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Chapitre 23
Oscillopsies : nystagmus et autres instabilités oculaires

C. Tilikete

Points importants
  • L'analyse clinique (parfois complétée par l'oculographie) permet de caractériser les différents types de nystagmus et de les différencier des autres instabilités oculaires.
  • La connaissance des trois mécanismes principaux assurant la stabilité oculaire permet de comprendre la physiopathologie des principales formes acquises des mouvements oculaires anormaux.
  • Ces mouvements oculaires anormaux ont une valeur sémiologique essentielle, permettant d'orienter vers le diagnostic topographique et/ou étiologique et parfois de proposer une prise en charge thérapeutique pharmacologique.
Quoi de neuf ?
  • Les intrusions saccadiques ont fait l'objet d'une revue intéressante [1], permettant de catégoriser les différentes anomalies oculomotrices en sept types différents :
    • avec intervalle intersaccadique : ondes carrées, ondes carrées géantes, oscillations macrosaccadiques et pulsations saccadiques ;
    • sans intervalle intersaccadique : doubles pulsations saccadiques, flutter et opsoclonus.
  • L'aspect et la physiopathologie du nystagmus pendulaire sont différents dans la sclérose en plaques et le tremblement oculopalatin. Néanmoins, dans ces deux étiologies, le nystagmus peut répondre aux mêmes traitements que sont la gabapentine et la mémantine.
  • Une revue récente sur le tremblement oculopalatin permet de rassembler deux étiologies différentes de ce syndrome : symptomatique d'une lésion du tronc cérébral ou du cervelet, ou dans le cadre d'une ataxie cérébelleuse progressive. Dans ces deux cas de mécanisme probablement très différent, ce syndrome fascinant est associé à un hypersignal de l'olive bulbaire.
  • Un grand progrès a été réalisé dans les critères cliniques oculomoteurs évoquant l'origine centrale du syndrome vestibulaire devant un grand vertige aigu. Il s'agit du HINTS : analyse du Head Impulse test , recherche d'un Nystagmus et Test de Skew deviation .
  • Dans les traitements des mouvements oculaires anormaux, les nouveautés suivantes sont à signaler :
    • la 4-aminopyridine peut améliorer le score d'ataxie posturale en même temps que le nystagmus vertical battant vers le bas ;
    • deux nouveaux essais contrôlés en croisés confirment l'intérêt de la gabapentine et de la mémantine dans les nystagmus pendulaires ;
    • la mémantine peut être un traitement de deuxième ligne pour le nystagmus alternant périodique et pour les oscillations saccadiques ;
    • l'amantadine peut être intéressante dans le traitement du nystagmus alternant périodique.
L'oscillopsie correspond à une perception erronée d'une instabilité de la scène visuelle, décrite comme un mouvement de va-et-vient ou de ressaut, associée le plus souvent à une dégradation de l'acuité visuelle [2]. Une oscillopsie témoigne le plus souvent d'une instabilité oculaire liée à un mouvement oculaire anormal ou à un défaut du réflexe vestibulo-oculaire. Les mouvements oculaires anormaux correspondent à un nystagmus, des intrusions ou oscillations saccadiques, des dérives oculaires non régulières ou encore un tremblement paroxystique monoculaire. Une instabilité oculaire secondaire à une cécité ou de développement infantile ne s'accompagne pas d'oscillopsie. Ce chapitre traitera donc essentiellement des mouvements oculaires anormaux acquis et symptomatiques. Il ne traitera pas des nystagmus infantiles, des mouvements oculaires développés dans le cadre de la malvoyance, ni de ceux observés dans le cadre des comas.
Les différents types de mouvements oculaires anormaux acquis
Un mouvement oculaire anormal est une instabilité oculaire qui peut correspondre à un nystagmus, des intrusions ou oscillations saccadiques, des dérives oculaires non régulières ou encore un tremblement paroxystique monoculaire.
Un nystagmus est défini par une alternance de mouvements oculaires de va-et-vient, initié par un mouvement oculaire lent (fig. 23-1
Fig. 23-1
Schéma récapitulant la forme des principaux types de mouvements oculaires anormaux.Un nystagmus à ressort est constitué d'une phase lente suivie d'une saccade de retour, la phase rapide. Par définition, il bat du côté de la phase rapide. Un nystagmus pendulaire n'est constitué que de phases lentes. Contrairement aux nystagmus, les intrusions et oscillations saccadiques ne sont constituées que par des phases rapides. Ne sont représentées ici que des ondes carrées simples ou géantes et un flutter.
). Un nystagmus à ressortest constitué d'une phase lente suivie d'une saccade de retour, la phase rapide. Par définition, il bat du côté de la phase rapide. Un nystagmus pendulaire n'est constitué que de phases lentes. En dehors de sa forme à ressort ou pendulaire, l'examen clinique d'un nystagmus doit déterminer :
  • sa direction : horizontale, verticale ou torsionnelle ;
  • son sens de battement pour les nystagmus à ressort : à droite ou à gauche, en haut ou en bas, torsion horaire ou antihoraire (selon la direction du pôle supérieur de l'œil) ;
  • sa fréquence : lente ou rapide, et sa régularité pour les nystagmus pendulaires ;
  • son caractère conjugué ou non ;
  • l'effet de la direction du regard, de la fixation visuelle et de différentes positions de la tête sur sa vitesse et sa direction.
Contrairement aux nystagmus, les intrusions saccadiques sont des mouvements oculaires anormaux constitués de saccades conjuguées sur les deux yeux et de va-et-vient plus ou moins réguliers (fig. 23-1). Il s'agit de saccades inappropriées et générées spontanément qui interrompent la fixation oculaire. Elles constituent un spectre de mouvements anormaux allant de petites intrusions peu fréquentes à des oscillations oculaires plus larges et plus ou moins continues. La différence entre une phase lente et une phase rapide est le plus souvent identifiable cliniquement, les phases rapides se distinguant surtout par un aspect de ressaut de l'œil. Néanmoins, la distinction entre certaines oscillations saccadiques comme le flutter et certains nystagmus pendulaires rapides n'est pas toujours aisée et le recours à des enregistrements peut être nécessaire (fig. 23-2
Fig. 23-2
Enregistrement oculographique d'un mouvement oculaire anormal.Il existe un nystagmus pendulaire horizontal de haute fréquence et de basse amplitude, associé à un flutter constitué de salves de saccades horizontales sans délai intersaccadique.
).
Mécanismes des mouvements oculaires anormaux acquis
La perception optimale d'un objet d'intérêt suppose que l'image de cet objet se projette sur la fovéa de manière stable. En effet, dès que le mouvement d'une image sur la rétine dépasse une vitesse de 2,5 à 4 °/seconde, l'acuité visuelle se dégrade, ce d'autant plus que ce mouvement est ample et défovéalise l'image [3]. Différents systèmes oculomoteurs assurent une stabilité oculaire pour optimiser la fonction visuelle dans des circonstances diverses. Il s'agit des systèmes de fixation oculaire, de maintien du regard excentré et de stabilisation du regard lors de déplacements. Le dysfonctionnement de l'un ou l'autre de ces systèmes a pour conséquence une instabilité relative des images sur la rétine et leur éloignement de la fovéa, source d'une oscillopsie et d'une dégradation de l'acuité visuelle.
Système de fixation oculaire
Même dans des conditions de stabilisation totale de la tête, il est observé un certain nombre de mouvements oculaires miniatures produits involontairement lors de la fixation oculaire. Ces micromouvements sont qualifiés de bruit oculomoteur et comportent un tremblement de haute fréquence et de faible amplitude, des phénomènes de dérive lente et des microsaccades de moins de 0,1 ° (pour revue [4]). Ces mouvements sont de trop faible vitesse et de trop faible amplitude pour interférer avec la vision. De manière intéressante, ces mouvements ne sont pas non plus perçus, témoignant d'une capacité de notre système visuel à ignorer cette instabilité visuelle. La dérive de l'œil est accentuée dans l'obscurité, suggérant un mécanisme de contrôle inhibiteur par la vision. Le rôle principal que l'on attribue au système de fixation oculaire est de réduire les dérives lentes et le tremblement, probablement par un système de rétrocontrôle visuel détectant le mouvement de l'image sur la rétine, en grande partie commun avec le système de poursuite oculaire. Le système de fixation oculaire comporte cependant en plus un mécanisme central qui contrôle l'importance du bruit oculomoteur, indépendamment des conséquences visuelles de ce bruit. Le cervelet aurait un rôle majeur dans le contrôle inhibiteur de l'émission de ce bruit oculomoteur. L'inhibition de microsaccades au cours de la fixation oculaire pourrait dépendre non seulement du contrôle inhibiteur cérébelleux mais également du cortex frontal et des noyaux gris centraux. Un déficit de ce système de fixation génère les nystagmus et dérives observés dans le cadre de la cécité (ne s'accompagnant pas d'oscillopsie), certains nystagmus pendulaires acquis, et les intrusions ou oscillations saccadiques .
Système de maintien du regard excentré
Les globes oculaires sont maintenus dans l'orbite par les muscles oculomoteurs et les tissus graisseux orbitaires, réalisant une résistance visco-élastique qui tend à maintenir l'œil en position primaire. Lors d'un mouvement amenant l'œil en position excentrée dans l'orbite, l'innervation des neurones oculomoteurs doit s'adapter à ces caractéristiques physiques, de manière à vaincre la résistance des tissus orbitaires au cours du mouvement et ensuite au cours du maintien en position excentrée. La commande oculomotrice comporte ainsi une décharge en salve de potentiels d'action (commande de vitesse) des neurones oculomoteurs pour assurer une contraction phasique des muscles oculomoteurs permettant le mouvement oculaire (fig. 23-3
Fig. 23-3
Système de stabilisation oculaire excentrée.La commande oculomotrice comporte une bouffée de décharge des neurones oculomoteurs (tracé bleu de la décharge des neurones) pour assurer une contraction phasique des muscles oculomoteurs permettant le mouvement oculaire (tracé bleu du déplacement oculaire) et une décharge neuronale durable pour assurer une contraction tonique et le maintien de la position (tracés rouges). La commande tonique des nerfs oculomoteurs est assurée par des neurones intégrant (au sens mathématique du terme) la commande de vitesse en commande de position : l'intégrateur neuronal. Le déficit d'intégration conduit à un retour de l'œil en position primaire (trait en pointillé gris), alors qu'une instabilité dans le système conduit à une oscillation oculaire (trait plein gris).
). Cette commande est suivie d'une décharge neuronale durable (commande de position) pour assurer une contraction tonique et le maintien de la position. La commande de position est assurée par des neurones intégrant au sens mathématique du terme la commande de vitesse en commande de position : on parle d'intégrateur neuronal. Les structures nerveuses impliquées dans cet intégrateur neuronal sont dispersées dans le tronc cérébral et le cervelet : elles impliqueraient plus particulièrement le noyau prepositus hypoglossi au niveau du bulbe pour les mouvements oculaires horizontaux et le noyau interstitiel de Cajal au niveau mésencéphalique pour les mouvements oculaires verticaux. Diverses données suggèrent enfin que cet intégrateur est imparfait et nécessite un rétrocontrôle cérébelleux de son gain par le cervelet vestibulaire (flocculus et nodulus).
Un dysfonctionnement du réseau d'intégration neuronale résultant d'un gain insuffisant est à l'origine du nystagmus des regards excentrés. Par ailleurs, un gain trop élevé peut résulter en une instabilité dans cette boucle de contrôle feedforward et induire une oscillation se manifestant par un nystagmus pendulaire . C'est une des explications du nystagmus pendulaire observé dans la sclérose en plaques (SEP).
Système de stabilisation du regard en mouvement
Lors de nos déplacements, plusieurs systèmes oculomoteurs sont actifs pour maintenir fixe notre regard dans l'espace. C'est la condition sine qua non du maintien d'une acuité visuelle optimale. Ces systèmes ont été développés dans le chapitre 15 . Certains mouvements de stabilisation sont déclenchés visuellement, par le biais d'un système détectant un glissement d'image sur la rétine : la poursuite oculaire et le nystagmus optocinétique. Leur dysfonctionnement participe à certains nystagmus et certaines dérives observés dans le cadre de la cécité (sans oscillopsie) et certains nystagmus pendulaires ou à ressort acquis. D'autres mouvements oculaires sont déclenchés par la stimulation des cellules neurosensorielles du labyrinthe vestibulaire. Il s'agit du réflexe vestibulo-oculaire (RVO). Un dysfonctionnement du système vestibulaire peut donc conduire à deux types de mouvements oculaires anormaux. Le premier est un nystagmus spontané à ressort, qui peut être d'origine périphérique ou centrale. Le deuxième est un déficit du RVO, conduisant à une mauvaise stabilisation du regard pendant les mouvements ou vibrations de la tête. C'est ce qui est observé dans les déficits vestibulaires périphériques unilatéraux ou plus souvent bilatéraux, au cours desquels les patients décrivent une oscillopsie pendant leurs déplacements, notamment à la marche. La plainte visuelle peut être au premier plan. Elle est souvent trompeuse chez un patient qui peut ne pas avoir eu de vertiges et de nystagmus spontané lors d'une atteinte bilatérale et pas d'ataxie importante. Le diagnostic est facilité par la « positivité » du head impulse test , qui confirme le déficit vestibulaire.
Autres causes d'instabilité oculaire
Une instabilité oculaire peut également être le témoin d'un phénomène d'hyperexcitabilité neuronale périphérique comme dans le cas de la myokimie de l'oblique supérieur. Elle peut également témoigner d'un trouble profond du contrôle central de la motricité oculaire, comme pour les bobbings et dippings observés dans les troubles de la vigilance et les comas.
Les différents types de nystagmus
Nystagmus vestibulaires
Un nystagmus vestibulaire pathologique peut être lié à une atteinte périphérique de l'organe ou du nerf vestibulaire, ou à une atteinte centrale touchant les voies vestibulo-oculaires du tronc cérébral et/ou du cervelet.
Nystagmus vestibulaire périphérique
Un nystagmus vestibulaire périphérique résulte d'une asymétrie d'activité dans les neurones émanant d'un ou de plusieurs couples de canaux semi-circulaires (fig. 23-4
Fig. 23-4
Syndrome vestibulaire périphérique.Lors d'une lésion touchant le nerf vestibulaire ou le labyrinthe vestibulaire, l'activité de repos des neurones vestibulaires disparaît. Puisque l'activité de repos persiste du côté sain, le système vestibulaire central reçoit une information équivalente à celle d'une rotation du côté sain. Cette balance pathologique d'activité constitue un faux signal de déplacement de tête et induit une rotation des yeux du côté atteint. Le nystagmus vestibulaire périphérique bat de ce fait du côté opposé à la lésion.
). Le nystagmus vestibulaire périphérique est un nystagmus à ressort dont la phase lente est linéaire, c'est-à-dire de vitesse constante pour une période donnée. Le nystagmus vestibulaire périphérique bat généralement du côté sain. Il est atténué ou inhibé par la fixation visuelle ; au contraire, il peut être révélé par la suppression de la fixation visuelle obtenue soit sous lunettes de Frenzel, soit au fond d'œil par masquage conjoint de l'œil controlatéral. Lors d'une atteinte déficitaire unilatérale du labyrinthe ou du nerf vestibulaire, un nystagmus horizonto-rotatoire est le plus communément observé, plus marqué lorsque le regard est dans la direction de la phase rapide ( vidéo 23-1). La direction de ce nystagmus ne s'inverse jamais en fonction de la position du regard. Dans le vertige paroxystique positionnel bénin, le nystagmus est vertico-rotatoire par hyperstimulation du canal semi-circulaire postérieur. En revanche, un nystagmus vestibulaire périphérique n'est jamais purement vertical ou purement torsionnel. Le nystagmus vestibulaire périphérique tend à disparaître en quelques jours par des phénomènes de compensation. Il n'est alors plus visible à l'inspection, même en l'absence de fixation visuelle. Du fait de son association avec des sensations vertigineuses et sa disparition rapide, il n'est qu'exceptionnellement la source d'oscillopsies.
Vidéo 23-1
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm1314.mp4
Nystagmus vestibulaire central
Un nystagmus vestibulaire central est expliqué par une asymétrie d'activité dans les voies centrales vestibulo-oculomotrices et/ou vestibulocérébelleuses. C'est essentiellement un nystagmus à ressort, la seule exception étant le nystagmus à bascule qui peut être pendulaire. Il est souvent associé à une atteinte des systèmes de poursuite oculaire, de fixation oculaire et de maintien du regard latéral et à d'autres signes neurologiques. Cette atteinte peut être indépendante des voies vestibulospinales et vestibulothalamiques et ne s'accompagner d'aucun trouble postural ou de vertige, ou de manière non congruente, réalisant un syndrome vestibulaire dysharmonieux. Il n'est habituellement pas inhibé par la fixation oculaire et persiste dans le temps. Il est donc très fréquemment la source d'oscillopsies. Il peut changer de direction en fonction de la direction du regard et être dysconjugué ( vidéo 23-2). En raison de l'organisation des voies vestibulo-oculaires centrales, un nystagmus vestibulaire central pourra être purement vertical ou torsionnel.
Vidéo 23-2
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm1419.mp4
La compréhension du mécanisme physiopathologique de certains nystagmus vestibulaires centraux et les implications étiologiques, topographiques et pharmacologiques qui en découlent, justifient à nos yeux de les détailler. Il s'agit des nystagmus verticaux, alternant périodique et à bascule.
Nystagmus verticaux
Les nystagmus centraux sont plus souvent verticaux qu'horizontaux. Cette fréquence reflète les différences fondamentales à la fois anatomiques et pharmacologiques entre les systèmes oculomoteurs centraux contrôlant des mouvements horizontaux et verticaux. Au niveau central, les voies vestibulo-oculaires verticales deviennent communes avec les voies de la poursuite verticale. Les voies transmettant les phases lentes vers le haut ou vers le bas se différencient anatomiquement. Les voies des phases lentes vers le haut emprunteraient deux circuits, le faisceau longitudinal médian et le tractus tegmental ventral central issu des noyaux vestibulaires supérieurs (complexe TTVC-NVS), alors que les voies des phases lentes vers le bas n'emprunteraient que le faisceau longitudinal médian [5]. Il existe de ce fait un déséquilibre fonctionnel entre ces deux voies qui tend à induire spontanément une phase lente vers le haut. Cette asymétrie est normalement contrôlée par les voies cérébelleuses issues du flocculus inhibant le TTVC-NVS. Le flocculus serait lui-même sous le contrôle inhibiteur de voies issues de noyaux bulbaires (noyau de Roller et/ou groupe cellulaire du tractus paramédian) recevant des informations vestibulaires. De ce fait, un nystagmus vertical serait toujours la résultante d'une atteinte du TTVC-NVS, soit battant vers le bas par hyperactivité résultant d'un déficit d'inhibition du flocculus, soit battant vers le haut par hypoactivité résultant d'une lésion focale du TTVC-NVS ou d'une lésion bulbaire (fig. 23-5
Fig. 23-5
Mécanismes des nystagmus verticaux.Les voies des phases lentes vers le haut emprunteraient spécifiquement le tractus tegmental ventral central issu des noyaux vestibulaires supérieurs (complexe TTVC-NVS). Cette voie, tendant à induire physiologiquement une phase lente vers le haut au repos, est normalement contrôlée par les voies cérébelleuses issues du flocculus. Le flocculus serait lui-même sous le contrôle inhibiteur de voies issues de noyaux bulbaires (noyau de Roller et/ou groupe cellulaire du tractus paramédian) et recevant des informations vestibulaires. Un nystagmus vertical serait toujours la résultante d'une atteinte du TTVC-NVS, soit battant vers le haut par hypoactivité résultant d'une lésion focale paramédiane du TTVC-NVS (A) ou d'une lésion bulbaire (B), soit battant vers le bas par hyperactivité résultant d'un déficit bilatéral d'inhibition du flocculus (C).
).
Nystagmus battant vers le bas
Le nystagmus battant vers le bas est l'un des nystagmus vestibulaires centraux les plus fréquents. Il est habituellement présent dans le regard primaire, mais est plus évident dans les regards latéraux, vers le bas ou en convergence ( vidéo 23-3). Il diminue dans le regard vers le haut. Il est fréquemment accentué par l'hyperventilation. Il peut s'associer à un nystagmus du regard excentré et dans ce cas la direction du nystagmus est oblique en bas à droite dans le regard vers la droite et en bas à gauche dans le regard vers la gauche. Il est également souvent associé à des troubles oculomoteurs cérébelleux à type de poursuite saccadée et d'absence d'inhibition par la fixation oculaire de la réponse vestibulo-oculaire.
Vidéo 23-3
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm1519.mp4
Ce nystagmus vestibulaire central a un intérêt diagnostique topographique et étiologique. Il témoigne essentiellement d'une dysfonction du cervelet vestibulaire (flocculus), le plus souvent dans le cadre d'une atteinte plutôt diffuse et non focale. Il est soit associé à un syndrome cérébelleux axial et/ou segmentaire, ou purement associé aux troubles oculomoteurs, détaillés ci-dessus, ou encore isolé. Il est très utile sur le plan du diagnostic topographique, aidant à orienter vers une atteinte cérébelleuse devant une ataxie peu spécifique, et conduisant à rechercher une lésion du cervelet vestibulaire même dans le cas d'une atteinte isolée. Les étiologiques les plus fréquentes de ce nystagmus sont les ataxies cérébelleuses dégénératives (notamment sporadique, spinocerebellar ataxia type 6 et ataxie épisodique familiale), la malformation de Chiari, et les étiologies toxiques et métaboliques (notamment intoxication au lithium, syndrome de Gayet-Wernicke). Les formes isolées idiopathiques sont fréquentes.
Nystagmus battant vers le haut en position primaire du regard
Il s'agit d'un nystagmus vestibulaire central relativement rare. Contrairement au nystagmus battant vers le bas, le nystagmus vertical battant vers le haut en position primaire du regard est accentué dans le regard vers le haut, mais n'est pas modifié dans les regards latéraux. Il peut également être influencé par les positions de la tête et notamment être supprimé en décubitus dorsal ( vidéo 23-4). Il est rapporté essentiellement dans les lésions focales paramédianes pontiques ou bulbaires (voir fig. 23-5), ou encore dans des affections métaboliques dont la plus fréquente est le syndrome de Wernicke [6,7]. Un cas récent décrit ce nystagmus dans le cadre du syndrome des anticorps anti-glutamate acide décarboxylase (anti-GAD) [8]. Il a donc un intérêt diagnostique topographique, devant faire rechercher des lésions focales du tronc cérébral avec des coupes IRM fines descendant assez bas sur le bulbe, et étiologique, justifiant un dosage et une supplémentation en vitamine B1 au moindre doute. Il doit être différencié du nystagmus battant vers le haut dans le regard vers le haut, associé au nystagmus du regard excentré (voir plus loin).
Vidéo 23-4
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm1619.mp4
Nystagmus alternant périodique
Le nystagmus alternant périodique est un nystagmus central rare, horizontal, présent en position primaire du regard, qui change de direction environ toutes les 2 minutes. Il est responsable d'oscillopsies sauf pendant la période d'arrêt transitoire du nystagmus ( vidéo 23-5). Il est la conséquence de lésions médianes basses du cervelet, impliquant le nodulus et l'uvula. En effet, cette partie du vermis cérébelleux est impliquée dans le contrôle inhibiteur GABAergique de la durée du nystagmus vestibulaire (système de stockage de vitesse). En cas de lésion, la perte de cette inhibition induit une prolongation du nystagmus vestibulaire, puis par des mécanismes d'habituation vestibulaire, une instabilité dans le système vestibulaire, aboutissant à une oscillation de fréquence stable. La localisation cérébelleuse de la lésion empêche les mécanismes de suppression visuelle d'inhiber ce nystagmus qui reste présent en permanence.
Vidéo 23-6
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm1816.mp4
Son intérêt sémiologique réside dans sa spécificité topographique, témoignant d'un dysfonctionnement de la partie médiane du cervelet vestibulaire, le nodulus. Les atteintes cérébelleuses les plus communément responsables de ce nystagmus sont les dégénérescences cérébelleuses, la malformation de Chiari et les accidents vasculaires cérébraux.
Nystagmus à bascule
Le nystagmus à bascule ( see-saw nystagmus ) est une forme rare de nystagmus central, composé d'un cycle d'élévation et d'intorsion d'un œil et de dépression et d'extorsion synchrone de l'autre œil ; ce cycle est suivi d'un autre en sens inverse. Il peut se présenter sous deux formes différentes, qu'il est important de reconnaître pour leur spécificité topographique : la forme pendulaire et la forme à ressort.
Dans sa forme pendulaire, il est généralement la conséquence d'une lésion chiasmatique (gliome) ou plus souvent suprachiasmatique (craniopharyngiome) (fig. 23-6
Fig. 23-6
Nystagmus à bascule.Ce patient âgé de 70 ans a été opéré il y a plusieurs années d'un craniopharyngiome. Il garde de manière séquellaire une hémianopsie bitemporale (a). Il consulte pour l'apparition d'un trouble visuel, en lien avec un nystagmus à bascule. La présence de ce nystagmus justifie la réalisation d'une nouvelle IRM, démontrant une récidive du craniopharyngiome (b).
), et systématiquement associé à une hémianopsie bitemporale [4]. Il est également décrit comme nystagmus congénital, en association avec des anomalies de développement chiasmatique comme l'achiasmie congénitale.
Dans sa forme à ressort ( vidéo 23-6), la seconde partie du cycle est composée d'une phase rapide. Il s'agit dans ce cas d'une forme vestibulaire centrale de nystagmus, proche de la réaction d'inclinaison oculaire, décrite dans des lésions restreintes au mésencéphale (noyau interstitiel de Cajal). Dans ce cas, il n'y a pas d'atteinte du champ visuel.
Vidéo 23-5
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm1716.mp4
Nystagmus du regard excentré
Le maintien du regard excentré utilise un réseau neuronal faisant intervenir le cervelet et le tronc cérébral appelé intégrateur de position (fig. 23-3). Lorsque celui-ci est défaillant, le maintien du regard excentré est défectueux, l'œil dérivant vers la position primaire et des phases rapides le ramenant en position excentrée. Il se manifeste donc par un nystagmus battant dans la direction du regard, à droite dans le regard droit, à gauche dans le regard gauche, en haut dans le regard en haut, et plus exceptionnellement en bas dans le regard en bas du fait de la faible excentration possible vers le bas ( vidéo 23-7). Après maintien du regard en position excentrée, le retour du regard vers le centre peut entraîner quelques secousses d'un nystagmus qui bat du côté opposé, appelé nystagmus à rebond. Il peut être purement vertical dans le regard en haut et doit être différencié du nystagmus battant vers le haut en position primaire du regard. Il doit être différentié du nystagmus physiologique observé dans les regards extrêmes, dépendant de l'état de fatigue, de la position et de la durée de l'excentration.
Vidéo 23-7
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm1914.mp4
Le nystagmus du regard excentré n'a pas une valeur topographique précise, puisqu'il peut être observé comme conséquence d'une imprégnation alcoolique ou médicamenteuse, notamment avec l'ensemble de la gamme des psychotropes. Dans les pathologies neurologiques, il est rarement isolé et est observé lors de lésions structurelles ou métaboliques du cervelet vestibulaire et/ou de ses connexions avec certains noyaux du tronc cérébral [9]. Le nystagmus du regard excentré est surtout intéressant quand il est associé à un syndrome vestibulaire aigu puisqu'il oriente vers une étiologie centrale (plus souvent vasculaire). Dans ce cas, il doit être différencié du nystagmus vestibulaire périphérique qui peut battre uniquement du côté de l'excentration du regard mais qui ne s'inverse pas dans le regard controlatéral. Un nystagmus purement vertical dans le regard en haut est le plus souvent en lien avec une atteinte bilatérale du faisceau longitudinal médian en association avec une double ophtalmoplégie internucléaire.
Nystagmus pendulaire
Un nystagmus pendulaire réalise une oscillation oculaire régulière constituée de phases lentes. Il répond à trois mécanismes distincts principaux : la déprivation visuelle, la SEP et le tremblement oculopalatin. Le diagnostic différentiel principal est le nystagmus pendulaire congénital qui n'induit peu ou pas d'oscillopsie. Le nystagmus pendulaire acquis est plus souvent vertical et torsionnel, aboutissant parfois à une figure elliptique. Ces oscillations peuvent être disconjuguées, disjonctives et occasionnellement monoculaires. Les nystagmus par déprivation visuelle ne sont pas abordés dans ce chapitre, compte tenu de l'absence d'oscillopsie.
Nystagmus pendulaire de la sclérose en plaques
Le nystagmus pendulaire observé dans la SEP est remarquable et spécifique par sa rapidité, aux alentours de 4 Hz, allant parfois jusqu'à 8 Hz, et sa faible amplitude ( vidéo 23-8) [10]. Il peut parfois être difficile à distinguer à l'œil nu ou apparaître comme une vibration oculaire de très haute fréquence (fig. 23-2). L'examen du fond d'œil peut être utile à sa détection si le patient se plaint d'une oscillopsie et si l'examen oculaire ne montre pas d'instabilité patente. Il est le plus souvent conjugué et horizontal mais peut cependant être vertical, disconjugué ou unilatéral. Il est souvent associé à une ophtalmoplégie internucléaire bilatérale ou à une neuropathie optique. Il est surtout observé dans les formes progressives et dans ce cas associé à des signes cérébelleux.
Vidéo 23-8
https://www.em-consulte.com/ecomplementfile/476383/emm2019.mp4
Une première théorie suppose que l'oscillation oculaire serait induite par un délai du feedback visuel. L'observation de neuropathies optiques associées au nystagmus pendulaire et d'une corrélation entre l'amplitude du nystagmus et la sévérité de la neuropathie optique est à l'origine de cette hypothèse (fig. 23-7
Fig. 23-7
Nystagmus pendulaire de la sclérose en plaques.Cette patiente âgée de 50 ans présente une SEP évoluant depuis 12 ans. Elle a présenté une névrite optique gauche dans l'évolution de sa maladie, laissant persister un déficit visuel. Depuis 4 ans, est apparu un nystagmus pendulaire de l'œil gauche (a), parallèlement à l'installation d'un syndrome ataxique progressif. L'apparition du nystagmus pendulaire a concordé avec le passage à une forme progressive. Ce nystagmus est expliqué par les séquelles de neuropathie optique bilatérale prédominant à gauche, visible sur le champ visuel déshabité (b), et par les lésions du tegmentum pontin (c).
). L'atteinte des voies visuelles afférentes altérerait la vitesse de conduction des afférences visuelles. Le délai du feedback visuel vers le système de fixation visuel engendrerait alors une oscillation pendulaire. Le cervelet devrait pouvoir compenser les oscillations induites par le délai du feedback visuel vers la boucle de contrôle du système de fixation oculaire. Une lésion au niveau du tegmentum altérant le contrôle central oculomoteur expliquerait l'émergence du nystagmus pendulaire de la SEP. En effet, le nystagmus pendulaire de la SEP est le plus souvent associé à des lésions du tegmentum pontique dorsal.
Une autre hypothèse suppose que le nystagmus pendulaire serait consécutif à une anomalie des voies de rétrocontrôle de l'intégrateur neuronal. Dans ce cas, il résulterait d'une instabilité centrale dans ce système de maintien de la statique oculaire, qui engendrerait une oscillation oculaire. Il est probable que plusieurs mécanismes soient intriqués dans l'apparition du nystagmus pendulaire ; par exemple, la neuropathie optique pourrait favoriser l'émergence du nystagmus chez un patient dont l'intégrateur est déjà instable mais jusque-là contrôlé par les afférences visuelles [11].
Son intérêt sémiologique dans la SEP est pronostique, topographique et diagnostique. Il n'est jamais observé comme signe de poussée de la maladie. Il s'agit d'une manifestation chronique, non régressive de la SEP. Il traduit l'installation d'une forme progressive (primaire ou secondaire) ou d'une forme rémittente avec séquelle, conséquence de l'évolution d'une neuropathie optique chronique sévère uni- ou bilatérale et/ou de lésions chroniques du tegmentum pontin du tronc cérébral (fig. 23-7). Le bilan doit rechercher une neuropathie optique et des troubles oculomoteurs associés comme une ophtalmoplégie internucléaire. Le handicap visuel résultant est dans ce cas lié à l'atteinte des voies visuelles et à l'instabilité oculaire. Rarement, il peut être le premier symptôme de la maladie et sa spécificité sémiologique doit alors aider à évoquer le diagnostic de SEP.
Nystagmus pendulaire du tremblement oculopalatin
Le nystagmus pendulaire peut aussi être observé dans le cadre du tremblement oculopalatin (TOP). Ce dernier associe cliniquement un tremblement du voile du palais synchrone d'un nystagmus pendulaire ( vidéo 23-9), mais également parfois des mouvements de la musculature faciale, du cou ou pharygolaryngée (territoire des arcs branchiaux). Le nystagmus pendulaire du TOP est de faible fréquence, 1 à 2 Hz, de grande amplitude et est assez irrégulier (fig. 23-8
Fig. 23-8
Nystagmus pendulaire du tremblement oculopalatin.Le nystagmus pendulaire du tremblement oculopalatin est de faible fréquence (1 à 2 Hz), de grande amplitude et assez irrégulier. Il se manifeste après l'accident vasculaire impliquant ici le tegmentum pontin et s'associe à l'apparition d'un hypersignal FLAIR en IRM, ipsilésionnel au niveau latérobulbaire bas. La lésion causale implique le triangle de Guillain-Mollaret.
) [10]. Ce syndrome est systématiquement associé à une dégénérescence hypertrophique de l'olive inférieure, se manifestant radiologiquement par un hypersignal et parfois une augmentation de la taille d'une ou des deux olives inférieures au niveau du bulbe [12].
Vidéo 23-9
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Il y a deux conditions principales dans lesquelles survient ce syndrome clinico-radiologique. La plus fréquente dite symptomatique, survient plusieurs semaines ou mois après une lésion destructive sur le trajet du triangle de Guillain-Mollaret. Ce dernier est une voie partant du noyau dentelé cérébelleux, passant par le pédoncule cérébelleux supérieur, croisant la ligne médiane pour contourner le noyau rouge et redescendre dans le tronc cérébral au sein du tractus tegmental central jusqu'à l'olive inférieure au niveau du bulbe. Il s'agit le plus souvent de lésions vasculaires hémorragiques ou ischémiques du tronc cérébral (fig. 23-8). L'hypothèse la plus communément admise est celle d'une activité spontanée soutenue de l'olive inférieure lorsqu'elle a perdu le contrôle inhibiteur émanant de cette voie [13]. Dans une autre étiologie, le TOP se développe en parallèle d'un syndrome cérébelleux progressif sans lésion structurelle destructrice sur le trajet du triangle de Guillain-Mollaret. Ce syndrome d'ataxie progressive et tremblement palatin ( progressive ataxia and palatal tremor [PAPT]) peut être sporadique ou familial. Dans les formes familiales, les principales étiologies sont la maladie d'Alexander, les mutations des gènes POLG et l'ataxie spinocérébelleuse de type 20 [12].
L'apparition d'un nystagmus pendulaire dans le contexte d'une lésion du cervelet ou du tronc cérébral, ou en association avec une ataxie cérébelleuse progressive, a un intérêt diagnostique et topographique. Il témoigne du développement d'un syndrome du TOP, devant faire rechercher systématiquement un tremblement du voile du palais et parfois d'autres muscles orofaciaux synchrone du nystagmus. Sur le plan topographique, dans les formes symptomatiques, la lésion touche spécifiquement le triangle de Guillain-Mollaret. La lésion initiale est le plus souvent observée sur le tractus tegmental central (fig. 23-8). Enfin, sur le plan radiologique, le diagnostic est confirmé par l'apparition conjointe au nystagmus d'un hypersignal (FLAIR ou T2) en IRM, au niveau d'une ou des deux olives inférieures. Dans les formes progressives, la recherche des trois maladies rares, connues pour donner ce type de syndrome (voir plus haut) doit se discuter.
Autres nystagmus
Nystagmus retractorius
Ce nystagmus se caractérise par des secousses oculaires en adduction avec rétraction des globes ( vidéo 23-10). Volontiers déclenché par les tentatives de convergence, il s'observe dans le cadre d'un syndrome prétectal, avec une ophtalmoplégie verticale et il relève d'une lésion pédonculaire. Sa physiopathologie est mal connue et les hypothèses sont divergentes : désordre saccadique de déclenchement asynchrone de saccades en adduction ou implication du système de vergence.
Vidéo 23-10
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Nystagmus de l'ophtalmoplégie internucléaire
Dans ce syndrome, la parésie de l'adduction s'accompagne d'un nystagmus monoculaire controlatéral de l'œil abducteur. Le nystagmus de l'œil abducteur est en général attribué à des phénomènes d'adaptation au déficit oculomoteur : le système nerveux augmente l'innervation du muscle droit médial de l'œil adducteur pour tenter de compenser le déficit. Du fait de la loi d'innervation égale dans les muscles agonistes, le muscle droit latéral controlatéral devient hyperactif. Cette hyperactivité rendrait compte d'une hypermétrie saccadique suivie d'une phase lente de l'œil abducteur.
Mouvements oculaires anormaux non nystagmiques
Intrusions et oscillations saccadiques
La fixation est interrompue par des saccades involontaires conjuguées de plus grande amplitude que les microsaccades (> 0,5 °). Ces saccades anormales sont appelées intrusions saccadiques du fait de leur occurrence sporadique, mais quand leur occurrence est continue, la terminologie est celle d'oscillations saccadiques. La classification des intrusions et oscillations saccadiques repose sur la présence ou l'absence d'un intervalle intersaccadique qui permet de distinguer notamment les ondes carrées et les oscillations macrosaccadiques d'une part et le flutter et opsoclonus d'autre part [1].
Intrusions saccadiques avec intervalle intersaccadique
Ces intrusions saccadiques incluent les ondes carrées, les ondes carrées géantes, les oscillations macrosaccadiques et les pulsations saccadiques (fig. 23-9
Fig. 23-9
Intrusions de saccades avec intervalle intersaccadique.Illustration schématique des différentes formes d'intrusions de saccades avec intervalle intersaccadique respectant les caractéristiques spatiales et temporelles. OC : ondes carrées ; OCG : ondes carrées géantes ; OMS : oscillations macrosaccadiques ; PS : pulsations saccadiques.
).
Ondes carrées ( square wave jerks )
Les ondes carrées sont des intrusions de saccades horizontales de va-et-vient séparées par un délai de 200 ms. Elles sont facilement visibles à l'œil nu, à l'examen du fond d'œil, et sont amplifiées par la poursuite oculaire. Elles sont facilement observées chez la personne âgée, sans dépasser 10/minute, mais peuvent témoigner chez des sujets plus jeunes de pathologies cérébelleuses ou des noyaux gris centraux. Lorsqu'elles sont prédominantes, elles orientent plus facilement le diagnostic vers l'ataxie de Friedreich dans le cas d'un syndrome cérébelleux et vers la paralysie supranucléaire dans le cas d'un syndrome parkinsonien ou la chorée de Hutington.
Ondes carrées géantes ou pulsations carrées ( square wave pulses )
Ces ondes carrées géantes sont plus larges (10 à 40 °), séparées par un délai plus court (80ms) que les ondes carrées simples et battent généralement dans une direction. Elles sont plus spécifiques d'une atteinte cérébelleuse chronique, notamment dans la SEP, la paralysie supranucléaire progressive ou l'atrophie multisystématisée.
Oscillations macrosaccadiques
Les oscillations macrosaccadiques sont des oscillations de l'œil autour d'un point de fixation qui augmentent puis diminuent en amplitude. C'est en fait une forme sévère de dysmétrie saccadique. L'intervalle entre chaque saccade est de 200 ms. On les rencontre dans les lésions cérébelleuses médianes, incluant notamment les noyaux fastigiaux.
Pulsations saccadiques simples
Les pulsations saccadiques sont de brèves intrusions constituées d'une saccade interrompant la fixation, suivie immédiatement d'une dérive ramenant l'œil en position centrale. Elles sont observées dans la SEP ou en post-traumatique.
Intrusions saccadiques sans intervalle intersaccadique
Ces intrusions saccadiques incluent les doubles pulsations saccadiques, le flutter ou l'opsoclonus (fig. 23-10
Fig. 23-10
Intrusions de saccades sans intervalle intersaccadique.Illustration schématique des différentes formes d'intrusions de saccades sans intervalle intersaccadique respectant les caractéristiques spatiales. DPS : doubles pulsations saccadiques ; FL : flutter ; OPS : opsoclonus.
).
Doubles pulsations saccadiques
Les pulsations saccadiques peuvent être doubles et dans ce cas former une paire de saccade en aller-retour sans intervalle intersaccadique ( vidéo 23-11). Elles sont aussi observées essentiellement dans la SEP.
Vidéo 23-11
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Flutter et opsoclonus
Le flutter -opsoclonus est constitué de bouffées d'oscillations de saccades sans intervalle intersaccadique. Quand les saccades sont purement horizontales, on parle de flutter , l'opsoclonus correspondant aux formes multidirectionnelles ( vidéo 23-12). Elles surviennent de manière intermittente et sont induites par des changements d'orientation de l'œil le plus souvent. Il y a, de manière simplifiée, deux cas de figure dans lesquels ces oscillations saccadiques sont observées.
Vidéo 23-12
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Dans un cas, l'opsoclonus (plus souvent que le flutter ) est accompagné de myoclonies segmentaires, constituant un syndrome opsoclonus-myoclonus d'installation rapide. Il y a également très souvent une ataxie cérébelleuse et des signes encéphalitiques. Ce syndrome neurologique sévère est essentiellement d'origine auto-immune, paranéoplasique ou post-infectieuse, plus rarement d'origine toxique ou métabolique. En pratique, il doit faire redouter un syndrome paranéoplasique et justifie une prise en charge adaptée à l'âge. Chez l'enfant, il est évocateur d'un neuroblastome et chez l'adulte d'un cancer pulmonaire à petites cellules, d'un cancer du sein ou de l'ovaire. Différents auto-anticorps sont associés à ce syndrome : anti-Ri, anti-Hu, anti-Yo, anti-Ma1, anti-Ma2, anti-récepteur N-méthyl-D-aspartate (NMDA), anti-GAD, anti-GQ1b, et anti-amphyphisin. Certaines formes sont idiopathiques, mais une origine auto-immune est la plus communément admise.
Dans d'autres cas, le flutter (plus souvent que l'opsoclonus) n'est pas associé à un syndrome neurologique sévère ou subaigu. Le challenge chez ces patients est de différencier une origine fonctionnelle d'une origine pathologique. Un flutter physiologique peut être observé chez certaines personnes, favorisé par le clignement oculaire, la convergence : il prend le nom de flutter ou de nystagmus volontaire. La difficulté clinique vient du fait que certains patients consultent avec une plainte oscillopsique ou de trouble visuel. Il doit être distingué des formes pathologiques par le caractère moins soutenu, déclenché par des efforts de convergence et accompagné de grimaces. Dans tous les cas, le caractère isolé du flutter ne justifie pas de réaliser un large bilan d'emblée, mais d'organiser une surveillance du patient.
Myokimie de l'oblique supérieur
La myokimie de l'oblique supérieur est un trouble oculomoteur rare caractérisé par des oscillopsies monoculaires liées à un tremblement paroxystique d'un œil ( vidéo 23-13). Ce mouvement oculaire anormal est de diagnostic difficile, le tremblement oculaire étant intermittent et de faible amplitude. Le diagnostic est souvent évoqué à l'interrogatoire. Les mouvements anormaux de l'œil sont liés à une contraction intermittente du muscle oblique supérieur. Son intérêt sémiologique est qu'il résulte d'un syndrome neurogène du nerf trochléaire (IV), le plus souvent dans le cadre d'un conflit vasculonerveux [14]. Il est important d'éliminer toute autre cause compressive et de le différencier des rares nystagmus monoculaires.
Vidéo 23-13
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Comment examiner et interpréter un mouvement oculaire anormal ?
Lorsqu'il existe un mouvement oculaire anormal, l'examen dépendra du contexte clinique, notamment de son association à un syndrome vestibulaire, ou de l'aspect du mouvement oculaire anormal lui-même. Nous proposons ainsi d'aborder les différentes étapes du raisonnement diagnostique devant un mouvement oculaire anormal en six questions pratiques.
Comment évaluer un nystagmus dans le cadre d'une sémiologie vestibulaire ?
Lorsqu'un patient consulte pour une sémiologie vestibulaire, la recherche et l'examen du nystagmus vestibulaire sont essentiels pour étayer l'hypothèse d'un syndrome vestibulaire périphérique ou central (fig. 23-11
Fig. 23-11
Nystagmus dans le cadre d'un vertige.RVO : réflexe vestibulo-oculaire.
). Un nystagmus vestibulaire périphérique est toujours accompagné de vertiges et de troubles posturaux, témoignant d'un syndrome vestibulaire harmonieux. Il est toujours à ressort, conjugué sur les deux yeux et atténué par la fixation oculaire.
Dans le cadre d'un grand vertige durable
Lors d'une atteinte déficitaire unilatérale du labyrinthe ou du nerf vestibulaire (c'est-à-dire névrite vestibulaire), un nystagmus horizonto-rotatoire est le plus communément observé, battant du côté sain (fig. 23-4). Il est accompagné d'un vertige rotatoire, et d'une déviation axiale du corps du côté pathologique réalisant un syndrome vestibulaire harmonieux. À la phase initiale du syndrome vestibulaire, il est observé en position primaire du regard et dans les deux regards latéraux (3e degré), mais assez rapidement il régresse dans le temps, disparaissant d'abord dans le regard latéral opposé à la phase rapide (2e degré), puis en position primaire (1er degré) (voir vidéo 23-1). Dans ce dernier cas, il n'est observé que dans le regard latéral du côté de la phase rapide. Il est donc indispensable de rechercher ce nystagmus dans les regards latéraux. La démonstration d'un déficit du réflexe vestibulo-oculaire au head impulse test du côté de la phase lente finit de confirmer la nature périphérique du syndrome vestibulaire (fig. 23-12
Fig. 23-12
Head impulse test.a. Lors d'une rotation brève et rapide de la tête dans un sens, le regard du patient reste normalement stable et la fixation visuelle est maintenue. b. Si le système vestibulaire est déficitaire (croix rouge), les yeux ne compensent pas parfaitement le mouvement de la tête et doivent réaliser une saccade de refixation.
et vidéo 23-14). En 48 heures, ce nystagmus a régressé et il est intéressant de réaliser différentes épreuves pour le mettre en évidence : la suppression de la fixation visuelle, le head shaking test ou vibration haute fréquence (vidéo 23-15) et l'hyperventilation (tableau 23-1
Tableau 23-1
Manœuvres cliniques permettant de mettre en évidence un nystagmus vestibulaire.
ManœuvresPhysiopathologie
Manœuvre du ou vibration haute fréquence
Pour le head shaking test, l'examinateur (ou le patient) réalise une série de 20 à 30 secousses horizontales vigoureuses de la tête pendant 10 à 15 secondesLa vibration haute fréquence consiste en l'application d'un vibreur (100 Hz) sur la mastoïde d'un côté pendant une dizaine de secondesL'apparition d'un nystagmus horizontal à l'arrêt du ou pendant la vibration haute fréquence relève d'une asymétrie dynamique du réflexe vestibulo-oculaire, en lien le plus souvent avec une lésion vestibulaire périphérique. S'il est perverti, c'est-à-dire de direction verticale ou rotatoire, il évoque une origine centrale
Manœuvre de Dix et Hallpike
Le patient est assis, ses membres inférieurs reposant sur le lit d'examen. Après explication, sa tête tournée de 45° d'un côté, il est rapidement basculé en décubitus dorsal, la tête pendant en dehors du lit de 45° par rapport à l'horizontale (et toujours maintenue tournée sur le côté) Ce brusque changement de position peut induire un vertige positionnel qui s'accompagne d'un nystagmus. La manœuvre de Hallpike stimule électivement le canal semi-circulaire postérieur du côté de la rotation de la tête. Cette manœuvre est essentielle au diagnostic de vertige positionnel paroxystique bénin
Hyperventilation
Le patient doit réaliser une hyperventilation d'environ 15 cycles d'inspiration-expiration profondes pendant 30 secondesL'apparition d'un nystagmus pendant et après l'hyperventilation témoigne le plus souvent d'une lésion vestibulaire périphérique démyélinisante, notamment un schwannome vestibulaire
). L'effet de la fixation visuelle peut être évalué en examinant les yeux du patient sans et avec lunettes de Frenzel supprimant la fixation visuelle ou à l'aide d'un ophtalmoscope.
Vidéo 23-14
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Vidéo 23-15
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Dans le cadre d'un vertige durable d'origine centrale (c'est-à-dire accident vasculaire cérébral cérébelleux), le nystagmus central peut être facilement identifié s'il est de direction verticale ou rotatoire pure ou s'il est dysconjugué sur les deux yeux. Mais ce nystagmus central peut avoir une direction horizonto-rotatoire : dans ce cas, contrairement au nystagmus vestibulaire périphérique, il peut s'inverser dans les regards latéraux, il s'associe plus facilement à une diplopie verticale par skew deviation et le déficit du RVO par head impulse test n'est pas identifiable. Il s'agit des trois drapeaux rouges oculomoteurs suggérant une origine centrale dans le cadre d'un syndrome vestibulaire durable [14]. On peut également observer un nystagmus vertical induit par le head shaking test horizontal.
Dans le cadre d'un vertige paroxystique positionnel bénin
Dans le vertige paroxystique positionnel bénin, le nystagmus est vertico-rotatoire, battant en géotropique lors de la manœuvre de Hallpike (tableau 23-1). Il doit apparaître avec une latence de quelques secondes, durer moins de 30 secondes et s'inverser au retour en position assise. Tout nystagmus induit par des manœuvres positionnelles multiples (c'est-à-dire inclinaisons latérales de la tête), de direction autre que vertico-rotatoire et durable dans le temps doit alerter quant à la possibilité d'un nystagmus positionnel central.
Comment évaluer un nystagmus à ressort horizontal acquis sans sémiologie vestibulaire ?
Si le patient consulte pour une oscillopsie et l'examen clinique met en évidence un nystagmus horizontal à ressort, il est indispensable d'évaluer la direction de battement du nystagmus en position primaire et dans les regards excentrés.
Le nystagmus change de direction spontanément
Si le nystagmus est présent en position primaire du regard et alterne de direction de battement spontanément dans le temps, il s'agit vraisemblablement d'un nystagmus alternant périodique. Ce nystagmus vestibulaire central change de direction environ toutes les 2 minutes.
Le nystagmus n'est observé que dans les regards latéraux
Si le nystagmus n'est observé que dans les regards latéraux, il est indispensable de regarder son caractère monoculaire ou binoculaire.
Un nystagmus monoculaire de l'œil abducteur peut être le signe clinique le plus évident d'une ophtalmoplégie internucléaire (OIN). Si la paralysie d'adduction manque au tableau clinique, il faut rechercher un ralentissement des saccades en adduction, qui a la même valeur. L'OIN peut être bilatérale et donner un nystagmus monoculaire de l'œil abducteur dans les deux regards latéraux.
Un nystagmus binoculaire des regards latéraux témoigne le plus souvent d'un nystagmus du regard excentré horizontal. Le nystagmus des regards excentrés est un nystagmus battant du côté de l'excentration du regard, dont l'amplitude augmente lorsque le déplacement des yeux se fait dans la direction de la phase rapide. Ce nystagmus est le plus souvent asymptomatique, sauf si sa vitesse est élevée induisant une oscillopsie. Il se distingue du nystagmus vestibulaire périphérique qui ne s'inverse jamais en fonction de la position du regard, et du nystagmus alternant périodique qui s'inverse spontanément toutes les 2 minutes sans tenir compte de la position des yeux.
Le nystagmus bat en convergence
Si le nystagmus horizontal bat en convergence et est favorisé dans le regard vers le haut, il s'agit d'un nystagmus retractorius. Le nystagmus retractorius est un nystagmus à ressort, caractérisé par une convergence et une rétraction de l'œil pendant les phases rapides et une divergence pendant les phases lentes. Il est intermittent et spécifiquement induit par des essais de saccades verticales chez des patients présentant une paralysie supranucléaire du regard.
Comment évaluer un nystagmus à ressort vertical acquis ?
Il faut distinguer les nystagmus verticaux par le sens du battement (fig. 23-13
Fig. 23-13
Nystagmus vertical.OIN : ophtalmoplégie internucléaire.
).
Le nystagmus bat vers le bas
Le nystagmus battant vers le bas est le nystagmus vestibulaire central le plus fréquent. Il est habituellement présent dans le regard primaire, mais est plus évident dans les regards latéraux, vers le bas ou en convergence. Il diminue dans le regard vers le haut. Il peut être augmenté dans certaines positions de la tête.
Le nystagmus bat vers le haut
Si le nystagmus battant en haut n'est observé que dans le regard vers le haut, il correspond à un nystagmus du regard excentré vertical, qui peut s'observer indépendamment du nystagmus des regards latéraux. Il est surtout observé en association avec une double ophtalmoplégie internucléaire dans les lésions des faisceaux longitudinaux médians.
Si le nystagmus battant en haut est observé en position primaire du regard, il correspond à une forme plus rare de nystagmus vestibulaire central ( primary position upbeat nystagmus ).
La direction verticale est dissociée sur les deux yeux.
Le tableau évoque un nystagmus à bascule, composé d'un cycle d'élévation et d'intorsion d'un œil et de dépression et d'extorsion synchrone de l'autre œil ; ce cycle est suivi d'un autre inverse. Il peut être pendulaire ou à ressort.
Comment évaluer un nystagmus pendulaire acquis ?
L'élément clinique le plus important dans la distinction des nystagmus pendulaires acquis est la régularité et la fréquence du nystagmus. En dehors de la cécité, il répond à deux étiologies principales : la SEP et le TOP [10]. Le diagnostic différentiel principal est le nystagmus pendulaire congénital.
Dans le cadre de la sclérose en plaques
Le nystagmus pendulaire observé dans la SEP est rapide, aux alentours de 4 Hz, peu ample, le plus souvent conjugué et horizontal [10]. Il est souvent associé à une OIN bilatérale ou à une neuropathie optique. Il est surtout observé dans les formes progressives et dans ce cas associé à des signes cérébelleux.
Dans le cadre du tremblement oculopalatin
Le nystagmus pendulaire peut aussi être observé suite à un accident vasculaire cérébral du tronc cérébral, dans le cadre du syndrome du TOP [15].
Comment évaluer les différentes formes d'intrusions saccadiques ?
La classification des intrusions et oscillations saccadiques repose sur la présence ou l'absence d'un intervalle intersaccadique qui permet de distinguer notamment les ondes carrées et les oscillations macrosaccadiques d'une part et le flutter et l'opsoclonus d'autre part [1].
Intrusions saccadiques avec intervalle intersaccadique
Ces intrusions saccadiques incluent les ondes carrées, les ondes carrées géantes, les oscillations macrosaccadiques et les pulsations saccadiques (voir fig. 23-9).
Les ondes carrées sont de petites saccades (< 5 °) horizontales de va-et-vient séparées par un délai de 200ms. Elles sont facilement visibles à l'œil nu, à l'examen du fond d'œil, et sont amplifiées par la poursuite oculaire. Les ondes carrées géantes sont plus larges (10 à 40°) et séparées par un délai plus court (100ms). Les oscillations macrosaccadiques sont des oscillations de l'œil autour d'un point de fixation. C'est en fait une forme sévère de dysmétrie saccadique cérébelleuse. Les pulsations saccadiques sont de brèves intrusions constituées d'une saccade interrompant la fixation, suivie immédiatement d'une dérive ramenant l'œil en position centrale.
Intrusions saccadiques sans intervalle intersaccadique
Ces intrusions saccadiques incluent les doubles pulsations saccadiques, le flutter ou l'opsoclonus (voir fig. 23-10).
Les pulsations saccadiques peuvent être doubles et dans ce cas former une paire de saccades en aller-retour sans intervalle intersaccadique. Le flutter -opsoclonus est constitué d'une série de saccades sans intervalle intersaccadique. Quand les saccades sont purement horizontales, on parle de flutter , l'opsoclonus correspondant aux formes multidirectionnelles. Elles surviennent de manière intermittente et sont induites par des changements d'orientation de l'œil le plus souvent.
Comment évaluer un patient décrivant une oscillopsie monoculaire ?
Une oscillopsie paroxystique monoculaire est pathognomonique d'une myokimie de l'oblique supérieur (fig. 23-14
Fig. 23-14
Mouvement oculaire anormal monoculaire.SEP : sclérose en plaques.
). Les autres étiologies des mouvements oculaires anormaux monoculaires sont répertoriées dans la figure 23-14.
Traitements pharmacologiques des nystagmus
Le traitement du trouble de la statique oculaire a pour but de réduire les oscillopsies et la baisse d'acuité visuelle.
La perception de notre monde environnant lorsque notre tête est immobile est celle d'un monde stationnaire, alors que nos yeux sont instables même dans le cas d'une fixation oculaire (bruit oculomoteur). Plusieurs travaux démontrent également une certaine tolérance à un glissement de l'image sur la rétine. Par exemple, le RVO à certaines fréquences est imparfait, conduisant à la persistance d'une erreur rétinienne, sans retentissement fonctionnel. On sait que la perception d'une instabilité visuelle est absente jusqu'à des vitesses d'erreur rétinienne de 4 °/seconde [16]. Au-delà de ces vitesses, quand une oscillopsie est rapportée, son amplitude est inférieure à celle du nystagmus. Il existe donc des mécanismes qui tendent à limiter le seuil et l'intensité de la perception de l'oscillopsie pendant un mouvement oculaire normal ou anormal. Notre cerveau réalise une intégration spatiotemporelle des différentes images renvoyées par la rétine pour créer une vision stable. Cette faculté d'intégration est cependant limitée et lors d'un mouvement oculaire anormal nystagmique, saccadique ou myokimique, dépassant notamment ce seuil de 4°/seconde, les patients décrivent oscillopsie et baisse d'acuité visuelle. Le but des traitements proposés est donc de favoriser une certaine tolérance perceptive aux oscillopsies et/ou de réduire la vitesse du mouvement anormal en deçà de 4°/seconde.
Les traitements visent à abolir le mouvement oculaire anormal tout en préservant les mouvements oculaires normaux. De ce fait, ceux qui « fixent » les yeux comme la toxine botulique auront un intérêt limité puisque les patients seront gênés par l'absence de convergence entraînant une diplopie et l'absence de RVO avec oscillopsie aux mouvements de tête. Par ailleurs, un traitement n'a de sens que si le patient a une plainte visuelle conséquente, par exemple, un nystagmus dans les regards excentrés est le plus souvent asymptomatique. Trois types de prises en charge sont possibles : les traitements pharmacologiques, les techniques orthoptiques et les procédures chirurgicales. Nous n'abordons ici que les traitements pharmacologiques du nystagmus acquis, les techniques orthoptiques et chirurgicales visant à traiter le torticolis associé aux nystagmus infantiles.
Plusieurs traitements pharmacologiques des mouvements oculaires anormaux ont été proposés sur la base de leur mécanisme physiopathologique. Ils agissent pour la plupart par leur effet GABAergique (clonazépam, baclofène, gabapentine), antiglutamatergique (mémantine), bloqueur de canaux potassiques (4-amino-pyridine) et stabilisateurs de membrane (carbamazépine, propranolol). Certains de ces traitements ont une toxicité relativement importante, rendant le rapport bénéfice-risque discutable. Ils ne sont volontairement pas mentionnés, cette revue se focalisant sur les traitements réellement utiles dans cette indication (tableau 23-2
Tableau 23-2
Traitements médicamenteux utiles dans certains nystagmus ou mouvements oculaires anormaux.
Nystagmus ou mouvement oculaireTraitement médicamenteux
Nystagmus vertical battant en bas– Clonazépam 1,5–3mg/jour en 3 prises– 4-aminopyridine 10–20mg/jour en 2 ou 3 prises 
Nystagmus vertical battant en haut– Baclofène 15–30mg/jour en 3 prises– 4-aminopyridine 10–20mg/jour en 2 ou 3 prises– Mémantine 20–60mg/jour en 2–3 prises 
Nystagmus alternant périodique– Baclofène 15–30mg/jour en 3 prises– Mémantine 20–60mg/jour en 2 ou 3 prises– Amantadine 300mg/jour 
Nystagmus pendulaires– Gabapentine jusqu'à 1 200–2 400mg/jour en 3 prises– Mémantine 20–60mg/jour en 2 ou 3 prises– Autres : clonazépam 1,5–3mg/jour en 3 prises 
Nystagmus à bascule– Baclofène 15–30mg/jour en 3 prises– Clonazépam 1,5–3mg/jour en 3 prises– Gabapentine jusqu'à 1 200–2 400mg/jour en 3 prises 
Oscillations saccadiques– Agonistes GABA-A– Clonazépam 1,5–3mg/jour en 3 prises– Benzodiazépines– Propanolol– Mémantine 20mg/jour 
Myokimie de l'oblique supérieur– Carbamazépine 200–400mg/jour– Propanolol 40–80mg/jour en 1 ou 2 prises– Gabapentine jusqu'à 1 200–2 400mg/jour en 3 prises 
).
Il existe peu d'études contrôlées dans le traitement pharmacologique des nystagmus acquis ; elles concernent essentiellement le traitement des nystagmus pendulaires et des nystagmus verticaux battant vers le bas et les indications reposent sur des publications scientifiques de cas isolés ou de groupes restreints de patients. La plupart des études mesurent l'efficacité du traitement sur les variables oculomotrices (vitesse, amplitude), mais peu concernent les conséquences fonctionnelles (acuité visuelle, échelle d'oscillopsie) ou les échelles de qualité de vie. Enfin, aucune de ces thérapeutiques n'a reçu d'autorisation de mise sur le marché dans cette indication.
Nystagmus verticaux à ressort
Le nystagmus battant vers le bas est relativement fréquent et le plus souvent invalidant pour la lecture car accentué en bas et en convergence. Principalement deux traitements peuvent présenter un intérêt thérapeutique : le clonazépam et la 4-amino-pyridine.
L'efficacité du clonazépam sur le nystagmus a été proposée dans deux études de 1986 et 2001, ouvertes non contrôlées sur respectivement 5 et 10 patients. Il s'agit d'une benzodiazépine dont les effets secondaires sur la vigilance et l'insuffisance respiratoire ont conduit à une prescription contrôlée. Néanmoins, cette molécule reste intéressante si la 4-amino-pyridine est inefficace.
L'effet de la 3-4-diamino-pyridine ou plus récemment de la 4-amino-pyridine sur les nystagmus verticaux battant vers le bas a été démontré dans trois essais randomisés, contrôlés et croisés et un essai ouvert, sur des populations de 15 à 27 patients. Elle est efficace sur l'intensité du nystagmus, mais son effet sur la vision n'a été évalué que dans l'étude la plus récente [17]. Cet effet est d'autant plus intéressant chez des patients avec une atrophie cérébelleuse progressive et peut s'associer à une amélioration du score d'ataxie [17]. La molécule agit en bloquant les canaux potassiques et de fait serait capable d'activer la fonction neuronale notamment des cellules de Purkinje. La 4-amino-pyridine est le traitement le plus adapté en raison d'un meilleur passage de la barrière hémato-encéphalique. Ce traitement doit être prescrit après un contrôle de l'électrocardiogramme en raison du risque d'un allongement du QTc. Les autres effets secondaires du traitement sont un risque épileptogène et le risque d'augmenter les douleurs neurogènes (par exemple, névralgie trigéminale). Dans l'indication du traitement du nystagmus, la 4-amino-pyridine est à prescription hospitalière.
Le baclofène pourrait également être intéressant comme traitement du nystagmus battant vers le bas, mais il n'a été étudié que dans une étude ouverte de 1991, sur moins de 5 patients.
Il paraît légitime pour les nystagmus verticaux symptomatiques battant vers le bas de débuter par la 4-aminopyridine, puis en cas d'inefficacité, d'essayer le clonazépam. La tolérance est meilleure pour la 4-amino-pyridine, et celle-ci paraît plus intéressante dans les formes associées à une ataxie cérébelleuse progressive. L'efficacité moyenne est une réduction de 50 % de la vitesse de la phase lente du nystagmus.
Aucune étude contrôlée n'a été réalisée pour le traitement du nystagmus vertical battant en haut, mais sur la base de cas cliniques, le baclofène, la 4-amino-pyridine et la mémantine pourraient être intéressants.
Nystagmus alternant périodique
Ce nystagmus est spécifiquement amélioré par le baclofène même dans les formes congénitales de ce nystagmus. L'efficacité du baclofène a été rapportée sur une étude de deux cas, publiée en 1980, mais n'est pas à démontrer. La plupart des patients répondent au traitement par une abolition complète du nystagmus. En cas d'échappement thérapeutique, sur la base de cas cliniques, la mémantine peut être utile en association avec le baclofène ou l'amantadine [18,19].
Nystagmus pendulaires
Le nystagmus pendulaire est observé majoritairement dans la SEP et dans le cadre du syndrome du TOP symptomatique. Deux molécules ont fait l'objet depuis 1997 de quatre études contrôlées, et deux non contrôlées dans ces deux affections. Il s'agit de la gabapentine et de la mémantine. La gabapentine est un agoniste GABA-B ( gamma-aminobutyric acid B ) et bloqueur de canaux potassiques, ayant comme principale indication le traitement des douleurs neurogènes. La mémantine est un antagoniste des récepteurs NMDA du glutamate et a comme principale indication la maladie d'Alzheimer. Ces deux molécules ont été testées en essai contrôlé croisé dans trois de ces études incluant 6 à 16 patients. La dernière étude, réalisée par notre équipe sur 16 patients, a l'intérêt d'avoir évalué de manière précise le retentissement sur l'acuité visuelle de loin et de près, sur l'oscillopsie et sur une échelle de qualité de vie visuelle [20].
En termes d'efficacité, la mémantine peut chez certains patients abolir le nystagmus, ce qui n'a jamais été rapporté avec la gabapentine. En moyenne, il existe une amélioration de 30 % de la vitesse du nystagmus et la récupération d'une ligne d'acuité visuelle. Le bénéfice paraît plus évident dans la SEP que dans le TOP. Nous avons également montré le bénéfice des deux traitements sur l'oscillopsie, mais pas sur les échelles de qualité de vie visuelle. La tolérance de la gabapentine est meilleure que la mémantine, cette dernière pouvant induire des troubles de vigilance et des « états de rêve éveillé » notamment chez les patients avec une SEP.
Sur la base de cas cliniques, le clonazépam ou le cannabis pourraient avoir une efficacité chez certains patients. La gabapentine reste donc le traitement de choix de première intention pour le traitement des nystagmus pendulaires et notamment dans la SEP (fig. 23-15
Fig. 23-15
Effet de la gabapentine sur le nystagmus pendulaire.Représentation de la position verticale des yeux en fonction du temps, sans et avec un traitement par gabapentine chez un patient de 35 ans. Celui-ci présente un nystagmus pendulaire binoculaire vertical dans le cadre d'une SEP. La gabapentine atténue l'amplitude et la vitesse du nystagmus de 30 % environ sur chacun des deux yeux. Le patient gagne également une ligne d'acuité visuelle de loin et de près.
), suivi de la mémantine.
Nystagmus à bascule
Quelques études de cas suggèrent l'efficacité partielle de l'alcool, du baclofène, du clonazépam ou de la gabapentine.
Intrusions saccadiques
Quelques études de cas suggèrent que les intrusions saccadiques peuvent être améliorées par les agonistes GABA-A, le propranolol, les benzodiazépines dont le clonazépam. La mémantine à la dose de 20 mg par jour semble être particulièrement efficace chez les patients atteints d'ataxie spinocérébelleuse héréditaire [21].
Myokimie de l'oblique supérieur
La carbamazépine est le médicament recommandé pour ce genre d'affection, suivie de la gabapentine [22]. Une ancienne étude de cas préconise le propranolol par voie générale ou en traitement topique.
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