiques.
Organisation centrale de la motricité oculaire de stabilisation
Différents systèmes oculomoteurs assurent selon les circonstances la stabilité oculaire permettant d'optimiser la fonction visuelle. L'œil peut être maintenu stable sur une cible en mouvement par le système de la poursuite oculaire. Lors de déplacements du sujet dans son environnement, les systèmes de stabilisation d'origine visuelle (tels le réflexe optocinétique et la poursuite) et d'origine vestibulaire (RVO) agissent de concert pour stabiliser le regard sur l'environnement visuel. Ces mouvements lents sont testés par le ROC (voir encadré 15-1). Leur réseau neuronal est en partie commun, notamment au niveau du cervelet vestibulaire et des noyaux vestibulaires.
Les systèmes de stabilisation d'origine visuelle : la poursuite oculaire et le réflexe optocinétique
Le système de la poursuite permet de maintenir stable sur la fovéa l'image d'une cible visuelle se déplaçant dans l'environnement visuel. Il permet aussi de stabiliser le regard sur certaines cibles de l'environnement lors des déplacements du sujet. Le système de la poursuite est assuré par une circuiterie neuronale représentée dans la figure 15-7
Fig. 15-7
Schéma des structures anatomiques impliquées dans le contrôle de la poursuite horizontale.Les informations rétiniennes de vitesse et de direction d'une cible mobile sont intégrées au niveau du cortex visuel, surtout au niveau de l'aire temporale médiane (middle temporal area [MT]). Ces informations sont ensuite véhiculées à l'aire temporale supérieure médiane (medial superior temporal area [MST]), l'aire oculomotrice frontale et les noyaux dorsolatéraux du pont (NDLP). L'aire MST combine le signal visuel au signal de vitesse de l'œil et envoie ces informations ipsilatéralement au NDLP. L'aire oculomotrice frontale est importante pour la programmation des mouvements prédictifs et l'initiation de la poursuite et projette indépendamment sur le NDLP ipsilatéral. Le NDLP contient une mixture de signaux visuels et oculomoteurs qui sont transférés au lobe flocculonodulaire et au vermis cérébelleux. Le cervelet joue un rôle critique dans la synthèse de ces informations et envoie des afférences directes ou après relais au niveau du noyau fastigial aux noyaux vestibulaires ipsilatéraux. Finalement, les signaux de poursuite oculaire sont transmis aux noyaux oculomoteurs à partir des noyaux vestibulaires.
Source: d'après Vignal-ClermontC., TiliketeC., MiléaD. 2éd. Issy-les-Moulineaux: Elsevier ; 2016.
. La poursuite oculaire peut devenir déficitaire, cliniquement sous la forme d'une perte du mouvement lent remplacé par des saccades de rattrapage ( catch-up saccades ), résultant en une poursuite dite saccadique. Son atteinte a peu de valeur topographique ou étiologique. Elle aide au diagnostic de syndrome supranucléaire lorsqu'elle est préservée par rapport aux saccades.
Le nystagmus optocinétique est aisément observable chez un passager regardant défiler le paysage lors d'un voyage en train. Il s'agit d'un mouvement de va-et-vient, composé d'une phase lente de poursuite, suivant le paysage, et d'une phase rapide (saccade) de retour. Ce nystagmus est induit par les mouvements de l'environnement visuel sur la rétine périphérique. Le système optocinétique partage de nombreuses structures avec le système de la poursuite oculaire et avec le système vestibulaire. L'examen clinique du nystagmus optocinétique est surtout utile à démontrer la persistance de phases rapides du nystagmus, par rapport aux autres saccades dans les tableaux d'apraxie oculomotrice ou dans les syndromes anorganiques. Son examen peut être également utile au diagnostic des nystagmus latents.
Le système de stabilisation d'origine vestibulaire : le réflexe vestibulo-oculaire
Le labyrinthe vestibulaire est une structure membraneuse, remplie de liquide endolymphatique, localisée dans l'os temporal en arrière de la cochlée (labyrinthe auditif). Il est constitué de trois canaux semi-circulaires (CSC), de l'utricule et du saccule (voir chapitre 23). Les CSC sont orientés horizontalement (CSC latéraux) ou verticalement (CSC antérieurs et postérieurs) et sont perpendiculaires l'un par rapport à l'autre. Les récepteurs de l'utricule et du saccule sont stimulés au cours des accélérations linéaires de la tête qui sont induites par les mouvements d'inclinaison ou de translation de la tête. Ces informations relatives aux mouvements de rotation, de translation et de position sont transmises au système vestibulaire central par le biais du nerf vestibulaire se terminant au niveau des noyaux vestibulaires dans le plancher du IVe ventricule, à la partie latérale de la jonction bulbopontique (voir fig. 15-4). Il existe de nombreuses interconnexions commissurales entre les deux noyaux vestibulaires. Certaines efférences des noyaux vestibulaires se dirigent vers les noyaux oculomoteurs (VI, IV et III) participant à l'élaboration du RVO. Ce dernier issu des CSC induit une rotation oculaire quasi simultanée, de direction identique mais de sens opposé à la rotation de la tête (fig. 15-8
Fig. 15-8
Réflexe vestibulo-oculaire.Le réflexe vestibulo-oculaire (RVO) produit un mouvement oculaire compensateur de vitesse proportionnelle à la vitesse de la tête, de direction opposée. Le but principal du RVO est de stabiliser les images du monde environnant sur la rétine en stabilisant au mieux le regard dans l'espace lors d'un mouvement de la tête. Il existe en permanence une activité sur les neurones vestibulaires primaires au repos. Lors d'une rotation horizontale de la tête, les neurones associés au canal latéral droit sont activés, alors que ceux associés au canal latéral gauche sont inhibés. C'est la balance d'activité au sein d'une paire de canaux qui constitue un signal de déplacement de tête.
Source: d'après Vignal-ClermontC., TiliketeC., MiléaD. 2éd. Issy-les-Moulineaux: Elsevier ; 2016.
). L'organisation du système lui permet d'induire des mouvements dans les trois plans de l'espace –horizontal, sagittal et frontal– qui seront à l'origine, en pathologie, essentiellement de nystagmus vestibulaires centraux. Le RVO issu des macules otolithiques répond à deux ordres de stimulation: les mouvements de translation et les inclinaisons statiques de la tête. Pour ces dernières, il induit un réflexe de contre-torsion oculaire lors d'une inclinaison statique de la tête dans le plan frontal, qui sera à l'origine, en pathologie, de la skew deviation et du syndrome de réaction d'inclinaison oculaire.
Pour les mouvements horizontaux (stimulation des CSC latéraux), les voies du RVO se dirigent vers le noyau abducens (VI) controlatéral (voir fig. 15-4), rejoignant la voie finale commune des mouvements de version horizontale.
Pour les mouvements verticaux et torsionnels, les voies du RVO se dirigent vers les noyaux du III et du IV et le NIC au niveau du mésencéphale (fig. 15-9
Fig. 15-9
Schéma des voies du réflexe vestibulo-oculaire (RVO) vertical et torsionnel.Pour des raisons d'allègement des schémas, les voies sont représentées unilatéralement pour les mouvements d'élévation et d'abaissement, alors que leur stimulation doit être simultanée. a.Élévation (stimulation des canaux semi-circulaires [CSC] antérieurs): les voies issues des noyaux vestibulaires empruntent essentiellement deux faisceaux: le faisceau longitudinal médian (FLM) et le tractus tegmental ventral (TTV). Ce dernier est issu des noyaux vestibulaires supérieurs et croise la ligne médiane à mi-hauteur du pont. Ces deux faisceaux innervent les sous-noyaux controlatéraux du droit supérieur (DS) et de l'oblique inférieur(OI) du noyau du III, permettant la contraction du DS ipsilatéral et de l'OI controlatéral. b.Abaissement (stimulation des CSC postérieurs): les voies issues des noyaux vestibulaires empruntent seulement le faisceau longitudinal médian pour innerver le noyau duIV controlatéral et les sous-noyaux du droit inférieur du III controlatéral. Cette voie permet la contraction du muscle droit inférieur (DI) controlatéral et de l'oblique supérieur (OS) ipsilatéral. c.Inclinaison statique de la tête (stimulation des utricules), les voies issues des noyaux vestibulaires empruntent le FLM pour innerver les noyaux duIV et du III controlatéraux, permettant la contraction de l'élévateur (DS) et de l'extorteur (OI) controlatéraux et de l'abaisseur (DI) et de l'intorteur (OS) ipsilatéraux. NIC: noyau interstitiel de Cajal ; riFLM: noyau rostral interstitiel du faisceau longitudinal médian.
). Pour les mouvements d'élévation et d'abaissement, la stimulation des CSC verticaux est simultanée (deux antérieurs ou deux postérieurs), permettant une activation bilatérale des voies du RVO et une contraction des quatre muscles agonistes élévateurs (droits supérieurs et obliques inférieurs) ou abaisseurs (droits inférieurs et obliques supérieurs). Pour les mouvements de torsion, la stimulation des CSC verticaux (antérieur et postérieur) ipsilatéraux à la rotation est simultanée, permettant une activation unilatérale des voies du RVO et une contraction des intorteurs ipsilatéraux et extorteurs controlatéraux. Deux différentes voies véhiculent les mouvements vestibulaires d'élévation : le FLM et le tractus tegmental ventral (TTV), alors que les mouvements d'abaissement n'empruntent que le FLM. Cette asymétrie est à l'origine de certains nystagmus battant vers le haut (voir chapitre 23). Enfin, pour la réponse à l'inclinaison statique de la tête (stimulation des utricules), les voies issues des noyaux vestibulaires empruntent le FLM pour innerver les noyaux du IV et du III controlatéraux, permettant la contraction de l'élévateur (droit supérieur) et de l'extorteur (oblique inférieur) controlatéraux et de l'abaisseur (droit inférieur) et de l'intorteur (oblique supérieur) ipsilatéraux. Les voies du RVO vertical et torsionnel issues du FLM envoient une collatérale au noyau interstitiel de Cajal. Ce noyau a un rôle important dans le contrôle du RVO statique et dynamique vertical et torsionnel (en dehors de son rôle de maintien du regard excentré).
Dans la vie quotidienne, le RVO sert à maintenir le regard stable dans l'espace malgré les déplacements et les secousses de la tête. En pathologie centrale, sa dysfonction se manifeste soit par un nystagmus vestibulaire central, soit par un tableau de skew deviation ou de réaction d'inclinaison oculaire (voir plus loin). Son examen aide au diagnostic de syndrome supranucléaire lorsqu'il est préservé par rapport aux saccades et/ou à la poursuite. Dans ce cas, il est évalué (dans le plan horizontal et/ou vertical) en testant le réflexe oculo-céphalique. Dans le cas de l'examen d'un syndrome vestibulaire (voir chapitre 23), il est évalué indépendamment des réflexes d'origine visuelle, en testant la réponse au head impulse test .
Paralysies et anomalies oculomotrices centrales
Les paralysies et anomalies oculomotrices centrales sont dues au déficit d'un ou de plusieurs types de mouvements oculaires, dans un ou plusieurs sens, et correspondent souvent à une atteinte topographique précise [2]. Elles concernent les mouvements horizontaux ou les mouvements verticaux. Il peut s'agir de paralysies oculomotrices, de ralentissement de saccades, d'anomalies de l'initiation des saccades, d'anomalies d'amplitude ou de direction des saccades ou encore d'intrusions de saccades. Ces dernières seront abordées dans le chapitre 23.
La fiche n°12 résume les principes généraux de l'examen des mouvements oculaires. Dans le cas d'une suspicion de paralysie oculomotrice centrale, l'examen oculomoteur doit être systématique et évaluer les saccades, la poursuite oculaire, le ROC et, dans le cas d'une paralysie horizontale, la convergence. La technique d'examen sera précisée dans les paragraphes suivants si nécessaire.
Syndromes oculomoteurs centraux horizontaux
Atteinte fasciculaire du nerf abducens
Une paralysie de l'abduction peut témoigner d'une atteinte des fibres radiculaires intrapontiques du nerf abducens dans leur trajet entre le noyau abducens et l'émergence du tronc cérébral (fig. 15-10
Fig. 15-10
Syndrome fasciculaire du VI.Atteinte des fibres fasciculaires intra-axiales du nerf abducens, responsable d'une paralysie d'abduction ipsilatérale. En rouge, la lésion ; en pointillé, les voies désactivées. FLM: faisceau longitudinal médian.
). L'atteinte peut rester purement oculomotrice et ne peut alors être distinguée sémiologiquement d'une atteinte du nerf périphérique, beaucoup plus fréquente. Cependant, si la lésion est relativement étendue, le syndrome comprend aussi une hémiplégie controlatérale dans le cadre d'un syndrome alterne. Les étiologies les plus fréquentes des paralysies de l'abduction d'origine centrale sont vasculaires après 50 ans (ischémie ou hémorragie), inflammatoires avant 50 ans (sclérose en plaques) ou tumorales.
Ophtalmoplégie internucléaire
L'ophtalmoplégie internucléaire (OIN) correspond à un déficit d'adduction d'un œil observé lors de mouvements conjugués en version des yeux, associé à un nystagmus de l'œil en abduction. Le côté de l'OIN est donné par le côté du déficit d'adduction. L'adduction demandée dans le cadre d'un mouvement de convergence est préservée. Le déficit d'adduction peut être partiel ou complet, ou ne se manifester que par un ralentissement de l'adduction par rapport à l'abduction, observé lors des saccades oculaires (vidéo 15-1). Dans ce dernier cas, la préservation de la dissociation avec la convergence est plus difficile à démontrer. L'OIN témoigne d'une atteinte du FLM ipsilatéral et donc des axones des neurones internucléaires, qui unissent le noyau abducens d'un côté au noyau oculomoteur opposé (fig. 15-11
Fig. 15-11
Ophtalmoplégie internucléaire (OIN) unilatérale.Atteinte du faisceau longitudinal médian (FLM) gauche entraînant une ophtalmoplégie internucléaire gauche. En rouge, la lésion ; en pointillé, les voies désactivées.
). L'OIN peut être unilatérale ou bilatérale, en lien avec une atteinte des deux FLM (proches l'un de l'autre, près de la ligne médiane) (vidéo 15-1). Lors d'une atteinte unilatérale, on peut observer une skew deviation controlatérale, par atteinte des voies du RVO statique passant dans le FLM (voir plus loin). Lors d'une atteinte bilatérale, on observe souvent un nystagmus vertical battant vers le haut dans le regard en haut, par atteinte du réseau de maintien du regard excentré vertical passant dans les FLM. Le syndrome appelé WEBINO ( wall-eyed bilateral internuclear ophthalmoplegia ) associe une OIN bilatérale à une exotropie [5]. Chez un sujet jeune, l'OIN est en général due à une sclérose en plaques, alors que chez un sujet plus âgé, les étiologies vasculaires prédominent. L'OIN dans la sclérose en plaques peut être une manifestation aiguë, responsable d'une diplopie, et le plus souvent régressive ou laissant un ralentissement d'adduction à type de séquelle. Elle peut également se manifester de manière insidieuse et chronique, de type WEBINO ou non, dans la forme progressive de la maladie. Dans ces cas, les patients se plaignent très rarement de diplopie. Des publications récentes font état de l'intérêt de la 4-aminopyridine (dalfampridine) pour améliorer la parésie d'adduction dans l'OIN [6].
Vidéo 15-1 Ophtalmoplégie internucléaire bilatérale.
Le diagnostic différentiel de l'OIN est la myasthénie ou une atteinte fasciculaire du nerf oculomoteur (III) mais, dans ce cas, d'autres signes d'atteinte du nerf sont souvent associés (voir plus loin). Dans ces deux cas d'atteinte infranucléaire, la paralysie de l'adduction est à tous les modes y compris lors de la convergence.
Paralysie de la latéralité du regard
Une paralysie de la latéralité du regard se manifeste par une paralysie ou une limitation de l'abduction d'un œil et de l'adduction de l'autre œil dans les mouvements de version horizontale. L'origine centrale de la paralysie de la latéralité doit être confirmée par la préservation de la convergence. Une paralysie de la latéralité témoigne d'une lésion pontique.
Syndrome nucléaire du noyau abducens
Le syndrome nucléaire du noyau abducens se manifeste par une paralysie de la latéralité du regard ipsilatéral, à tous les modes (saccades, poursuite et ROC) avec un respect de la convergence (fig. 15-12
Fig. 15-12
Paralysie de la latéralité oculaire droite.Atteinte du noyau abducens droit, avec paralysie de l'abduction droite et de l'adduction gauche. En rouge, la lésion ; en pointillé, les voies désactivées. FLM: faisceau longitudinal médian.
Source: Vignal-ClermontC., TiliketeC., MiléaD. 2éd. Issy-les-Moulineaux: Elsevier ; 2016.
et vidéo 15-2). Ce syndrome nucléaire est assez rare car il suppose une lésion relativement petite (vasculaire ou inflammatoire en général) limitée au noyau. Une paralysie faciale périphérique du même côté est cependant souvent associée car les fibres radiculaires du nerf facial passent à proximité immédiate du noyau abducens. Plus exceptionnellement, il peut être observé une paralysie bilatérale de la latéralité oculaire, avec respect de la convergence et des mouvements verticaux.
Vidéo 15-1
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm415.mp4
Syndrome un et demi de Fisher
Le syndrome un et demi de Fisher se manifeste par une paralysie de la latéralité oculaire et une OIN ipsilatérale (fig. 15-13
Fig. 15-13
Syndrome un et demi de Fisher.Lésion atteignant le noyau abducens droit et le faisceau longitudinal médian (FLM) droit: elle est responsable d'une paralysie d'abduction et d'adduction de l'œil droit et d'une atteinte de l'adduction de l'œil gauche. En rouge, la lésion ; en pointillé, les voies désactivées.
Source: d'après Vignal-ClermontC., TiliketeC., MiléaD. 2éd. Issy-les-Moulineaux: Elsevier ; 2016.
et vidéo 15-3). Dans ce cas, un œil ne peut plus bouger latéralement et l'autre ne peut bouger qu'en abduction lors de tous les mouvements conjugués latéraux, avec habituellement un nystagmus (monoculaire) en abduction. La convergence est préservée. Ce syndrome est moins rare que le précédent, et correspond à une atteinte plus étendue dans le tegmentum pontique, touchant à la fois le noyau abducens et le FLM du même côté. Les étiologies inflammatoires, vasculaires et tumorales prédominent.
Syndrome supranucléaire horizontal (syndrome de la FRPP)
Dans ces trois possibilités de dysfonction oculomotrice centrale horizontale (paralysie de la latéralité uni- ou bilatérale, syndrome un et demi de Fisher), l'atteinte peut être supranucléaire, par lésion limitée à la FRPP plus ou moins le FLM. Dans ce cas, la paralysie ne touche que les saccades avec un respect de la poursuite oculaire et du ROC (et de la convergence) (fig. 15-14
Fig. 15-14
Paralysie supranucléaire horizontale droite par atteinte de la formation réticulée pontique paramédiane (FRPP) droite.Lésion de la FRPP droite responsable d'une paralysie (ou ralentissement) des saccades vers la droite, avec préservation des autres mouvements oculaires (convergence, poursuite et réflexe oculocéphalique). En rouge, la lésion ; en pointillé, les voies désactivées. FLM: faisceau longitudinal médian.
et vidéo 15-4). Le tableau peut se manifester par une paralysie ou un ralentissement des saccades. Si le tableau est aigu, les étiologies sont les mêmes que pour le syndrome nucléaire du VI ou le syndrome un et demi de Fisher. Une paralysie des saccades horizontales et verticales aiguë a également été décrite après chirurgie cardiaque ou aortique chez certains patients (improprement dénommée apraxie oculomotrice). Une étude anatomoclinique récente suggère une souffrance ischémique des filets périneuraux ( perineural nets ) entourant et participant à la physiologie des neurones à bouffée de la FRPP ou du riFLM[7]. En dehors d'atteintes structurelles de la FRPP, un ralentissement des saccades horizontales est l'apanage d'affections dégénératives ou métaboliques comme la maladie de Gaucher ou les ataxies spinocérebelleuses autosomiques dominantes de type 2 ( spinocerebellar ataxia type   2 [SCA2] ;encadré 15-3
Encadré 15-3
Étiologies principales des ralentissements (ou paralysie) de saccade
Saccades horizontales
  • Ataxies spinocérébelleuses, surtout SCA2 (SCA7).
  • Maladie de Gaucher de type 3.
  • Lésions structurelles de la FRPP : ischémique, tumorale, inflammatoire.
  • Encéphalopathie de Gayet-Wernicke.
  • Maladie de Huntington (forme avancée de la maladie).
  • Maladie de Parkinson (forme avancée de la maladie).
Saccades verticales
  • Lésion structurelle du riFLM ou commissure postérieure : lésion ischémique, tumorale, inflammatoire ; hydrocéphalie.
  • Paralysie supranucléaire progressive (verticale > horizontale).
  • Maladie de Niemann-Pick de type C.
  • Maladie de Whipple.
Saccades horizontales et verticales
  • Maladie de Tay-Sachs.
  • Conséquence d'une chirurgie cardiaque ou aortique.
  • Benzodiazépines et autres sédatifs.
  • Paralysies périphériques des nerfs oculomoteurs, de la fonction neuromusculaire, des muscles extra-oculaires (ophtalmoplégie externe progressive) ou orbitopathie restrictive.
).
Vidéo 15-2
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm513.mp4
Vidéo 15-3
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm612.mp4
Vidéo 15-4
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm715.mp4
Déviations horizontales du regard
Des déviations horizontales du regard peuvent s'observer à plusieurs niveaux du système nerveux central, incluant le bulbe, le pont, le thalamus, les ganglions de la base et le cortex cérébral.
Déviations du regard par atteinte hémisphérique
Ces déviations impliquent les diverses aires et voies descendantes de contrôle de l'oculomotricité, surtout le cortex post-rolandique. Elles sont ipsilatérales et le plus souvent accompagnées d'une déviation de la tête du même côté et d'une négligence visuospatiale. Lors d'une lésion hémisphérique, la déviation horizontale du regard est le plus souvent temporaire, touche les mouvements oculaires saccadiques et de poursuite. En revanche, le ROC horizontal est respecté.
Déviation du regard par atteinte pontique
Une déviation horizontale du regard controlésionnelle par lésion pontique est liée à un syndrome nucléaire du VI ou de la FRPP (voir plus haut).
Latéropulsion oculaire et saccadique
Certains patients peuvent présenter une déviation tonique des yeux du côté de la lésion, en position primaire du regard et accentuée par la suppression de la fixation, d'autres une séméiologie dynamique lors des saccades, induisant une hypermétrie des saccades ipsilatérales, une hypométrie des saccades controlatérales et une déviation horizontale des saccades verticales ( vidéo 15-5). Ces syndromes de latéropulsion oculaire ou saccadique sont observés le plus souvent dans le syndrome de Wallenberg ou dans des lésions bulbaires caudales, cérébelleuses inférieures ou du pédoncule cérébelleux supérieur. Ils sont attribués à un trouble oculomoteur touchant un réseau de contrôle vestibulocérébelleux (latéropulsion oculaire) ou olivocérébelleux (latéropulsion saccadique), passant par le noyau fastigial.
Vidéo 15-5
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm818.mp4
Ésotropie non paralytique acquise ( divergence insufficiency )
Une ésotropie non paralytique peut être constatée chez certains patients sans étiologie spécifique. Elle peut s'observer dans des pathologies neurodégénératives, notamment les syndromes parkinsoniens et les ataxies cérébelleuses [8]. Une étude récente a démontré que ce tableau est 13 fois plus fréquent chez des patients présentant un syndrome cérébelleux, notamment en association avec un nystagmus des regards excentrés, que dans la population générale [9]. Il pourrait s'agir d'un symptôme oculomoteur cérébelleux orientant vers une atteinte du flocculus.
Dysmétries saccadiques
Certains patients peuvent présenter une dysmétrie marquée des saccades, notamment horizontales. L'hypométrie saccadique est fréquente et peu spécifique. Elle est observée notamment dans les lésions cérébelleuses ou des NGC. Une hypométrie sévère avec un aspect en marche d'escalier ( staircase saccades ) est l'apanage des troubles oculomoteurs associés à l'apraxie oculomotrice congénitale ou héréditaire dans le cadre d'ataxie cérébelleuse autosomique récessive (ataxie avec apraxie oculomotrice) ( vidéo 15-6) [10]. Une hypermétrie saccadique témoigne uniquement d'un dysfonctionnement cérébelleux et s'associe plus volontiers à un syndrome cérébelleux cinétique que statique.
Apraxie oculomotrice
L'apraxie oculomotrice a une définition assez large impliquant une difficulté à orienter le regard, principalement les saccades, lorsque le mouvement oculaire est sollicité volontairement ou délibérément. En revanche, les mouvements oculaires, et notamment les saccades, peuvent survenir aléatoirement dans d'autres conditions de l'action. Cette présentation clinique oriente vers un dysfonctionnement des structures de contrôle oculomoteur en amont des structures prémotrices (FRPP ou riFLM) du tronc cérébral, incluant les aires oculomotrices frontales et/ou pariétales ou leurs voies descendantes, les ganglions de la base, le cervelet et/ou le colliculus supérieur. Il existe deux phénotypes distincts : l'un survenant chez l'adulte avec lésion acquise aiguë ou dégénérative hémisphérique, l'autre survenant chez l'enfant et communément (mal) dénommé apraxie oculomotrice congénitale.
Apraxie oculomotrice par lésion acquise aiguë ou dégénérative hémisphérique
Dans ce phénotype, l'apraxie oculomotrice se manifeste par une difficulté ou une impossibilité à déclencher des saccades volontaires et/ou automatiques, avec un respect des phases rapides du nystagmus et des autres mouvements oculaires. Les lésions touchent bilatéralement le lobe frontal et/ou le lobe pariétal. Si les lésions touchent bilatéralement le lobe frontal en respectant le lobe pariétal, on peut observer des troubles des saccades volontaires, alors que les saccades réactives vers des cibles visuelles sont respectées [11]. L'examen clinique des saccades volontaires dans ce contexte se limite le plus souvent aux saccades sur commande (voir encadré 15-2) en demandant au sujet de regarder à droite puis à gauche ; lors de l'examen clinique des saccades réactives aux saccades visuellement guidées, il est demandé au sujet de regarder une cible (doigt) qu'on mobilise à certains moments. Dans le syndrome de Balint par atteinte pariétale postérieure bilatérale, le déficit des saccades réactives faites sur cibles visuelles (les saccades volontaires sur ordre étant respectées) s'associe à une négligence visuelle périphérique bilatérale, une atteinte de la poursuite oculaire, une ataxie optique (incoordination entre l'œil et la main, c'est-à-dire lors de la préhension d'un objet sous contrôle visuel). Ces lésions bilatérales peuvent être vasculaires, tumorales, infectieuses ou dégénératives.
Apraxie oculomotrice congénitale
Dans la description princeps de Cogan, le tableau est dominé par la secousse de la tête ( head thrust ) utilisée par les enfants pour compenser le défaut d'orientation du regard. Le trouble oculomoteur est principalement constitué de saccades hypométriques en marche d'escalier (voir vidéo 15-6), d'un déficit des phases rapides des nystagmus et d'une augmentation de latence des saccades avec présence de quelques saccades de survenue aléatoire. Ce trouble oculomoteur suggère une atteinte prédominante des colliculi supérieurs, du cervelet et des boucles cérébellocorticales de contrôle des mouvements oculaires. L'apraxie oculomotrice congénitale peut être « idiopathique », souvent régressive et probablement développementale, et prend maintenant le nom de défaut précoce d'initiation des saccades( infantile onset saccade initiation failure )[12]. Elle peut également être acquise dans le cadre de pathologies comme le syndrome de Joubert, la maladie de Gaucher ou les ataxies cérébelleuses héréditaires (ataxie avec apraxie oculomotrice, ataxie-télangiectasie).
Troubles de la commande corticale saccadique
Des troubles de la commande corticale saccadique peuvent être discrets, non symptomatiques et recherchés à l'examen clinique. Dans le cas d'une atteinte de la fonction exécutive frontale, on observe une augmentation de latence des saccades volontaires (sur commande) et de nombreuses erreurs aux antisaccades ; dans le cas d'une atteinte de la fonction visuomotrice pariétale, on observe une augmentation de latences des saccades réactives visuellement guidées. Souvent, le déficit est infraclinique et peut justifier un enregistrement oculomoteur pour appuyer le diagnostic d'un syndrome (oculomoteur) frontal (diagnostic de dégénérescence lobaire frontotemporale, de paralysie supranucléaire progressive) ou pariétal (diagnostic de syndrome corticobasal) (voir fiche n° 30).
Mouvements oculaires verticaux
Une paralysie des mouvements oculaires verticaux d'origine centrale témoigne d'une lésion mésencéphalique.
Vidéo 15-6
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm912.mp4
Syndrome nucléaire du noyau trochléaire
Une atteinte du noyau trochléaire se manifeste par une paralysie dans le territoire du nerf trochléaire controlatéral, classiquement en association avec un syndrome de Claude Bernard-Horner ipsilatéral. Ce tableau clinique est très rare. Le syndrome fasciculaire du nerf trochléaire n'existe pas, car le noyau trochléaire est très proche de l'émergence du nerf.
Syndrome fasciculaire du nerf oculomoteur
Le nerf oculomoteur (III) innerve les muscles droits supérieur, inférieur, médial, oblique inférieur, releveur de la paupière et le sphincter de l'iris ipsilatéral. Les fibres radiculaires du nerf oculomoteur s'étendent en éventail dans le sens rostrocaudal et médiolatéral à son émergence du noyau du III (voir fig. 15- 3). Ces fibres peuvent être atteintes dans leur trajet intrapédonculaire, entre le noyau oculomoteur et leur émergence du tronc cérébral, en général par une lésion vasculaire ischémique (artères perforantes issues de la communicante postérieure). Une atteinte du faisceau rostral donnera une mydriase et un déficit du droit inférieur ; le tableau peut s'accompagner d'un tremblement ipsilatéral (noyau rouge) et/ou d'une paralysie de la verticalité du regard vers le haut constituant du syndrome un et demi vertical. Une atteinte du faisceau intermédiaire donnera un déficit du droit médial et de l'oblique inférieur ; le tableau peut s'accompagner d'un tremblement et ataxie ipsilatérale (noyau rouge et pédoncule cérébelleux supérieur) réalisant le syndrome de Benedikt. Une atteinte du faisceau caudal donnera un déficit du droit supérieur et du releveur de la paupière ; le tableau peut s'accompagner d'une ataxie cérébelleuse controlatérale (pédoncule cérébelleux supérieur après la décussation) réalisant le syndrome de Claude. Si le faisceau du III est atteint alors qu'il traverse le pédoncule cérébral, la paralysie du III s'accompagne d'une hémiplégie controlatérale, réalisant le syndrome de Weber.
Syndrome nucléaire du noyau oculomoteur
Le syndrome nucléaire du III peut revêtir diverses formes résumées dans l'encadré 15-4
Encadré 15-4
Diagnostic d'un syndrome nucléaire du
Diagnostic certain
  • Paralysie unilatérale du nerf III, associée à une paralysie controlatérale de l'élévation et à un ptosis bilatéral partiel.
  • Paralysie bilatérale du nerf III sans ptosis (avec ou sans mydriase).
Diagnostic possible
  • Paralysie bilatérale totale des nerfs III.
  • Ptosis bilatéral.
  • Paralysie isolée d'un muscle droit inférieur ou oblique inférieur (mais jamais devant une atteinte isolée du releveur de la paupière, du droit supérieur ou du droit médial).
. Il s'agit souvent d'une lésion vasculaire. Celle-ci est en général petite, peut être bilatérale et/ou peut épargner ou atteindre bilatéralement le noyau du releveur de la paupière ou l'innervation de la pupille, aux extrémités (inférieure et supérieure, respectivement) du noyau oculomoteur (voir fig. 15-3). Certains tableaux sont spécifiques, d'autres moins (voir encadré 15-4). Le tableau le plus classique et témoignant obligatoirement d'une lésion centrale est une paralysie du nerf oculomoteur ipsilatéral complète intrinsèque et extrinsèque, un abaissement tonique permanent de l'œil controlatéral qui accompagne une paralysie de l'élévation et un ptosis bilatéral partiel (fig. 15-15
Fig. 15-15
Syndrome nucléaire du noyau oculomoteur.a.Résumé des déficits oculomoteurs avec une atteinte du nerf oculomoteur plus ou moins complète ipsilatérale et une paralysie isolée de l'élévation controlatérale (en pointillé). Noter aussi l'hypotropie marquée caractéristique de l'œil controlatéral à la lésion, due à la désafférentation du muscle droit supérieur et au maintien de l'activité tonique normale du muscle droit inférieur. b.La lésion unilatérale (en rouge) du noyau oculomoteur (III) et, en pointillé, les voies désactivées expliquent que ce syndrome s'exprime sur les deux yeux avec des déficits moteurs différents. DI: droit inférieur ; DS: droit supérieur.
et vidéo 15-7). L'atteinte bilatérale de l'élévation est expliquée par le fait que les fibres des motoneurones du muscle droit supérieur sont issues du noyau controlatéral et passent dans le noyau ipsilatéral (voir fig. 15-15). Cette hypotropie marquée de l'œil controlatéral à la lésion est caractéristique et permet de faire le diagnostic dès l'inspection. Le ptosis partiel bilatéral est expliqué par une lésion touchant partiellement le noyau unique innervant les releveurs de la paupière, où les neurones ipsi- ou controlatéraux sont mélangés. Un ptosis bilatéral peut relever d'une atteinte isolée de ce noyau, mais n'est pas obligatoirement d'origine centrale. Une paralysie bilatérale du III, avec respect du releveur de la paupière, avec ou sans respect de la pupille, relève également obligatoirement d'une atteinte centrale. Une atteinte bilatérale du III est possiblement un syndrome nucléaire du III bilatéral. Une atteinte isolée de l'oblique inférieur ou du droit inférieur est possible ; cependant, en raison de l'innervation bilatérale issue des sous-noyaux du droit supérieur et du releveur de la paupière, et de la localisation multiple des neurones innervant le droit médial, une atteinte isolée du droit supérieur, du releveur de la paupière ou du droit médial ne peut pas relever d'une atteinte nucléaire du III.
Syndrome supranucléaire vertical et syndrome de Parinaud
Une paralysie supranucléaire verticale est définie par une paralysie ou un ralentissement des saccades verticales, à la fois vers le haut et le bas, ou le haut seulement, ou le bas seulement, avec respect des ROC verticaux dans tous les cas (fig. 15-16
Fig. 15-16
Paralysie supranucléaire verticale.Lésions responsables d'une paralysie supranucléaire verticale. a.Paralysie supranucléaire vers le haut et vers le bas ou vers le bas seulement par lésion bilatérale des noyaux rostraux interstitiels du faisceau longitudinal médian (riFLM). b.Paralysie supranucléaire vers le haut pouvant s'intégrer dans un syndrome de Parinaud par lésion au niveau ou proche de la commissure postérieure (CP). En rouge, les lésions ; en pointillé, les voies désactivées. DI: droit inférieur ; DS: droit supérieur ; NIC: noyau interstitiel de Cajal ; OI: oblique inférieur ; OS: oblique supérieur.
et vidéo 15-8) [13]. La poursuite verticale peut également être respectée. L'atteinte est située à la jonction mésodiencéphalique, où se situent les structures prémotrices (noyaux riFLM, NIC ou commissure postérieure) qui projettent sur les noyaux oculomoteurs. On rappelle que chaque riFLM innerve bilatéralement le noyau du III pour l'élévation, et unilatéralement pour l'abaissement (voir fig. 15-5). Le NIC participe au contrôle de la motricité saccadique verticale également, les voies passant par la commissure postérieure contrôlant surtout les saccades vers le haut.
Une paralysie des saccades vers le bas (ou des saccades vers le bas et le haut) est le plus souvent en lien avec une atteinte bilatérale du riFLM (voir fig. 15-16a). Une telle atteinte peut survenir dans le cadre d'un accident vasculaire cérébral du territoire des perforantes distales du tronc basilaire (l'artère de Percheron vascularise souvent
Vidéo 15-7
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm1014.mp4
Vidéo 15-8
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm1112.mp4
les deux riFLM) et s'accompagne le plus souvent de troubles de vigilance et de troubles mnésiques ( top of the basilar syndrome ), ou d'installation chronique comme dans la paralysie supranucléaire progressive (maladie de Steele-Richardson-Olszewski) ou la maladie de Niemann-Pick de type C (voir encadré 15-3). Une paralysie supranucléaire verticale vers le bas peut exceptionnellement témoigner d'une atteinte unilatérale du riFLM, avec des lésions s'étendant probablement au NIC.
Une paralysie supranucléaire verticale vers le haut témoigne le plus souvent d'une lésion unilatérale au niveau ou très près de la commissure postérieure (voir fig. 15-16b). Le plus souvent, il s'agit cependant d'une paralysie de la verticalité du regard à tous les modes (ou ne respectant que le ROC et le phénomène de Charles Bell), s'inscrivant dans le cadre d'un tableau clinique plus complexe appelé syndrome de Parinaud (ou syndrome prétectal ou syndrome mésencéphalique dorsal). Les différentes manifestations du syndrome de Parinaud sont répertoriées dans l'encadré 15-5
Encadré 15-5
Éléments cliniques composant le syndrome de Parinaud (prétectal) d'après
  • Limitation du regard vers le haut :
    • paralysie supranucléaire (respectant ROC et phénomène de Charles Bell) ;
    • limitation de tous les mouvements oculaires vers le haut.
  • Dissociation des mouvements oculopalpébraux ; rétraction palpébrale (signe de Collier), ptosis (rare).
  • Perturbation des mouvements vers le bas :
    • déviation du regard vers le bas (signe du coucher de soleil) ;
    • nystagmus battant vers le bas ;
    • déficit des saccades et de la poursuite avec préservation du ROC.
  • Perturbation des mouvements de vergence :
    • nystagmus retractorius ;
    • paralysie de convergence ;
    • spasme de convergence ;
    • paralysie de divergence ;
    • exotropie en A ou V ;
    • pseudoparalysie du VI.
  • Ondes carrées.
  • Skew deviation.
  • Anomalies pupillaires : signe d'Argyll-Robertson.
. Elles peuvent être secondaires à une lacune, une lésion inflammatoire, une tumeur de la région pinéale ou une hydrocéphalie.
Le tableau très rare de parésie monoculaire de l'élévation, avec persistance du phénomène de Bell (élévation automatique de l'œil à la fermeture des paupières), signe une atteinte supranucléaire, avec une lésion située très près du noyau oculomoteur. Des tableaux de syndrome un et demi verticaux ont été également décrits avec des lésions de cette région : il s'agit soit d'une paralysie de tous les mouvements vers le bas et d'une atteinte de l'élévation d'un seul œil, soit d'une paralysie d'élévation et d'une atteinte sélective de l'abaissement d'un œil.
Un enregistrement oculomoteur peut être utile au diagnostic de ces affections quand le ralentissement est discret (voir fiche n° 30) ; il peut notamment être un outil diagnostique de la paralysie supranucléaire progressive.
Skew deviation
La skew deviation est une divergence statique verticale non paralytique de la position des yeux, dont le côté par convention est donné par l'œil le plus bas (voir fiches n° 28 et n°29). Elle témoigne d'une atteinte des voies vestibulo-oculaires verticales (fig. 15-17
Fig. 15-17
Skew deviation.a.Patient présentant une skew deviation gauche. b.Schéma représentant les différentes lésions (en rouge) des voies du réflexe vestibulo-oculaire vertical, pouvant être responsable d'une skew deviation ou d'une réaction d'inclinaison oculaire gauche. Il n'y a pas de paralysie oculomotrice mais un strabisme vertical non paralytique. L'atteinte est ipsilatérale (œil en hypotropie) dans les lésions du labyrinthe vestibulaire(1), du nerf vestibulaire(2) ou des noyaux vestibulaires(3, syndrome de Wallenberg). L'atteinte est controlatérale dans les lésions du faisceau longitudinal médian ou FLM(4) –accompagnée d'une ophtalmoplégie internucléaire–ou du noyau interstitiel de Cajal (NIC ; 5).
). Elle peut être unilatérale, isolée, mais elle est le plus souvent associée à une torsion oculaire, une inclinaison de la tête et une inclinaison de la perception de la verticale subjective du côté de l'œil le plus bas (alors en excyclotorsion), réalisant la réaction d'inclinaison oculaire. La skew deviation a également la particularité de diminuer en position couchée, ce qui aide (avec l'excyclotorsion de l'œil le plus bas) au diagnostic différentiel avec une paralysie dans le territoire de l'oblique supérieur[14]. La skew deviation ou la réaction d'inclinaison oculaire sont induites par une lésion à tous les étages des voies du réflexe vestibulo-oculaire vertical et/ou torsionnel canalaire ou otolithique partant de l'organe périphérique et allant jusqu'aux noyaux oculomoteurs mésencéphaliques, incluant également le cervelet. En pathologie centrale, la skew deviation ou la réaction d'inclinaison oculaire peuvent s'observer notamment dans le syndrome de Wallenberg par atteinte des noyaux vestibulaires, en association avec une ophtalmoplégie internucléaire dans les lésions du faisceau longitudinal médian, dans les lésions incluant le NIC du mésencéphale ou encore dans les lésions cérébelleuses.
Il a été rapporté des formes paroxystiques de skew deviation ou de réaction d'inclinaison oculaire ipsilésionnelles à une lésion mésencéphalique. Il s'agirait de phénomènes d'hyperexcitabilité dans les voies du réflexe vestibulo-oculaire d'origine otolithique. Dans ce dernier cas, les symptômes partagent des caractéristiques communes avec le nystagmus à bascule ( see-saw nystagmus ). Une skew deviation alternante, observée uniquement dans les regards latéraux, l'œil abducteur étant hypotropique, est décrite dans les lésions prétectales et surtout cérébelleuses [15].
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