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Chapitre 22
Anomalies pupillaires

C. Vignal Clermont,

M. Lebas

Points importants
  • L'examen des pupilles fait partie intégrante de tout examen ophthalmologique. Il doit être avant tout clinique et peut s'appuyer ensuite sur des tests aux collyres.
  • La plupart des anisocories peuvent être gérées en consultation, mais les situations suivantes doivent alerter :
    • une mydriase associée à une paralysie du III doit faire éliminer une compression en urgence ;
    • le syndrome de Claude Bernard-Horner (CBH) récent douloureux est une dissection carotidienne jusqu'à preuve du contraire et doit être évalué immédiatement en unité neurovasculaire ;
    • le CBH associé à une paralysie du nerf trochléaire controlatéral localise la lésion au niveau du noyau du IV ou de son segment fasciculaire dans le tronc cérébral ;
    • le CBH associé à une atteinte du III et/ou du VI homolatéral évoque une lésion du sinus caverneux ;
    • le CBH du nourrisson ou jeune enfant doit faire éliminer un neuroblastome.
  • L'imagerie adéquate et l'orientation vers un service spécialisé doivent être organisées sans délai ; cela conditionne le pronostic du patient.
  • L'ancienneté des anomalies est au contraire un élément rassurant, qui pourra être confirmée par l'examen attentif de photographies anciennes.
  • En dehors de tout contexte d'urgence, l'ophtalmologiste doit dépister la présence d'autres symptômes et signes neurologiques et, s'ils sont présents, fournir un diagnostic précis sur l'atteinte pupillaire et orienter le patient.
La constatation d'une anomalie pupillaire pose un problème différent selon qu'elle est isolée et/ou ancienne et de découverte fortuite, ou récente et associée à une douleur, une diplopie, un ptosis et/ou un autre symptôme ou signe neurologique, imposant alors une prise en charge urgente. Dans tous les cas, la connaissance de l'anatomie des voies pupillaires, un interrogatoire ciblé et une technique d'examen rigoureuse permettent de caractériser et localiser l'anomalie, d'évaluer le degré d'urgence et de planifier le bilan en conséquence.
Connaître l'anatomie des voies pupillaires
La taille de la pupille est sous le contrôle de deux muscles antagonistes [1]. Le constricteur ou sphincter de l'iris est sous la dépendance du système nerveux parasympathique, son atteinte aboutit à une mydriase. Le muscle dilatateur de l'iris, aux fibres radiaires, est sous la dépendance du système nerveux sympathique, son atteinte aboutit à un myosis.
Voie parasympathique
La voie parasympathique est inséparable du réflexe photomoteur (RPM). La voie afférente du RPM prend naissance dans la rétine au niveau des photorécepteurs et des cellules ganglionnaires à mélanopsine [2]. Les axones de ces cellules ganglionnaires particulières cheminent au sein du nerf optique, puis un peu plus de la moitié de ces fibres décussent au niveau du chiasma, tandis que l'autre moitié de ces fibres empruntent le tractus optique homolatéral. Elles atteignent ensuite le corps géniculé latéral, mais n'y font pas relais, quittent la voie visuelle principale et gagnent le noyau prétectal où elles établissent une synapse. L'innervation est ensuite bilatérale, avec une connexion homo- et controlatérale avec les neurones pupillaires préganglionnaires du nerf oculomoteur (pIIIPG), la décussation s'effectuant au niveau de la commissure postérieure. Ces neurones ont longtemps été situés au niveau du noyau d'Edinger-Westphaldu complexe nucléaire du III dans le mésencéphale. Ils sont en fait localisés dans un réseau mal différencié autour du noyau d'Edinger-Westphal et de chaque côté de la ligne médiane [3].
De là, la voie efférente parasympathique est une voie à deux neurones (fig. 22-1
Fig. 22-1
Voie du réflexe photomoteur.La voie afférente du réflexe photomoteur est figurée en trait continu vert et la voie efférente parasympathique en trait pointillé rouge. Le premier neurone de la voie afférente qui va de la rétine au noyau prétectal est dessiné à partir de l'œil droit et de l'œil gauche ; ensuite, un seul côté a été dessiné pour la connexion entre le noyau prétectal et les neurones pupillaires préganglionnaires du nerf oculomoteur (homo- et controlatéraux) et pour la voie efférente parasympathique.
). Les axones des neurones pupillaires préganglionnaires du III cheminent au sein du nerf oculomoteur et sont en position crâniale dans la portion cisternale du nerf depuis sa sortie du tronc cérébral jusqu'à son entrée dans le sinus caverneux. C'est à ce niveau qu'un conflit avec un anévrisme terminocarotidien est fréquent ou que le contingent pupillaire est atteint en cas d'engagement temporal. À la partie antérieure du sinus caverneux, les fibres parasympathiques suivent alors la branche inférieure du III, pénètrent dans l'orbite au niveau de la fissure orbitaire supérieure puis s'individualisent pour rejoindre le ganglion ciliaire. Au sein de celui-ci s'effectue la synapse avec le deuxième neurone. L'ensemble des deutoneurones parasympathiques à destinée pupillaire constitue les nerfs ciliaires courts et innerve principalement le muscle ciliaire impliqué dans l'accommodation. Seul un faible pourcentage des neurones du ganglion ciliaire envoie un axone au sphincter de l'iris.
Voie sympathique
Cette voie comporte trois neurones, sans aucune décussation (fig. 22-2
Fig. 22-2
Voie efférente sympathique et rapports anatomiques.
). Le corps cellulaire du premier neurone est situé dans la portion postérolatérale de l'hypothalamus. Son axone descend au sein du tronc cérébral pour effectuer sa synapse au niveau du centre ciliospinal médullaire de Budge, entre C7 et D2. Les axones du deuxième neurone, préganglionnaire, sortent de la moelle épinière au niveau D1-D2 et rejoignent la chaîne sympathique latérovertébrale au niveau du ganglion cervical inférieur, situé sur le versant postérieur du dôme pleural, sans y faire relais. La synapse entre le deuxième neurone et le troisième neurone postganglionnaire s'effectue au niveau du ganglion cervical supérieur à proximité du bulbe carotidien, au niveau de l'angle de la mâchoire. L'axone du troisième neurone suit alors la carotide interne, tandis que le contingent de fibres vasomotrices et sudorales destinées à la face suit le trajet de la carotide externe. Une atteinte en amont de cette bifurcation s'accompagnera de troubles vasomoteurs et de la sudation au niveau de la face homolatérale au syndrome de Claude Bernard-Horner (CBH). Le contingent à destinée oculaire suit ensuite intimement le trajet de la carotide interne formant un plexus sympathique péricarotidien. Il passe à proximité du ganglion de Gasser pour rejoindre le sinus caverneux où il chemine à proximité du nerf abducens. Il pénètre ensuite dans l'orbite par la fente sphénoïdale à proximité du V1, et se ramifie en arrière du globe oculaire en nerfs ciliaires longs qui innervent le muscle dilatateur de l'iris et les muscles tarsal supérieur (muscle de Müller) et tarsal inférieur (muscle rétracteur de la paupière inférieure).
Réflexe photomoteur
La cellule pivot du RPM (voir fig. 22-1) est la cellule ganglionnaire à mélanopsine qui contient un photopigment, la mélanopsine, dont le pic d'absorption se situe aux alentours de 484 nm, dans le bleu. Elle est capable à la fois de se dépolariser seule sous l'action de la lumière, mais également par la voie classique sous la dépendance des cônes et des bâtonnets. Dans la plupart des situations cliniques courantes, la réaction pupillaire résulte de la combinaison des deux types de stimulations: stimulation directe des cellules ganglionnaires à mélanopsine et stimulation indirecte par l'intermédiaire des cônes et bâtonnets.
Étapes de l'examen
À l'état physiologique, les pupilles sont de taille égale, rondes ; elles se contractent à la lumière et lors de la convergence et se dilatent à l'obscurité. Les anomalies pupillairespeuvent être transitoires ou permanentes, uni- ou bilatérales, et concerner la taille, la forme, et/ou la réactivité pupillaire. Afin de déterminer dans quel cadre le patient se situe, il est nécessaire de réaliser un examen clinique soigneux [4].
L'interrogatoire doit être ciblé
On peut classer les mécanismes des anomalies pupillaires (taille, forme, réactivité) en utilisant l'acronyme PONT. L'interrogatoire portera donc sur les points suivants :
  • P   : physiologique. Une différence de taille entre les deux pupilles (anisocorie) supérieure ou égale à 0,4 mm est en effet présente chez 20 % des sujets environ. L'interrogatoire cherche à dater l'anomalie et l'examen de photographies anciennes est indispensable, en particulier en cas d'anisocorie isolée ;
  • O   : oculaire. Il faudra interroger le patient sur ses antécédents ophtalmologiques : traumatismes, chirurgie oculaire, laser, pathologie médicale (uvéites) et éventuels collyres instillés ;
  • N   : neurologique. C'est dans cette catégorie que se situent les urgences. Il est donc important d'interroger non seulement sur les antécédents médicaux (maladies neurologiques personnelle ou familiale, pathologie générale, etc.), mais aussi sur l'existence de symptômes associés. L'existence d'une douleur (surtout céphalée à début brutal), d'une diplopie ou de symptômes neurologiques (paresthésies, troubles moteurs) constitue des signes d'alerte qui impliquent une prise en charge immédiate ;
  • T   : toxique (encadré 22-1
    Encadré 22-1
    Pupilles et médicaments
    Mydriase
    Atropiniques
    • Plantes contenant de fortes concentrations de substances atropiniques : belladone, datura, jusquiame noire, mandragore, pommier d'amour, etc.
    • Anti-histaminiques anticholinergiques utilisés dans le mal des transports : diphénhydramine, patch de scopolamine (produit sur les doigts qui entre en contact avec l'œil).
    • Aérosols bronchodilatateurs : bromide d'ipratropium (Atrovent®, en réanimation).
    • Antiparkinsoniens anticholinergiques : trihexyphénidyle (Artane®), tropatépine (Lepticur®).
    • Certains neuroleptiques ou antipsychotiques (Loxapac®).
    • La majorité des antidépresseurs tricycliques, rarement certains sérotoninergiques.
    Sympathomimétiques
    • Aérosols bronchodilatateurs : salbutamol (Ventoline®), terbutaline (Bricanyl®).
    • Collyres vasoconstricteurs : la naphazoline (α-mimétique contenue dans le collyre Bleu Laiter®), le tartrate de synéphrine (Sédacollyre®), la phényléphrine (Isodril®).
    • Les pulvérisations nasales à visée décongestionnante peuvent contenir un vasoconstricteur.
    • La lévodopa utilisée dans la maladie de Parkinson (Modopar®, Sinemet®) peut provoquer une mydriase transitoire par libération de noradrénaline.
    • Les antipaludéens de synthèse, au premier rang desquels la chloroquine, à dose élevée (500 mg/jour) provoquent une parésie accommodative transitoire chez 40 % des patients.
    Myosis
    • Les collyres contenant de la pilocarpine (agoniste parasympathique) : traitement du glaucome ou réalisation de certains traitements au laser.
    • L'instillation accidentelle d'insecticide contenant du parathion ou un ester organophosphoré, plus souvent après avoir touché une plante traitée puis son œil.
    • Les anti-hypertenseurs antiadrénergiques : méthyldopa (Aldomet®), réserpine (Tensionorme®).
    • Les anticholinestérasiques utilisés dans le traitement de la myasthénie et de l'atonie vésicale, en particulier en cas de surdosage : pyridostigmine (Mestinon®), ambénonium (Mytélase®), néostigmine (Prostigmine®).
    • Les narcotiques : héroïne, morphiniques. L'état de manque chez le toxicomane induit en revanche une mydriase.
    ). Les substances sympathomimétiques ou parasympatholytiques (atropiniques) induisent une mydriase. Il peut s'agir de gouttes, de comprimés, de patchs cutanés, voire de plantes. Les substances induisant un myosis sont plus rares.
Examen des pupilles
L'examen des pupilles est détaillé dans la fiche n°3 . Nous rappelons ici qu'il comporte cinq temps auxquels peuvent s'ajouter l'observation des photographies anciennes et, en cas d'anisocorie, des tests aux collyres (voir fiche n° 32):
  • forme et taille des pupilles   : à la lumière ambiante, examen simultané des deux pupilles en demandant au patient de regarder au loin (on peut s'aider d'une planche de référence de cercles imprimés de diamètres connus pour estimer leur diamètre) ;
  • étude du RPM de chaque pupille dans une pièce sombre et en demandant au patient de regarder au loin ;
  • étude comparative de la réactivité pupillaire (RPM direct et consensuel) lors de l'éclairement alterné : dans une pièce sombre et en demandant au patient de regarder au loin, en recherchant un déficit pupillaire afférent relatif (DPAR, voir fiche n°32 ) ;
  • recherche d'une anisocorie , en faisant varier l'éclairage de la pièce, par l'examen simultané des deux pupilles (voir fiche n° 31). La pupille anormale est la moins variable à l'éclairement ;
  • appréciation de la contraction pupillaire en convergence , en cas d'absence de réaction pupillaire à la lumière.
Complément d'examen
L'innervation des pupilles est indissociable de celles des paupières  : le III innerve le releveur de la paupière supérieure (RPS), le sympathique innerve le muscle de Müller et le rétracteur de la paupière inférieure. Il faut donc s'assurer de l'absence d'asymétrie palpébrale: ptosis unilatéral ou fausse énophtalmie liée au rétrécissement de la fente palpébrale par l'atteinte combinée du muscle de Müller et du rétracteur de la paupière inférieure.
L'atteinte d'un nerf III peut entraîner une anisocorie avec une pupille plus large et aréactive et un strabisme paralytique avec une diplopie et une limitation variable de l'excursion des muscles droits supérieur, inférieur et médial.
Enfin, en cas d'anomalie de forme, de taille et de réactivité pupillaire, l'examen à la lampe à fente peut mettre en évidence une anomalie oculaire (synéchie ; uvéite ; anomalie irienne : iris transilluminable, tumeur, etc.)
Anomalies pupillaires
Seules seront développées ici la démarche diagnostique et les pathologies acquises de l'adulte (tableau 22-1
Tableau 22-1
Anomalies pupillaires acquises.
Anomalies pupillaires transitoires
  • Mydriase paroxystique bénigne
  • Migraine
  • III avec spasmes cycliques
  • III et réinnervation aberrante
  • Syndrome de Pourfour du Petit
Anomalies pupillaires permanentes
Unilatérales
Taille: anisocorie 
    • pupille tonique d'Adie
    • paralysie du III
    • syndrome de Pourfour du Petit
    • migraine
    • syndrome mésencéphalique postérieur
    • pharmacologique (toxique)
    • oculaire: traumatisme, glaucome aigu par fermeture de l'angle, synéchies, etc.
    • CBH
    • pupille d'Adie vieillie
    • réinnervation aberrante
    • pharmacologique
    • oculaire: synéchies
Forme: pupille de forme irrégulière 
  • Pupille tonique d'Adie
  • Anomalies iriennes: traumatisme, , synéchies, etc.
Asymétrie de la réaction pupillaire à la lumière (DPAR) et FO normal
  • Neuropathie optique unilatérale ou bilatérale asymétrique
  • Atteinte unilatérale du tractus optique
Anomalies pupillaires bilatérales
Anomalies de taille
  • Botulisme
  • Polyradiculonévrites aiguës (syndrome de Guillain-Barré, syndrome de Miller-Fischer, encéphalite de Bickerstaff, ophtalmoplégie aiguë sans ataxie)
  • Pupilles d'Argyll-Roberston
  • III nucléaire bilatéral
  • Syndrome mésencéphalique postérieur
  • Mort cérébrale
  • Pharmacologique
  • Plus rarement, toutes les autres causes d'atteinte unilatérale sauf l'anisocorie physiologique
Anomalies de forme
  • Pupille d'Adie
  • Anomalies iriennes
  • Pupilles d'Argyll-Roberston
  • III nucléaire bilatéral
CBH: syndrome de Claude Bernard-Horner ; DPAR: déficit pupillaire afférent relatif ; FO: fond d'œil ; ICE syndrome: .
), les anomalies congénitales et pédiatriques étant abordées dans le chapitre 26 .
Anomalies pupillaires unilatérales permanentes
Anisocories
L'examen des pupilles (voir fiches n° 3 et n° 31) permet de déterminer le côté anormal. Dans le cas où les deux pupilles sont réactives à la lumière et la convergence, se dilatent à l'obscurité et où la différence de taille semble stable, le diagnostic le plus probable est celui d'anisocorie physiologique. C'est dans ce cas qu'il faut vérifier l'absence d'asymétrie palpébrale et aussi le caractère ancien de l'anomalie sur des photographies anciennes ; ce dernier point peut être difficile en cas d'iris sombres. Au moindre doute, chez un adulte, il faut éliminer un CBH par un test à l'apraclonidine (voir fiche n°32).
Mydriase pathologique
Dans ce cas, la différence de taille est plus marquée en ambiance photopique et la réaction pupillaire lors de la convergence doit être testée. Devant une mydriase unilatérale aréactive, la crainte est celle d'une compression du nerf III, en particulier par un anévrisme ou une apoplexie pituitaire, mettant en jeu le pronostic vital. Le tableau est le plus souvent bruyant avec des céphalées brutales et une atteinte des autres muscles innervés par le III, responsable de ptosis et de diplopie. La règle actuelle, développée dans le chapitre 16 consacré aux paralysies oculomotrices, est d'imager immédiatement par imagerie par résonance magnétique (IRM) avec angio-IRM ou scanner avec angioscanner toute paralysie du III récente, en particulier s'il existe une mydriase du même côté.
Mydriase de la paralysie du III
La mydriase de la paralysie du III est aréactive à la lumière et ne réagit pas à l'accommodation-convergence à la phase aiguë.
Dans les espaces arachnoïdiens, les fibres à destinée pupillaire sont en périphérie du nerf, ce qui les rend vulnérables en cas de compression. La paralysie du III d'origine compressive, en particulier anévrismale, intéresse la pupille dans 64 à 95% des cas. Cependant, l'atteinte ischémique du III, chez le patient diabétique mal équilibré polyvasculaire et dans la maladie de Horton, est responsable d'une mydriase dans 14 à 38% des cas, avec une anisocorie en règle modérée. L'atteinte pupillaire n'est donc pas un argument formel pour affirmer ou exclure un mécanisme compressif et, devant une mydriase aréactive, il faut rechercher des signes frustes d'atteinte du III [5,6]. En cas d'atteinte chronique, on peut retrouver un certain nombre d'anomalies pupillaires qu'on a cru spécifiques de la pupille d'Adie: hypersensibilité à la pilocarpine diluée, mouvements vermiformes de la marge pupillaire et conservation du myosis à l'accommodation-convergence alors que le RPM est aboli. C'est donc davantage l'association à un déficit oculomoteur et/ou à un ptosis qui guide l'observateur vers une atteinte du III. La mydriase isolée, sans aucun déficit oculomoteur ni ptosis n'est quasiment jamais une paralysie du III d'origine compressive, mais en cas de survenue récente, il faut revoir rapidement le patient pour confirmer que la mydriase reste isolée.
Pupille tonique (ou pupille d'Adie)
Il s'agit d'une atteinte intéressant le ganglion ciliaire et/ou les nerfs ciliaires courts. Les symptômes initiaux comportent une mydriase non réactive à la lumière et à l'accommodation-convergence, et une cycloplégie avec gêne en vision de près. Bien qu'à ce stade, le diagnostic différentiel avec une atteinte pharmacologique soit difficile, dans la pupille d'Adie, il persiste presque toujours quelques zones innervées réagissant à la lumière que l'on peut observer grâce à un examen attentif à la lampe à fente, ce qui n'est pas le cas lors d'une atteinte pharmacologique. À ce stade, la pupille d'Adie se contracte toujours avec de la pilocarpine soit diluée à 0,1% après quelques jours, soit à 1% si l'atteinte est trop récente pour que l'hypersensibilité de dénervation apparaisse (fig. 22-3
Fig. 22-3
Pupille tonique d'Adie gauche.a.En ambiance photopique, la pupille gauche est plus large, non réactive à la lumière. b.En scotopique, les deux pupilles sont dilatées. c.Lors de la convergence soutenue, la pupille gauche devient plus petite que la droite. d.Après instillation de pilocarpine diluée 0,1% dans les deux yeux, la pupille gauche est plus petite que la droite (hypersensibilité de dénervation).
 ; voir fiche n°32). La mydriase pharmacologique ne réagit ni à l'un, ni à l'autre. Après quelques semaines, les fibres parasympathiques commencent à régénérer et l'accommodation récupère le plus souvent. La réinnervation du muscle sphincter de l'iris est souvent incomplète, ce qui donne à la pupille une forme irrégulière, certaines portions de la marge pupillaire sont alors animées de mouvements spontanés qualifiés de vermiformes. Enfin, certaines fibres destinées à l'accommodation se connectent de manière aberrante au muscle sphincter de l'iris, à l'origine d'un myosis à la convergence. Lors d'un effort d'accommodation-convergence soutenu, le myosis du côté de la pupille pathologique est alors plus lent, mais son amplitude peut dépasser celle du côté sain, la pupille pathologique devenant alors la plus petite. Lorsque l'effort de convergence est levé, la pupille d'Adie se dilate plus lentement, d'où son nom de pupille tonique [7]. Ces signes de réinnervation ne sont pas spécifiques et ont été décrits en cas de paralysie du III. Après de nombreuses années, la pupille d'Adie peut évoluer vers un myosis à l'état basal: c'est la pupille d'Adie vieillie. Le taux de bilatéralisation de l'affection est de l'ordre de 4% par an. Les causes de pupille tonique sont multiples. Parmi les étiologies d'atteinte unilatérale, on retrouve les traumatismes, la chirurgie oculaire, la photocoagulation panrétinienne, la trabéculoplastie au laser argon, la cryothérapie, la migraine et, exceptionnellement, les tumeurs et la chirurgie orbitaires. De nombreuses infections (zona, varicelle, rougeole, diphtérie, syphilis, maladie de Lyme, scarlatine, diphtérie, hépatites virales) ainsi que certaines maladies de système (telles que la polyarthrite rhumatoïde, la périartérite noueuse, la maladie de Horton) ont été incriminées. Le plus souvent cependant, cette affection survient de manière idiopathique chez la femme entre 20 et 50 ans. L'association à une aréflexie tendineuse est appelée syndrome d'Adie( Holmes-Adie syndrome dans la littérature anglophone). L'évaluation d'un patient avec une pupille tonique dépend de l'existence de symptômes et/ou signes associés et du terrain (antécédents de traumatisme, diabète, infection) ; elle peut comporter une numération formule sanguine (NFS), la vitesse de sédimentation (VS) et la C-reactive protein (CRP), une mesure de la glycémie, voire de l'hémoglobine glyquée, une sérologie syphilitique, voire une imagerie orbitaire, etc. Cependant, en cas de tableau typique avec confirmation pharmacologique chez une femme entre 20 et 50 ans sans antécédents, aucune investigation complémentaire n'est nécessaire [8].
Mydriase pharmacologique
La mydriase pharmacologique est en règle large, aréactive et, à la différence de la pupille d'Adie et de la mydriase associée à un III, elle reste inchangée après instillation de pilocarpine diluée et à pleine dose (1 ou 2%). Les agents en cause (collyres, patchs, aérosols, comprimés, plantes, etc.) sont énumérés dans le tableau 22-1[9].
Causes oculaires
Les causes oculaires sont nombreuses ; leur diagnostic, suspecté sur le contexte, est fait lors de l'examen à la lampe à fente ; citons :
  • la mydriase traumatique ;
  • le glaucome par fermeture de l'angle ;
  • les synéchies postérieures postuvéite ;
  • les séquelles de chirurgie ;
  • l'ischémie du segment antérieur, rare, qui comporte une mydriase totale ou partielle dans les secteurs d'hypoperfusion irienne et parfois une douleur, une inflammation du segment antérieur (effet Tyndall, flare , dépôts sur la capsule antérieure du cristallin), un œdème de cornée, avec ou sans kératopathie en bandelettes, un ulcère de cornée. Le contexte est soit celui d'yeux multi-opérés, en particulier sur un terrain cardiovasculaire fragile, soit celui de sténose très serrée (> 90 % en règle générale) de la carotide interne ou de l'artère ophtalmique réalisant un tableau d'hypoperfusion oculaire plus global incluant une rétinopathie de stase.
Syndrome de Pourfour du Petit ( Claude Bernard's syndrome )
La mydriase est liée à une hyperexcitation du système sympathique ; elle peut être transitoire ou permanente, voire précéder un CBH, et la réactivité à la lumière et à l'accommodation-convergence semble normale. Il peut s'y associer un élargissement de la fente palpébrale par rétraction des paupières et une hyperhydrose au niveau de la face. Le bilan, identique à celui d'un CBH, doit explorer le trajet du sympathique [10].
Myosis pathologique
En cas de myosis unilatéral, l'anisocorie se majore en ambiance scotopique.
Syndrome de Claude Bernard-Horner ou syndrome de Horner ( Horner syndrome )
Ce syndrome traduit une atteinte du sympathique sur une partie quelconque de son trajet. On observe un myosis, un discret ptosis et une anhydrose de la face homolatérale variable [11].
L'anisocorie est en général discrète, de l'ordre de 1 mm ou moins, majorée dans l'obscurité (fig. 22-4
Fig. 22-4
Syndrome de Claude Bernard-Horner gauche associé à un ptosis aponévrotique bilatéral.a.En ambiance photopique, ptosis plus marqué et myosis relatif à gauche. b.En ambiance scotopique, la pupille gauche se dilate mal et l'anisocorie se majore. c.Après instillation d'apraclonidine 0,5% dans chaque œil, la pupille gauche se dilate, l'anisocorie s'inverse et la pupille droite devient la plus petite. Le ptosis s'est également inversé.
).
Le myosis s'accompagne d'une lenteur à la décontraction pupillaire lors du passage d'un fort éclairage à un très faible éclairage avec majoration de l'anisocorie pendant les 5 secondes suivant l'instauration de l'obscurité. Ce signe est hautement spécifique d'un CBH, mais son absence n'élimine pas le diagnostic.
Le ptosis survient par atteinte du muscle de Müller et peut être discret ou même absent chez le sujet jeune (de l'ordre de 1 à 3 mm). Il est parfois important chez le sujet âgé lorsqu'il existe un ptosis aponévrotique sous-jacent, mais cela ne doit pas être un élément déterminant, si ce n'est qu'un CBH n'est jamais responsable d'un ptosis complet. Il existe également une atteinte des rétracteurs de la paupière inférieure, qui peut apparaître légèrement plus haute et l'on parle de «ptosis inverse ». Le rétrécissement de la fente palpébrale ainsi observé donne une impression d'énophtalmie, sans énophtalmie vraie.
L'anhydrose concerne l'intégralité de l'hémiface homolatérale en cas d'atteinte préganglionnaire (premier et deuxième neurones). En cas d'atteinte postganglionnaire, seules les fibres destinées au front et au nez sont concernées, rendant le diagnostic plus difficilement observable. L'atteinte est mise en évidence après un effort physique, à la chaleur, ou encore chez les nourrissons au moment des pleurs.
L'hétérochromie irienne est un signe de CBH congénital ou survenu très précocement au cours de la vie ; la mise en place de la pigmentation irienne est altérée par l'absence d'innervation sympathique, et il en résulte un iris plus clair du côté du CBH.
Dans tous les cas où l'atteinte clinique est équivoque, il est utile de pratiquer un test à l'apraclonidine ou à la cocaïne qui confirmera ou infirmera le diagnostic (voir fiche n° 32)[12]. Le collyre à l'hydroxyamphétamine n'étant pas disponible en France, il n'y a pas de possibilité de localiser l'atteinte sur la chaîne sympathique par un test au collyre.
Le syndrome d'Harlequin désigne une asymétrie de la coloration cutanée de la face, plus ou moins du cou et plus ou moins du thorax, par atteinte de la vasomotricité de la peau. Tout comme les anomalies de la sudation, elles sont plus facilement mises en évidence après un effort physique ou au moment des pleurs chez le nourrisson. La régulation de la vasomotricité cutanée est sous la dépendance d'une part de fibres sympathiques distinctes des fibres à destinée sudorale et pupillomotrice, mais qui suivent le même trajet, d'autre part du système parasympathique. Le syndrome d'Harlequin peut survenir de manière isolée, associé le plus souvent à un CBH mais aussi à une atteinte parasympathique, homolatérale.
L' approche anatomique du syndrome de Claude Bernard-Horner est la suivante (tableau 22-2
Tableau 22-2
Principales étiologies du syndrome de Claude Bernard-Horner: approche topographique, d'après[4].
Premier neuroneDeuxième neuroneTroisième neurone
  • Hypothalamus:
  • Tronc cérébral:
  • Moelle épinière:
  • Vertébral et paravertébral:
  • Plexus brachial inférieur:
  • Apex pulmonaire et médiastin:
  • Région cervicale antérieure:
  • Ganglion cervical supérieur:
  • Carotide interne:
  • Base du crâne et canal carotidien:
  • Sinus caverneux:
  • Orbite
AVC: accident vasculaire cérébral ; MAV: malformation artérioveineuse ; SEP: sclérose en plaques.
) :
  • Premier neurone   : l'atteinte du premier neurone, entre l'hypothalamus et le centre de Budge dans la moelle épinière, s'accompagne en général d'autres signes au premier plan du tableau (par exemple, syndrome de Wallenberg). L'association d'un CBH et d'une paralysie du IV controlatérale signe une lésion mésencéphalique au niveau du noyau du IV ou de son trajet fasciculaire.
  • Deuxième neurone   : à sa sortie de la moelle épinière, une partie des fibres est en rapport avec le dôme pleural et peut être atteinte par les cancers pulmonaires, lors des complications des pneumothorax et des drains pleuraux. Le passage de ces fibres sous les vaisseaux sous-claviers les rend vulnérables lors de cathétérismes centraux dans la veine sous-clavière. Les fibres ont alors un trajet cervical pour rejoindre le ganglion cervical supérieur, où elles peuvent être atteintes lors de procédures chirurgicales (pontages coronariens, sympathectomie pour hypersudation palmaire).
  • Troisième neurone   : les fibres sympathiques suivent d'abord le trajet de l'artère carotide primitive puis de la carotide interne ; elles peuvent être lésées à ce niveau par les tentatives de cathétérisme de la veine jugulaire. De 25 à 37 % des dissections carotidiennes cervicales s'accompagnent d'un CBH [13]. Parmi 90 patients porteurs de dissection carotidienne avec un CBH isolé, 12% ont présenté un accident vasculaire cérébral ischémique dans les 30 jours, dont environ un tiers dans les 24 heures, soulignant l'importance de faire le diagnostic de dissection carotidienne précocement devant un tableau de CBH récent [14]. La fréquence de la dissection carotidienne et sa gravité potentielle justifient de considérer que tout CBH douloureux isolé et récent est une dissection jusqu'à preuve du contraire et que ce diagnostic doit être éliminé en urgence par une imagerie vasculaire appropriée.
Si le sympathique est atteint au sein du sinus caverneux, le CBH s'accompagne d'autres signes cliniques. L'association CBH et paralysie du VI homolatérale est hautement évocatrice d'une atteinte du sinus caverneux bien que cette association puisse aussi résulter d'une lésion pontique. Les étiologies sont multiples: métastase, inflammation, fistule carotidocaverneuse, infection en particulier fongique, etc. De même, l'atteinte du sympathique au niveau orbitaire n'est jamais isolée et les étiologies se rapportent à la pathologie orbitaire en général.
L'algie vasculaire de la face est une étiologie classique de CBH, mais la localisation précise de l'atteinte fait débat. Le CBH est observé au moment des crises, mais 10 % des patients conservent un CBH permanent. De même, au cours d'une céphalée de SUNCT ( short-lasting unilateral neuralgiform headache attacks with conjunctival injection and tearing ), la survenue d'un CBH est possible.
Quel bilan pour un syndrome de Claude Bernard-Horner ? Les différentes études de la littérature rapportent une rentabilité très variable de l'imagerie de la chaîne sympathique, allant de 8 à 77%, qui dépend de l'ancienneté du CBH, de l'existence d'un contexte évocateur (chirurgie, traumatisme) ou non, et de la présence éventuelle de symptômes et de signes (douleur, paralysies oculomotrices) concomitants [15,16].
Le CBH douloureux est une urgence faisant redouter une dissection carotidienne. La douleur de la dissection carotidienne est cervicale ou bien projetée au niveau de l'œil. Elle peut être isolée ou associée à des signes d'hypoperfusion cérébrale ou oculaire. Le diagnostic peut être confirmé par l'angioscanner des vaisseaux du cou ou l'angio-IRM artérielle, réalisés en urgence. Le Doppler des vaisseaux du cou, s'il est normal, est insuffisant au bilan.
Dans tous les autres cas, la découverte d'un CBH récent ou d'ancienneté inconnue nécessite un bilan étiologique. S'il existe des signes associés, ceux-ci vont aider à localiser l'atteinte et à cibler l'imagerie. En cas de CBH isolé, l'imagerie devra explorer l'ensemble de la voie sympathique ; on peut proposer une IRM encéphalique et de la moelle cervicale et un scanner cervical étendu aux apex pulmonaires ; l'imagerie des carotides (angio-IRM artérielle ou angioscanner du cou s'étendant à la carotide intracrânienne) complétera l'un ou l'autre de ces examens à la recherche d'une dissection.
Un grand nombre de cas de CBH de découverte fortuite ont cependant un bilan négatif.
Autres causes de myosis
Les causes médicamenteuses de myosis unilatéral sont moins fréquentes que pour la mydriase et sont énumérées dans le tableau 22-1.
Enfin, après une paralysie du III, on peut observer un myosis permanent par réinnervation aberrante.
Déficit pupillaire afférent relatif
Les principales pathologies pourvoyeuses de DPAR (fig. 22-5
Fig. 22-5
Examen du déficit pupillaire afférent relatif (DPAR) par la technique de l'éclairement alterné.L'importance de la contraction pupillaire dépend de la quantité d'influx sommé dans les noyaux prétectaux. a.Examen normal, la taille de la pupille ne change pas lors du passage de la lumière d'un côté à l'autre. b.Neuropathie optique droite et DPAR droit: les deux pupilles se dilatent lors du passage de la lumière du côté gauche, sain, au côté droit pathologique et de l'éclairement droit.
) sont les neuropathies optiques quelle qu'en soit la nature, unilatérale ou bilatérale asymétrique. L'ampleur du DPAR est corrélée à la profondeur et l'étendue du déficit du champ visuel central. La neuropathie optique de Leber en revanche peut n'occasionner qu'un faible DPAR. Une atteinte du tractus optique peut également être responsable d'un DPAR controlatéral, car il y a plus de fibres ganglionnaires à mélanopsine qui décussent au niveau du chiasma que de fibres qui ne décussent pas. En cas de lésion unilatérale du noyau prétectal, on peut observer un DPAR controlatéral sans déficit visuel. Le DPAR n'est jamais bilatéral .
Parmi les autres étiologies de DPAR, on trouve les obstacles majeurs venant bloquer la transmission du signal lumineux dans un œil, par exemple une hémorragie du vitré massive, une occlusion de l'artère centrale de la rétine, de la veine centrale de la rétine avec ischémie, un décollement de rétine, etc. Ces causes ophtalmologiques sont généralement identifiées lors de l'examen clinique.
Anomalies de forme
Les pathologies donnant lieu à des anomalies permanentes de la forme de la pupille sont souvent également responsables d'anomalie de taille. On citera la pupille d'Adie et les anomalies iriennes. Parmi ces dernières, citons les traumatismes de l'iris, les synéchies iridocristalliniennes et les syndromes irido-cornéo-endothéliaux ( iridocorneal endothelial syndrome [ICE syndrome]).
Anomalies pupillaires transitoires
Mydriase paroxystique bénigne
Cette atteinte se caractérise par des épisodes itératifs de mydriase unilatérale paroxystique, la pupille restant ronde et aucune anomalie oculomotrice n'étant présente ; il s'y associe un trouble visuel homolatéral, en particulier de près, et parfois des céphalées ou des douleurs péri-oculaires [17,18]. Les épisodes durent de quelques minutes à quelques heures et ont tendance à récidiver. Le terrain est celui de la femme jeune, migraineuse et les rapports de cette entité avec la migraine sont discutés. Elle n'est pas associée à un désordre neurologique sous-jacent.
Tadpole pupil ou pupille en têtard
Cette atteinte est secondaire à une stimulation segmentaire du dilatateur de l'iris. C'est souvent un diagnostic d'interrogatoire. Le patient observe à plusieurs reprises qu'une pupille apparaît dilatée et de forme irrégulière pendant quelques minutes. Les épisodes peuvent se répéter plusieurs fois par jour ou semaines puis disparaître. Une photographie lors d'un épisode est d'une grande aide au diagnostic. Le bilan réalisé (IRM cérébrale et cervicale) est le plus souvent normal [19].
Syndrome de Claude Bernard-Horner intermittent
L'algie vasculaire de la face peut s'accompagner d'un CBH au moment de la crise. D'autres étiologies ont été associées à des CBH intermittents : la dissection carotidienne et les lésions de la moelle épinière. Des cas de CBH récidivants totalement isolés ont également été décrits. La survenue d'un CBH intermittent, en particulier lors d'une première crise d'algie faciale nécessite une imagerie de la chaîne sympathique (IRM cervicale et cérébrale avec angiographie par résonance magnétique) à la recherche d'une anomalie causale [8].
Anomalies pupillaires bilatérales
Pupilles d'Argyll-Roberston
Les deux pupilles sont en myosis, parfois inégales et réagissent mal à la lumière, avec un réflexe d'accommodation-convergence-myosis conservé (tableau 22-3
Tableau 22-3
Causes, localisations et mécanismes de dissociation des réactions pupillaires à la lumière (abolies) et à la convergence (conservées) ou light-near dissociation d'après[9].
CauseLocalisation de l'atteinteMécanisme
Baisse visuelle majeureVoie visuelle antérieure (rétine, NO+++) Atteinte de la rétine ou du NO 
Panphotocoagulation rétinienneNerfs ciliaires courtsRéinnervation aberrante du sphincter par fibres accommodatives
Pupille tonique (d'Adie)Ganglion ciliaireRéinnervation aberrante du sphincter par fibres accommodatives
Pupilles d'Argyll-RobertsonLésion tectaleAtteinte du tectum (neurosyphilis, tumeur, AVC, autres)
Réinnervation aberrante du III Nerf oculomoteur (III)Réinnervation aberrante du sphincter par fibres à destinée oculomotrices ou accommodatives
Neuropathie périphériqueNerfs ciliaires courtsPerte axonale
AVC: accident vasculaire cérébral ; NO: nerf optique.
) [20]. La dilatation pupillaire est médiocre. L'examen à la lampe à fente ne retrouve pas de mouvements vermiformes. Le tableau, initialement décrit chez des patients porteurs de neurosyphilis et devant lequel il faut demander une sérologie syphilitique, peut aussi se rencontrer au cours du diabète. À noter que cette présentation est plus rare mais voisine de celle de la pupille d'Adie bilatérale vieillie. Dans ce cas, il existe aussi une dissociation entre des réactions pupillaires absentes à la lumière et des réactions pupillaires conservées à la convergence, mais on retrouve habituellement des mouvements vermiformes. Devant ce tableau, il faut aussi demander une sérologie syphilitique.
Syndrome mésencéphalique dorsal ou prétectal
Le tableau correspond à une atteinte de la commissure postérieure dans la région prétectale, à la partie haute et postérieure du mésencéphale. Les pupilles sont en mydriase le plus souvent bilatérale, aréactive à la lumière avec, comme dans la pupille d'Argyll, une relative conservation du myosis à l'accommodation-convergence (tableau 22-3). Dans sa forme complète (voir chapitre 15 ), il s'y associe une cycloplégie, une paralysie du regard de type supranucléaire, un nystagmus retractorius, des anomalies palpébrales et des troubles de la convergence. Les causes les plus fréquemment retrouvées sont les tumeurs de la région pinéale et les accidents vasculaires cérébraux.
Anomalies pupillaires bilatérales lors d'atteintes du système nerveux autonome
Lorsque la taille des deux pupilles est anormale, il faut savoir si cette anomalie est isolée ou si elle s'intègre dans un tableau neurologique plus riche, avec en particulier d'autres anomalies du système nerveux autonome. L'atteinte pupillaire bilatérale est plus difficile à analyser en l'absence de pupille controlatérale pour servir de témoin. Pour une atteinte parasympathique, le diagnostic repose sur la présence d'une mydriase bilatérale en situation photopique avec mauvaise réaction pupillaire à la lumière, d'une hypersensibilité à la pilocarpine diluée et parfois de signes de dénervation-réinnervation aberrante. Le diagnostic de CBH bilatéral repose sur le myosis à l'obscurité, parfois le ptosis et le retard à la décontraction pupillaire, l'absence de dilatation à l'instillation de cocaïne, ou une dilatation anormale à l'instillation d'apraclonidine. Les causes et les mécanismes de ces atteintes bilatérales sont multiples.
On citera le diabète, l'amylose, les polyradiculonévrites aiguës (syndrome de Guillain-Barré, syndrome de Miller-Fisher, ophtalmoplégie aiguë sans ataxie), la maladie de Charcot-Marie-Tooth, le syndrome paranéoplasique de Lambert-Eaton et le botulisme [21,22]. Dans ce dernier, les manifestations cliniques sont liées à la toxine, le plus souvent présente dans un aliment mal stérilisé, qui bloque la transmission cholinergique au niveau du système nerveux périphérique. Après une incubation variable avec présence de signes digestifs, une paralysie flasque se développe. L'atteinte pupillaire parasympathique et l'ophtalmoplégie avec atteinte préférentielle de l'abduction comptent parmi les signes fréquents et précoces. L'atteinte pupillaire à la phase aiguë est celle d'une mydriase aréactive avec cycloplégie. Elle peut évoluer vers un tableau de pupille tonique avec réaction tonique de la pupille à l'accommodation-convergence, contractions sectorielles du bord pupillaire et hypersensibilité à la pilocarpine diluée. Ces anomalies peuvent être transitoires ou permanentes. Le diagnostic repose sur la sérologie.
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